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Date : 20210325


Dossier : A-269-20

Référence : 2021 CAF 63

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

GOOGLE CANADA CORPORATION, GOOGLE LLC ET ALPHABET INC.

appelantes

et

PAID SEARCH ENGINE TOOLS, LLC

intimée

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 17 mars 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 25 mars 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20210325


Dossier : A-269-20

Référence : 2021 CAF 63

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

GOOGLE CANADA CORPORATION, GOOGLE LLC ET ALPHABET INC.

appelantes

et

PAID SEARCH ENGINE TOOLS, LLC

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1] Les appelantes, Google Canada Corporation, Google LLC et Alphabet Inc. (Google), interjettent appel de l’ordonnance et des motifs de la juge McVeigh (la juge saisie de la requête) de la Cour fédérale, datés du 22 octobre 2020, selon lesquels leur demande à la Cour fédérale de statuer sur un point de droit conformément à l’alinéa 220(1)a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles) a été rejetée.

[2] L’instance sous-jacente est une action intentée par l’intimée Paid Search Engine Tools, LLC (PSET) le 12 janvier 2018 et visant à obtenir des mesures de redressement aux termes de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4 (la Loi sur les brevets) pour des actes allégués de contrefaçon du brevet canadien no 2 415 167 (le brevet 167) remontant à 2002, année de publication de la demande de brevet 167. Le brevet 167 n’a été délivré qu’en 2017.

[3] Le paragraphe 55(2) de la Loi sur les brevets prévoit une responsabilité pour les dommages subis avant la délivrance d’un brevet, à compter de la date de publication du brevet. Le paragraphe 55(4) ajoute que la conduite adoptée avant la délivrance du brevet est réputée être un acte de contrefaçon du brevet.

[4] Dans leur défense et demande reconventionnelle, les appelantes ont fait valoir que l’intimée n’avait droit à aucune mesure de redressement pour tout acte de contrefaçon survenu le ou avant le 12 janvier 2012, soit six ans avant l’introduction de l’action en contrefaçon. Pour étayer cette proposition, elles s’appuient sur l’article 55.01 de la Loi sur les brevets, qui est rédigé comme suit :

Prescription

Limitation

55.01 Tout recours visant un acte de contrefaçon se prescrit à compter de six ans de la commission de celui-ci.

55.01 No remedy may be awarded for an act of infringement committed more than six years before the commencement of the action for infringement.

[5] Dans sa réponse et défense à la demande reconventionnelle, l’intimée a nié que le délai de prescription la prive des mesures de redressement demandées. Google a ensuite présenté, un an et demi plus tard, une requête aux termes de l’alinéa 220(1)a) des Règles, demandant que soit rendue une décision préliminaire sur le point de droit allégué qui suit :

[traduction]

La prescription de six ans prévue à l’article 55.01 de la Loi sur les brevets s’applique-t-elle à une demande d’« indemnisation raisonnable » pour un acte « faisant subir un dommage » en application de l’article 55(2) de la Loi sur les brevets, de sorte que dans la présente action, aucune mesure de redressement, y compris aucune indemnisation raisonnable, ne peut être accordée pour tout acte de contrefaçon commis avant le 12 janvier 2012?

[6] Conformément à l’alinéa 220(1)a) des Règles, la Cour doit d’abord déterminer s’il y a lieu, dans les circonstances particulières de l’affaire, que le point proposé fasse l’objet d’une requête préliminaire avant le procès. Ce n’est que lorsque la Cour répond à cette question par l’affirmative qu’elle passe à la deuxième étape pour déterminer la question de droit tel qu’elle a été énoncée et approuvée par la Cour à la première étape. Ce processus en deux étapes est parfois fusionné lorsque les parties s’entendent sur le ou les points de droit à soumettre à la Cour : voir, par exemple, Rogers Communications Partnership c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN), 2016 CAF 28, 480 N.R. 325, par. 42 et 48 [arrêt Rogers]. En l’espèce, il n’y a pas eu d’entente de ce genre entre les parties et il incombait donc à la partie qui cherchait à obtenir une décision préliminaire sur un point de droit de présenter d’abord une requête à cet effet. En effet, l’avis de requête de Google devant la Cour fédérale visait à obtenir une ordonnance [traduction] « autorisant les défenderesses à demander qu’il soit statué » sur le point de droit mentionné ci-dessus.

