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Date : 20210414


Dossier : A-138-20

Référence : 2021 CAF 71

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

 

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

appelant

 

 

et

 

 

GLAXOSMITHKLINE BIOLOGICALS S.A.

 

 

intimée

 

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 10 février 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 avril 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20210414


Dossier : A-138-20

Référence : 2021 CAF 71

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

 

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

appelant

 

 

et

 

 

GLAXOSMITHKLINE BIOLOGICALS S.A.

 

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GAUTHIER

[1] Notre Cour est saisie d’un appel visant la décision rendue par la Cour fédérale (2020 CF 397, motifs du juge Barnes) (la décision de la CF), qui a annulé la décision du ministre de la Santé de refuser de délivrer un certificat de protection supplémentaire (CPS) à GlaxoSmithKline Biologicals S.A. (GSK) à l’égard du brevet canadien no 2600905 (le brevet 905) et du médicament SHINGRIX, un vaccin contre le zona.

[2] C’est la première fois que l’interprétation faite par le ministre des expressions « ingrédient médicinal » et « une revendication de l’ingrédient médicinal ou de la combinaison de tous les ingrédients médicinaux » pour l’application du paragraphe 3(2) du Règlement sur les certificats de protection supplémentaire, DORS/2017-165 (le Règlement sur les CPS), est contestée devant notre Cour.

[3] Pour les motifs exposés ci-après, j’estime que la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que le ministre avait fait une interprétation déraisonnable de l’expression « ingrédient médicinal » pour l’application du Règlement sur les CPS, que la décision du ministre de refuser le CPS en l’espèce était raisonnable et que l’appel devrait être accueilli.

I. Rappel des faits

[4] La société GSK est la titulaire du brevet 905, qui concerne un vaccin utile pour prévenir ou atténuer le zona. Le brevet 905 contient cinq revendications : la revendication 4 porte sur une composition immunogène constituée d’un antigène, d’un adjuvant appelé AS01B ainsi que d’autres ingrédients non médicinaux; les revendications 1 à 3 sont liées à l’utilisation de cette composition et la revendication 5, à une trousse constituée des composantes de la composition.

[5] Nul ne conteste le fait que, bien que l’antigène déclenche chez les humains une réponse immunitaire pour prévenir le zona, il ne pourrait produire cet effet sans l’adjuvant, qui élève la réponse immunitaire au niveau nécessaire pour que l’antigène soit utilisé dans un vaccin pour prévenir ou atténuer le zona.

[6] Le brevet 905 a été déposé le 1er mars 2006 et il doit normalement expirer le 1er mars 2026. Dans la demande de CPS dont il est question plus loin, le brevet est présenté comme brevet admissible. Le régime des CPS a pour but de prolonger les droits conférés par un brevet admissible, mais seulement en ce qui a trait à la fabrication, à l’exploitation et à la vente de la drogue ou du produit pharmaceutique qui contient l’ingrédient médicinal ou la combinaison d’ingrédients médicinaux mentionnés dans le CPS, et ce pour une durée maximale de deux ans (voir les articles 115 et 116 de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4).

[7] Le 13 octobre 2017, Santé Canada a délivré un avis de conformité (AC) pour SHINGRIX, selon lequel l’antigène était le seul ingrédient médicinal (dossier d’appel, vol. 1, p. 111, affidavit de Janet Wagner, pièce A). Le même jour, SHINGRIX a été inscrit au registre des drogues innovantes; là aussi, l’antigène est le seul ingrédient médicinal mentionné. Cette inscription permet à GSK de bénéficier de la période de protection des données prévue au paragraphe C.08.004.1(3) du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870.

[8] Le 25 janvier 2018, GSK a déposé sa demande de CPS à l’égard du brevet 905 portant sur SHINGRIX, y décrivant l’antigène comme seul ingrédient médicinal (dossier d’appel, vol. 1, p. 256, affidavit de Janet Wagner, pièce F).

[9] Le 10 avril 2018, le ministre a informé GSK qu’il estimait, à titre préliminaire, que le brevet 905 ne répondait pas aux exigences du paragraphe 3(2) du Règlement sur les CPS, car ses revendications portaient sur une formulation (une composition contenant des ingrédients médicinaux et des ingrédients non médicinaux) et non sur « l’ingrédient médicinal ou [...] la combinaison de tous les ingrédients médicinaux » contenus dans le vaccin SHINGRIX, comme le prévoit le paragraphe 3(2) du Règlement sur les CPS. Le ministre a également noté que l’antigène en soi n’était pas nouveau, puisqu’il avait fait l’objet de deux brevets antérieurs.

[10] Le 24 mai 2018, GSK a présenté des observations écrites, notamment l’affidavit de Brian Barber, Ph. D., un immunologiste expert, en réponse à la décision préliminaire. La thèse que faisait alors valoir GSK était que l’adjuvant était en soi un ingrédient médicinal, car il avait une activité biologique, et que le brevet 905 visait une combinaison d’ingrédients médicinaux (une composition immunogène). GSK soutenait que les revendications en litige n’étaient pas des revendications liées à une formulation.

[11] Le 3 août 2018, le ministre a rendu sa décision définitive, par laquelle il a refusé de délivrer un CPS à GSK. Le ministre a conclu que, contrairement à l’alinéa 106(1)c) de la Loi sur les brevets et au paragraphe 3(2) du Règlement sur les CPS, le brevet 905 ne contenait pas de revendication de l’ingrédient médicinal approuvé (l’antigène) contenu dans la drogue SHINGRIX. Le ministre a expliqué que Santé Canada, après avoir examiné divers documents invoqués par GSK, était d’avis que les adjuvants, même ceux ayant une activité biologique, ne sont pas des ingrédients médicinaux. Ces règles sont clairement énoncées dans la ligne directrice de Santé Canada intitulée « Exigences harmonisées pour l’homologation de vaccins et lignes directrices de rédaction d’une demande ». Le ministre a aussi examiné les observations de GSK selon lesquelles il y aurait des incohérences dans la classification des adjuvants ainsi que dans d’autres documents concernant SHINGRIX.

[12] Le ministre a conclu que l’adjuvant d’un vaccin n’est pas la cause de l’effet recherché du vaccin dans l’organisme, car il ne fait qu’améliorer la réponse cellulaire et immunitaire précise déclenchée par l’antigène. Il en est ainsi même si la réponse sans l’adjuvant est en soi trop faible pour rendre le vaccin efficace. Je crois comprendre que le ministre a voulu appliquer aux faits particuliers de l’espèce la définition d’« ingrédient médicinal » qu’il utilise normalement lorsqu’il applique d’autres règlements, notamment le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement sur les MB(AC)).

[13] Le ministre a conclu que, puisque les revendications portent sur des compositions constituées d’ingrédients médicinaux et non médicinaux, c’est-à-dire une formulation, le brevet n’est pas admissible à un CPS. En se fondant sur le résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR) du Règlement sur les CPS, ainsi que sur la ligne directrice sur les certificats de protection supplémentaire de Santé Canada, le ministre a conclu que sa thèse sur cette question était conforme à l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (l’AECG), qui ne requiert que la protection de l’ingrédient médicinal ou de la combinaison d’ingrédients médicinaux lorsque revendiqués « comme tels ».

[14] GSK a demandé le contrôle judiciaire de cette décision, et la Cour fédérale a accueilli cette demande et ordonné que l’affaire soit renvoyée au ministre pour nouvelle décision. Dans sa décision, la Cour fédérale a indiqué que, selon elle, l’expression « principe actif », qui est utilisée dans l’AECG, vise les ingrédients tels que les adjuvants, dont l’activité biologique est nécessaire à l’efficacité clinique du vaccin.

[15] Je prends note que, bien que GSK ait affirmé que le ministre n’a pas tenu compte de l’objectif du texte législatif en interprétant le Règlement sur les CPS, GSK n’a jamais fait valoir, que ce soit auprès du ministre ou de la Cour fédérale, que le « principe actif » – l’expression utilisée dans l’AECG – visait l’activité biologique et donc que le ministre n’a pas interprété le Règlement sur les CPS en conformité avec l’AECG. GSK a soutenu que le ministre avait fait du terme « ingrédient médicinal » une interprétation qui n’était pas conforme à la définition judiciaire de ce terme selon le Règlement sur les MB(AC).

[16] De l’avis de la cour de révision, le ministre a adopté un point de vue administratif étroit en exigeant que l’ingrédient médicinal produise, de façon indépendante, l’effet recherché dans l’organisme, c’est-à-dire, en l’espèce, qu’il déclenche la réponse cellulaire et immunitaire de l’antigène. La Cour a également fait observer que le ministre avait fait une interprétation du terme « revendication de l’ingrédient médicinal » qui était difficile à justifier, car rien, sauf le REIR, ne pouvait étayer l’exclusion de revendications portant sur une formulation, ni justifier l’exclusion de vaccins nouveaux et utiles comme SHINGRIX.

II. Contexte légal

[17] Comme c’est la première fois que notre Cour est appelée à examiner ce régime réglementaire, il est utile de décrire d’une manière plus détaillée qu’à l’habitude le contexte dans lequel s’inscrivent les dispositions particulières qui s’appliquent.

[18] L’AECG couvre un large éventail de sujets, dont la propriété intellectuelle, au chapitre 20. La section A énonce les dispositions générales qui s’appliquent à l’ensemble de ce chapitre. On y retrouve notamment l’énoncé de deux objectifs généraux, à l’article 20.1 :

a. faciliter la production et la commercialisation de produits novateurs et créatifs et la prestation de services entre les Parties;

b. atteindre un niveau approprié et efficace de protection et de mise en œuvre des droits de propriété intellectuelle.

[19] Manifestement, les mots « produits novateurs et créatifs » sont une description plutôt générale, étant donné que le chapitre porte sur plusieurs sujets, dont le droit d’auteur, la protection des mesures techniques, les marques et les indications géographiques, la protection des données concernant les produits pharmaceutiques, les dessins et modèles et les brevets, pour ne nommer que ceux-ci.

[20] L’article 20.2 dispose que chaque partie est libre de déterminer la méthode appropriée pour mettre en œuvre les dispositions de l’AECG dans le cadre de son système et de ses pratiques juridiques.

[21] La section B comprend une définition de « produit pharmaceutique » qui s’applique à la portion la plus pertinente de ce chapitre en l’espèce, soit la sous-section E intitulée « Brevets », et plus précisément l’article 20.27 qui porte sur la protection sui generis des produits pharmaceutiques (les passages les plus pertinents sont reproduits à l’annexe A).

[22] Après la signature de l’AECG, les parties ont publié un instrument interprétatif commun qui traite d’un grand nombre des sujets importants visés par cet accord. Cet instrument ne contient rien concernant précisément le chapitre 20 de l’AECG, qui porte sur la propriété intellectuelle. Il y est toutefois mis en évidence que les parties conservent la capacité d’adopter et d’appliquer leurs propres dispositions législatives et réglementaires destinées à réglementer les activités économiques dans l’intérêt public, ainsi que de réaliser des objectifs légitimes de politique publique à l’égard de diverses questions, notamment la santé publique et les services sociaux.

[23] Le gouvernement canadien a par la suite adopté la Loi de mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, L.C. 2017, ch. 6 (la Loi de mise en œuvre). Les deux dispositions de la Loi de mise en œuvre les plus pertinentes en l’espèce sont les articles 3 et 7, qui portent respectivement sur l’obligation d’interpréter les textes législatifs canadiens d’une manière qui soit compatible avec l’AECG et sur l’objet et les objectifs de cette Loi. L’objectif le plus pertinent en l’espèce est celui énoncé à l’alinéa 7f) :

f) assurer de façon efficace et suffisante la protection et le respect des droits de propriété intellectuelle sur le territoire auquel l’[AECG] s’applique.

[24] Le gouvernement canadien a ensuite publié l’Énoncé canadien des mesures de mise en œuvre (un document de plus de 275 pages), dans lequel il explique ce qu’il croit être ses droits et ses obligations au titre de l’AECG. La portion la plus utile à l’affaire qui nous intéresse est brève. Elle se trouve sous le titre « Brevets » et comprend un paragraphe rédigé ainsi, qui porte expressément sur l’article 20.27 de l’AECG :

L’article 20.27 énonce que les Parties doivent prévoir une période de protection supplémentaire de deux à cinq ans pour les nouveaux produits pharmaceutiques brevetés qui répondent aux critères applicables. Cette protection vise à prendre en compte la fraction de la durée du brevet qui est consacrée à la recherche et au développement et à l’examen réglementaire en vue de l’approbation d’un produit pharmaceutique contenant un nouveau principe actif ou une nouvelle composition de principes actifs. Cette protection prend effet après l’expiration de la durée du brevet concerné, et elle confère les mêmes droits que le brevet mais seulement à l’égard du principe actif ou de la composition de principes actifs utilisés dans un médicament, sous réserve de certaines limites et conditions. Cet article prévoit la possibilité d’établir des exceptions pour permettre l’exportation de versions génériques de produits qui, autrement, porteraient atteinte aux droits protégés pendant la période de protection. De plus, il permet aux Parties de prendre diverses mesures pour limiter les possibilités de protection, comme imposer des délais pour le dépôt des demandes de protection et restreindre les circonstances dans lesquelles la protection peut être demandée. [Non souligné dans l’original.]

[25] Le législateur canadien a par la suite ajouté une nouvelle section à la Loi sur les brevets, intitulée « Protection supplémentaire pour les inventions – ingrédients médicinaux », qui est constituée des articles 104 à 134. Le paragraphe 106(1) énonce les conditions auxquelles il faut satisfaire pour obtenir un CPS et l’alinéa 106(1)c) porte sur l’admissibilité des brevets. Il convient d’en reproduire ici les principaux éléments (le texte intégral est présenté à l’annexe A) :

106 (1) Le titulaire d’un brevet peut, sur paiement des taxes réglementaires, présenter au ministre une demande de certificat de protection supplémentaire pour l’invention à laquelle le brevet se rapporte si, à la fois :

106 (1) On the payment of the prescribed fee, a patentee may apply to the Minister for a certificate of supplementary protection for a patented invention if all of the following conditions are met:

a) le brevet n’est pas nul et il satisfait aux exigences réglementaires;

(a) the patent is not void and it meets any prescribed requirements;

[...]

