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Date : 20210416


Dossier : A-90-20

Référence : 2021 CAF 74

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE NEAR

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

CAROL YATES

défenderesse

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 18 mars 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 16 avril 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20210416


Dossier : A-90-20

Référence : 2021 CAF 74

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE NEAR

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

CAROL YATES

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NEAR

I. Aperçu

[1] Notre Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la Commission), Yates c. Administrateur général (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2020 CRTESPF 21, 2020 CarswellNat 3810 (WL Can) [Yates].

[2] La Commission a accueilli le grief déposé par la défenderesse, Carol Yates, qui contestait son licenciement pour rendement insuffisant. Le procureur général du Canada (le Canada) soutient que la décision de la Commission était déraisonnable et qu’elle devrait être annulée.

[3] Je conclus que la décision de la Commission était raisonnable eu égard au droit qui s’applique et aux faits en l’espèce. Par conséquent, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire, avec dépens.

II. Les faits

[4] La défenderesse travaillait comme agente de traitement des demandes au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministère). Devant l’important arriéré dans le traitement des demandes d’immigration, le ministère a instauré de nouvelles méthodes de traitement informatisées et établi des objectifs de productivité plus exigeants pour les agents de traitement.

[5] Comme la défenderesse avait du mal à atteindre ces objectifs, un plan d’amélioration du rendement a été mis en œuvre à son intention en 2011. Elle a été assujettie à ce plan pendant trois ans et, durant cette période, elle a eu des réunions régulières, habituellement hebdomadaires, avec sa superviseure pour discuter de son rendement. Bien que la productivité de la défenderesse se soit parfois améliorée, les gestionnaires du ministère étaient également préoccupés par la quantité d’erreurs qu’elle faisait dans le traitement de ses dossiers.

[6] Le 7 avril 2014, le ministère a envoyé à la défenderesse une lettre de « dernière chance », dans laquelle il l’informait qu’elle serait licenciée pour rendement insuffisant si elle n’arrivait toujours pas à satisfaire aux normes de productivité. La lettre indiquait des « objectifs progressifs » à atteindre en ce qui a trait au délai de traitement des dossiers et précisait les dates auxquelles la défenderesse devait satisfaire à ces objectifs. La lettre mentionnait également qu’une évaluation finale du rendement serait effectuée le 3 juillet 2014 et que la défenderesse serait licenciée si elle ne réussissait pas à satisfaire à toutes les normes. Il n’était fait aucune mention dans la lettre de normes relatives au taux d’erreur.

[7] La défenderesse a signé un nouveau plan de gestion du rendement le lendemain, le 8 avril 2014, dans lequel elle reconnaissait qu’il serait mis fin à son emploi si elle n’arrivait pas à atteindre les normes de productivité.

[8] Peu après, le 16 mai 2014, la superviseure de la défenderesse a informé la direction qu’elle demeurait préoccupée par le nombre d’erreurs commises par la défenderesse. De plus, la défenderesse ne répondait pas aux normes de productivité prescrites. La direction a entrepris des mesures en vue de mettre fin à l’emploi de la défenderesse.

[9] Le 3 juillet 2014, la défenderesse a été licenciée pour rendement insuffisant. Voici un extrait de sa lettre de licenciement, signée par le sous-ministre adjoint aux Opérations :

[traduction]

[...] Il a été établi que vous n’avez pas réussi à respecter avec constance le niveau de rendement exigé ni à exécuter tous les aspects du poste. Un encadrement supplémentaire vous a été offert pour vous aider à satisfaire aux attentes en matière de rendement. Malgré ces mesures, vous n’avez pas réussi à améliorer votre rendement de manière importante et soutenue.

Je suis parvenu à la conclusion que vous n’êtes pas en mesure d’exercer l’ensemble des fonctions de votre poste d’agente de traitement des demandes. De plus, comme tous les efforts qui ont été faits afin de vous aider à améliorer votre rendement ont échoué, je conclus que les lacunes relevées ne pourraient être corrigées par de la formation ou de l’encadrement supplémentaires.