[7] Puisque l’alinéa 220(1)a) des Règles n’envisage que la décision sur des questions de droit, les questions proposées à la Cour doivent satisfaire aux trois exigences suivantes : (1) qu’aucun fait essentiel à la question de droit à être tranchée n’est contesté; (2) que ce qui doit être tranché est une pure question de droit; et (3) que la décision disposera de manière définitive d’un point en litige de sorte que soit éliminée la nécessité d’un procès, ou s’il y a procès, il sera tout au moins abrégé ou plus rapide : voir, par exemple, Berneche c. Canada, [1991] 3 C.F. 383, 133 N.R. 232 (C.A.), par. 6, cité avec approbation dans l’arrêt Rogers, par. 43. Cette dernière exigence vise à assurer que la question proposée n’est pas purement théorique et qu’elle est susceptible de régler, en tout ou en partie, le litige.

[8] Il convient de souligner que la décision sur une question de droit avant le procès constitue une dérogation à la règle générale selon laquelle l’ensemble de l’affaire doit être entendu et tranché en une seule fois. Par conséquent, la Cour conserve toujours son pouvoir discrétionnaire de ne pas accueillir une requête aux termes de l’alinéa 220(1)a) des Règles, même lorsque la question à traiter est une pure question de droit, si elle ne peut conclure que l’adoption de cette ligne de conduite exceptionnelle permettra d’économiser temps et argent. En effet, comme l’a affirmé le juge Létourneau dans l’arrêt Perera c. Canada, [1998] 3 C.F. 381, 225 N.R. 162, par. 15 [arrêt Perera], et je cite : « la Cour doit examiner tous les faits de l’espèce qui, à son avis, sont favorables ou défavorables à la décision d’accueillir la requête ».

[9] En appliquant ces principes, le tribunal de première instance a conclu que la question proposée par Google n’était pas une pure question de droit. Pour en arriver à cette conclusion, la juge saisie de la requête a essentiellement décidé que la règle de la possibilité de découvrir s’applique au délai de prescription énoncé à l’article 55.01 de la Loi sur les brevets, de sorte que la question proposée par Google ne peut être une pure question de droit. En effet, selon cette approche à l’égard de l’article 55.01, il faudrait évaluer les faits pertinents selon ce que connaît PSET de la contrefaçon et de la cristallisation de son moyen d’action. Dans le même ordre d’idées, la juge saisie de la requête a également conclu que la réponse à la question proposée ne serait pas concluante quant à la question de droit; après avoir conclu que la règle de la possibilité de découvrir les faits s’applique à la prescription énoncée à l’article 55.01, la Cour devrait nécessairement décider comment la prescription s’applique aux faits particuliers de l’espèce. Enfin, la Cour fédérale a conclu que la décision sur la question proposée ne permettrait pas d’économiser du temps et de l’argent pour diverses raisons, qui sont examinées plus en détail ci-dessous.

[10] En appel, Google a adopté la thèse selon laquelle la juge saisie de la requête a commis une erreur en concluant que la règle de la possibilité de découvrir s’applique à la prescription prévue à l’article 55.01 de la Loi sur les brevets. En raison de cette erreur alléguée, la Cour fédérale aurait conclu à tort que la question proposée n’était pas une pure question de droit et qu’il n’y aurait aucune économie de temps et d’argent si la question était tranchée avant le procès, qui doit commencer en juin 2021.

[11] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire de décider si le délai de prescription est assujetti à la règle de la possibilité de découvrir. Comme je l’ai déjà mentionné, la seule question à déterminer à la première étape d’une requête aux termes de l’alinéa 220(1)a) des Règles consiste à savoir si la question proposée peut être tranchée de façon appropriée avant le procès. Peut-être en raison des arguments détaillés présentés par les avocats des deux parties sur la question de fond soulevée par la question proposée, la juge saisie de la requête a effectivement abordé cette question et y a répondu. Pour ainsi dire, elle a fusionné les deux étapes du processus et est allée au-delà de la mesure de redressement demandée dans la requête qui lui était soumise. Ce faisant, je suis respectueusement d’avis qu’elle a commis une erreur.