[...]

c) le brevet est lié, de la manière prévue par règlement, à un ingrédient médicinal ou à une combinaison d’ingrédients médicinaux contenus dans une drogue pour laquelle une autorisation de mise en marché prévue par règlement a été délivrée à la date d’entrée en vigueur du présent article ou après cette date;

(c) the patent pertains in the prescribed manner to a medicinal ingredient, or combination of medicinal ingredients, contained in a drug for which an authorization for sale of the prescribed kind was issued on or after the day on which this section comes into force;

d) l’autorisation de mise en marché est la première autorisation de mise en marché à avoir été délivrée à l’égard de l’ingrédient médicinal ou de la combinaison d’ingrédients médicinaux, selon le cas;

(d) the authorization for sale is the first authorization for sale that has been issued with respect to the medicinal ingredient or the combination of medicinal ingredients, as the case may be;

e) aucun autre certificat de protection supplémentaire n’a été délivré à l’égard de l’ingrédient médicinal ou de la combinaison d’ingrédients médicinaux, selon le cas;

(e) no other certificate of supplementary protection has been issued with respect to the medicinal ingredient or the combination of medicinal ingredients, as the case may be;

[26] Les alinéas 134(1)c) et 12(1)h) de la Loi sur les brevets disposent que le gouverneur en conseil peut régir la forme et le contenu des demandes de CPS et prendre les règlements nécessaires à la mise en œuvre des stipulations de tout traité. Le Règlement sur les CPS a été pris sur la recommandation du ministre de l’Industrie, en vertu des alinéas 12(1)g), h) et k) et du paragraphe 134(1) de la Loi sur les brevets. Il prévoit notamment les critères d’admissibilité constituant une condition essentielle selon l’alinéa 106(1)c) de la Loi sur les brevets. Le paragraphe 3(2) du Règlement sur les CPS est rédigé ainsi :

3 (2) Pour l’application de l’alinéa 106(1)c) de la Loi, le brevet est lié à un ingrédient médicinal ou à une combinaison d’ingrédients médicinaux de l’une ou l’autre des manières suivantes :

3 (2) For the purpose of paragraph 106(1)(c) of the Act, the prescribed manners in which a patent may pertain to a medicinal ingredient or combination of medicinal ingredients are the following:

a) le brevet contient une revendication de l’ingrédient médicinal ou de la combinaison de tous les ingrédients médicinaux contenus dans une drogue pour laquelle l’autorisation de mise en marché mentionnée dans la demande de certificat de protection supplémentaire a été délivrée;

(a) the patent contains a claim for the medicinal ingredient or combination of all the medicinal ingredients contained in a drug for which the authorization for sale set out in the application for a certificate of supplementary protection was issued;

b) le brevet contient une revendication de l’ingrédient médicinal ou de la combinaison de tous les ingrédients médicinaux tels qu’ils sont obtenus au moyen d’un procédé déterminé et tels qu’ils sont contenus dans une drogue pour laquelle l’autorisation de mise en marché mentionnée dans la demande de certificat de protection supplémentaire a été délivrée;

(b) the patent contains a claim for the medicinal ingredient or combination of all the medicinal ingredients as obtained by a specified process and contained in a drug for which the authorization for sale set out in the application for a certificate of supplementary protection was issued; and

c) le brevet contient une revendication d’une utilisation de l’ingrédient médicinal ou de la combinaison de tous les ingrédients médicinaux contenus dans une drogue pour laquelle l’autorisation de mise en marché mentionnée dans la demande de certificat de protection supplémentaire a été délivrée.

(c) the patent contains a claim for a use of the medicinal ingredient or combination of all the medicinal ingredients contained in a drug for which the authorization for sale set out in the application for a certificate of supplementary protection was issued.

[27] Le REIR est long et examine d’une manière assez détaillée toutes les notions principales. Je reproduis à l’annexe A la portion de ce résumé qui porte sur les conditions énoncées au paragraphe 106(1), notamment l’admissibilité du brevet. Il est utile de citer la première phrase de la section intitulée « Justification » (le paragraphe intégral est reproduit à l’annexe A) :

Le régime canadien de CPS a pour objet de respecter les obligations prévues à l’article 20.27 de l’AECG, selon lequel les Parties doivent prévoir une protection supplémentaire à l’égard des produits pharmaceutiques protégés par brevet, tout en conciliant les intérêts des intervenants et du public au sens de la Loi sur les brevets.

[28] Comme l’a indiqué le Comité du Sénat chargé d’examiner le projet de loi qui deviendrait la Loi de mise en œuvre, il semble que le texte du Règlement sur les CPS et du REIR ait fait l’objet de vastes consultations auprès des divers intervenants de l’industrie pharmaceutique (Sénat, Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, Témoignages, 42e lég., 1re sess., no 23 (4 mai 2017) (A. Raynell Andreychuk)).

[29] Il est important de décrire ce qui semble être la politique prévue à l’article 20.27 de l’AECG, selon l’interprétation faite par le Canada, car plus tard, pour l’interprétation du Règlement sur les CPS, il faudra notamment déterminer si le texte de ce Règlement représente adéquatement cette politique.

[30] Bien que l’objectif général soit d’accorder des « droits similaires à ceux des brevets » afin de compenser le temps consacré à obtenir l’approbation de drogues et vaccins innovants, le Canada a fait une interprétation très précise et limitée de cet objectif et n’a consenti qu’à une manière très précise et restreinte de le réaliser.

[31] De fait, si l’on tient compte uniquement de l’objectif général, le Canada aurait pu simplement accepter de conférer cette protection sui generis à toutes les drogues innovantes (ou produits pharmaceutiques, pour reprendre les termes de l’AECG) nouvellement brevetées. Il ne s’agit toutefois pas de la politique qui est décrite dans les divers documents qui ont été publiés pour expliquer la position du Canada. Selon cette politique, ce ne sont que les drogues ou produits pharmaceutiques innovants qui contiennent un nouveau principe actif ou un nouvel ingrédient médicinal, ou une nouvelle combinaison de principes actifs ou d’ingrédients médicinaux, qui sont admissibles. Qui plus est, ce ne sont pas toutes ces drogues ou tous ces produits pharmaceutiques innovants qui sont admissibles à la protection. En effet, pour que cette période de protection supplémentaire soit accordée, l’autorisation de mise en marché du produit pharmaceutique ou de la drogue doit être la première autorisation délivrée au Canada à l’égard de ce nouveau principe actif ou nouvel ingrédient médicinal, ou de cette nouvelle combinaison de principes actifs ou d’ingrédients médicinaux.

[32] Par conséquent, une drogue ou un produit pharmaceutique pourrait être innovant mais ne pas être admissible à un CPS si cette drogue ou ce produit pharmaceutique n’est pas le premier à utiliser réellement l’ingrédient médicinal ou la combinaison d’ingrédients médicinaux. De plus, si un CPS a déjà été délivré à l’égard du principe actif ou de l’ingrédient médicinal, ce principe ou cet ingrédient ne pourra avoir droit à une protection supplémentaire. La politique semble vouloir récompenser les produits qui procurent au marché canadien le véritable avantage des nouveaux ingrédients médicinaux ou des nouvelles combinaisons d’ingrédients médicinaux. Il semblerait que son objectif soit essentiellement de promouvoir la recherche sur de nouveaux ingrédients médicinaux ou de nouvelles combinaisons d’ingrédients médicinaux et d’offrir des incitatifs afin que ces nouveaux ingrédients ou nouvelles combinaisons soient mis en pratique au profit du public. Ces incitatifs visent à compenser en partie le temps qui a dû être consacré afin d’obtenir l’autorisation pour cette première drogue ou ce premier produit pharmaceutique.

III. Questions en litige

[33] Les questions que notre Cour doit trancher sont les suivantes :

  1. L’interprétation et l’application qu’a faites le ministre du terme « ingrédient médicinal » sont-elles raisonnables?

  2. L’interprétation et l’application qu’a faites le ministre des dispositions du Règlement sur les CPS, de manière à exclure les revendications de brevet portant sur une formulation, en particulier celle en litige, sont-elles raisonnables?

IV. Norme de contrôle

[34] Il n’est pas contesté que la norme de contrôle choisie par la Cour fédérale – la norme de la décision raisonnable – était celle qui devait s’appliquer. Ce choix s’inscrit dans le cadre défini dans l’arrêt Vavilov, selon lequel il est présumé que la norme de la décision raisonnable s’applique lorsqu’il n’existe aucune exception justifiant que l’on déroge à cette norme, comme c’est le cas en l’espèce (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 17).

V. Analyse

[35] Comme il n’est pas contesté que la Cour fédérale a appliqué la bonne norme de contrôle, la tâche de notre Cour consiste simplement à examiner si cette norme a été appliquée correctement. À cette fin, notre Cour doit se concentrer sur la décision administrative, et non sur la décision de la cour de révision; notre Cour doit en fait se mettre à la place de la Cour fédérale (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, par. 46). Comme je l’ai mentionné, je dois maintenant examiner si l’interprétation que le ministre a faite des expressions « ingrédient médicinal » et « revendication de l’ingrédient médicinal » est raisonnable. J’examinerai d’abord l’expression « ingrédient médicinal ».

[36] Il est de droit constant que notre Cour doit procéder à l’interprétation des lois selon l’approche moderne, c’est-à-dire qu’elle doit interpréter le libellé des dispositions dans leur contexte, d’une manière qui s’harmonise avec l’esprit et l’objet de la loi visée et avec l’intention du législateur (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601).

[37] J’ai déjà parlé de l’esprit et de l’objet du Règlement sur les CPS et des dispositions pertinentes de la Loi sur les brevets, et j’ai donné tous les renseignements disponibles sur l’intention du législateur. Il n’y a pas lieu de les répéter. J’ai examiné toutes les transcriptions pertinentes des débats et n’y ai rien relevé qui serait particulièrement pertinent en l’espèce.

A. Ingrédient médicinal

[38] Il n’existe aucune définition du terme « ingrédient médicinal » dans la Loi sur les brevets ni dans quelque règlement pris sous le régime de cette loi, bien que cette expression soit abondamment utilisée dans les nouveaux articles 104 à 112 de cette loi. Comme nous le verrons plus loin, cette expression figure également dans le Règlement sur les MB(AC) pris en vertu de l’article 55.2 de la Loi sur les brevets. Cette expression est aussi utilisée à quelques reprises dans le Règlement sur les aliments et drogues, partie C, titre 8, notamment dans la définition d’« équivalent pharmaceutique » à l’article C.08.001 sous l’intertitre « Drogues nouvelles » et dans la définition de « drogue innovante » au paragraphe C.08.004(1).

[39] Les parties reconnaissent que la seule définition au Canada qui s’applique à ce stade est celle qui a été utilisée dans la décision Bayer Inc. c. Canada (Santé), 2009 CF 1171, confirmée par 2010 CAF 161 (Bayer), et qui est depuis utilisée par les tribunaux. GSK convient que, bien qu’elle soit utilisée dans le contexte du Règlement sur les MB(AC), cette définition peut et devrait être utilisée pour interpréter le Règlement sur les CPS. Comme nous le verrons plus loin, les deux parties se fondent sur les mêmes mots tirés de la décision Bayer pour parvenir à des conclusions différentes quant au sens de l’expression « ingrédient médicinal » en l’espèce. À première vue, il peut s’agir d’un signe que les interprétations des deux parties peuvent être conformes à la définition énoncée dans Bayer lorsqu’elle est appliquée aux faits propres à la présente affaire.

[40] Dans la décision Bayer, la Cour fédérale devait déterminer si un brevet comprenant une revendication de la formulation contenant deux ingrédients médicinaux pouvait être inscrit sur la liste au titre du Règlement sur les MB(AC) (paragraphe 4(2), dans sa version postérieure aux modifications de 2006) à l’égard d’une drogue contenant une formulation qui ne comprenait qu’un seul des ingrédients médicinaux (une combinaison) revendiqués.

[41] Pour mieux comprendre la décision Bayer, il est utile de reproduire les définitions suivantes extraites du Règlement sur les MB(AC) :

[...]

[...]

revendication de la formulation Revendication à l’égard d’un mélange formé d’ingrédients médicinaux et non médicinaux qui est contenu dans une drogue et est administré à un patient sous une forme posologique donnée. (claim for the formulation)

claim for the formulation means a claim for a mixture that is composed of medicinal and non-medicinal ingredients, that is contained in a drug and that is administered to a patient in a particular dosage form; (revendication de la formulation)

revendication de l’ingrédient médicinal S’entend, d’une part, d’une revendication, dans le brevet, de l’ingrédient médicinal — chimique ou biologique — préparé ou produit selon les modes ou procédés de fabrication décrits en détail et revendiqués dans le brevet ou selon leurs équivalents chimiques manifestes, et, d’autre part, d’une revendication pour différents polymorphes de celui-ci, à l’exclusion de ses différentes formes chimiques. (claim for the medicinal ingredient)

claim for the medicinal ingredient includes a claim in the patent for the medicinal ingredient, whether chemical or biological in nature, when prepared or produced by the methods or processes of manufacture particularly described and claimed in the patent, or by their obvious chemical equivalents, and also includes a claim for different polymorphs of the medicinal ingredient, but does not include different chemical forms of the medicinal ingredient; (revendication de l’ingrédient médicinal)

[...]

[...]

revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal Revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal aux fins du diagnostic, du traitement, de l’atténuation ou de la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal, ou de leurs symptômes. (claim for the use of the medicinal ingredient)

claim for the use of the medicinal ingredient means a claim for the use of the medicinal ingredient for the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or its symptoms; (revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal)

[...]

[...]

[42] Il est important de noter que, dans l’affaire Bayer, nul ne contestait que les deux ingrédients revendiqués dans la formulation étaient des ingrédients médicinaux (Bayer, par. 68), ni ne contestait le sens de l’expression « ingrédient médicinal » (Bayer, par. 67). La Cour fédérale devait prendre en considération la nouvelle définition de « formulation », ce terme ayant été introduit pour la première fois dans la version de 2006 du Règlement sur les MB(AC) dans la définition de « revendication de la formulation », à l’article 2 de ce Règlement.

[43] Il est manifeste que la Cour fédérale, dans Bayer, s’est fondée sur le REIR du Règlement sur les MB(AC) de 2006 pour affirmer que l’expression « ingrédient médicinal » renvoie à la substance dans la formulation qui, une fois administrée, est responsable de l’effet désiré de la drogue dans l’organisme (Bayer, par. 21, 86 et 88).

[44] Dans son analyse, la Cour fédérale, en examinant la différence entre un brevet de composition et un brevet de formulation, a décrit le brevet de composition comme étant un brevet contenant une revendication de l’ingrédient médicinal approuvé qui forme la partie active essentielle de la formulation de la drogue (Bayer, par. 77).

[45] Dans le cas du vaccin SHINGRIX, le ministre affirme que l’antigène est le seul ingrédient actif qui produit l’effet désiré dans l’organisme, c’est-à-dire qui déclenche la réponse immunitaire cellulaire et humorale précise de l’antigène contre le zona (dossier d’appel, vol. 1, p. 57). Ainsi qu’il a été mentionné, selon l’avis d’expert du ministre, l’adjuvant ne contribue pas de manière indépendante à l’usage thérapeutique proposé du vaccin. Il peut avoir une activité biologique, mais cette activité ne fait que renforcer l’efficacité de l’antigène, c’est-à-dire l’ingrédient médicinal. Il ne s’agit donc pas d’un ingrédient médicinal en soi.