Étant donné ce qui précède, et en conformité avec les pouvoirs qui me sont conférés au titre de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques, il est mis fin à votre emploi au sein de Citoyenneté et Immigration pour des motifs liés au rendement insuffisant, cette mesure prenant effet le 3 juillet 2014 à la fermeture des bureaux.

[10] La défenderesse a déposé le grief contestant son licenciement le jour même. Après le rejet de son grief au terme du processus interne de règlement des griefs du ministère, la défenderesse a porté son grief devant la Commission.

III. La décision de la Commission

[11] La Commission s’est fondée sur l’article 230 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 [la LRTSPF], pour déterminer la manière dont elle devait traiter le grief. Cet article est rédigé ainsi :

Décision sur le caractère raisonnable de l’avis

Determination of reasonableness of opinion

230 Saisi d’un grief individuel portant sur le licenciement ou la rétrogradation pour rendement insuffisant d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale ou d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe 209(3), l’arbitre de grief ou la Commission, selon le cas, doit décider que le licenciement ou la rétrogradation étaient motivés s’il conclut qu’il était raisonnable que l’administrateur général estime le rendement du fonctionnaire insuffisant.

230 In the case of an employee in the core public administration or an employee of a separate agency designated under subsection 209(3), in making a decision in respect of an employee’s individual grievance relating to a termination of employment or demotion for unsatisfactory performance, an adjudicator or the Board, as the case may be, must determine the termination or demotion to have been for cause if the opinion of the deputy head that the employee’s performance was unsatisfactory is determined by the adjudicator or the Board to have been reasonable.

[12] Selon la Commission, elle devait « déterminer s’il était raisonnable, en fonction des éléments de preuve, que l’administrateur général estime que le rendement de la fonctionnaire en question n’était pas satisfaisant » : Yates, au para. 9. Cela signifiait que, par son examen, la Commission devait déterminer non pas si le licenciement était motivé, mais plutôt si l’évaluation que l’administrateur général avait faite du rendement de la défenderesse était raisonnable : Yates, au para. 9.

[13] La Commission s’est fondée sur la décision Raymond c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 23, 2010 CarswellNat 493 (WL) [Raymond], pour définir les critères en regard desquels elle pouvait juger si l’évaluation du rendement faite par l’administrateur général était raisonnable. Au paragraphe 10 de sa décision, la Commission a renvoyé au passage suivant, extrait de la décision Raymond :

[131] [...] Ainsi, je ne vois pas comment on pourrait conclure qu’il était raisonnable qu’un administrateur général estime le rendement de l’un de ses fonctionnaires insuffisant, si preuve est faite que :

L’administrateur général ou les superviseurs qui ont apprécié le rendement du fonctionnaire se sont livrés à un exercice empreint de mauvaise foi;

Le fonctionnaire n’était pas assujetti à des normes de rendement appropriées;

L’employeur n’avait pas communiqué clairement au fonctionnaire les normes de rendement qu’il devait satisfaire; ou

Le fonctionnaire n’avait pas reçu les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour atteindre les normes de rendement dans un délai jugé raisonnable.

[14] La Commission a conclu au bout du compte que le ministère avait manqué au troisième critère, soit qu’il n’avait pas communiqué clairement les normes de rendement. La Commission a conclu que, même si le ministère avait clairement défini les normes de productivité auxquelles la défenderesse devait satisfaire, il avait omis d’en faire autant pour les normes relatives au taux d’erreur.

[15] La Commission a tiré la conclusion de fait que le ministère était préoccupé par le taux d’erreur de la défenderesse et que cela avait été un facteur déterminant dans la décision de l’administrateur général de licencier la défenderesse plutôt que de la rétrograder : Yates, au para. 28. Cependant, la Commission a aussi conclu que le message du ministère au sujet des erreurs commises par la défenderesse était vague et qu’il allait souvent à l’encontre de son message sur la productivité.

