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Date : 20210324


Dossier : A-245-19

Référence : 2021 CAF 61

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

 

ENTRE :

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

demandeur

 

 

et

 

 

REBECCA HANNA

 

 

défenderesse

 

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 19 janvier 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 24 mars 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20210324


Dossier : A-245-19

Référence : 2021 CAF 61

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

 

ENTRE :

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

demandeur

 

 

et

 

 

REBECCA HANNA

 

 

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1] Notre Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue le 29 mai 2019 par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (la division d’appel) (numéro de dossier AD-19-77). La division d’appel a accueilli l’appel interjeté par Mme Hanna à l’encontre de la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (la division générale). La division d’appel a conclu que Mme Hanna avait droit aux prestations prévues par la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi), pendant la période de congé allant de la fin juin 2018 au début de septembre 2018.

[2] Pour les motifs exposés ci-dessous, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire.

I. Le contexte

[3] Mme Hanna a été embauchée à titre d’enseignante par l’Algonquin and Lakeshore Catholic District School Board (le Conseil Scolaire). Du 6 novembre 2017 au 2 février 2018, elle a enseigné au même groupe pendant une heure chaque jour de classe. Le contrat applicable était un contrat ETP 0,17 (statut équivalent temps plein).

[4] Après cette période d’emploi, Mme Hanna a été embauchée par le Conseil Scolaire pour une autre période d’emploi à titre d’enseignante, à partir du 5 février 2018. Deux lettres du Conseil Scolaire liées à cet emploi figurent au dossier. Les deux lettres sont datées du 19 janvier 2018 et proviennent du même agent des ressources humaines. La copie de la lettre qui figure à la page 256 du dossier indique qu’elle a été signée par l’agent des ressources humaines, mais la copie de la lettre figurant à la page 337 du dossier n’est pas signée.

Plusieurs parties des deux lettres sont identiques, mais les lettres diffèrent à certains égards importants. Une comparaison des deux lettres révèle les différences suivantes : Lettre figurant à la page 256 du dossier

Lettre figurant à la page 337 du dossier

[traduction] La présente confirme votre acceptation d’un poste d’enseignant ETP 0,667 au titre d’un contrat de travail occasionnel de longue durée à la St Paul Catholic High School, en deux tranches OLD, à compter du 5 février 2018 pour la durée du deuxième semestre. […]

[Non souligné dans l’original.]

[traduction] La présente confirme votre acceptation d’un poste d’enseignant ETP 0,667 au titre d’un contrat de travail occasionnel de longue durée à la St Paul Catholic High School, en deux tranches OLD, à compter du 5 février 2018 jusqu’au retour au travail de l’enseignant permanent. […]

[traduction] À titre d’enseignante ayant un contrat de travail occasionnel de longue durée, vous recevrez la rémunération d’un enseignant occasionnel conformément à votre catégorie de QA. Vous ne serez pas admissible aux avantages sociaux, et vos prestations de retraite seront déduites de votre rémunération bimensuelle. Dès le retour au travail de l’enseignant permanent, vous réintégrerez votre poste d’enseignant occasionnel à la journée.

[…]

[…] Vous ne serez rémunérée que pour les jours travaillés et vous ne recevrez aucune indemnité de congés payés.

[Non souligné dans l’original.]

[5] L’une des lettres indiquait que Mme Hanna devait travailler jusqu’à la fin du deuxième semestre, tandis que l’autre lettre indiquait qu’elle ne serait employée que jusqu’au retour au travail de l’enseignant permanent. Rien n’explique pourquoi le Conseil Scolaire a envoyé des lettres contradictoires le même jour ni ne précise quelle était la lettre qui régissait l’emploi de Mme Hanna. Aucune des lettres ne renvoie à l’autre. Ni la division générale ni la division d’appel n’a fait mention de l’existence de ces deux lettres. Quoi qu’il en soit, Mme Hanna a travaillé jusqu’à la fin du deuxième semestre. Le 20 juin 2018, elle a accepté un contrat pour un poste permanent d’enseignant à temps plein pour l’année scolaire 2018-2019.

[6] Mme Hanna a présenté une demande de prestations en application de la Loi pour la période du 2 juillet au 31 août 2018.