[46] GSK, pour sa part, fait valoir que la partie active essentielle du vaccin peut, et doit, comprendre l’adjuvant, car il s’agit d’un ingrédient biologiquement actif essentiel de la composition revendiquée dans le brevet 905. Sans l’adjuvant, le vaccin ne produirait pas de réponse immunologique suffisante pour prévenir le zona. En l’espèce, c’est l’ingrédient médicinal ou la combinaison d’ingrédients médicinaux qui forme l’ensemble de la composition.

[47] Comme on peut le constater, la décision Bayer ne nous est pas utile pour déterminer si l’ingrédient actif essentiel renvoie simplement à l’activité biologique nécessaire pour que la drogue soit cliniquement utile. Rien dans le dossier dont nous sommes saisis ne nous permet de savoir s’il existe un autre adjuvant ou une autre composition qui pourrait également rendre l’antigène suffisamment efficace, quoiqu’en offrant un niveau de protection différent. La décision Bayer ne nous indique pas non plus précisément si l’ingrédient actif essentiel désigne un ingrédient qui, en fait, produit l’effet thérapeutique selon l’interprétation faite par l’organisme de réglementation. La Cour dans la décision Bayer n’a jamais eu à se pencher sur cette question précise.

[48] Le ministre s’est fondé sur sa propre expertise scientifique pour déclarer que son interprétation est conforme à ce que l’on considère généralement comme étant un ingrédient ou principe actif dans le domaine pharmaceutique et à ce que l’on considère comme étant le rôle joué par l’adjuvant en l’espèce (comme l’a confirmé la Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada, en consultation avec la Direction des produits biologiques et des thérapies génétiques) (dossier d’appel, vol. 1, p. 55). Il affirme que sa position sur cette question est conforme à l’interprétation faite par les groupes de travail chargés d’examiner de telles questions au sein du Réseau panaméricain d’harmonisation de la réglementation pharmaceutique et de l’Organisation mondiale de la santé. Le ministre note par ailleurs que la composition comprend des ingrédients autres que le QS21 (adjuvant renforçateur), notamment le cholestérol et la dioléoyl phosphatidylcholine, qui sont incontestablement des ingrédients non médicinaux (dossier d’appel, vol. 1, p. 55 et 57).

[49] GSK invoque le bon sens et la logique pour soutenir qu’il y a une logique fallacieuse à conclure qu’un des ingrédients qui est cliniquement utile, voire indispensable, à cause de son activité biologique ne constitue pas un ingrédient ou principe actif, comme l’a jugé la Cour fédérale (décision de la Cour fédérale, par. 38). Durant l’audience devant notre Cour, GSK a également semblé appuyer la conclusion énoncée par la Cour fédérale selon laquelle l’« activité biologique » est la mesure qui doit sous-tendre l’octroi, au titre de l’AECG, d’un CPS au Canada (décision de la CF, par. 35). Après avoir examiné les observations supplémentaires que GSK a déposées après l’audience (en particulier le paragraphe 33), je ne sais pas vraiment si cette thèse est toujours celle qu’elle défend. Il semble maintenant que son principal argument soit que, quel que soit le sens que l’Union européenne donne à l’expression « principe actif » (une question que j’examinerai plus loin), l’expression « ingrédient médicinal » au sens de Bayer a un sens plus large et n’exige pas qu’un ingrédient essentiel produise un effet thérapeutique indépendant.

[50] Quoi qu’il en soit, comme le prévoit l’article 3 de la Loi de mise en œuvre, il y a lieu d’examiner si l’interprétation du ministre est compatible avec l’AECG. Je suis d’avis qu’il convient de le faire, étant donné qu’un examen du droit international peut mettre en lumière, et peut-être même résoudre, des ambiguïtés latentes dans la législation nationale (Entertainment Software Association c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2020 CAF 100, par. 84).

[51] Cela dit, il faut prendre soin de ne pas écarter l’interprétation que fait un organisme de réglementation d’un terme qui est utilisé dans l’ensemble du système de réglementation des produits pharmaceutiques, même si cette utilisation est liée à des objectifs divers, au seul motif qu’il semble exister une autre interprétation logique. Il en est ainsi sauf s’il y a des indications claires que les mots peuvent, et devraient, être interprétés d’une manière précise, du moins dans le contexte du Règlement sur les CPS, à cause de l’AECG.

[52] Comme on le voit clairement, l’expression « ingrédient médicinal » n’est pas utilisée dans l’AECG. On y utilise plutôt l’expression « le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament » pour définir le terme « produit ». Je note que l’utilisation du mot « produit » peut créer une certaine confusion avec le terme défini « produit pharmaceutique » (le médicament ou le vaccin, au sens de l’article 20.6 de l’AECG). Il s’agit de deux notions différentes et il faut prendre soin de ne pas utiliser les termes indistinctement. Pour ma part, afin d’éviter toute confusion, j’utiliserai les mots « produit pharmaceutique » et « principe actif », car ce sont les termes utilisés dans la définition de « produit » dans l’AECG (paragraphe 20.27(1)).

[53] Nul ne conteste que la définition de « produit » est tirée du Règlement de l’Union européenne concernant le certificat complémentaire de protection, un régime qui a été mis en place en 1992 (voir l’alinéa 1b) de la plus récente version du Règlement (CE) no 469/2009 (à l’annexe A)). Cette question sera également examinée plus loin (dans la section B) dans mon analyse du terme « brevet de base » au sens de l’article 20.27 de l’AECG. Nul ne conteste non plus que le Canada avait le droit d’adapter ce libellé à sa législation intérieure, afin que les nouvelles règles puissent s’appliquer efficacement à l’intérieur du cadre institutionnel du droit national (Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 6e édition, Markham, Ontario : Lexis Nexis, 2014, par. 18.45).

[54] Comme on peut le constater, le libellé de l’AECG n’est pas particulièrement éclairant et il n’est certainement pas plus précis que la définition de l’ingrédient actif essentiel de la formulation utilisée dans la décision Bayer. Il n’y a rien dans l’instrument interprétatif commun sur l’AECG qui soit particulièrement utile. Je note que, dans l’Énoncé canadien des mesures de mise en œuvre, le gouvernement canadien utilise les mots « principe actif » (ainsi que le mot « drogue » pour désigner un produit pharmaceutique) et que rien n’y indique que le gouvernement donne aux mots « principe actif » un sens différent de celui des termes utilisés couramment dans la législation nationale.

[55] Je note par ailleurs que, selon mon expérience, l’expression « ingrédient pharmaceutique actif » (IPA) est couramment utilisée par des organismes de réglementation du monde entier, ainsi que par des avocats spécialisés en propriété intellectuelle au Canada dans leurs mémoires ou leurs observations orales. En fait, les mots « ingrédient actif » ont été utilisés régulièrement dans la jurisprudence dans des affaires où il fallait déterminer si une substance était un médicament au sens du Règlement sur les MB(AC) dans sa version antérieure à 2006. Je discuterai de cette question plus en détail lorsque j’examinerai la deuxième question en litige. Cela dit, je crois comprendre que les changements ont été apportés parce que le mot « médicament » (medicine en anglais) dans l’expression « revendication pour le médicament en soi » a été interprété dans notre jurisprudence de manière à inclure les revendications relatives au médicament proprement dit, c’est-à-dire une formulation composée d’ingrédients actifs et non actifs (voir, par exemple, Hoffmann-La Roche Ltée c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1995] A.C.F. no 985 (1re inst.), conf. par [1995] A.C.F. no 1775 (C.A.F.), autorisation de pourvoi auprès de la CSC refusée, 25136 (12 septembre 1996) (Hoffmann)). Le législateur a décidé de clarifier son intention en supprimant les mentions « médicament » et « revendication pour un médicament » et en utilisant plutôt l’expression « revendication de l’ingrédient médicinal » afin d’établir plus clairement que cette revendication n’en est pas une portant sur la drogue. Par contre, il a ajouté une définition de l’expression « revendication de la formulation », soit un mélange formé d’ingrédients médicinaux et non médicinaux (en d’autres mots, une drogue). En 2015, le législateur a ajouté le paragraphe 2(2) du Règlement sur les MB(AC) pour préciser que, pour l’application de la définition de « revendication de la formulation », il n’était pas impératif que la revendication de la formulation précise tous les ingrédients non médicinaux contenus dans la drogue.

[56] J’en conclus que les expressions « ingrédient ou principe actif » et « ingrédient médicinal » désignent la même chose dans ce Règlement. Je ne peux tout simplement pas dégager quelque autre intention du législateur à ce sujet, en ce qui a trait à l’AECG ou au Règlement sur les CPS.

[57] Je dois mentionner que l’Association canadienne du médicament générique a demandé l’autorisation d’intervenir dans le présent appel. Cette autorisation lui a toutefois été refusée, car sa principale contribution aurait été de souligner la similarité entre l’interprétation faite par le ministre du terme « ingrédient médicinal » et l’interprétation faite par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du terme « principe actif » sur la question de savoir si ces termes visent les substances qui en soi n’ont pas d’effet thérapeutique.

[58] Cette similarité d’interprétation est pertinente quand il s’agit de déterminer le caractère raisonnable de la décision du ministre, car, comme je l’ai mentionné, la jurisprudence canadienne n’a pas encore fourni de réponse suffisamment précise sur le sens du terme « ingrédient médicinal ». Je conviens avec les parties qu’il faut être prudent avec la jurisprudence étrangère, mais, en l’espèce, j’estime qu’elle est convaincante vu le raisonnement sur lequel elle est fondée.

[59] Je note que les négociations de l’AECG ont pris fin en 2014, que l’examen du texte anglais a été terminé en février 2016 et que l’accord a été signé en octobre 2016.

[60] Durant cette période, la CJUE, à laquelle les cours nationales des États membres de l’Union européenne renvoient les affaires portant sur l’interprétation du Règlement européen concernant le certificat complémentaire de protection, avait déjà eu à se prononcer sur le sens de l’expression « principe actif » dans la définition de « produit » figurant dans le règlement européen duquel est tirée la définition de l’AECG. La CJUE l’a fait une première fois en 2006, dans l’affaire Massachusetts Institute of Technology, affaire C-431/04, 4 mai 2006 (MIT), puis dans une décision que GSK connaissait, on peut le présumer, puisqu’elle en était une des parties. Cette dernière affaire portait sur un autre vaccin composé d’un antigène et d’un adjuvant du nom d’AS03, qui semblait lui aussi essentiel pour rendre le vaccin Prepandrix cliniquement efficace (Glaxosmithkline Biological S.A. c. Controller General of Patents, Design and Trademarks, affaire C-210/13, 14 novembre 2013 (Glaxo)).

[61] Dans l’affaire Glaxo, l’organisme de réglementation du Royaume-Uni (le bureau des brevets, dont le rôle s’apparente à celui du ministre à cet égard) a refusé de délivrer un certificat complémentaire de protection, car l’adjuvant n’était pas un principe actif au sens prévu dans la définition de « produit ». À la lecture de cette décision, il semble que l’adjuvant en question ait eu une activité biologique et que son mode d’action s’apparentait quelque peu à celui décrit dans la monographie de produit du vaccin SHINGRIX (voir Glaxosmithkline Biologicals S.A., BL O/506/12, 19 décembre 2012, par. 3 et 27 à 31). GSK a présenté une demande à la cour des brevets d’Angleterre et du Pays de Galles, laquelle a renvoyé l’affaire à la CJUE. La CJUE a d’abord indiqué que « l’expression “principe actif” n’inclut pas, dans son acception commune en pharmacologie, les substances entrant dans la composition d’un médicament qui n’exercent pas une action propre sur l’organisme humain ou animal » (Glaxo, par. 28). Il s’agit de la définition que la CJUE avait adoptée dans l’arrêt MIT. Selon la CJUE, même si un excipient comme celui visé dans cette affaire pouvait contribuer à la forme pharmaceutique du médicament, il ne faisait pas partie de la définition de « produit ». Par conséquent, « le caractère nécessaire, pour assurer l’efficacité thérapeutique recherchée du principe actif, d’une substance n’exerçant aucun effet thérapeutique propre ne saurait [...] être considéré comme un critère ayant un contenu suffisamment déterminé » (Glaxo, par. 29). La CJUE a conclu qu’une substance n’exerçant aucun effet thérapeutique propre ne relève pas de la notion de « principe actif » (Glaxo, par. 30). Elle a aussi déclaré, au paragraphe 32, que le fait « que la substance n’exerçant aucun effet thérapeutique propre permet d’obtenir une forme pharmaceutique du médicament qui est nécessaire à l’efficacité thérapeutique de la substance dotée d’effets thérapeutiques n’est pas susceptible d’infirmer cette interprétation » [non souligné dans l’original].

[62] La CJUE a ensuite conclu, au paragraphe 45, que, « de même qu’un adjuvant ne relève pas de la notion de “principe actif” au sens de [l’alinéa 1b)], une composition de deux substances dont l’une est un principe actif doté d’effets thérapeutiques qui lui sont propres tandis que l’autre, un adjuvant, permet d’accroître ces effets thérapeutiques tout en étant dépourvue, en elle-même, d’effet thérapeutique propre ne relève pas de la notion de “composition de principes actifs” ». Cette affirmation venait essentiellement confirmer la définition de « principe actif » qui avait été énoncée en 2006 dans l’arrêt MIT.

[63] Bien que les parties aient invoqué d’autres précédents, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de les examiner, car j’estime que l’interprétation faite par le ministre est compatible avec l’AECG ainsi qu’avec l’interprétation du terme « ingrédient médicinal » au sens des lois canadiennes concernant les produits pharmaceutiques. Il convient de préciser que la compatibilité ne signifie pas que le système canadien doive être identique au système déjà en place dans l’Union européenne. Pas plus qu’il ne faille déduire des présents motifs que la jurisprudence étrangère lie de quelque manière les tribunaux canadiens. Ce n’est tout simplement pas le cas.

[64] En conclusion de ce raisonnement, étant donné l’interprétation adoptée par la Cour fédérale et les observations présentées par GSK, je suis disposée à admettre qu’il existe plus d’une interprétation raisonnable possible de l’expression « ingrédient médicinal ». Cela dit, en pareilles circonstances, il n’appartient pas à la cour de révision de choisir l’interprétation qu’elle préfère ou celle qui lui semble la plus logique. Ce n’est pas ce que la norme de contrôle applicable commande.

[65] Bien que ce qui précède aide grandement note Cour à statuer sur le caractère raisonnable de la décision du ministre sur la question de savoir si l’adjuvant en l’espèce est un ingrédient médicinal, j’examinerai également les autres observations présentées par GSK au ministre.