[12] Devant nous, les observations écrites ont été imprégnées de cette même confusion. Les avocats ont longuement débattu de l’interprétation à donner à l’article 55.01 de la Loi sur les brevets, tout en se demandant si le tribunal de première instance a commis une erreur susceptible de révision en rejetant la requête des appelantes visant à demander à la Cour fédérale qu’elle ordonne qu’il soit statué sur la question proposée en tant que point de droit avant le procès, conformément à l’alinéa 220(1)a) des Règles. Après avoir été longuement interrogé par la Cour à l’audience, l’avocat des appelantes a reconnu que la seule mesure de redressement que la Cour pouvait offrir si elle accueillait l’appel, conformément au sous-alinéa 52b)(i) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, était d’accorder l’ordonnance que la Cour fédérale aurait dû accorder et donc d’ordonner qu’il soit statué sur la question proposée (ou sur une version révisée de celle-ci). Cela est en effet conforme à l’ordonnance demandée tant dans l’avis d’appel que dans le mémoire des faits et du droit des appelantes. Par conséquent, je ne souhaite pas exprimer de point de vue sur le fond de la question juridique soulevée par les appelantes dans leur requête, et les présents motifs ne doivent pas être considérés comme une approbation des points de vue exprimés par la juge saisie de la requête quant à l’application de la règle de la possibilité de découvrir dans le contexte de l’article 55.01 de la Loi sur les brevets.

[13] En ce qui concerne l’essentiel du présent appel, la question à laquelle il faut répondre est relativement simple : la juge saisie de la requête a-t-elle commis une erreur en rejetant la requête des appelantes? Pour répondre à cette question, je dois être guidé par les exigences découlant de l’alinéa 220(1)a) des Règles et par les principes élaborés dans la jurisprudence. Plus particulièrement, je dois évaluer si la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que la question proposée n’est pas une pure question de droit et en estimant que, de toute façon, sa décision ne disposerait pas de manière définitive de l’action et ne permettrait pas d’économiser du temps et de l’argent.

[14] Comme la Cour l’a énoncé dans l’arrêt Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, [2017] 1 R.C.F. 331, la norme de contrôle applicable aux appels d’ordonnances discrétionnaires d’un juge saisi d’une requête est celle formulée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. Par conséquent, les questions de droit doivent être examinées selon la norme de la décision correcte, tandis que les questions de fait et les questions de droit et de fait, ne comprenant pas une règle de droit isolable, sont assujetties à la norme de l’erreur manifeste et dominante.

[15] Il ne fait aucun doute dans mon esprit que, si la question proposée était passée à la deuxième étape, la norme de contrôle applicable n’aurait pu être que celle de la décision correcte. Par définition, seules les questions de droit peuvent être tranchées par la Cour avant le procès. Cependant, à la première étape d’une requête présentée aux termes de l’alinéa 220(1)a) des Règles, la Cour n’est pas appelée à décider de la question proposée; elle cherche plutôt à savoir si cette question peut faire l’objet d’une décision avant le procès. Pour répondre à cette question, le juge doit appliquer le droit à la question qui lui est posée, dans le contexte factuel de l’affaire. Il est préférable de qualifier les présentes questions de questions de droit et de fait. À ce titre, elles sont susceptibles de révision selon la norme de l’erreur manifeste et dominante. Rien n’indique que la juge saisie de la requête s’est mal orientée en ce qui concerne le droit régissant la requête dont elle était saisie ou qu’elle a commis une erreur de droit isolable.

[16] Je suis disposé à accepter que la question proposée par les appelantes à la juge saisie de la requête fût une pure question de droit. La question de savoir si la règle de la possibilité de découvrir s’applique au délai de prescription prévu à l’article 55.01 de la Loi sur les brevets est manifestement une question à laquelle on peut répondre uniquement en se fondant sur un raisonnement juridique et qui n’est pas fondée sur l’évaluation des faits. De plus, on a conclu, dans le cadre de décisions antérieures, que l’application d’un délai de prescription est une question de droit qui peut être tranchée avant le procès : voir, par exemple, Zolotow c. Canada (Procureur général), 2011 C.F. 816, 393 F.T.R. 182; Bentley c. Canada (Commission de l’assurance-emploi), [2000] 4 C.F. D‑29, 2000 CanLII 15758, conf. par 2002 C.A.F. 49; Dow Chemical Company c. Agnew, 1991 CanLII 4102 (C.A. N.-B.), 116 R.N.-B. (2d) 1. En fait, je note que la juge saisie de la requête a traité la question proposée et y a répondu en se fondant uniquement sur sa discussion de la jurisprudence pertinente et du libellé de la Loi sur les brevets.