[16] La Commission a fondé cette conclusion en partie sur le témoignage de la défenderesse elle-même, qui a déclaré qu’elle se sentait pressée d’utiliser une approche de « gestion des risques » dans le traitement des dossiers afin d’accroître son efficacité, ce qu’elle interprétait comme signifiant qu’elle devait travailler plus rapidement, même au risque de commettre plus d’erreurs : Yates, aux para. 31 à 35. Elle a donc cru que son taux d’erreur était plutôt sans importance.

[17] De l’avis de la Commission, le témoignage de la défenderesse a été corroboré par celui de Colleen Wheatley, une fonctionnaire expérimentée qui avait été chargée par la direction de surveiller la qualité du travail de la défenderesse. Dans son témoignage, Mme Wheatley a déclaré qu’elle avait l’impression que la direction préférait que les fonctionnaires traitent les demandes rapidement, même si cela devait augmenter le taux d’erreur, plutôt qu’ils travaillent lentement pour éviter de faire des erreurs : Yates, au para. 38. Elle a aussi déclaré qu’elle n’avait jamais entendu parler d’autres agents ayant été surveillés à cause de leur taux d’erreur, ni de l’existence d’une norme établie en matière de taux d’erreur : Yates, au para. 39.

[18] La Commission a aussi examiné divers documents qui lui avaient été présentés relativement à l’accroissement de la productivité attendue des fonctionnaires du bureau de la défenderesse pour gérer l’arriéré de dossiers : Yates, aux para. 41 et s. Selon la Commission, ces documents corroboraient le témoignage de Mme Wheatley selon lequel le message envoyé par la direction était que les fonctionnaires devaient sacrifier l’exactitude au profit d’un accroissement de la productivité : Yates, au para. 46.

[19] En outre, la Commission a conclu que ce qui constituait une « erreur », aux fins de mesure du taux d’erreur de la défenderesse, n’avait pas été défini. Dans son témoignage, Mme Wheatley a affirmé que le bureau n’avait établi aucune définition de ce qui constituait une erreur : Yates, au para. 58. La Commission a aussi examiné les communications entre la défenderesse et sa superviseure et conclu que « la question des taux d’erreur [de la défenderesse] et ce qui était qualifié d’une erreur à imputer par rapport à la norme avaient été traités de manière non constante, voire pas du tout » : Yates, au para. 80.

[20] Selon la Commission, bien qu’un taux d’erreur de 5 % ait été mentionné une fois dans un plan de rendement de novembre 2011, et de nouveau dans le « plan d’amélioration du rendement » final de la défenderesse, ce sont les seules fois où cette norme a été communiquée à la défenderesse, malgré les multiples plans de rendement intermédiaires et les réunions hebdomadaires régulières sur son rendement. Il n’a jamais été question de la manière dont la norme serait calculée. La Commission a donc conclu « qu’il n’existait aucun taux d’erreur intelligible et objectif et que, s’il existait, il n’avait pas été communiqué clairement à la fonctionnaire » : Yates, au para. 94.

[21] La Commission a toutefois conclu que la défenderesse avait reçu les outils et la formation nécessaires pour satisfaire aux normes de rendement qui lui avaient été communiquées, rejetant ainsi les affirmations contraires de la défenderesse : Yates, au para. 103. La Commission n’a pas non plus retenu l’affirmation de la défenderesse selon laquelle la direction avait agi de mauvaise foi envers elle, bien qu’elle ait reconnu que les mesures prises par la superviseure de la défenderesse avaient contribué à créer un milieu de travail « froid » : Yates, au para. 118.

[22] La Commission a conclu ses motifs en ces termes :

[119] J’aurais pu être convaincu par les arguments de l’avocate de l’employeur et les éléments de preuve concernant le non-respect constant par la fonctionnaire des normes de productivité si ce facteur en soi avait été invoqué dans la décision de licencier la fonctionnaire.

[120] Toutefois, la preuve ne me convainc pas, selon la prépondérance des probabilités, qu’une norme de taux d’erreur a été établie ou communiquée de manière efficace à la fonctionnaire.