[66] Je formulerai aussi quelques observations sur l’opinion exprimée par la Cour fédérale, et défendue par GSK devant notre Cour, selon laquelle le ministre, en l’espèce, a adopté une vision étroite indûment axée sur l’efficacité administrative et sur un « besoin perçu de cohérence administrative » qui a mené « à l’exclusion de plusieurs considérations très pertinentes » (décision de la CF, par. 29 à 33).

[67] Premièrement, le Règlement sur les CPS établit un lien explicite entre l’ingrédient médicinal figurant dans l’avis de conformité délivré par Santé Canada à l’égard de SHINGRIX et l’ingrédient médicinal visé à l’alinéa 106(1)c) de la Loi sur les brevets (voir le paragraphe 106(4)). L’ingrédient médicinal dont il est fait mention dans la Loi sur les brevets et le Règlement sur les CPS est l’ingrédient médicinal mentionné dans l’autorisation de mise en marché, c’est-à-dire dans l’avis de conformité délivré en vertu des articles C.08.004 ou C.08.004.01 du Règlement sur les aliments et drogues.

[68] Ainsi qu’il a été mentionné plus haut, l’avis de conformité de SHINGRIX ne fait état que d’un ingrédient médicinal, l’antigène. Il s’agit du seul ingrédient médicinal pour lequel GSK a présenté une demande de CPS. Je ne constate donc aucune erreur susceptible de contrôle dans ce qui semble être la volonté du ministre d’assurer une cohérence entre les deux régimes. Il est injuste de dire que son approche était fondée sur une vision étroite injustifiée.

[69] En réalité, le ministre est tenu de traiter de façon cohérente et uniforme la même question, c’est-à-dire déterminer quel est l’« ingrédient médicinal » de la drogue en cause.

[70] Il ne fait aucun doute que la classification administrative des adjuvants constitue une politique administrative non contraignante, laquelle ne peut l’emporter sur le libellé d’un texte législatif. Mais, comme je l’ai indiqué, ce n’est pas ce qui s’est produit en l’espèce. Le ministre a adopté une interprétation raisonnable des mots « ingrédient médicinal » et a rendu une décision scientifique selon laquelle, en l’espèce, l’adjuvant n’était pas en fait un ingrédient médicinal, car il ne produisait aucun effet thérapeutique indépendant dans l’organisme; la décision du ministre était donc fondée sur une thèse juridique et scientifique, qui trouve aussi appui dans le fait que l’ingrédient médicinal mentionné dans l’avis de conformité délivré en vertu du Règlement sur les aliments et drogues et l’ingrédient médicinal visé par la demande de CPS et la Loi sur les brevets sont les mêmes.

[71] Il n’est donc pas pertinent de savoir si un régime de réglementation pourrait en influencer un autre dans d’autres contextes. Tout dépend des faits propres à l’affaire. En l’espèce, il ne fait aucun doute que le lien entre ces deux régimes réglementaires a été établi.

[72] GSK a soulevé des incohérences entre d’une part la thèse du ministre à l’égard de sa demande et un courriel qu’il a envoyé et d’autre part le contenu de la monographie de produit de SHINGRIX qui a été approuvée par le ministre. Ce dernier se prononce sur chacun de ces points dans ses motifs et on ne m’a pas convaincue que sa position sur ces questions fût à quelque égard déraisonnable. En fait, le ministre a répondu à tous les éléments que GSK avait soulevés dans ses observations et il ne fait aucun doute qu’il a pris en considération les avis scientifiques et les éléments de preuve que GSK lui a présentés.

[73] J’estime que le passage suivant, extrait de l’arrêt Vavilov, est particulièrement révélateur de la manière dont une cour de révision devrait examiner une situation comme celle dont nous sommes saisis :

[93] Par ses motifs, le décideur administratif peut démontrer qu’il a rendu une décision donnée en mettant à contribution son expertise et son expérience institutionnelle : voir Dunsmuir, par. 49. Lors du contrôle selon la norme de la décision raisonnable, le juge doit être attentif à la manière dont le décideur administratif met à profit son expertise, tel qu’en font foi les motifs de ce dernier. L’attention respectueuse accordée à l’expertise établie du décideur peut indiquer à une cour de révision qu’un résultat qui semble déroutant ou contre‑intuitif à première vue est néanmoins conforme aux objets et aux réalités pratiques du régime administratif en cause et témoigne d’une approche raisonnable compte tenu des conséquences et des effets concrets de la décision. Lorsqu’établies, cette expérience et cette expertise peuvent elles aussi expliquer pourquoi l’analyse d’une question donnée est moins étoffée.

[74] Cela m’amène au point suivant, à savoir que la décision du ministre était déraisonnable parce qu’il n’a pas expressément tenu compte de la compatibilité de son interprétation avec l’AECG, plus particulièrement le sens de l’expression « principe actif » et l’objet général du Règlement sur les CPS.

[75] Comme je l’ai mentionné plus haut, GSK n’a jamais fait valoir que le « principe actif » au sens de l’AECG différait de l’« ingrédient médicinal » au sens du Règlement sur les CPS. Elle n’a fait que renvoyer en termes généraux à l’objet global de l’article 20.27 de l’AECG et au Règlement sur les CPS. Le ministre n’était donc pas expressément tenu d’en discuter dans ses motifs concernant l’ingrédient médicinal ou les ingrédients médicinaux contenus dans SHINGRIX; il devait uniquement satisfaire aux critères de justification énoncés dans l’arrêt Vavilov. Ainsi qu’il est indiqué aux paragraphes 119 et 120 de l’arrêt Vavilov, bien que le fond de l’interprétation que fait un décideur administratif doive être conforme au texte, au contexte et à l’objet des dispositions législatives, le décideur n’est pas tenu dans tous les cas de procéder à une interprétation formaliste de la loi. De fait, comme l’a mentionné la Cour suprême, à l’instar d’autres aspects du contrôle selon la norme de la décision raisonnable, il s’agit principalement de savoir si l’aspect qui a été omis de l’analyse amène la cour de révision à perdre confiance dans le résultat auquel en est arrivé le décideur (Vavilov, par. 122).

[76] En l’espèce, l’absence de renvoi explicite à l’AECG dans l’interprétation que le ministre a faite de l’ingrédient médicinal ne m’amène pas à perdre confiance dans son raisonnement ni dans la conclusion qu’il a tirée. C’est d’autant plus le cas que, comme j’en discuterai dans la prochaine section de mon analyse, le ministre a renvoyé au REIR; il avait donc manifestement connaissance de l’objectif et des justifications qui y sont énoncés.

[77] Avant d’examiner la deuxième question dont nous sommes saisis, je note que la présente affaire peut être très différente de celle examinée par la Cour fédérale dans ViiV Soins de santé ULC c. Canada (Santé), 2020 CF 756, et sur laquelle s’appuie GSK. Dans cette affaire, il semble que le ministre n’ait pas pris en compte certaines observations très précises qui lui avaient été présentées à l’égard des questions soulevées aux paragraphes 26 à 28 de la décision de la cour de révision. De plus, j’ai des réserves comparables à celles énoncées plus haut au paragraphe 52, au sujet de la terminologie utilisée dans cette affaire. Je ne suis pas certaine que la cour de révision a été aussi prudente qu’elle aurait dû l’être dans son choix de mots. Au paragraphe 26 de sa décision (voir aussi le paragraphe 18), la Cour indique qu’elle était persuadée que le brevet en litige « protège le produit (c.-à-d. le JULUCA) en tant que tel » et que ce point de vue n’était « pas incompatible à première vue avec l’AECG ». Or, le JULUCA était la drogue ou le produit pharmaceutique, et non le produit, c’est-à-dire l’ingrédient médicinal ou la combinaison d’ingrédients médicinaux contenus dans cette drogue ou ce produit pharmaceutique. Comme il ne s’agit pas d’une question dont nous sommes saisis, je ne me prononcerai pas sur la question de savoir si ce choix de mots était le résultat d’une méprise ou simplement d’un manque de précision. À l’avenir, les cours de révision devront toutefois faire preuve de prudence, car ce type d’erreur peut avoir de graves conséquences et fausser le sens voulu par le législateur.

[78] Je n’ai relevé à cette étape aucune erreur susceptible de révision qui justifierait notre intervention. Je passerai donc à l’examen de la deuxième question à trancher.

B. Le paragraphe 3(2) du Règlement sur les CPS et la formulation dans le brevet 905

[79] Le deuxième motif invoqué par le ministre pour refuser de délivrer un CPS était que le brevet 905 n’était pas lié à l’antigène, c’est-à-dire à l’ingrédient médicinal, au sens du paragraphe 3(2) du Règlement sur les CPS.

[80] Lorsqu’elle nous a présenté ses observations orales, GSK a soutenu qu’il s’agissait d’une question cruciale. Cependant, les observations qu’elle a exposées au ministre à ce sujet étaient très limitées et étaient essentiellement liées à ses observations sur le sens d’« ingrédient médicinal » pour l’application du Règlement sur les CPS.

[81] C’est d’autant plus le cas que GSK avait déjà reçu la décision préliminaire rendue par le ministre le 10 avril 2018 (dossier d’appel, vol. 1, p. 261 à 267); elle savait donc pertinemment que :

  • i) le ministre considérait sa revendication comme portant sur une formulation, c’est-à-dire un mélange composé d’ingrédients médicinaux et non médicinaux;

  • ii) le seul ingrédient médicinal mentionné dans son AC, l’antigène, n’était pas revendiqué en soi dans le brevet 905, car il avait été divulgué dans les brevets EP0405867 et EP192902 (voir la description dans le brevet 905, dossier d’appel, vol. 1, p. 186, 187 et 266).

[82] Ainsi qu’il a été indiqué plus haut, GSK a fait valoir dans ses observations écrites au ministre que le brevet 905 n’était pas lié à une formulation, mais plutôt à une composition qui était elle-même une combinaison d’ingrédients médicinaux. Ses revendications ne comportaient pas d’ingrédients non médicinaux, car l’antigène et son système exclusif d’adjuvant (une structure unique) étaient des ingrédients médicinaux (dossier d’appel, vol. 5, p. 1046 et 1047).

[83] GSK a fait valoir qu’il n’y avait rien dans le sens grammatical et ordinaire des mots du paragraphe 3(2) du Règlement sur les CPS qui permettait d’exclure la revendication 1 du brevet 905. Selon GSK, cette revendication était admissible à titre de revendication de l’ingrédient médicinal ou de la combinaison d’ingrédients médicinaux. De plus, d’autres revendications auraient pu être considérées comme portant sur l’utilisation d’un tel ingrédient médicinal dans la préparation d’un médicament contre le zona pour les personnes âgées de 50 ans et plus et les sujets immunodéficients (dossier d’appel, vol. 5, p. 1049). De l’avis de GSK, cette interprétation est compatible [traduction] « avec l’objet et le but du Règlement sur les CPS, soit d’offrir une période de protection supplémentaire pour les drogues contenant de nouveaux ingrédients médicinaux, comme SHINGRIX, afin de compenser le temps consacré à la recherche et au développement de ces drogues et à l’obtention d’une autorisation de mise en marché » (non souligné dans l’original). GSK ne conteste pas le fait que l’antigène avait déjà été divulgué et qu’il ne pouvait donc pas être revendiqué à titre de composé.

[84] Dans les circonstances, il n’est pas étonnant que le ministre n’ait pas procédé à l’analyse détaillée du libellé du paragraphe 3(2) dans sa décision. Je suis d’avis que, si on interprète raisonnablement la décision, le ministre a tenu compte de toutes les observations présentées par GSK, même si elles ne sont pas toutes regroupées sous la même rubrique, vu leur interconnexion avec la conclusion sur ce qui constituait l’ingrédient médicinal de SHINGRIX.

[85] Premièrement, comme je l’ai mentionné plus haut, le ministre a clairement établi que les revendications comprenaient de nombreux ingrédients non médicinaux. Outre les adjuvants renforçateurs en soi – QS21 et 3D-MPL –, les revendications comprenaient d’autres ingrédients non médicinaux, notamment le cholestérol (voir le dernier paragraphe du dossier d’appel, vol. 1, p. 57 et le paragraphe 48 ci-dessus). Le ministre a ensuite conclu que la revendication en litige portait sur une formulation au sens généralement accepté de telles revendications, c’est-à-dire un mélange d’ingrédients médicinaux et non médicinaux. Les revendications d’utilisation portaient uniquement sur ces formulations. Comme je l’explique plus loin, la jurisprudence antérieure a utilisé cette définition de formulation avant qu’elle soit intégrée dans les définitions de la version de 2006 du Règlement sur les MB(AC) (voir le paragraphe 41 ci-dessus). En fait, GSK elle-même a invoqué l’une de ces décisions, Hoffmann, dans ses observations (voir le dossier d’appel, vol. 7, p. 1687, note de bas de page 15). De l’avis du ministre, rien dans le paragraphe 3(2) ne permet d’établir l’admissibilité des revendications liées à une formulation.

[86] Quant aux observations de GSK selon lesquelles aucune disposition législative ne prévoit l’exclusion de certains types de revendications de l’admissibilité à un CPS, le ministre a clairement signifié son désaccord et indiqué que le REIR confirmait son interprétation du paragraphe 3(2). Le ministre s’est également fondé sur un passage explicite à ce sujet (à la page 17) de la ligne directrice de Santé Canada portant sur le Règlement sur les CPS, qui confirmait son interprétation. Il a enfin mentionné, en citant le REIR, que cette interprétation était compatible avec le libellé de l’AECG, qui comprend l’expression « en tant que tel ».

[87] J’ai déjà résumé le contexte légal et je ne le répéterai pas ici en détail.

[88] Le mot « revendication » a de nombreuses acceptions courantes. Parmi les définitions du dictionnaire, la plus pertinente en l’espèce est la suivante : [traduction] « un droit ou un titre à quelque chose » (Oxford English Dictionary Online, Oxford University Press, sub verbo « claim » (revendication)).

[89] De toute évidence, lorsqu’on interprète les mots utilisés, il importe de tenir compte du contexte particulier dans lequel ils sont utilisés. En l’espèce, le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets dispose que les revendications du brevet doivent définir distinctement et en des termes explicites « l’objet de l’invention » dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[90] Le Règlement sur les CPS définit les critères auxquels il faut satisfaire pour qu’un brevet soit lié à un ingrédient médicinal ou à une combinaison d’ingrédients médicinaux, comme l’exige l’alinéa 106(1)c) de la Loi sur les brevets. Il est important ici de rappeler que cette nouvelle section de la Loi sur les brevets est intitulée « Protection supplémentaire pour les inventions – ingrédients médicinaux » (non souligné dans l’original).