[17] Ce n’est qu’une fois que la question proposée est résolue de la façon dont la juge saisie de la requête l’a effectivement résolue, c’est-à-dire en approuvant l’application de la règle de la possibilité de découvrir à la prescription énoncée à l’article 55.01, que les faits contestés relatifs à la connaissance par PSET des contrefaçons du brevet deviennent pertinents. Cependant, au risque de me répéter, ce n’est pas la décision que la juge saisie de la requête devait rendre. À la première étape d’une requête fondée sur l’alinéa 220(1)a) des Règles, la seule ordonnance demandée est l’autorisation de faire trancher, avant le procès, une question proposée.

[18] Par conséquent, je suis d’avis que la juge saisie de la requête a commis une erreur en rejetant la requête de Google au motif que la question proposée ne constituait pas une pure question de droit. Cela ne suffit toutefois pas pour que Google ait gain de cause dans son appel. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, la Cour conserve toujours son pouvoir discrétionnaire de ne pas accueillir une requête aux termes de l’alinéa 220(1)a) des Règles, même lorsque la question à traiter est une pure question de droit, si elle est d’avis qu’il ne convient pas d’accueillir cette requête dans les circonstances de l’affaire.

[19] En l’espèce, la juge saisie de la requête a pris en compte le contexte global et a conclu que le fait de formuler la question proposée par Google en vue d’une décision ne permettrait pas d’économiser temps et argent. Pour en arriver à cette conclusion, elle a passé en revue les six facteurs analysés par la Cour fédérale dans la décision Apotex Inc. c. Pfizer Ireland Pharmaceuticals, 2012 C.F. 1301, 105 C.P.R. (4th) 81, qui n’ont pour la plupart aucun lien avec la question de la possibilité de découvrir. Ces facteurs, transposés à la présente espèce, sont les suivants :

  • i) Les parties ne se sont pas entendues sur la formulation de la question à trancher;

  • ii) Le litige se poursuivra, quelle que soit la réponse à la question proposée;

  • iii) Google n’a présenté aucun élément de preuve démontrant que la réponse à la question proposée permettra d’économiser temps et argent;

  • iv) La question est à la fois difficile et importante;

  • v) Comme il a été déterminé que la règle de la possibilité de découvrir s’applique à l’article 55.01, il est préférable de ne pas répondre à la question dans le vide;

  • vi) Considérant que le procès doit commencer en juin 2021, il est fort probable qu’aucune économie de temps ou d’argent ne sera réalisée si la question est tranchée avant le procès. De plus, il est probable que la partie perdante interjettera appel en ce qui concerne la requête fondée sur l’article 220 des Règles, ce qui aura une incidence sur tout gain de temps potentiel.

[20] Google reconnaît que la décision de la Cour quant à savoir si la décision sur une question proposée permettait d’économiser temps et argent est une question de droit et de fait susceptible d’être révisée selon la norme de l’erreur manifeste et dominante, et pourtant, elle a présenté très peu d’arguments susceptibles de convaincre la Cour d’intervenir.

[21] Google avance d’abord dans son mémoire un argument relatif à la nature changeante de son produit et, vraisemblablement, à la complexité qu’entraînerait l’évaluation des différentes itérations de son produit si la période pertinente pour les contrefaçons alléguées remonte à janvier 2002. Cet argument pose problème dans la mesure où il n’a pas été présenté au tribunal de première instance, en plus de ne pas être étayé par le dossier dont nous sommes saisis. Cela étant, je ne vois pas comment il peut aider Google dans sa quête pour faire annuler la décision de la juge saisie de la requête.

[22] Google soutient également que l’élimination de dix années d’analyse de la contrefaçon et de calcul des redressements permettra à la Cour et aux parties d’économiser temps et argent; à son avis, cela va de soi et la Cour n’aurait pas dû exiger de preuve pour appuyer cette proposition. Cependant, je suis d’accord avec la juge saisie de la requête (par. 39 de ses motifs) pour dire que la partie qui présente la requête doit faire plus que simplement faire valoir des économies de temps et d’argent. Elle devrait également fournir des éléments de preuve en vue d’établir quels seraient le temps et l’argent potentiellement économisés.