[121] Puisque l’employeur a invoqué à la fois la productivité et le taux d’erreur de la fonctionnaire, je dois faire droit au grief, car je ne peux conclure que l’avis de l’administrateur général selon lequel son rendement était insuffisant était raisonnable.

[23] La Commission a accueilli le grief et est demeurée saisie de l’affaire au cas où les parties ne parviendraient pas à s’entendre sur les mesures de réparation.

[24] Le Canada demande maintenant à notre Cour le contrôle judiciaire de cette décision.

IV. La question en litige et la norme de contrôle

[25] Les parties reconnaissent que la norme de contrôle à appliquer est celle de la décision raisonnable et que rien ne réfute la présomption qu’il s’agit de la norme applicable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, 2019 CarswellNat 7884 (WL Can), aux para. 16 et 17. La seule question à trancher dans la présente demande consiste donc à déterminer s’il était raisonnable pour la Commission de conclure que l’évaluation du rendement de la défenderesse que le ministère a faite était déraisonnable.

V. Analyse

[26] Devant la Commission, le Canada a fait valoir que l’évaluation du ministère quant à l’insuffisance du rendement de la défenderesse était raisonnable, car elle était fondée sur deux problèmes de rendement documentés : le défaut de satisfaire aux normes de productivité et le défaut de maintenir un taux d’erreur acceptable. Le Canada affirme que la Commission, en accueillant le grief après avoir reconnu la validité du premier problème, a rendu une décision déraisonnable.

[27] Ainsi qu’il a été mentionné, le libellé de l’article 230 de la LRTSPF dispose que l’enquête de la Commission doit porter sur le caractère raisonnable de l’évaluation faite par l’administrateur général du rendement du fonctionnaire licencié. Le Canada affirme que cet article confère à la Commission un rôle d’examen qui s’apparente à celui d’un juge chargé du contrôle judiciaire d’une décision administrative. En d’autres termes, la Commission doit faire preuve de retenue envers l’administrateur général. Selon le Canada, cela signifiait que, si la Commission concluait que seulement un des problèmes de rendement allégués par l’administrateur général était avéré, la Commission pouvait conclure que l’évaluation du rendement faite par l’administrateur général était raisonnable. Le Canada soutient que, parce que la Commission n’a pas pleinement examiné, en tant que motif distinct et individuel, le défaut de la défenderesse de satisfaire aux normes de productivité, sa décision était déraisonnable.

[28] La thèse du Canada est que l’employeur qui allègue de multiples motifs de licenciement n’est pas nécessairement tenu de prouver que tous les motifs sont fondés pour qu’il s’agisse néanmoins d’un licenciement motivé. Selon le Canada, si au moins un motif fondé justifie le licenciement, alors le défaut de l’employeur de fonder les autres motifs n’invalide pas la décision de licenciement.

[29] Le Canada soutient que le taux d’erreur inacceptable de la défenderesse était un problème de rendement « secondaire » et que le principal problème lié au rendement de la défenderesse était son incapacité à satisfaire aux normes de productivité. Le Canada souligne que la Commission a mentionné, dans les derniers paragraphes de sa décision, qu’elle aurait peut-être rejeté le grief si l’évaluation du rendement insuffisant avait été basée uniquement sur la question de la productivité. Le Canada soutient que la Commission était tenue de poursuivre cette analyse et de déterminer si le défaut de la défenderesse de satisfaire aux normes de productivité constituait à lui seul un motif suffisant pour étayer l’évaluation défavorable du rendement, de sorte que l’évaluation serait raisonnable et le licenciement, motivé.

