Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20210614


Dossier : A-392-18

Référence : 2021 CAF 118

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

LEONARD BOGUSKI, KENNETH W. MUZIK, PEGGY ALLMAN-ANDERSON,

JOSE ARAUJO, JASON ARAUJO, FIDUCIAIRE DE DAVID G. BLACKMORE,

TARA L. BRUNEN, SUCCESSION DE WOO CHIN, DINARTE DE SOUSA,

GORDON DENNING, DARCY DESCHAMBAULT, JOHN ROSS GERMAN,

AL GUENTHER, DONNA D. GUENTHER, LOIS L. GUENTHER,

ROBERT B. GUENTHER, SUCCESSION DE THOMAS HALL, MYRTHLYN V. HAZELL, OTTO KEMERLE, ART KORNELSEN, F. ELAINE J. LEIGHTON,

LIONEL MAGUMBE, JAMES J. MANN, WARREN MARK,

ROBERT SCOTT MCMULLAN, MELVYN R. MERKER,

NICOLE MICHAUD-BRUNETTE, JOSE MOTA, WESLEY NICKEL,

BEVERLY OLIVER, CRAIG OZIRNEY, JOHN G. PARTRIDGE, ALEX PENNER, LYNDA PENNER, ALVIN PICH, SUCCESSION DE LOUISE REINHEIMER,

CARLA G. REINHEIMER, JAMIE C. REINHEIMER, LANCE B. REINHEIMER, RODNEY G. ROMYN, DENISE SCOTT, GARY SLOAN, JEFFREY B TAYLOR, JEREMY TER MORS, FIDUCIAIRE DE AIME L. J. TETRAULT, RODNEY WALL, RUTH WALL, FIDUCIAIRE DU DÉFUNT GLEN WATSON, ARON WIEBE,

LINDA E. WIELER, MICHAEL WILHELM ET DARCY WOYCHYSHYN

intimés

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 14 juin 2021.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 14 juin 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20210614


Dossier : A-392-18

Référence : 2021 CAF 118

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

LEONARD BOGUSKI, KENNETH W. MUZIK, PEGGY ALLMAN-ANDERSON,

JOSE ARAUJO, JASON ARAUJO, FIDUCIAIRE DE DAVID G. BLACKMORE,

TARA L. BRUNEN, SUCCESSION DE WOO CHIN, DINARTE DE SOUSA,

GORDON DENNING, DARCY DESCHAMBAULT, JOHN ROSS GERMAN,

AL GUENTHER, DONNA D. GUENTHER, LOIS L. GUENTHER,

ROBERT B. GUENTHER, SUCCESSION DE THOMAS HALL, MYRTHLYN V. HAZELL, OTTO KEMERLE, ART KORNELSEN, F. ELAINE J. LEIGHTON,

LIONEL MAGUMBE, JAMES J. MANN, WARREN MARK,

ROBERT SCOTT MCMULLAN, MELVYN R. MERKER,

NICOLE MICHAUD-BRUNETTE, JOSE MOTA, WESLEY NICKEL,

BEVERLY OLIVER, CRAIG OZIRNEY, JOHN G. PARTRIDGE, ALEX PENNER, LYNDA PENNER, ALVIN PICH, SUCCESSION DE LOUISE REINHEIMER,

CARLA G. REINHEIMER, JAMIE C. REINHEIMER, LANCE B. REINHEIMER, RODNEY G. ROMYN, DENISE SCOTT, GARY SLOAN, JEFFREY B. TAYLOR, JEREMY TER MORS, FIDUCIAIRE DE AIME L. J. TETRAULT, RODNEY WALL, RUTH WALL, FIDUCIAIRE DU DÉFUNT GLEN WATSON, ARON WIEBE,

LINDA E. WIELER, MICHAEL WILHELM ET DARCY WOYCHYSHYN

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 14 juin 2021.)

LE JUGE STRATAS

[1] Devant la Cour de l’impôt, le ministre a demandé une ordonnance, aux termes de l’article 174 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), autorisant la Cour à se prononcer sur une question de fait ou de droit commune à plus d’un contribuable.

[2] Le juge D’Arcy de la Cour de l’impôt a rejeté la demande (2018 CCI 236). Le ministre interjette maintenant appel de la décision. Pour les motifs qui suivent, nous rejetterons l’appel.

[3] La Cour de l’impôt jouit d’un large pouvoir discrétionnaire pour agir ou refuser d’agir aux termes de l’article 174. Faute d’une erreur de droit ou de principe, ou d’une erreur manifeste et dominante, notre Cour ne peut s’immiscer dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour de l’impôt. Le ministre a affirmé que le défaut de la Cour de l’impôt de tenir compte de tous les facteurs pertinents constitue une erreur susceptible de révision. Il ne s’agit pas nécessairement d’une erreur manifeste et dominante : Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, [2017] 1 R.C.F. 331. L’erreur manifeste et dominante est bien définie dans l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, par. 46, cité avec approbation dans l’arrêt Benhaim c. St-Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352, par. 38.

[4] Avant que la Cour de l’impôt ne rende une ordonnance, elle doit être convaincue qu’il existe une question commune « [relative] à plusieurs contribuables » : par. 174(3). Si la Cour de l’impôt n’est pas convaincue qu’il existe une question commune, elle peut s’abstenir de rendre une ordonnance et elle doit rejeter la demande. Si la Cour de l’impôt est convaincue qu’il existe une question commune, elle peut répondre à cette question (al. 174(3)a)) et décider quels sont les contribuables qui sont liés par cette réponse : al. 174(3)c), par. 174(4) et 174(4.1).