[23] PSET conteste vigoureusement l’affirmation de Google, en soulignant que les experts devraient examiner les états financiers de Google de 2002 à aujourd’hui, quel que soit le délai de prescription, pour évaluer les redevances. Je conviens que, lorsqu’une indemnisation raisonnable est réclamée aux termes du paragraphe 55(2) de la Loi sur les brevets, la mesure de redressement prend souvent la forme de redevances raisonnables, elles-mêmes quantifiées par un exercice de « négociation hypothétique » visant à déterminer les conditions que les parties auraient acceptées si elles avaient décidé de négocier une licence : voir, par exemple, JAY-LOR International Inc. c. Penta farm systems ltd., 2007 C.F. 358, 313 F.T.R. 1, par. 120; Seedlings Life Science Ventures, LLC c. Pfizer Canada ULC, 2020 C.F. 1, par. 218 et 219. De plus, rien ne prouve que le schéma de contrefaçon a changé depuis 2002, de sorte que ce qui s’est passé avant 2012 pourrait être pertinent pour rendre une décision sur l’action en contrefaçon. Il est donc loin d’être évident que la décision sur la question proposée par Google, même si elle était jugée en sa faveur, entraînerait une réduction importante de la durée ou de la complexité du procès.

[24] Enfin, Google soutient que la juge saisie de la requête a commis une erreur en soulignant que l’une ou l’autre des parties interjetterait probablement appel du résultat de la requête aux termes de l’alinéa 220(1)a) des Règles, ce qui n’entraînerait aucune économie de temps. Selon Google, il n’est pas indiqué pour les tribunaux de punir une partie qui présente une requête en se fondant simplement sur l’hypothèse qu’il pourrait y avoir un appel. Google ne renvoie à aucun précédent pour appuyer cette proposition et, en fait, les tribunaux considèrent couramment la possibilité qu’un appel soit interjeté comme un facteur dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire aux termes de l’alinéa 220(1)a) des Règles : voir, par exemple, Apotex Inc. c. Merck & Co., Inc., 2005 C.F. 1452, 282 F.T.R. 150, par. 18 et 19; arrêt Perera, par. 20; Teva Canada Innovation c. Pharmascience Inc., 2019 C.F. 1394, par. 20.

[25] Compte tenu de ce qui précède, je suis donc d’avis que la juge saisie de la requête n’a commis aucune erreur manifeste et dominante dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’alinéa 220(1)a) des Règles. Elle a examiné toutes les circonstances de l’affaire et a conclu qu’elles favorisaient fortement le rejet de la requête de Google. Il n’est pas nécessaire de répondre à toutes les questions juridiques avant le procès et il était loisible à la juge saisie de la requête de conclure, compte tenu du dossier, que répondre à la question ne permettrait pas d’économiser temps et argent. Je n’ai pas été convaincu que cette analyse devrait être écartée parce qu’elle est entachée d’un vice fatal.

[26] En fait, la décision de la juge saisie de la requête est encore plus logique aujourd’hui qu’il y a cinq mois. Le procès doit commencer dans moins de trois mois, les interrogatoires préalables sont terminés, et les rapports d’expert (à la fois en preuve principale et en réponse) semblent avoir été déposés. Il est clair que le fait de renvoyer ce dossier à la Cour fédérale pour qu’elle se prononce sur la question proposée ne ferait que retarder le procès. Dans ces circonstances, la meilleure ligne de conduite est clairement de laisser le procès se dérouler et de laisser au juge qui préside le soin de statuer sur la question de la prescription soulevée par Google, y compris la question de la possibilité de découvrir, avec un dossier complet. Comme cette question implique un examen de la loi elle-même, on ne devrait y répondre qu’après avoir examiné le texte, le contexte et l’objet de la disposition (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd, Re., [1998] 1 R.C.S. 27, 154 D.L.R. (4th) 193, par. 21.)

[27] Pour tous les motifs précités, je suis d’avis de rejeter l’appel, avec dépens.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-269-20

 

 

INTITULÉ :

GOOGLE CANADA CORPORATION, GOOGLE LLC ET ALPHABET INC. c. PAID SEARCH ENGINE TOOLS, LLC

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 mars 2021

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 mars 2021

 

COMPARUTIONS :

Christopher Van Barr

Michael Crichton

Marc Richard

 

Pour les appelantes

 

Marcus Klee

Scott Beeser

Devin Doyle

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

Pour les appelantes

 

Aitken Klee LLP

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’intimée

 

 

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