[7] L’article 33 du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332 (le Règlement), restreint le droit des enseignants de demander des prestations en application de la Loi pour les semaines de chômage au cours de leur période de congé. Les paragraphes 33(1) et (2) du Règlement sont rédigés ainsi :

33 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

33 (1) The definitions in this subsection apply in this section.

enseignement La profession d’enseignant dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle. (teaching)

non-teaching period means the period that occurs annually at regular or irregular intervals during which no work is performed by a significant number of people employed in teaching. (période de congé)

période de congé La période qui survient annuellement, à des intervalles réguliers ou irréguliers, durant laquelle aucun travail n’est exécuté par un nombre important de personnes exerçant un emploi dans l’enseignement. (non-teaching period)

teaching means the occupation of teaching in a pre-elementary, an elementary or a secondary school, including a technical or vocational school. (enseignement)

(2) Le prestataire qui exerçait un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence n’est pas admissible au bénéfice des prestations, sauf celles prévues aux articles 22, 23, 23.1, 23.2 ou 23.3 de la Loi, pour les semaines de chômage comprises dans toute période de congé de celui-ci, sauf si, selon le cas :

(2) A claimant who was employed in teaching for any part of the claimant’s qualifying period is not entitled to receive benefits, other than those payable under section 22, 23, 23.1, 23.2 or 23.3 of the Act, for any week of unemployment that falls in any non-teaching period of the claimant unless

a) son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin;

(a) the claimant’s contract of employment for teaching has terminated;

b) son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;

(b) the claimant’s employment in teaching was on a casual or substitute basis; or

c) il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement.

(c) the claimant qualifies to receive benefits in respect of employment in an occupation other than teaching.

[8] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a conclu que Mme Hanna n’avait pas droit aux prestations pour les mois de juillet et août 2018, parce qu’elle ne satisfaisait à aucune des exceptions prévues au paragraphe 33(2) du Règlement. Mme Hanna a demandé le réexamen de cette décision. La Commission a maintenu sa position et Mme Hanna a alors interjeté appel auprès de la division générale. Son appel a été rejeté. Mme Hanna a alors demandé l’autorisation de porter cette décision en appel devant la division d’appel. L’autorisation a été accordée et l’appel a été entendu le 21 mai 2019. La décision de la division d’appel de faire droit à son appel est datée du 29 mai 2019 et fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

II. La décision de la division d’appel

[9] La division générale et la division d’appel n’ont tenu compte que des exceptions prévues aux alinéas 33(2)a) et b) du Règlement. Rien n’indiquait que Mme Hanna avait fondé sa demande de prestations sur un emploi autre que son emploi d’enseignante.

[10] Quant à la question de savoir si l’emploi de Mme Hanna avait pris fin (l’exception prévue à l’alinéa 33(2)a) du Règlement), la division d’appel a conclu que la division générale avait commis certaines erreurs en concluant que son contrat n’avait pas pris fin. Toutefois, la division d’appel a finalement conclu que l’emploi de Mme Hanna n’avait pas pris fin. Par conséquent, l’alinéa 33(2)a) du Règlement ne lui permettait pas de demander des prestations pendant la période de congé en cause. Puisque la division d’appel était d’accord avec la division générale sur l’issue de cette question, le procureur général ne conteste pas cette conclusion dans la présente demande.

[11] Bien qu’elle se soit présentée à l’audience en appel, Mme Hanna n’a pas contesté la conclusion de la division d’appel selon laquelle son contrat n’avait pas pris fin. Dans la présente demande, Mme Hanna n’a pas déposé d’avis de comparution. Comme Mme Hanna n’a pas déposé d’avis de comparution, il n’était pas nécessaire de lui signifier d’autres documents (Règle 145 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106). Mme Hanna n’a pas non plus déposé de mémoire des faits et du droit. Par conséquent, même si elle l’avait voulu, elle n’aurait pas pu contester cette conclusion à l’audience sur la présente demande.

[12] Par conséquent, la seule question à trancher dans la présente demande concerne la conclusion de la division d’appel selon laquelle la division générale a commis une erreur en concluant que Mme Hanna n’exerçait pas son emploi sur une base occasionnelle ou de suppléance. Aux paragraphes 32 à 34 de sa décision, la division d’appel a relevé les erreurs qui, selon elle, avaient été commises par la division générale.

[32] La division générale a jugé que, dans le cas de la prestataire, [traduction] « les deux contrats [à ETP 0,17 de novembre à février et à ETP 0,667 de février à juin] n’étaient ni prédéterminés ni continus. Elle a continué à dire que [traduction] « en d’autres termes », les contrats de travail occasionnel de longue durée ne comportaient pas d’enseignement [traduction] « sur appel » où on ne sait à quelle classe on enseignera le lendemain ». Il semblerait que la division générale a vu dans l’expression « de façon continue et prédéterminée » une locution interchangeable avec [traduction] « sur appel » ou synonyme. Il reste que cette locution « sur appel » est généralement applicable aux enseignants occasionnels. Le suppléant peut être sur appel, mais non nécessairement.