[30] La défenderesse réplique que la décision de la Commission était raisonnable eu égard aux faits en l’espèce et à la jurisprudence pertinente de la Commission. D’après elle, la Commission s’est fondée sur le principe établi selon lequel l’évaluation du rendement faite par l’administrateur général ne peut être jugée raisonnable si elle est fondée sur une norme de rendement qui n’a pas été clairement communiquée au fonctionnaire. Selon la défenderesse, la Commission a tiré la conclusion de fait que la norme relative au taux d’erreur n’existait vraisemblablement pas ou, à tout le moins, qu’elle n’avait pas été communiquée à la défenderesse. Vu cette conclusion de fait, que le Canada ne conteste pas, il était raisonnable pour la Commission de conclure que l’administrateur général a fait une évaluation déraisonnable du rendement de la défenderesse.

[31] La défenderesse fait en outre valoir que l’employeur n’a pas allégué de multiples motifs de licenciement, le « rendement insuffisant » étant le seul motif invoqué. La défenderesse soutient que l’employeur a jugé que son rendement était, dans l’ensemble, insuffisant. Il a fondé sa décision sur le défaut de la défenderesse de satisfaire aux normes de rendement et sur son taux d’erreur inacceptable. La défenderesse affirme que la Commission n’était pas tenue d’examiner si les problèmes de productivité justifiaient à eux seuls le licenciement, car elle devait plutôt déterminer si l’évaluation du rendement faite par le ministère était raisonnable. Selon la défenderesse, puisque le ministère a fondé en partie son évaluation sur une norme relative au taux d’erreur qui, selon la Commission, n’existait pas ou qui, à tout le moins, n’avait pas été communiquée à la défenderesse, cette évaluation ne pouvait être jugée raisonnable.

[32] À mon avis, l’évaluation du rendement faite par le ministère était fondée à la fois sur le défaut de la demanderesse de satisfaire aux normes de productivité et sur son défaut de satisfaire aux normes relatives au taux d’erreur. Le ministère a jugé que ces deux éléments ensemble montraient que la défenderesse n’avait pas réussi à atteindre le niveau de rendement exigé. La Commission a conclu que les questions des normes de productivité et du taux d’erreur étaient si intrinsèquement liées tout au long de l’évaluation du rendement de la défenderesse que le défaut du ministère de définir clairement les taux d’erreur et de les communiquer à la défenderesse était suffisant pour rendre déraisonnable l’évaluation qu’il avait faite du rendement de la défenderesse. Je suis d’avis qu’il était loisible à la Commission de tirer cette conclusion sur le fondement du dossier dont elle disposait.

[33] Les éléments de preuve dont disposait la Commission montrent que le ministère cherchait à s’attaquer à un important arriéré de dossiers en augmentant le nombre de demandes traitées par les fonctionnaires. Il était entendu que cette augmentation du nombre de demandes à traiter pourrait entraîner une augmentation du nombre d’erreurs et que le ministère, bien que désireux de réduire les erreurs au minimum, avait donné la priorité à la productivité plutôt qu’à l’élimination des erreurs en invoquant la « gestion des risques ». Le taux de productivité de la défenderesse s’est amélioré au fil des ans, mais son taux d’erreur a lui aussi augmenté, comme s’y attendait le ministère. Je suis d’avis que la Commission a conclu, à juste titre, que la productivité et le taux d’erreur faisaient mutuellement partie intégrante l’un de l’autre et qu’ils faisaient aussi partie intégrante de l’évaluation défavorable du rendement dans son ensemble.

[34] Par conséquent, je suis d’avis que la décision de la Commission était raisonnable. Il se peut que, dans des circonstances différentes, il suffise de faire la preuve d’un seul des motifs justifiant l’évaluation défavorable du rendement pour que l’on conclue que cette évaluation était raisonnable, mais il s’agit d’une question pour une autre affaire.

VI. Conclusion

[35] Je rejetterais la demande, avec dépens.

« D.G. Near »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

J.D. Denis Pelletier j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-90-20

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.

CAROL YATES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 mars 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GLEASON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 16 avril 2021

 

COMPARUTIONS :

Richard Fader

Philippe Giguère

 

Pour le demandeur

 

Amy Kishek

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour le demandeur

 

Alliance de la Fonction publique du Canada

Direction de la représentation et des services juridiques

 

Pour la défenderesse

 

 

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