[91] Dans ce contexte, les notions suivantes du droit des brevets sont bien établies et ont souvent été utilisées dans la jurisprudence : revendications de produit, revendications de produit par le procédé, revendications de la formulation ou de la composition et revendications d’utilisation. Il est rare aujourd’hui qu’il faille expliquer ce que signifient ces expressions. Il en était ainsi même avant que le gouverneur en conseil ajoute les définitions des expressions « revendication pour le médicament en soi » ou « revendication pour l’utilisation du médicament » dans la version de 1993 du Règlement sur les MB(AC), et « revendication de la formulation » et « revendication de l’ingrédient médicinal » dans la version de 2006 de ce Règlement; cependant, lorsque qu’elles ont été faites, ces adjonctions ont donné lieu à de nombreuses décisions judiciaires qui ont aidé le gouverneur en conseil à préciser ces expressions. Comme nous le verrons plus loin, cette jurisprudence peut dans une certaine mesure être utile en l’espèce, tout comme la décision Bayer l’a été pour préciser la définition de principe ou ingrédient actif ou d’ingrédient médicinal. Bien que ces règlements puissent avoir des objets différents, ces derniers sont néanmoins liés (il suffit de penser aux nombreux renvois aux certificats de protection supplémentaire qui ont été ajoutés au Règlement sur les MB(AC) dans le cadre de la mise en œuvre de l’AECG).

[92] Dans le présent contexte, il semblerait assez simple de dire qu’une revendication de l’ingrédient médicinal ou d’une combinaison de tous les ingrédients médicinaux serait normalement considérée comme étant une revendication de ces composés (revendication de produits). Ou, compte tenu de l’historique particulier des médicaments, qui ont par le passé été assujettis à des restrictions quant à la façon dont ils pouvaient faire l’objet de revendications en vertu de la Loi sur les brevets, elle pourrait être considérée comme comprenant une revendication de produit par le procédé (voir, par exemple, l’article 41 de la Loi sur les brevets, S.R.C. 1952, ch. 203, tel qu’il est examiné dans l’arrêt Farbwerke Hoechst A.G. vormals Meister Lucius & Bruning v. Canada (Commissioner of Patents), [1964] S.C.R. 49, 41 C.P.R. 9). Dans ces revendications, la [traduction] « substance médicinale » (expression utilisée dans l’arrêt Farbwerke) devait être définie en fonction du procédé par lequel elle avait été fabriquée.

[93] Si on interprète l’alinéa 3(2)a) conjointement avec les alinéas 3(2)b) et c), on pourrait conclure que l’alinéa 3(2)a) ne comprend pas les revendications de produit par le procédé visant des ingrédients médicinaux, car celles-ci sont expressément visées par l’alinéa b).

[94] La revendication de l’utilisation d’un ingrédient médicinal ou d’une combinaison de tous les ingrédients médicinaux est également une notion bien comprise. Ces revendications incluent les revendications dites de type « suisse » et elles sont particulièrement utiles lorsque les composés sont déjà connus et que l’objet de l’invention est lié à une utilisation nouvelle.

[95] Compte tenu de l’énumération figurant au paragraphe 3(2) et du fait qu’à moins d’y figurer, aucun autre type donné de revendication ne rendra un brevet admissible de la manière réglementaire, je ne crois pas que le législateur était tenu de rendre expressément inadmissibles les revendications de brevet visant une formulation. Cela aurait certes facilité notre analyse de la loi, mais ce n’est pas en soi un motif suffisant pour juger que la conclusion du ministre était déraisonnable ou pour ignorer les explications fournies dans le REIR comme indication de l’intention du législateur (décision de la CF, par. 44).

[96] Les tribunaux ont été parfaitement capables d’exclure les revendications au titre d’un procédé pur ou d’autres types de revendications (par exemple, des revendications visant des composés intermédiaires) de la définition de « revendication pour le médicament », sans qu’il y ait d’exclusion expresse (voir, par exemple, Deprenyl Research Ltd. c. Apotex Inc., [1994] A.C.F. no 542 (C.F. 1re inst.), conf. par [1995] A.C.F. n532 (C.A.F.), et Hoffmann, par. 48).

[97] Les tribunaux ont également été en mesure d’inclure des revendications de compositions ou de formulations lorsque le libellé de l’objet de la revendication leur permettait de le faire.

[98] C’est exactement ce qui a est arrivé dans l’affaire Hoffmann, lorsque la Cour fédérale (dont la décision a été confirmée par notre Cour) devait déterminer si une revendication visant une composition constituée de principes actifs et non actifs dans un médicament approuvé constituait une « revendication pour le médicament en soi ».

[99] Je commencerai par faire observer que, dans la décision Hoffmann, les expressions « revendication pour la formulation » et « revendication pour la composition » ont été utilisées de manière interchangeable. Il ne faisait aucun doute que les deux expressions renvoyaient à une revendication visant un mélange de principes actifs et non actifs (Hoffmann, par. 42). Ce qui importait, c’était de déterminer si la revendication était pour le médicament (medicine). Utilisant l’approche moderne en matière d’interprétation des lois, le juge Noël (aujourd’hui juge en chef de notre Cour) a conclu que le mot « médicament » n’était pas utilisé en opposition au mot « drogue ». Le mot « médicament » était plutôt utilisé pour exclure un désinfectant, qui aurait fait partie de la définition de « drogue » au sens de l’article 2 du Règlement sur les aliments et drogues (Hoffmann, par. 37 et 47). Comme le mot « médicament » pouvait faire référence à la fois au principe actif proprement dit ou au médicament approuvé qui le contenait, la revendication de formulation ou de composition, c’est-à-dire le mélange de principes actifs et inactifs contenus dans le médicament approuvé, constituait une revendication pour le médicament.

[100] Cette interprétation est celle qui a été adoptée dans toutes les affaires jusqu’en 2006, au moment où, comment il a été mentionné plus haut, le Règlement sur les MB(AC) a été modifié pour en clarifier certains aspects. Parmi ces clarifications, mentionnons la reconnaissance de la distinction à faire entre revendication de l’ingrédient médicinal (c’est-à-dire le principe ou ingrédient actif contenu dans une drogue ou un produit pharmaceutique) et revendication de la formulation, c’est-à-dire un mélange composé d’ingrédients médicinaux et non médicinaux contenus dans une drogue approuvée. Cette distinction a été apportée même si le législateur a accepté que les deux types de revendications continuent de relever du champ d’application du Règlement sur les MB(AC). Il ne fait aucun doute, à la lecture des sections pertinentes du REIR, que le sens des nouvelles définitions devait être celui que leur avait conféré l’abondante jurisprudence interprétant l’expression « revendication pour le médicament en soi » (REIR, DORS/2006-242, Gazette du Canada, vol. 140, no 21, p. 1516).

[101] Par conséquent, puisque j’ai déjà déterminé qu’il était raisonnable pour le ministre de conclure que le seul ingrédient médicinal en l’espèce était l’antigène, il semble également raisonnable à cette étape de mon analyse (interprétation des mots dans leur contexte) de conclure que la revendication de l’ingrédient médicinal vise uniquement la revendication de l’antigène, et non d’un mélange d’ingrédients dans un médicament approuvé.

[102] L’objet et le but du Règlement sur les CPS ne sont pas vraiment en doute en l’espèce. Pas plus que ne l’est l’objet de la nouvelle section de la Loi sur les brevets. Ceux-ci sont clairement exposés dans le REIR auquel le ministre renvoie dans sa décision. Il serait difficile, voire mal à propos, de présumer que le ministre n’a pas tenu compte du REIR parce qu’il ne le cite pas en détail. Le REIR en question commence ainsi :

Enjeux

Le Règlement sur les certificats de protection supplémentaire (le Règlement) doit, en conjonction avec les modifications apportées à la Loi sur les brevets dans la Loi de mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, établir une période de protection supplémentaire pour les médicaments contenant un nouvel ingrédient médicinal, ou une nouvelle combinaison d’ingrédients médicinaux, protégés par un brevet admissible. Les modifications législatives et réglementaires sont requises afin que le Canada respecte les engagements pris dans le cadre de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne.

Issues

The Certificate of Supplementary Protection Regulations (the Regulations) are required, in conjunction with amendments to the Patent Act in the Canada-European Union Comprehensive Economic and Trade Agreement Implementation Act, to establish an additional period of protection for drugs containing a new medicinal ingredient, or a new combination of medicinal ingredients, protected by an eligible patent. The legislative and regulatory changes are required to meet Canada’s commitment under the Canada-European Union Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA).

Contexte

Background

Afin de remplir les obligations du Canada à l’égard de l’AECG, la Loi sur les brevets (la Loi) a été modifiée afin de créer un cadre pour la délivrance et l’administration des certificats de protection supplémentaires (CPS) pour lesquels les titulaires de brevets liés aux drogues à usage humain et à usage vétérinaire peuvent déposer une demande. Comme le prévoit la Loi, le nouveau régime de CPS, qui sera administré par la ministre de la Santé (la ministre), fournira une protection additionnelle à compter de la date d’expiration du brevet pharmaceutique admissible en fonction de la première autorisation de vente d’une drogue contenant un nouvel ingrédient médicinal ou une nouvelle combinaison d’ingrédients médicinaux au Canada. Cette nouvelle protection, qui vise en partie à compenser le temps consacré à la recherche et à l’obtention d’une autorisation de mise en marché, fournit des droits similaires à ceux des brevets relativement aux drogues contenant le même ingrédient médicinal ou la même combinaison d’ingrédients médicinaux. La portée de la protection ne peut être plus vaste que la protection conférée par le brevet mentionné dans le CPS, et elle est assujettie aux mêmes limites et exceptions que le brevet.

In order to meet Canada’s CETA obligations, the Patent Act (the Act) was amended to create a framework for the issuance and administration of certificates of supplementary protection (CSP), for which patentees with patents relating to human and veterinary drugs may apply. As set out in the Act, the new CSP regime, which will be administered by the Minister of Health (Minister), will provide additional protection from the date of the expiry of the eligible pharmaceutical patent based on the first authorization for sale of a drug containing a new medicinal ingredient or combination of medicinal ingredients in Canada. This new protection, which is intended to partly compensate for time spent in research and obtaining marketing authorization, provides patent-like rights in respect of drugs containing the same medicinal ingredient or combination. The scope of protection can be no broader than the scope of protection afforded by the patent set out in the CSP, and is subject to the same limitations and exceptions as the patent.

[103] Dans ses observations présentées au ministre, GSK n’invoque le REIR que pour faire valoir que son interprétation était conforme à l’objet et aux objectifs qui s’appliquent pour l’interprétation du paragraphe 3(2) (dossier d’appel, vol. 7, p. 1685).

[104] À titre de preuve de l’intention du législateur (en l’espèce, le gouverneur en conseil), le ministre renvoie expressément à la section du REIR sur l’admissibilité des brevets qui porte plus précisément sur la question qu’il devait trancher.

[105] Dans cette section, le REIR établit clairement qu’il n’est pas nécessaire que le brevet protège l’ingrédient médicinal qui a été approuvé; il doit seulement protéger ce qui, dans le REIR, est appelé « le même ingrédient médicinal » (dossier d’appel, vol. 7, p. 1472, article 105 de la Loi sur les brevets et article 2 du Règlement sur les CPS).

[106] À mon avis cela signifie, comme il est expliqué à la page 8 du REIR (dossier d’appel, vol. 7, p. 1470), dans la section intitulée « Mêmes ingrédients médicinaux », que, si l’ingrédient médicinal approuvé ne diffère de l’ingrédient médicinal revendiqué que par une variation mineure, comme un énantiomère ou un appendice (par exemple, un ester ou un sel), à l’intérieur d’une structure moléculaire donnée, il demeure néanmoins admissible à un CPS. La même notion s’applique aux revendications d’utilisation et aux revendications de produit par le procédé. Je n’examinerai pas les observations qui ont été formulées à l’égard des combinaisons d’ingrédients médicinaux, car elles ne sont pas pertinentes en l’espèce.

[107] Le REIR mentionne également que les revendications au titre d’un procédé pur ne rendent pas un brevet admissible, ni ne protègent le « produit » – lequel, comme je l’ai mentionné plus haut, désigne le « principe actif ou la composition de principes actifs » selon l’AECG. Cette interprétation serait elle aussi dérivée de la jurisprudence mentionnée plus haut.

[108] Le REIR établit ensuite ce qui suit :

De plus, les revendications qui visent une formulation contenant l’ingrédient médicinal, y compris les compositions, les préparations ou des revendications similaires, ne rendent pas un brevet admissible à un CPS. Une revendication relative à une formulation ne protège pas l’ingrédient médicinal ou la combinaison d’ingrédients médicinaux en soit. Par exemple, une revendication à l’égard d’une formulation peut être orientée vers l’amélioration de la stabilité des ingrédients médicinaux. Cela est conforme avec l’AECG, qui ne requiert que la protection de l’ingrédient médicinal ou de la combinaison d’ingrédients médicinaux lorsqu’ils sont revendiqués « comme tels ».

Also, claims that are directed to a formulation containing the medicinal ingredient, including compositions, preparations or similar claim types, do not make a patent eligible for a CSP. A claim to a formulation does not protect the medicinal ingredient or combination of medicinal ingredients per se. A claim to a formulation may be directed, for example, to the improvement of the stability of medicinal ingredients. This is consistent with CETA, which only requires the protection of the medicinal ingredient or combination of medicinal ingredients when claimed “as such.”

[109] La première phrase expose très clairement une intention du législateur, qui est compatible avec le sens qui se dégage des mots utilisés au paragraphe 3(2) lorsqu’ils sont interprétés dans leur contexte.

[110] Je constate que la Cour fédérale semble critiquer quelque peu l’utilisation des mots « en soi » dans cette section du REIR, lorsqu’elle déclare que ces mots ne figurent pas expressément dans les dispositions législatives (décision de la CF, par. 26). Premièrement, comme je l’ai mentionné, le sens généralement accepté de l’expression « revendication de l’ingrédient médicinal » interprétée dans son contexte constitue un motif suffisant d’affirmer qu’une telle revendication viserait l’ingrédient médicinal « en soi ». Deuxièmement, à moins d’être peu habile dans la rédaction de revendications, si l’objet de l’invention est un ingrédient médicinal, celui-ci ne serait généralement pas revendiqué uniquement au titre d’une formulation, car cela n’offrirait qu’une protection très limitée pour cette invention. Pareille revendication pourrait très bien faire partie d’une série de revendications figurant dans un brevet. Il n’existe aucune restriction quant à ce que peut contenir le brevet dans son ensemble; certains brevets contiendront une revendication liée à la formulation (complète ou non) de la drogue approuvée, alors que d’autres n’en contiendront pas. Il faut en retenir ceci : peu importe le nombre et la diversité des revendications figurant dans un brevet, il faut qu’il y ait au moins un des trois types de revendication visés au paragraphe 3(2).