[33] Que la division générale se soit égarée ou non sur ce point, rien n’indique dans la décision qu’elle ait tenu compte du témoignage de la prestataire considérant son emploi comme de jour en jour, ni de l’éventualité que l’enseignante qu’elle remplaçait revienne en tout temps de son congé de maladie, ce qui aurait mis fin au contrat de l’intéressée.

[34] C’est là un grand facteur d’intérêt au moment de déterminer si la prestataire était employée de façon continue et prédéterminée. Je conclus que la division générale a commis une erreur relevant de l’article 58(1)c) de la LMEDS [la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34] en ne retenant pas le témoignage de l’intéressée selon lequel son contrat de travail occasionnel de longue durée pouvait prendre fin en tout temps avant la fin du trimestre en juin 2018.

[13] Au paragraphe 32, la division d’appel a affirmé que la division générale avait commis une erreur en interprétant l’expression « de façon continue et prédéterminée » comme étant synonyme de « sur appel ». Bien qu’il semble que la division d’appel n’ait pas fondé sa décision d’accueillir l’appel de Mme Hanna sur cette erreur qu’elle a relevée (puisque le début du paragraphe 33 commence par les mots « [q]ue la division générale se soit égarée ou non sur ce point [...] »), il ressort clairement de la décision de la division générale que cette dernière n’a pas vu dans les expressions « de façon continue et prédéterminée » et « sur appel » des expressions synonymes ou interchangeables.

[14] Le renvoi à l’enseignement « sur appel » se trouve au paragraphe 7 de la décision de la division générale :

[7] Deuxièmement, l’emploi d’enseignante que l’appelante a exercé pendant l’année scolaire 2017-2018 n’était pas sur une base occasionnelle ou de suppléance. Plus précisément, l’appelante a eu deux contrats d’enseignement pendant l’année scolaire, tous deux continus et pour une durée prédéterminée. Autrement dit, les deux contrats de l’appelante n’étaient pas des postes sur appel, c’est-à-dire que l’appelante ne saurait pas quel cours elle donnerait du jour au lendemain. Les deux contrats de l’appelante étaient plutôt continus et pour une durée prédéterminée. […] Je constate que l’appelante a soutenu que ses contrats d’enseignement pour l’année scolaire 2017-2018 étaient sur une base occasionnelle. Toutefois, ses contrats étaient continus et pour une durée prédéterminée, et ne remplissaient pas la condition d’exemption de l’enseignement sur une base occasionnelle ou de suppléance.

[Non souligné dans l’original.]

[15] Les deux contrats d’enseignement visés dans ce paragraphe 7 sont celui du 6 novembre 2017 au 2 février 2018 et le contrat subséquent, qui débutait le 5 février 2018.

[16] Il ressort clairement du paragraphe 7 de la décision de la division générale que cette dernière n’a pas confondu les expressions « sur appel » et « de façon continue et prédéterminée », comme l’a conclu la division d’appel. La division générale a mentionné explicitement que, puisque les contrats d’enseignement étaient tous les deux « continus et pour une durée prédéterminée », ils « n’étaient pas des postes sur appel ».

[17] Il semble que la division d’appel ait fondé sa décision d’accueillir l’appel de Mme Hanna sur sa conclusion voulant que la division générale n’ait pas tenu compte des éléments de preuve de Mme Hanna, selon lesquels elle considérait son contrat comme étant un contrat de suppléance et qu’il pouvait prendre fin dès le retour au travail de l’enseignant qu’elle remplaçait. La division d’appel, après avoir conclu que la division générale avait commis l’erreur qu’elle a relevée, a fait observer qu’en application de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34 (la LMEDS), elle avait le pouvoir de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. La division d’appel a alors tiré sa propre conclusion selon laquelle Mme Hanna était employée comme enseignante suppléante et qu’elle satisfaisait donc aux exigences de l’exception prévue à l’alinéa 33(2)b) du Règlement.

III. La question en litige et la norme de contrôle

[18] Dans la présente demande, la question en litige est de savoir si la division d’appel a commis une erreur en concluant que l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS lui permettait d’infirmer la décision de la division générale. La norme de contrôle est celle de la décision raisonnable (Cameron c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 100, para. 3; Court c. Canada (Procureur général), 2020 CAF 199, para. 4).