[5] Aux termes de l’article 174, la Cour de l’impôt n’est pas tenue de rendre quelque ordonnance que ce soit. L’article 174 est simplement permissif et discrétionnaire; il autorise la Cour de l’impôt à rendre une ordonnance si la condition préalable relative à une question commune est satisfaite.

[6] En l’espèce, la Cour de l’impôt a refusé de rendre une ordonnance aux termes de l’article 174 pour deux raisons. Elle n’était pas convaincue que le ministre avait déposé suffisamment d’éléments de preuve selon lesquels il existait une question commune. Et, à son avis, même s’il existait une question commune, la Cour exercerait son pouvoir discrétionnaire de ne pas intervenir aux termes de l’article 174. Dans les circonstances de l’espèce, elle a jugé qu’intervenir aurait été inefficace et inéquitable sur le plan de la procédure.

[7] Il s’agissait de questions mixtes de droit et de fait fondées sur des faits et de questions relatives à l’évaluation du poids et de l’importance des éléments de preuve, qui ne peuvent être infirmées qu’en présence d’une erreur de principe isolable ou d’une erreur manifeste et dominante : arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. En l’espèce, il n’y a aucune erreur de ce type.

[8] La Cour de l’impôt était autorisée à tenir compte de questions d’efficacité et d’équité procédurale. Ces questions sous-tendent l’objectif de l’article 174 et sont partie intégrante du pouvoir inhérent de la Cour de l’impôt de contrôler ses propres pratiques et procédures : arrêt Levy c. Canada, 2021 CAF 93. La Cour avait des raisons de conclure que rendre l’ordonnance prévue à l’article 174 serait injuste pour plusieurs contribuables, dont la plupart agissaient pour leur propre compte, et a refusé de permettre une telle injustice.

[9] Dans le meilleur des cas, notre Cour doit faire preuve de déférence à l’égard d’une telle conclusion qui est discrétionnaire et fondée sur des faits, surtout en l’espèce. La Cour de l’impôt assumait la gestion de l’instance et était donc dans une position idéale pour apprécier la dynamique de ce contentieux.

[10] Le ministre affirme que la Cour de l’impôt a fait des observations à l’emporte-pièce sur de nombreux points, y compris à propos du critère juridique et de la norme en matière de preuve concernant une demande présentée aux termes de l’article 174. Le ministre soutient que notre Cour doit corriger ces observations à l’emporte-pièce. Le ministre affirme également que la Cour de l’impôt a omis de « se pencher » sur différentes choses.

[11] Le ministre développe cet argument en analysant en détail de manière inadmissible les motifs de la Cour de l’impôt et en supposant que tout ce qui ne figure pas dans les motifs n’a pas été pris en considération. Le ministre va jusqu’à dénaturer la décision de la Cour de l’impôt.

[12] Les motifs des tribunaux de première instance doivent être interprétés de façon globale, compte tenu des expressions maladroites et des efforts faits pour résumer énormément de renseignements : R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, [2008] 3 R.C.S. 3, par 35 et 55; Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, [2018] 2 R.C.F. 344, par. 68; arrêt South Yukon, par. 49 à 51. Si l’on interprète les motifs de la Cour de l’impôt de cette façon, il est clair que la Cour n’a fait aucune observation à l’emporte-pièce concernant le critère juridique ou la norme en matière de preuve. De manière non exhaustive, la Cour a énuméré des facteurs et des points à considérer qui étaient pertinents pour son analyse de l’article 174, en fonction des faits en l’espèce. Elle n’a commis aucune erreur susceptible de révision en agissant ainsi. De plus, il est entendu que le juge a tenu compte de tous les éléments de preuve au dossier : arrêt Housen, par. 46.

[13] Le ministre soutient également que la Cour de l’impôt a commis une erreur en concluant que la demande constituait un abus de procédure. Il n’est pas nécessaire de traiter de cet argument ni de faire quelque commentaire que ce soit à ce sujet.

[14] Par conséquent, nous rejetterons le présent appel, et les dépens seront adjugés aux seuls intimés ayant déposé un mémoire des faits et du droit dans le présent appel, soit Leonard Boguski et Kenneth W. Muzik.

« David Stratas »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-392-18

APPEL DE L’ORDONNANCE RENDUE PAR MONSIEUR LE JUGE STEVEN K. D’ARCY LE 22 NOVEMBRE 2018, DOSSIER NOS 2014-972(IT)G et 2015‑148(IT)G

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. LEONARD BOGUSKI, et autres

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ORGANISÉE PAR LE GREFFE

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 juin 2021

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE MACTAVISH

 

JUGEMENT PRONONCÉ À L’AUDIENCE :

LE JUGE STRATAS

COMPARUTIONS :

Philippe Dupuis

Sara Jahanbakhsh

Pour l’appelant

Robert Watchman

Julia Ryckman

 

Pour les intimés, LEONARD BOGUSKI et KENNETH W. MUZIK

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour l’appelant

Pitblado LLP

Winnipeg (Manitoba)

Pour les intimés, LEONARD BOGUSKI ET KENNETH W. MUZIK

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.