[111] L’exemple utilisé dans le REIR concernant une formulation qui assurerait une plus grande stabilité montre que le législateur n’avait pas l’intention de protéger une simple amélioration à un ingrédient médicinal connu. Je ne suis pas d’accord pour dire que cet exemple renvoie nécessairement à une amélioration mineure (décision de la CF, par. 44). Les questions de stabilité peuvent être très importantes et, si la revendication a été retenue, on peut présumer qu’elle était liée à une invention nouvelle et utile. Quoi qu’il en soit, l’exemple ne limite pas l’énoncé général.

[112] En fait, cet exemple n’est pas très loin de ce qui semble être la situation en l’espèce. L’antigène en l’espèce était connu pour son utilisation dans un vaccin contre le virus varicelle-zona (VZV) qui cause la varicelle et le zona (voir le paragraphe 81 plus haut). Le fait qu’il soit mélangé avec les ingrédients non médicinaux brevetés dans le brevet 905 (le soi-disant système d’adjuvant de propriété exclusive) a produit un vaccin amélioré pour la même indication, c’est-à-dire le zona. Toutes les revendications dans ce brevet sont liées à cette combinaison.

[113] La dernière phrase de l’extrait précité du REIR me ramène à l’AECG, auquel le REIR renvoie lorsqu’on y mentionne les mots « comme tels » et la définition du « brevet de base ».

[114] Je suis d’avis que l’on pourrait raisonnablement conclure, après une interprétation raisonnable du REIR, que le législateur a tenté d’adopter un texte qui serait compatible avec la définition de « brevet de base » figurant à l’article 20.27 de l’AECG, tout en l’adaptant au langage utilisé dans les lois canadiennes sur les brevets et à leur interprétation. Selon le paragraphe 20.27(1), « brevet de base désigne un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit [...] ». Personne ne conteste le fait que le mot « application » signifie « utilisation ».

[115] À cette étape, je ne vois aucune raison de conclure que le paragraphe 3(2), tel que le législateur voulait qu’il soit interprété et appliqué, va à l’encontre de l’obligation qui incombe au Canada au titre de l’article 20.27.

[116] Il est précisé dans le REIR que l’Union européenne a été consultée sur le libellé du Règlement sur les CPS (dossier d’appel, vol. 7, p. 1475).

[117] Je constate par ailleurs qu’au cas où l’interprétation que fait le Canada de l’AECG – telle qu’elle est présentée dans l’Énoncé canadien des mesures de mise en œuvre ou dans le Règlement sur les CPS – ne serait pas compatible avec l’AECG, ce dernier prévoit un mécanisme intégral de règlement des différends (chapitre 29) et qu’il existe un Comité mixte de l’AECG comportant divers sous-comités spécialisés. Aucun élément de preuve n’indique que l’Union européenne considère que la mise en œuvre de l’AECG par le gouvernement canadien est incompatible avec ses obligations.

[118] Il est un dernier point que j’aimerais examiner avant de déterminer si la décision du ministre était raisonnable. Il concerne une observation que GSK a formulée dans ses observations écrites supplémentaires et qui porte sur le sens donné à l’expression « brevet de base » dans la jurisprudence de la CJUE.

[119] GSK a affirmé que le mot « protège » avait été interprété dans la réglementation européenne comme signifiant que le principe actif ou la composition de principes actifs étaient bien définis dans les revendications, ou pouvaient l’être, lorsque celles-ci sont interprétées en conjonction avec la description du brevet et en regard des connaissances générales au moment du dépôt du brevet. Par conséquent, toute revendication de formulation où est spécifié un ingrédient ou principe actif, comme c’est le cas pour le brevet 905, serait suffisante pour qu’il soit satisfait au critère.

[120] J’ai examiné la jurisprudence et les documents qui ont été invoqués, y compris les observations du ministre selon lesquelles la jurisprudence européenne sur cette question n’est guère utile en raison des particularités du double système juridique des brevets de l’Union européenne et de ses États membres ainsi qu’en raison du libellé précis utilisé dans les dispositions législatives canadiennes.

[121] Je dois mentionner que la CJUE n’a pas compétence sur l’application du droit national des brevets ou son interprétation par les cours nationales, ni sur la Convention sur le brevet européen ou son interprétation. Lorsqu’on examine la jurisprudence de la CJUE, il est clair que cette cour a eu besoin de nombreuses années pour trouver une interprétation qui conviendrait à tous ses membres. Comme l’a affirmé un auteur cité par le ministre, il semble que les mots « protégé par » aient fait l’objet de plus de renvois que toute autre disposition de ce Règlement, et c’est le cas depuis les années 1990 (Alexa von Uexküll et Oswin Ridderbusch, European SPCs Unravelled: A Practitioner’s Guide to Supplementary Protection Certificates in Europe (Wolters Kluwer, 2018), p. 58).

[122] GSK se fonde sur le paragraphe 40 de l’arrêt Glaxo pour démontrer que, dans le cas d’un brevet comme le brevet 905, la CJUE a conclu qu’une revendication de formulation protège l’antigène « en tant que tel » et est donc admissible à une protection. Ce passage n’est pas convaincant, car la question en litige n’a pas été soulevée par la juridiction de renvoi et que le raisonnement qui sous-tend cet énoncé n’est pas vraiment expliqué. Nous ne savons même pas à quelle revendication de ce brevet l’énoncé se rapporte. Ainsi qu’il a été mentionné, la jurisprudence étrangère n’est utile que si son raisonnement est convaincant. En fait, la seule décision dont nous avons été saisis où la CJUE s’est penchée sur l’expression « en tant que tel » est Actavis Group PTC EHF et al. c. Boehringer Ingelheim Pharma GmbH & Co. KG, affaire C‑577/13, 12 mars 2015, aux paragraphes 28 à 38. L’interprétation et le raisonnement dans cette décision ne me convainquent pas que l’interprétation du gouvernement canadien va à l’encontre des obligations qui lui incombent au titre de l’AECG. Les longs et vifs débats suscités par la réglementation européenne montrent qu’il pourrait y avoir plus d’une manière d’interpréter le libellé en cause de l’AECG, selon le droit et la jurisprudence sur les brevets propres à chacun.

[123] Un brevet qui protège le produit (c’est-à-dire le principe actif) en tant que tel est conforme à l’exigence voulant que le brevet doive comporter une revendication de l’ingrédient médicinal, soit une revendication qui définit l’objet de l’invention comme étant l’ingrédient médicinal ou la combinaison d’ingrédients médicinaux.

[124] Si les objectifs généraux définis à l’article 20.1 de l’AECG exigeaient l’adoption d’une politique plus large que ce que pensait le Canada, les parties auraient pu facilement dire que toute revendication dans laquelle l’objet de l’invention était défini comme étant les principes actifs contenus dans le produit pharmaceutique combinés à tout autre ingrédient constituait un brevet de base. Pourquoi les parties parlent-elles seulement de combinaisons de principes actifs?

[125] Je vais conclure en rappelant une évidence. Il n’appartient pas aux juges de réécrire les politiques gouvernementales lorsqu’ils sont d’avis que ces politiques ne sont pas équitables ou qu’elles n’ont pas une portée suffisante pour couvrir, comme c’est le cas en l’espèce, un vaccin qui constitue à leur avis une amélioration bienvenue (décision de la CF, par. 45). À l’instar d’un grand nombre de personnes âgées de plus de 55 ans, je sais que le vaccin SHINGRIX est plus efficace que les vaccins précédents contre le zona; cependant, selon la politique actuelle du gouvernement canadien, cela ne suffit pas à le rendre admissible à un CPS à l’égard d’un brevet portant essentiellement sur ce vaccin ou ce produit pharmaceutique amélioré et ne comprenant pas le type de revendication prescrit par le législateur canadien.

VI. Conclusion

[126] Je conclus que la décision du ministre était raisonnable, compte tenu des observations qui lui ont été présentées et de son raisonnement. Par conséquent, la Cour fédérale n’a pas correctement appliqué la norme de contrôle applicable, et je propose que l’appel soit accueilli. Aucune des parties n’a demandé les dépens.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Marianne Rivoalen, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

George R. Locke, j.c.a. »


ANNEXE A

Loi de mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne

L.C. 2017, ch. 6

[...]

[...]

Définitions et interprétation

Interpretation

Définitions

Definitions

[...]

[...]

Interprétation compatible

Interpretation consistent with Agreement

3 Il est entendu que la présente loi et tout texte législatif fédéral qui met en œuvre une disposition de l’Accord ou vise à permettre au gouvernement du Canada d’exécuter une obligation contractée par lui aux termes de l’Accord s’interprètent d’une manière compatible avec celui-ci.

3 For greater certainty, this Act and any federal law that implements a provision of the Agreement or fulfils an obligation of the Government of Canada under the Agreement is to be interpreted in a manner consistent with the Agreement.

[...]

[...]

Objet

Purpose

Objet

Purpose

7 La présente loi a pour objet la mise en œuvre de l’Accord dont les objectifs — définis de façon plus précise dans ses dispositions — sont les suivants :

7 The purpose of this Act is to implement the Agreement, the objectives of which, as elaborated more specifically through its provisions, are to

[...]

[...]

f) assurer de façon efficace et suffisante la protection et le respect des droits de propriété intellectuelle sur le territoire auquel l’Accord s’applique;

(f) provide adequate and effective protection and enforcement of intellectual property rights in the territory where the Agreement applies;

[...]

[...]


Règlement sur les certificats de protection supplémentaire

DORS/2017-165

[...]

[...]

Variations

Variations

2 Pour l’application des paragraphes 105(3) et (4) de la Loi, sont des variations :

2 For the purposes of subsections 105(3) and (4) of the Act, the prescribed variations are

a) la variation de tout appendice dans la structure moléculaire de l’ingrédient médicinal qui en fait un ester, un sel, un complexe, un chélate, un clathrate ou un dérivé non covalent;

(a) a variation in any appendage within the molecular structure of a medicinal ingredient that causes it to be an ester, salt, complex, chelate, clathrate or any non-covalent derivative;

b) la variation qui est un énantiomère, ou un mélange d’énantiomères, d’un ingrédient médicinal;

(b) a variation that is an enantiomer, or a mixture of enantiomers, of a medicinal ingredient;

c) la variation qui est un solvate ou un polymorphe d’un ingrédient médicinal;

(c) a variation that is a solvate or polymorph of a medicinal ingredient;

d) toute modification post-traductionnelle in vivo ou in vitro d’un ingrédient médicinal;

(d) an in vivo or in vitro post-translational modification of a medicinal ingredient; and

e) toute combinaison des variations visées aux alinéas a) à d).

(e) any combination of the variations set out in paragraphs (a) to (d).

[...]

[...]

Contenu de la demande

Content of application

6(3) Toute demande de certificat de protection supplémentaire contient ce qui suit :

6(3) An application for a certificate of supplementary protection must contain

[...]

[...]

d) l’attestation du demandeur portant que :

(d) the applicant’s attestation that

(i) au moment du dépôt de la demande d’autorisation de mise en marché visée à l’alinéa 106(1)c) de la Loi, aucune demande pour une autorisation de vente équivalant à une autorisation de mise en marché, relativement à l’ingrédient médicinal ou à la combinaison d’ingrédients médicinaux, selon le cas, mentionné dans la demande de certificat de protection supplémentaire, n’avait été présentée auprès d’un des pays visés à l’alinéa (1)a),

(i) when the application was filed for the authorization for sale referred to in paragraph 106(1)(c) of the Act, no application for a marketing approval, equivalent to an authorization for sale, with respect to the medicinal ingredient or combination of medicinal ingredients, as the case may be, set out in the application for the certificate of supplementary protection had been submitted in a country prescribed by paragraph (1)(a), or

(ii) si une ou plusieurs de ces demandes d’autorisation de vente avaient été présentées auprès d’un ou de plusieurs de ces pays, la demande d’autorisation de mise en marché visée à l’alinéa 106(1)c) de la Loi a été déposée avant la fin du délai prévu à l’alinéa (1)b) qui commence à la date de présentation de la première de ces demandes d’autorisation de vente;

(ii) if one or more of those applications for a marketing approval had been submitted in one or more of those countries, the application for the authorization for sale referred to in paragraph 106(1)(c) of the Act was filed before the end of the prescribed period referred to in paragraph (1)(b) that begins on the day of submission of the first of those marketing approval applications; and


Loi sur les brevets

L.R.C. (1985), ch. P-4

[...]

[...]

Protection supplémentaire pour les inventions — ingrédients médicinaux

Supplementary Protection for Inventions — Medicinal Ingredients

Définitions et interprétation

Interpretation

Définitions

Definitions

104 Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et aux articles 105 à 134.

104 The following definitions apply in this section and in sections 105 to 134.

autorisation de mise en marché S’entend au sens des règlements. (authorization for sale)

authorization for salehas the meaning assigned by regulations. (autorisation de mise en marché)

drogue Substance ou mélange de substances qui est fabriqué, vendu ou présenté comme pouvant servir à l’une des fins suivantes :

drug means a substance or a mixture of substances manufactured, sold or represented for use in

a) le diagnostic, le traitement, l’atténuation, la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal ou de leurs symptômes, chez l’être humain ou les animaux;

(a) the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or its symptoms, in human beings or animals; or

b) la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques chez l’être humain ou les animaux. (drug)

(b) restoring, correcting or modifying organic functions in human beings or animals. (drogue)

[...]

[...]

Interprétation

Interpretation

105 (1) Pour l’application du présent article et des articles 106 à 134, dans le cas où un brevet est redélivré en vertu de l’article 47, la date de dépôt de la demande de brevet est réputée être celle de la demande du brevet original et la date d’octroi du nouveau brevet est réputée être celle du brevet original.

105 (1) For the purposes of this section and sections 106 to 134, if a patent is reissued under section 47, it is deemed to have been granted on the day on which the original patent was granted and its application filing date is deemed to be the day on which the application for the original patent was filed.

[...]

[...]

Même ingrédient médicinal — usage humain

Same medicinal ingredient — human use

(3) Pour l’application du présent article et des articles 106 à 134, lorsque des ingrédients médicinaux contenus dans des drogues autorisées pour un usage humain ne diffèrent entre eux que par une variation prévue par règlement, ils sont considérés comme le même ingrédient.

(3) If medicinal ingredients contained in drugs authorized for human use differ from each other only with respect to a prescribed variation, they are to be treated as the same medicinal ingredient for the purposes of this section and sections 106 to 134.

[...]

[...]

Même combinaison — usage humain

Same combination — human use

(5) Pour l’application du présent article et des articles 106 à 134, lorsque des combinaisons d’ingrédients médicinaux contenues dans des drogues autorisées pour un usage humain ne diffèrent entre elles que par une variation dans la proportion des ingrédients qu’elles contiennent, elles sont considérées comme la même combinaison.

