Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20210331


Dossier : A-11-20

Référence : 2021 CAF 66

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LA JUGE WOODS

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

DOW & DUGGAN LOG HOMES INTERNATIONAL (1993) LIMITED

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 24 mars 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 31 mars 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE WOODS

LA JUGE RIVOALEN

 


Date : 20210331


Dossier : A-11-20

Référence : 2021 CAF 66

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LA JUGE WOODS

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

DOW & DUGGAN LOG HOMES INTERNATIONAL (1993) LIMITED

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRATAS

[1] L’appelante interjette appel du jugement rendu par la juge Wong de la Cour canadienne de l’impôt (2019 CCI 280).

[2] L’appelante affirme que la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur de droit en se fondant sur des éléments de preuve contenus dans un recueil de documents qui ne faisait pas dûment partie du dossier de la preuve. L’appelante ajoute que certains de ces documents constituent une preuve par ouï-dire.

[3] Je ne tiendrais pas compte de ces observations. Durant l’instance devant la Cour canadienne de l’impôt, l’appelante ne s’est pas opposée à l’admission en preuve des documents (p. ex. en invoquant le fait qu’il s’agissait d’une preuve par ouï-dire), ni à l’usage sans restriction de ces documents.

[4] Lorsque des éléments de preuve sont présentés en première instance et que la partie opposée considère que ces éléments de preuve sont inadmissibles ou que leur usage doit être restreint, la partie doit signifier son opposition. Dans son opposition, la partie doit clairement indiquer à la Cour qu’une décision sur la preuve doit être rendue. Si aucune opposition en ce sens n’est formulée, la Cour et toutes les parties ont le droit de poursuivre en tenant pour acquis que les éléments de preuve sont admissibles et qu’aucune restriction n’en limite l’utilisation.

[5] Si la partie opposée n’expose pas clairement sa thèse, la bonne pratique judiciaire consiste à faire un suivi et à clarifier s’il y a ou non opposition. Le fait de ne pas clarifier cette question – et de laisser planer l’imprécision et le doute – peut semer la confusion et parfois donner gain de cause en appel.

[6] La Cour d’appel de l’Ontario a récemment examiné les questions de l’admission de preuve, de l’utilisation de la preuve et des oppositions : Girao v. Cunningham, 2020 ONCA 260, 2 C.C.L.I. (6th) 15, par. 33 et 34. Dans une décision ultérieure, elle a souligné l’importance pour les tribunaux de première instance de clarifier toute incertitude sur ces questions : Bruno v. Dacosta, 2020 ONCA 602, 69 C.C.L.T. (4th) 171, par. 53 à 66. Ces décisions donnent ouverture aux observations susmentionnées. Elles offrent également des conseils avisés aux juges de première instance et aux avocats.

[7] En l’espèce, il était loisible à la Cour canadienne de l’impôt de considérer que le recueil de documents était admissible et qu’aucune restriction n’en limitait l’utilisation. L’intimée a présenté le recueil de documents à la Cour. La Cour a demandé à l’appelante si elle avait quelque opposition [traduction] « relativement au dépôt et au marquage » de ces documents. L’appelante a répondu, [traduction] « Non, votre Honneur, car nous nous sommes essentiellement mis d’accord, bien que certaines questions en litige persistent ». L’appelante a ensuite soulevé les questions de l’utilité et de la pertinence, d’une manière imprécise et quelque peu vague.

[8] La Cour n’a pas ainsi été saisie d’un avis suffisant quant à la nécessité de solliciter des observations et de statuer sur l’admissibilité ou l’utilisation de la preuve. Dans l’ensemble, compte tenu de la réponse de l’appelante à la question de la Cour canadienne de l’impôt, il était loisible à la Cour de tenir pour acquis qu’il n’y avait aucune opposition et que les documents pouvaient être utilisés pour la véracité de leur contenu.

[9] Même si l’appelante avait formulé une opposition valable et que le recueil de documents était inadmissible, le résultat du présent appel serait le même. L’appelante a omis de présenter une preuve à première vue suffisante pour réfuter les présomptions du ministre en conformité avec les principes énoncés dans l’arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 RCS 336, 148 D.L.R. (4th) 1. La Cour canadienne de l’impôt a formulé des conclusions de fait (aux paragraphes 40, 41, 44, 47, 57, 58, 69, 74 et 95) dans lesquelles elle rejetait des éléments clés des arguments de l’appelante.

[10] L’appelante prétend en outre que la Cour canadienne de l’impôt a fait abstraction d’éléments de preuve lorsqu’elle a statué sur son appel en matière fiscale. Je rejette cette prétention. Le défaut de la Cour de mentionner des éléments de preuve dans ses motifs ne signifie pas qu’elle n’en a pas tenu compte : Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, [2018] 2 RCF 344, par. 66 à 69. On présume que la Cour a tenu compte de tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 RCS 235, par. 46.

[11] Les tribunaux de première instance doivent toutefois faire preuve de prudence. Si le critère élevé pour juger de l’insuffisance des motifs n’est pas satisfait, les cours d’appel peuvent annuler les jugements en première instance : voir R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, [2002] 1 RCS 869 et autres arrêts connexes de la Cour suprême. En réponse à une question de la Cour, l’appelante a confirmé qu’elle ne soulevait pas cette question en l’espèce.

[12] L’appelante conteste également les conclusions de fait et de droit de la Cour canadienne de l’impôt, et remet essentiellement en question le poids que la Cour a accordé à certains éléments de preuve. Je rejette également cette prétention. Nous ne pondérons pas de nouveau les éléments de preuve qui ont été présentés au tribunal de première instance, ni n’infirmons sa décision simplement parce que nous parvenons à une conclusion différente : arrêt Mahjoub, par. 70.

[13] L’appelante prétend que la pénalité qui lui a été imposée par la Cour canadienne de l’impôt doit être annulée, au motif que la Cour de l’impôt s’est fondée sur une preuve par ouï-dire pour en justifier l’imposition. Je rejette cette prétention. Des éléments de preuve présentés lors de l’audience appuyaient l’imposition de la pénalité, et ces éléments de preuve n’ont fait l’objet d’aucune opposition.

[14] Par conséquent, je rejetterais l’appel avec dépens.

« David Stratas »

j.c.a.

« Je souscris à ces motifs.

Judith Woods, j.c.a. »

« Je souscris à ces motifs.

Marianne Rivoalen, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-11-20

APPEL D’UN JUGEMENT DE L’HONORABLE JUGE S. WONG DATÉ DU 12 DÉCEMBRE 2019, DOSSIER NO 2017-2928(GST)G

INTITULÉ :

DOW & DUGGAN LOG HOMES INTERNATIONAL (1993) LIMITED c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 24 mars 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE WOODS

LA JUGE RIVOALEN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 31 mars 2021

 

COMPARUTIONS :

Melanie Petrunia

 

Pour l’appelante

 

Stan McDonald

 

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nijhawan McMillan Petrunia

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

Pour l’appelante

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour l’intimée

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.