IV. Analyse

[19] Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov), les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada, au paragraphe 108, ont noté l’importance du régime législatif applicable lorsqu’une cour de justice est appelée à contrôler une décision administrative :

[108] Comme les décideurs administratifs tiennent leurs pouvoirs d’une loi, le régime législatif applicable est probablement l’aspect le plus important du contexte juridique d’une décision donnée. Le fait que les décideurs administratifs participent, avec les cours de justice, à l’élaboration du contenu précis des régimes administratifs qu’ils administrent, ne devrait pas être interprété comme une licence accordée aux décideurs administratifs pour ignorer ou réécrire les lois adoptées par le Parlement et les législatures provinciales. Ainsi, bien qu’un organisme administratif puisse disposer d’un vaste pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit de prendre une décision en particulier, cette décision doit en fin de compte être conforme « à la raison d’être et à la portée du régime législatif sous lequel elle a été adoptée » : Catalyst [Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2], par. 15 et 25‑28; voir aussi Green [Green c. Société du Barreau du Manitoba, 2017 CSC 20], par. 44. En effet, comme le faisait remarquer le juge Rand dans l’arrêt Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121, p. 140, [traduction] « il n’y a rien de tel qu’une “discrétion” absolue et sans entraves », et tout exercice d’un pouvoir discrétionnaire doit être conforme aux fins pour lesquelles il a été accordé : voir aussi Congrégation des témoins de Jéhovah de St‑Jérôme‑Lafontaine [Congrégation des témoins de Jéhovah de St-Jérôme-Lafontaine c. Lafontaine (Village), 2004 CSC 48], par. 7; Montréal (Ville) c. Administration portuaire de Montréal, 2010 CSC 14, [2010] 1 R.C.S. 427, par. 32‑33; Nor‑Man Regional Health Authority [Nor-Man Regional Health Authority Inc. c. Manitoba Association of Health Care Professionals, 2011 CSC 59], par. 6. De même, la décision doit tenir compte de toute contrainte plus précise clairement imposée par le régime législatif applicable, telle que les définitions, les formules ou les principes prévus par la loi qui prescrivent l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire : voir Montréal (Ville), par. 33 et 40‑41; Canada (Procureur général) c. Almon Equipment Limited, 2010 CAF 193, [2011] 4 R.C.F. 203, par. 38‑40. Le régime législatif oriente également les approches acceptables en matière de prise de décisions : par exemple, lorsque le décideur dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire, il serait déraisonnable de sa part d’entraver un tel pouvoir discrétionnaire : voir Delta Air Lines [Delta Air Lines Inc. c. Gábor Lukács, 2018 CSC 2], par. 18.

[20] Le régime législatif applicable aux appels devant la division d’appel est énoncé dans la LMEDS. L’article 58 de la LMEDS prévoit notamment les moyens d’appel devant la division d’appel d’une décision de la division générale.

58 (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

58 (1) The only grounds of appeal are that

a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

(a) the General Division failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;

b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

(b) the General Division erred in law in making its decision, whether or not the error appears on the face of the record; or

c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(c) the General Division based its decision on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.

[21] Au paragraphe 34 de sa décision, la division d’appel a conclu que la division générale avait commis une erreur relevant de l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS « en ne retenant pas le témoignage de [Mme Hanna] selon lequel son contrat de travail occasionnel de longue durée pouvait prendre fin en tout temps avant la fin du trimestre en juin 2018 ». Il semble donc que le motif pour accueillir l’appel de Mme Hanna était la « conclusion de fait erronée » tirée par la division générale « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Rien n’indique que la division générale ait tiré une conclusion de fait « de façon abusive ou arbitraire ».

[22] Toutefois, en l’espèce, rien n’indiquait que la division générale n’avait pas « [retenu] le témoignage de [Mme Hanna] selon lequel son contrat de travail occasionnel de longue durée pouvait prendre fin en tout temps avant la fin du trimestre en juin 2018 ». Au paragraphe 7 de la décision de la division générale, le membre a noté ce qui suit : « Je constate que l’appelante a soutenu que ses contrats d’enseignement pour l’année scolaire 2017-2018 étaient sur une base occasionnelle. » Par conséquent, la division générale a tenu compte du témoignage de Mme Hanna.

[23] L’alinéa 58(1)c) de la LMEDS ne permet pas à la division d’appel d’infirmer une décision de la division générale simplement parce qu’elle parviendrait à une autre conclusion après avoir soupesé différemment les éléments de preuve.