(5) If combinations of medicinal ingredients contained in drugs authorized for human use differ from each other only with respect to a variation in the ratio between those ingredients, they are to be treated as the same combination of medicinal ingredients for the purposes of this section and sections 106 to 134.

[...]

[...]

Demande de certificat de protection supplémentaire

Application for Certificate of Supplementary Protection

Demande

Application

106 (1) Le titulaire d’un brevet peut, sur paiement des taxes réglementaires, présenter au ministre une demande de certificat de protection supplémentaire pour l’invention à laquelle le brevet se rapporte si, à la fois :

106 (1) On the payment of the prescribed fee, a patentee may apply to the Minister for a certificate of supplementary protection for a patented invention if all of the following conditions are met:

a) le brevet n’est pas nul et il satisfait aux exigences réglementaires;

(a) the patent is not void and it meets any prescribed requirements;

b) la date de dépôt de la demande de brevet est le 1er octobre 1989 ou est postérieure à cette date;

(b) the filing date for the application for the patent is on or after October 1, 1989;

c) le brevet est lié, de la manière prévue par règlement, à un ingrédient médicinal ou à une combinaison d’ingrédients médicinaux contenus dans une drogue pour laquelle une autorisation de mise en marché prévue par règlement a été délivrée à la date d’entrée en vigueur du présent article ou après cette date;

(c) the patent pertains in the prescribed manner to a medicinal ingredient, or combination of medicinal ingredients, contained in a drug for which an authorization for sale of the prescribed kind was issued on or after the day on which this section comes into force;

d) l’autorisation de mise en marché est la première autorisation de mise en marché à avoir été délivrée à l’égard de l’ingrédient médicinal ou de la combinaison d’ingrédients médicinaux, selon le cas;

(d) the authorization for sale is the first authorization for sale that has been issued with respect to the medicinal ingredient or the combination of medicinal ingredients, as the case may be;

e) aucun autre certificat de protection supplémentaire n’a été délivré à l’égard de l’ingrédient médicinal ou de la combinaison d’ingrédients médicinaux, selon le cas;

(e) no other certificate of supplementary protection has been issued with respect to the medicinal ingredient or the combination of medicinal ingredients, as the case may be;

f) dans le cas où, avant le dépôt auprès du ministre de la demande d’autorisation de mise en marché, une demande a été présentée auprès d’un pays prévu par règlement relativement à l’ingrédient médicinal ou à la combinaison d’ingrédients médicinaux, selon le cas, dans le but d’obtenir une autorisation de vente équivalant à une autorisation de mise en marché, la demande d’autorisation de mise en marché a été déposée avant l’expiration du délai réglementaire qui commence à la date à laquelle une telle demande d’autorisation de vente a été présentée pour la première fois.

(f) if an application for a marketing approval, equivalent to an authorization for sale, was submitted in a prescribed country with respect to the medicinal ingredient or combination of medicinal ingredients, as the case may be, before the application for the authorization for sale was filed with the Minister, the application for the authorization for sale was filed before the end of the prescribed period that begins on the day on which the first such application for a marketing approval was submitted.


Accord économique et commercial global

[...]

[...]

Chapitre vingt : Propriété intellectuelle

Chapter twenty: Intellectual property

Section A – Dispositions générales

Section A – General Provisions

Article 20.1 – Objectifs

Article 20.1 – Objectives

Les objectifs du présent chapitre sont les suivants :

The objectives of this Chapter are to:

a. faciliter la production et la commercialisation de produits novateurs et créatifs et la prestation de services entre les Parties;

a. facilitate the production and commercialisation of innovative and creative products, and the provision of services, between the Parties; and

b. atteindre un niveau approprié et efficace de protection et de mise en œuvre des droits de propriété intellectuelle.

b. achieve an adequate and effective level of protection and enforcement of intellectual property rights.

Article 20.2 – Nature et portée des obligations

Article 20.2 – Nature and scope of obligations

1. Les dispositions du présent chapitre complètent les droits et obligations réciproques des Parties au titre de l'Accord sur les ADPIC.

1. The provisions of this Chapter complement the rights and obligations between the Parties under the TRIPS Agreement.

2. Chaque Partie est libre de déterminer la méthode appropriée pour mettre en œuvre les dispositions du présent accord dans le cadre de son système et de ses pratiques juridiques.

2. Each Party shall be free to determine the appropriate method of implementing the provisions of this Agreement within its own legal system and practice.

3. Le présent accord ne crée aucune obligation en ce qui concerne la répartition des ressources entre les moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle et les moyens de faire respecter le droit en général.

3. This Agreement does not create any obligation with respect to the distribution of resources as between enforcement of intellectual property rights and enforcement of law in general.

[...]

[...]

Section B – Normes concernant les droits de propriété intellectuelle

Section B – Standards Concerning Intellectual Property Rights

Article 20.6 - Définition

Article 20.6 – Definition

Pour l'application de la présente section :

For the purposes of this Section:

produit pharmaceutique désigne un produit, y compris un médicament chimique, un médicament biologique, un vaccin ou un médicament radiopharmaceutique, qui est fabriqué, vendu ou présenté pour servir, selon le cas :

pharmaceutical product means a product including a chemical drug, biologic drug, vaccine or radiopharmaceutical, that is manufactured, sold or represented for use in:

a. au diagnostic médical, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un trouble, d'un état physique anormal ou de leurs symptômes;

a. making a medical diagnosis, treating, mitigating or preventing disease, disorder, or abnormal physical state, or its symptoms, or

b. à la restauration, à la correction ou à la modification de fonctions physiologiques.

b. restoring, correcting, or modifying physiological functions.

[...]

[...]

Sous-section E – Brevets

Sub-section E – Patents

[...]

[...]

Article 20.27 – Protection sui generis des produits pharmaceutiques

Article 20.27 – Sui generis protection for pharmaceuticals

1.Pour l'application du présent article :

1. For the purposes of this Article:

brevet de base désigne un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d'obtention d'un produit ou une application d'un produit, et qui est désigné par le détenteur d'un brevet pouvant servir de brevet de base comme brevet de base aux fins de l'octroi d'une protection sui generis;

basic patent means a patent which protects a product as such, a process to obtain a product or an application of a product, and which has been designated by the holder of a patent that may serve as a basic patent, as the basic patent for the purpose of the granting of sui generis protection; and

produit désigne le principe actif ou la composition de principes actifs d'un produit pharmaceutique.

product means the active ingredient or combination of active ingredients of a pharmaceutical product.

2. Chaque Partie prévoit une période de protection sui generis à l'égard d'un produit qui est protégé par un brevet de base en cours de validité, sur demande du détenteur du brevet ou de son ayant droit, si les conditions suivantes sont réunies :

2. Each Party shall provide a period of sui generis protection in respect of a product that is protected by a basic patent in force at the request of the holder of the patent or his successor in title, provided the following conditions have been met:

a. le produit a obtenu, en tant que produit pharmaceutique, l'autorisation de mise sur le marché de cette Partie (dénommée "autorisation de mise sur le marché" au présent article);

a. an authorisation has been granted to place the product on the market of that Party as a pharmaceutical product (referred to as "marketing authorisation" in this Article);

b. le produit n'a pas déjà fait l'objet d'une période de protection sui generis;

b. the product has not already been the subject of a period of sui generis protection; and

c. l'autorisation de mise sur le marché visée à l'alinéa a) est la première autorisation de mise sur le marché de cette Partie du produit en tant que produit pharmaceutique.

c. the marketing authorisation referred to in subparagraph (a) is the first authorisation to place the product on the market of that Party as a pharmaceutical product.


RÈGLEMENT SUR LES CPS – RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

Enjeux

Le Règlement sur les certificats de protection supplémentaire (le Règlement) doit, en conjonction avec les modifications apportées à la Loi sur les brevets dans la Loi de mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, établir une période de protection supplémentaire pour les médicaments contenant un nouvel ingrédient médicinal, ou une nouvelle combinaison d’ingrédients médicinaux, protégés par un brevet admissible. Les modifications législatives et réglementaires sont requises afin que le Canada respecte les engagements pris dans le cadre de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne.

Issues

The Certificate of Supplementary Protection Regulations (the Regulations) are required, in conjunction with amendments to the Patent Act in the Canada-European Union Comprehensive Economic and Trade Agreement Implementation Act, to establish an additional period of protection for drugs containing a new medicinal ingredient, or a new combination of medicinal ingredients, protected by an eligible patent. The legislative and regulatory changes are required to meet Canada’s commitment under the Canada-European Union Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA).

Contexte

Background

Afin de remplir les obligations du Canada à l’égard de l’AECG, la Loi sur les brevets (la Loi) a été modifiée afin de créer un cadre pour la délivrance et l’administration des certificats de protection supplémentaires (CPS) pour lesquels les titulaires de brevets liés aux drogues à usage humain et à usage vétérinaire peuvent déposer une demande. Comme le prévoit la Loi, le nouveau régime de CPS, qui sera administré par la ministre de la Santé (la ministre), fournira une protection additionnelle à compter de la date d’expiration du brevet pharmaceutique admissible en fonction de la première autorisation de vente d’une drogue contenant un nouvel ingrédient médicinal ou une nouvelle combinaison d’ingrédients médicinaux au Canada. Cette nouvelle protection, qui vise en partie à compenser le temps consacré à la recherche et à l’obtention d’une autorisation de mise en marché, fournit des droits similaires à ceux des brevets relativement aux drogues contenant le même ingrédient médicinal ou la même combinaison d’ingrédients médicinaux. La portée de la protection ne peut être plus vaste que la protection conférée par le brevet mentionné dans le CPS, et elle est assujettie aux mêmes limites et exceptions que le brevet.

In order to meet Canada’s CETA obligations, the Patent Act (the Act) was amended to create a framework for the issuance and administration of certificates of supplementary protection (CSP), for which patentees with patents relating to human and veterinary drugs may apply. As set out in the Act, the new CSP regime, which will be administered by the Minister of Health (Minister), will provide additional protection from the date of the expiry of the eligible pharmaceutical patent based on the first authorization for sale of a drug containing a new medicinal ingredient or combination of medicinal ingredients in Canada. This new protection, which is intended to partly compensate for time spent in research and obtaining marketing authorization, provides patent-like rights in respect of drugs containing the same medicinal ingredient or combination. The scope of protection can be no broader than the scope of protection afforded by the patent set out in the CSP, and is subject to the same limitations and exceptions as the patent.

La durée du CPS représente la différence entre la date de dépôt de la demande de brevet et la date d’émission de l’autorisation de mise en marché, réduite de cinq ans, et plafonnée à deux ans (c’est-à-dire durée du CPS = [date de l’avis de conformité – date de dépôt du brevet] – cinq ans, avec un plafond de deux ans).

The term of a CSP is the difference between the date of the filing of the application for the patent and the date of issuance of the authorization for sale, reduced by five years, and capped at two years (i.e. CSP term = [Notice of Compliance date – Patent filing date] – five years, with a cap of two years).

La Loi prévoit que les demandes de CPS peuvent être présentées dans un délai prescrit à partir : (i) de l’autorisation de mise en marché d’une drogue; ou (ii) de la délivrance subséquente d’un brevet admissible qui a lieu après l’autorisation de mise en marché de la drogue. Pour être admissible, la demande d’autorisation de mise en marché d’une drogue contenant un ingrédient médicinal ou une combinaison d’ingrédients médicinaux doit être présentée au ministre avant que, ou dans un délai raisonnable à partir du moment où, la première demande visant une approbation d’une drogue contenant le même ingrédient médicinal ou la même combinaison d’ingrédients médicinaux a été déposée dans une des juridictions comparables (l’exigence de dépôt en temps opportun). Pour qu’un ingrédient médicinal ou une combinaison d’ingrédients médicinaux soit admissible à un CPS, la vente de la drogue qui contient l’ingrédient visé ne doit pas avoir été autorisée précédemment (au sens du projet de règlement) au Canada.

The Act allows CSP applications to be submitted within a prescribed timeframe from (i) the authorization for sale of a drug; or (ii) the subsequent grant of an eligible patent that occurs after the authorization for sale of the drug. To be eligible, the application for authorization to sell a drug containing a medicinal ingredient or combination must be filed with the Minister before, or within a reasonable amount of time from, when the approval of a drug containing the same medicinal ingredient or combination was first sought in any comparable jurisdictions (the timely submission requirement). For a medicinal ingredient or combination to be eligible for a CSP, a drug containing it must not have been previously authorized for sale (as that phrase is defined) in Canada.

Ce régime est essentiellement défini dans les modifications apportées à la Loi. Le Règlement précise les différents délais ainsi que les exigences nécessaires aux fins du régime.

This regime is substantially defined in the amendments to the Act. The Regulations specify the various timelines and requirements necessary for the purpose of the regime.

[...]

[...]

Objectifs

Objectives

Le Règlement accompagne les modifications apportées à la Loi, qui établissent le régime de CPS. Ce régime met en œuvre l’engagement du Canada à l’égard de l’AECG en prévoyant une période additionnelle de protection similaire à celle des brevets pour les drogues contenant de nouveaux ingrédients médicinaux et de nouvelles combinaisons d’ingrédients médicinaux.

The Regulations accompany the Act amendments which establish the CSP regime. This regime implements Canada’s commitment in the CETA by providing for an additional period of patent-like protection for drugs containing new medicinal ingredients and new combinations of medicinal ingredients.

Le Règlement prévoit plusieurs délais, exigences et procédures nécessaires afin de mettre en œuvre le régime de CPS défini aux articles 104 à 134 de la Loi.

The Regulations provide for various timelines, requirements and procedures needed to carry out the CSP regime defined in sections 104–134 of the Act.

Description

Description

La partie qui suit décrit les différents éléments spécifiques du régime de CPS prévu par le Règlement.

The following describes the various specific elements of the CSP regime prescribed in the Regulations.

a) Mêmes ingrédients médicinaux

(a) Same medicinal ingredients

Afin de veiller à ce que des variations relativement mineures d’ingrédients médicinaux ou de combinaisons d’ingrédients médicinaux ne puissent être utilisées pour contourner la portée de la protection que confère un CPS, ou les exigences en matière d’admissibilité liées à la première autorisation ou le dépôt en temps opportun, le Règlement prévoit les variations d’ingrédients médicinaux qui pourraient faire en sorte que des ingrédients médicinaux soient considérés comme les mêmes.

In order to ensure that relatively minor variations in medicinal ingredients or combinations of medicinal ingredients cannot be used to circumvent the scope of protection granted by an issued CSP, or the eligibility requirements relating to the first authorization or timely submission, the Regulations prescribe the variations in medicinal ingredients that would lead to the medicinal ingredients being considered the same.

