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Date : 20210609


Dossier : A-80-21

Référence : 2021 CAF 113

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

SUNOVION PHARMACEUTICALS CANADA INC. et SUMITOMO DAINIPPON PHARMA CO., LTD.

appelantes

et

TARO PHARMACEUTICALS INC.

intimée

Audience tenue par vidéoconférence en ligne organisée par le greffe, le 7 juin 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 juin 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE RIVOALEN

 


Date : 20210609


Dossier : A-80-21

Référence : 2021 CAF 113

CORAM :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE RIVOALEN

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

SUNOVION PHARMACEUTICALS CANADA INC. et SUMITOMO DAINIPPON PHARMA CO., LTD.

appelantes

et

TARO PHARMACEUTICALS INC.

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LOCKE

[1] Les appelantes interjettent appel d’une décision de la juge Furlanetto de la Cour fédérale (2021 CF 37, la décision), dans le contexte d’une action (l’action) prescrite dans le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), D.O.R.S./93-133 (le Règlement). Dans la décision, la juge accueillait une requête de l’intimée visant à modifier sa défense dans l’action pour y inclure des allégations d’invalidité des brevets en litige qui ne figuraient pas dans son avis d’allégations signifié avant l’introduction de l’action.

[2] Aux termes du Règlement, dans sa version en vigueur avant le 21 septembre 2017, une « seconde personne » (en l’espèce, l’intimée, qui est la défenderesse dans l’action) devait se limiter aux allégations faites dans son avis d’allégations. Elle ne pouvait déposer de nouvelles allégations d’invalidité ou de non-violation du ou des brevets en litige. Dans sa décision, la juge a conclu que cette limitation ne s’appliquait pas aux actions intentées en application du Règlement, dans sa version modifiée le 21 septembre 2017. Il s’agit de l’objet du désaccord entre les parties dans le présent appel.

[3] La Cour fédérale a décrit le Règlement, et a fait la distinction entre les versions antérieures et postérieures aux modifications de 2017. La Cour fédérale a noté que l’ancienne version du Règlement prévoyait une demande présentée par une « première personne » en vue d’obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité, dans laquelle la première personne devait s’acquitter du fardeau de démontrer que les allégations faites dans l’avis d’allégations n’étaient pas justifiées. Ce fardeau s’appliquait même aux allégations d’invalidité. Étant donné que l’instance était une demande, il n’y avait pas de plaidoiries ni de témoignages de vive voix, comme c’est le cas dans l’action prévue aux termes de la version actuelle du Règlement. Par conséquent, l’avis de demande et les éléments de preuve de la première personne devaient être fondés sur les allégations figurant dans l’avis d’allégations.

[4] La Cour fédérale a également mentionné que les modifications apportées au Règlement ont mis fin aux doubles litiges prévus aux termes de l’ancienne version, dans lesquels une demande déposée aux termes du Règlement (parfois appelée une demande d’interdiction) pouvait être suivie d’une action distincte visant à trancher de manière définitive les questions de validité et de contrefaçon de brevet. La version actuelle du Règlement traite de toutes ces questions ensemble.

[5] Sur la question du droit de la seconde personne d’ajouter des allégations à sa défense qui n’avaient pas été faites dans l’avis d’allégations, la Cour fédérale a examiné le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR) qui accompagnait les modifications du Règlement. L’auteur du REIR reconnaît l’exigence du sous-alinéa 5(3)b)(ii) selon lequel l’avis d’allégations doit inclure un énoncé détaillé des motifs d’invalidité qui sont allégués, mais indique que « [c]ette exigence ne limite aucunement les questions ou arguments qui peuvent être soulevés dans une procédure en vertu du règlement proposé. » À mon avis, ce passage est éloquent en ce qui a trait au but visé par la disposition. La Cour fédérale s’est appuyée sur le REIR pour conclure qu’une seconde personne dans une action introduite en application du Règlement n’est pas limitée aux allégations d’invalidité faites dans son avis d’allégations. Je suis du même avis.