[24] Dans l’arrêt Garvey c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 118, notre Cour a fait observer ce qui suit :

[5] Au titre du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34 (la LMEDS), la division d’appel peut modifier des conclusions de fait ou des conclusions mixtes de fait et de droit (qui ne révèlent pas une erreur de droit isolable) tirées par la division générale, uniquement si cette dernière a tiré ses conclusions de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance. Ce critère, plus strict que la réévaluation des éléments de preuve, oblige la division d’appel à décider si les conclusions de fait tirées par la division générale étaient déraisonnables, et non si elles étaient inexactes.

[6] Lorsqu’un tribunal tire des conclusions de fait qui contredisent carrément les éléments de preuve ou qui ne sont pas étayées par ces derniers, il peut être affirmé qu’il a tiré ses conclusions de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance. Or, ce qui ressort des affaires Karadeolian, Griffin et Murphy c’est que la division d’appel devrait faire droit à la demande de permission d’en appeler lorsque la division générale pourrait avoir mal interprété des éléments de preuve importants ou ne pas avoir tenu compte de tels éléments; l’article 58 de la LMEDS autorise alors l’intervention de la division d’appel, puisqu’il pourrait être affirmé que cette conclusion a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve. Les causes précitées ne permettent pas d’affirmer que la division d’appel pourrait soupeser à nouveau les éléments de preuve dont disposait la division générale.

[Non souligné dans l’original.]

[25] Il semble qu’en tirant la conclusion que Mme Hanna exerçait son emploi d’enseignante « sur une base occasionnelle ou de suppléance », la division d’appel n’a fait que soupeser à nouveau les éléments de preuve. Toutefois, l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS ne dispose pas que le défaut de la division générale d’accorder le poids approprié à un élément de preuve donné constitue un moyen d’appel valable. Il prévoit un moyen valable seulement en cas de conclusion de fait tirée « de façon abusive ou arbitraire » ou « sans tenir compte des éléments portés à [l]a connaissance » de la division générale.

[26] Dans sa décision, la division d’appel n’a pas mentionné l’existence des deux lettres d’emploi que Mme Hanna avait reçues du Conseil Scolaire. Dans l’une des deux lettres, il était indiqué que son poste pouvait prendre fin à tout moment dès le retour au travail de l’enseignant permanent. Cette condition ne figurait toutefois pas dans l’autre lettre, qui indiquait qu’elle exerçait son emploi jusqu’à la fin du deuxième semestre. Il était déraisonnable que la division d’appel conclue que « [la division générale] a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée [...] sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Les éléments de preuve dont disposait la division générale comprenaient un contrat qui stipulait que Mme Hanna serait son employée jusqu’à la fin du deuxième semestre, sans aucune indication que le contrat prendrait fin dès le retour au travail de l’enseignant qu’elle remplaçait.

[27] Dans sa décision, la division d’appel a affirmé que la division générale n’avait pas tenu compte du témoignage de Mme Hanna, malgré le fait que la division générale y avait expressément renvoyé. La division d’appel n’a pas non plus mentionné qu’il existait une lettre au dossier qui confirmait la conclusion de la division générale selon laquelle Mme Hanna avait été employée pendant toute la période du deuxième semestre. Ces lacunes ou déficiences sont « suffisamment capitale[s] ou importante[s] pour rendre [la] décision [de la division d’appel] déraisonnable » (Vavilov, para. 100) compte tenu du régime législatif qui limite les moyens d’appel, en particulier le moyen sur lequel s’est fondée la division d’appel, soit que « [la division générale] a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée [...] sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ».

V. Conclusion

[28] Par conséquent, j’accueillerais la présente demande de contrôle judiciaire au motif que la division d’appel n’a établi aucun moyen d’appel applicable qui lui aurait permis d’infirmer la décision de la division générale. Sa décision est donc déraisonnable. Dans la présente demande, le seul redressement demandé par la Couronne est le renvoi de l’affaire à la division d’appel pour qu’elle soit tranchée par un autre membre.

[29] Par conséquent, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire, j’annulerais la décision de la division d’appel et je renverrais l’affaire à la division d’appel pour nouvelle décision par un autre membre. Comme la Couronne n’a pas demandé les dépens, je ne les adjugerais pas.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Richard Boivin, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

George R. Locke, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE DE LA DÉCISION RENDUE LE 29 MAI 2019 PAR LA DIVISION D’APPEL DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE,

NUMÉRO DE DOSSIER DU TRIBUNAL AD-19-77

DOSSIER :

A-245-19

 

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. REBECCA HANNA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 janvier 2021

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

DATE DES MOTIFS :

Le 24 mars 2021

COMPARUTIONS :

Marcus Dirnberger

Pour le demandeur

Rebecca Hanna

POUR SON PROPRE COMPTE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour le demandeur

 

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