Sous réserve du paragraphe 105(2) de la Loi concernant les usages humains et les usages vétérinaires, si les ingrédients médicinaux ne diffèrent entre eux que par une ou plusieurs des variations prescrites de tout appendice dans la structure moléculaire (c’est-à-dire un ester, un sel, un complexe, un chélate, un clathrate ou un dérivé non covalent), alors les ingrédients médicinaux sont considérés les mêmes. Le terme « appendice », dans le contexte des ingrédients médicinaux, vise à faire référence à une portion de la molécule qui est rattachée ou jointe à une partie plus large ou plus importante. Il désigne la partie non principale de la molécule qui n’est pas essentiellement responsable du mécanisme de l’action de l’ingrédient médicinal. De plus, si les ingrédients médicinaux ne diffèrent entre eux que par la variation qui est un énantiomère, un mélange d’énantiomères, un solvate ou un polymorphe, ils sont traités comme les mêmes ingrédients médicinaux. Les ingrédients médicinaux qui ne diffèrent entre eux qu’en raison de modifications post-traductionnelles qui sont effectuées dans une cellule vivante (in vivo) ou à l’extérieur de celle-ci (in vitro) (par exemple pégylation) sont également traités comme les mêmes. Enfin, toute différence qui survient uniquement en raison de la combinaison de l’une des variations prescrites rendra aussi les ingrédients médicinaux les mêmes.

Subject to subsection 105(2) of the Act regarding human and veterinary uses, if medicinal ingredients only differ from one another with respect to one or more of the following prescribed variations in any appendage within the molecular structure: an ester, salt, complex, chelate, clathrate or non-covalent derivative, then the medicinal ingredients are considered to be the same. The word “appendage” in the context of medicinal ingredients is intended to refer to a portion of the molecule that is connected or joined to a larger or more important part. It is meant to signify the non-principal part of the molecule which is not principally responsible for the mechanism of action of the medicinal ingredient. Also, if the medicinal ingredients only differ from one another with respect to a variation that is an enantiomer, mixture of enantiomers, solvate or polymorph, they are treated as the same medicinal ingredients. Medicinal ingredients that only differ from one another due to post-translational modifications which are done within a living cell (in vivo) or outside of it (in vitro) (e.g. PEGylation) are also treated as the same. Lastly, any differences that arise solely due to combining any of the prescribed variations would also render the medicinal ingredients to be the same.

Il convient de noter que deux combinaisons, où les ingrédients médicinaux individuels dans une combinaison sont des variations prescrites de celles de l’autre combinaison, sont considérées être la même combinaison [par exemple Combo 1 (A+B) est la même que Combo 2 (A’+B’) où A’ et A sont des variations prescrites l’une de l’autre, et B’ et B sont également des variations prescrites l’une de l’autre]. Il convient aussi de noter que lorsque les différences entre les deux combinaisons ne résident que dans la proportion de deux ou plusieurs ingrédients médicinaux qui doivent être traités comme étant les mêmes, la Loi prévoit que les deux combinaisons sont considérées être la même combinaison d’ingrédients médicinaux. Par exemple, la combinaison 1, contenant 0,5 g de l’ingrédient médicinal A et 0,5 g de l’ingrédient médicinal B, serait considérée comme la même combinaison que la combinaison 2, contenant 0,4 g de l’ingrédient médicinal A et 0,6 g de l’ingrédient médicinal B (c’est-à-dire changer la dose/la force de l’ingrédient médicinal d’une combinaison n’en fait pas un nouvel ingrédient médicinal ou une nouvelle combinaison).

It should be noted that two combinations, where the individual medicinal ingredients in one combination are prescribed variations of those in the other combination, are considered to be the same combination [e.g. Combo 1 (A+B) is the same as Combo 2 (A’+B’) wherein A’ and A are prescribed variations of one another, and B’ and B are also prescribed variations of one another]. It should also be noted that where differences between two combinations lie only in the proportion of two or more medicinal ingredients that are to be treated as the same, the Act provides that the two combinations are considered to be the same combination of medicinal ingredients. For example, combination 1, containing 0.5 g of medicinal ingredient A and 0.5 g of medicinal ingredient B, would be considered the same combination as combination 2, containing 0.4 g of medicinal ingredient A and 0.6 g of medicinal ingredient B (i.e. changing the medicinal ingredient dose/strength in a combination does not make it a new medicinal ingredient or combination).

b) Autorisations de mise en marché

(b) Authorizations for sale

Pour être admissible, l’ingrédient médicinal ou la combinaison ne peut avoir été le seul ingrédient médicinal ou la seule combinaison de tous les ingrédients médicinaux d’une drogue dont la mise en marché régulière a été autorisée précédemment au Canada (par exemple au moyen d’un avis de conformité, d’un numéro d’identification de la drogue, d’un numéro de produit naturel). Les autorisations en vue d’un usage restreint et les ordonnances intérimaires autorisant la mise en marché de drogues n’empêchent pas qu’un ingrédient médicinal ou une combinaison d’ingrédients médicinaux soient admissibles à un CPS, pour autant que la drogue contenant cet ingrédient médicinal ou une combinaison soit approuvé subséquemment au moyen d’un avis de conformité (AC).

To be eligible, the medicinal ingredient or combination cannot have been the sole medicinal ingredient or the combination of all medicinal ingredients in a drug previously authorized for regular sale in Canada (e.g. by way of a Notice of Compliance, Drug Identification Number, Natural Health Product Number). Limited purpose authorizations and interim orders permitting drug sales do not prohibit a medicinal ingredient or combination of medicinal ingredients contained therein from eligibility for a CSP, if a drug containing that medicinal ingredient or combination is subsequently approved by way of a Notice of Compliance (NOC).

La Loi prévoit également que pour qu’un ingrédient médicinal ou une combinaison d’ingrédients médicinaux soit admissible à un CPS, il faut que l’ingrédient médicinal ou la combinaison de tous les ingrédients médicinaux soit contenu dans une drogue visée par une autorisation de mise en marché au Canada. Le Règlement prévoit que l’autorisation de mise en marché actuelle qui rend l’ingrédient médicinal admissible à un CPS est un AC (article 4).

The Act also defines that in order for a medicinal ingredient or a combination of medicinal ingredients to be eligible for a CSP it must be the medicinal ingredient or combination of all medicinal ingredients in a drug which is authorized for sale in Canada. The Regulations prescribe the current authorization for sale which renders the medicinal ingredient eligible for a CSP as the NOC (section 4).

c) Admissibilité du brevet

(c) Patent eligibility

Le Règlement prévoit qu’un brevet doit être en vigueur, une condition qui s’applique au moment du dépôt d’une demande de CPS ainsi qu’au moment de la délivrance d’un CPS par la ministre.

The Regulations prescribe that a patent must be in force, which is a condition that applies at the time of filing a CSP application and at the time of the issuance of a CSP by the Minister.

Afin d’être admissibles à un CPS, les revendications du brevet doivent, dans le cas d’une drogue contenant un ingrédient médicinal, être liées à un ingrédient médicinal ou, dans le cas d’une drogue contenant deux ou plusieurs ingrédients médicinaux, être liées à la combinaison de tous les ingrédients médicinaux.

To be eligible for a CSP, the patent claims must pertain, in the case of a drug containing one medicinal ingredient, to the one medicinal ingredient, or, in the case of a drug containing two or more medicinal ingredients, to the combination of all medicinal ingredients.

De façon à ce que l’admissibilité d’un brevet à un CPS reflète la portée de la protection résultant du CPS, un brevet admissible n’a pas à protéger l’ingrédient médicinal approuvé, mais doit viser le même ingrédient médicinal [voir a) ci-dessus] tel qu’il figure dans la drogue pour laquelle l’autorisation de mise en marché précisée dans la demande de CPS a été délivrée. Afin de viser le même ingrédient médicinal, le brevet doit contenir au moins une revendication visant :

With the intention that the eligibility of a patent for a CSP will mirror the scope of protection of the resulting CSP, an eligible patent need not protect the approved medicinal ingredient but must pertain to the same medicinal ingredient [see (a) above] as contained in the drug for which the authorization for sale specified on the CSP application was issued. To pertain to the same medicinal ingredient, the patent must include at least one claim that is directed at

•le même ingrédient médicinal;

•the same medicinal ingredient;

•toute utilisation du même ingrédient médicinal;

•any use of the same medicinal ingredient; or

•le même ingrédient médicinal tel qu’il est obtenu au moyen d’un procédé déterminé (produit-par-procédé).

•the same medicinal ingredient as produced by a defined process (product-by-process).

Lorsque l’autorisation vise une drogue qui contient une combinaison d’ingrédients médicinaux, le brevet admissible n’a pas à protéger la combinaison approuvée d’ingrédients médicinaux, mais il doit viser la même combinaison des mêmes ingrédients médicinaux. Afin de viser la même combinaison des mêmes ingrédients médicinaux, le brevet doit inclure au moins une revendication visant :

Where the authorization is for a drug that contains a combination of medicinal ingredients, the eligible patent need not protect the approved combination of medicinal ingredients but it must pertain to the same combination of the same medicinal ingredients. To pertain to the same combination of the same medicinal ingredients, the patent must include at least one claim directed at

•la même combinaison des mêmes ingrédients médicinaux;

•the same combination of the same medicinal ingredients;

•toute utilisation de la même combinaison des mêmes ingrédients médicinaux;

•any use of the same combination of the same medicinal ingredients; or

•la même combinaison des mêmes ingrédients médicinaux tels qu’ils sont obtenus au moyen d’un procédé déterminé (produit-par-procédé).

•the same combination of the same medicinal ingredients as produced by a defined process (product-by-process).

Un brevet qui protège plus d’un ingrédient médicinal ou plus d’une combinaison d’ingrédients médicinaux, sous réserve des règles relatives aux variations et aux combinaisons, serait admissible au soutien d’une demande de CPS relativement, selon le cas, à chacun des ingrédients médicinaux ou à chacune des combinaisons d’ingrédients médicinaux. Cependant, les revendications au titre d’un processus pur ne protègent pas le produit et, par conséquent, ne rendent pas un brevet admissible à un CPS.

A patent which protects more than one medicinal ingredient or more than one combination of medicinal ingredients, subject to the rules on variations and combinations, would be eligible to support a CSP application in respect of each of those medicinal ingredients or combinations, as the case may be. However, pure process claims do not protect the product and therefore do not render a patent eligible for a CSP.

De plus, les revendications qui visent une formulation contenant l’ingrédient médicinal, y compris les compositions, les préparations ou des revendications similaires, ne rendent pas un brevet admissible à un CPS. Une revendication relative à une formulation ne protège pas l’ingrédient médicinal ou la combinaison d’ingrédients médicinaux en soit. Par exemple, une revendication à l’égard d’une formulation peut être orientée vers l’amélioration de la stabilité des ingrédients médicinaux. Cela est conforme avec l’AECG, qui ne requiert que la protection de l’ingrédient médicinal ou de la combinaison d’ingrédients médicinaux lorsqu’ils sont revendiqués « comme tels ».

Also, claims that are directed to a formulation containing the medicinal ingredient, including compositions, preparations or similar claim types, do not make a patent eligible for a CSP. A claim to a formulation does not protect the medicinal ingredient or combination of medicinal ingredients per se. A claim to a formulation may be directed, for example, to the improvement of the stability of medicinal ingredients. This is consistent with CETA, which only requires the protection of the medicinal ingredient or combination of medicinal ingredients when claimed “as such.”

[...]

[...]

Justification

Rationale

Le régime canadien de CPS a pour objet de respecter les obligations prévues à l’article 20.27 de l’AECG, selon lequel les Parties doivent prévoir une protection supplémentaire à l’égard des produits pharmaceutiques protégés par brevet, tout en conciliant les intérêts des intervenants et du public au sens de la Loi sur les brevets. Afin de déterminer si les exigences devraient être définies par règlement et non par la Loi, le principal facteur était qu’un règlement peut plus facilement refléter les changements. Les définitions et les explications qui renvoient à d’autres dispositions législatives et réglementaires (c’est-à-dire le Règlement sur les aliments et drogues) ont été insérées dans le Règlement, puisqu’il serait plus facile de modifier la référence pertinente si un changement était apporté aux dispositions visées. Les éléments (délais, etc.) qui dépendent des procédures actuelles soit à Santé Canada ou dans d’autres organismes de réglementation ont aussi été définis dans le Règlement, puisqu’ils pourraient être nécessaire de les modifier rapidement lorsque des changements sont apportés à ces procédures. De plus, les éléments de nature technique, industrielle, scientifique ou litigieuse, qui évolueront au fil des avancées dans le domaine et qui, par conséquent, devront être faciles à modifier, ont été inclus dans le Règlement.

The Canadian CSP regime is created with the aim of meeting obligations under Article 20.27 of the CETA, which requires Parties to provide an additional period of protection for patent-protected pharmaceutical products, while continuing to balance the interests of stakeholders and the public within the Patent Act. In determining if requirements should be defined by regulations and not the Act, the main consideration was that regulations can be more responsive to changes. Definitions and meanings that refer to other legislation and regulations (i.e. the Food and Drug Regulations) were inserted in the Regulations, given that it would be easier to amend the relevant reference in case of a change in said related instruments. Elements (timelines, etc.) that are dependent on procedures currently in place at either Health Canada or other regulatory agencies were also defined in the Regulations, given that they might need to be readily changed if or when these procedures are altered. Also, elements of a technical, industrial, scientific or litigious nature, which will evolve according to advancements in the field and will therefore need to be easily amended accordingly, were placed in the Regulations.


RÈGLEMENT (CE) No 469/2009 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments

Article premier Définitions

Article 1 Definitions

Aux fins du présent règlement, on entend par:

For the purposes of this Regulation, the following definitions shall apply:

[...]

[...]

b) «produit»: le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament;

(b) ‘product’ means the active ingredient or combination of active ingredients of a medicinal product;

c) «brevet de base»: un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d’obtention d’un certificat;

(c) ‘basic patent’ means a patent which protects a product as such, a process to obtain a product or an application of a product, and which is designated by its holder for the purpose of the procedure for grant of a certificate;


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL DU JUGEMENT RENDU PAR LE JUGE BARNES LE 7 AVRIL 2020, DOSSIER NO T-1603-18

DOSSIER :

A-138-20

 

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA SANTÉ c. GLAXOSMITHKLINE BIOLOGICALS S.A.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 février 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 14 avril 2021

 

COMPARUTIONS :

J. Sanderson Graham

Abigail Browne

Charles Maher

 

Pour l’appelant

 

Kristin Wall

Morgan Westgate

Colin Hyslop

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour l’appelant

 

NORTON ROSE FULBRIGHT CANADA S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Toronto (Ontario)

Pour l’intimée

 

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