[6] Les appelantes disent craindre que leur décision d’introduire l’action, et par conséquent de risquer d’être tenues responsables devant l’intimée aux termes de l’article 8 du Règlement en cas de rejet de l’action, ait été fondée sur les allégations faites dans l’avis d’allégations. Les appelantes affirment qu’il est injuste de permettre à l’intimée d’ajouter de nouvelles allégations d’invalidité à sa défense, car elles (les appelantes) ont été privées du droit d’examiner ces nouvelles allégations quand elles ont pris le risque d’être reconnues responsables. Les appelantes font également valoir que permettre le dépôt de nouvelles allégations d’invalidité qui n’étaient pas incluses dans l’avis d’allégations encouragerait les secondes personnes à scinder leur cause en produisant un simple avis d’allégations, étoffé seulement plus tard, après que la première personne a accepté la responsabilité aux termes de l’article 8 en intentant une action.

[7] La Cour fédérale a mentionné deux contrôles de l’incitatif d’une seconde personne à tenter de profiter du fait de dissimuler des allégations d’invalidité de cette façon. D’abord, le paragraphe 8(6) du Règlement prescrit que « [p]our déterminer le montant de l’indemnité à accorder [...], la Cour fédérale ou l’autre cour supérieure tient compte des facteurs qu’elle juge pertinents [...] » Cette disposition confère à la Cour un pouvoir discrétionnaire considérable d’examiner des facteurs qui pourraient avoir une incidence sur l’étendue de la responsabilité aux termes de l’article 8, y compris la question de savoir si la première personne a été indûment incitée à intenter une action du fait d’un avis d’allégations incomplet.

[8] Un second contrôle de la stratégie fondée sur le dépôt de nouvelles allégations après l’introduction d’une action aux termes du Règlement est le pouvoir discrétionnaire de la Cour d’accueillir ou de rejeter une requête en modification. Si une Cour est convaincue qu’une modification proposée vise à d’introduire des allégations d’invalidité dont la partie qui présente la requête était consciente lorsque l’avis d’allégations a été signifié, la Cour peut rejeter la requête au motif qu’accueillir la modification ne servirait pas l’intérêt de la justice. La seconde personne se verrait refuser le droit de défendre sa thèse sur le fondement des allégations omises.

[9] Même si aucun de ces contrôles n’est une garantie que la première personne ne sera pas tenue responsable par suite d’une allégation d’invalidité imprévue, la possibilité que la seconde personne ne voie sa demande présentée aux termes de l’article 8 réduite (partiellement ou entièrement) en application du paragraphe 8(6), ou qu’elle puisse perdre l’occasion d’ajouter une nouvelle allégation d’invalidité, réduirait ou éliminerait probablement tout incitatif à ne pas divulguer tous les renseignements dans son avis d’allégations.

[10] Les appelantes mentionnent qu’une demande reconventionnelle est une instance distincte d’une action. Elles font valoir que leur responsabilité dans l’action présentée aux termes de l’article 8 serait limitée aux questions en litige dans l’action interjetée aux termes du Règlement, et ne s’étendrait pas aux questions soulevées uniquement dans la demande reconventionnelle, laquelle est une instance distincte. Par conséquent, elles affirment que toutes nouvelles allégations d’invalidité que l’intimée souhaite faire devraient être ajoutées par la modification de la demande reconventionnelle, et non par la modification de la défense. L’intimée pourrait ainsi invoquer les nouvelles allégations sans faire endosser aux appelantes une responsabilité fondée sur des allégations qui n’étaient pas incluses dans l’avis d’allégations.

[11] La Cour fédérale a rejeté cet argument pour le motif que le Règlement ne donne pas ouverture à la distinction que les appelantes tentent de faire entre l’action et la demande reconventionnelle. Je suis du même avis. Rien dans le texte, le contexte ou l’objectif du Règlement ne m’indique que c’était l’intention du législateur.

[12] En conclusion, je ne décèle aucune erreur dans les motifs de la Cour fédérale. Je rejetterais le présent appel avec dépens, fixés à 5 000 $.

« George R. Locke »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Marianne Rivoalen, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-80-21

 

INTITULÉ :

SUNOVION PHARMACEUTICALS CANADA INC. et SUMITOMO DAINIPPON PHARMA CO., LTD. c. TARO PHARMACEUTICALS INC.

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE EN LIGNE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 juin 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE RIVOALEN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 9 juin 2021

COMPARUTION :

David Tait

James S.S. Holtom

Pour les appelantes

 

Scott Beeser

Jonathan Stainsby

Yaseen Manan

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

Pour les appelantes

Aitken Klee LLP

Ottawa (Ontario)

Pour l’intimée

 

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