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Date : 20210805


Dossier : A-339-19

Référence : 2021 CAF 162

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NEAR

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LEBLANC

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

MATTEL CANADA INC.

intimée

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 19 janvier 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le 5 août 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LEBLANC

 


Date : 20210805


Dossier : A-339-19

Référence : 2021 CAF 162

CORAM :

LE JUGE NEAR

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LEBLANC

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

MATTEL CANADA INC.

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NEAR

I. Aperçu

[1] Notre Cour est saisie d’un appel interjeté par le procureur général du Canada à l’encontre d’une décision rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) dans l’affaire Mattel Canada Inc., 2019 CanLII 110865 (CA TCCE), 2019 CarswellNat 14488 (WL Can) [Mattel 2]. Dans cette décision, le TCCE a classé le produit « Roarin’ Rainforest Jumperoo » de Fisher-Price dans le numéro tarifaire 9503.00.90 de l’annexe du Tarif des douanes, L.C. 1997, ch. 36, à titre d’« autres jouets ». Le Canada interjette appel de cette décision au motif qu’il conviendrait mieux de classer les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 9401.71.10, à titre de « sièges rembourrés ».

[2] Le présent appel repose sur le lien entre le TCCE et le Comité du système harmonisé de l’Organisation mondiale des douanes (le Comité de l’OMD). Il s’agit pour notre Cour de clarifier de nouveau dans quelles circonstances et pour quels motifs le TCCE a le droit de s’écarter des avis de classement tarifaire de l’OMD.

[3] Le TCCE peut s’écarter de ces avis lorsqu’il a des motifs valables de le faire. La jurisprudence reconnaît les preuves d’expert contradictoires comme étant un possible motif valable. Par conséquent, je suis d’avis que le TCCE n’a pas commis d’erreur de droit en se fondant sur une preuve d’expert pour justifier sa décision de s’écarter d’un avis de classement applicable de l’OMD. Par conséquent, je rejetterais l’appel.

II. Les faits

[4] Le 16 juin 2017, l’intimée, Mattel, a demandé à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) de rendre une décision anticipée à l’égard du classement tarifaire des marchandises en cause. Le produit consiste en « un siège en forme d’anneau qui est suspendu par trois ressorts recouverts à trois poteaux en acier plus grands, lesquels sont reliés à une base tubulaire ronde en acier » : Mattel 2, au para. 12.

[5] Mattel demandait que les marchandises soient classées dans le numéro tarifaire 9503.00.00, à titre d’« autres jouets ».

[6] L’ASFC les avait classées dans la position 94.01, qui couvre les « [s]ièges (à l’exclusion de ceux du no 94.02), même transformables en lits, et leurs parties ». Mattel a demandé un réexamen, mais l’ASFC a maintenu son classement initial. Mattel a interjeté appel de la décision de l’ASFC auprès du TCCE, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

III. La décision du TCCE faisant l’objet du présent appel

[7] Le TCCE a décrit les marchandises en cause et le cadre législatif qui s’appliquait. La principale question que devait trancher le TCCE était de déterminer s’il devait appliquer un avis de classement de l’OMD lequel, selon lui, était contraire à la preuve d’expert qui lui avait été présentée et à l’une de ses décisions antérieures.

[8] Dans cette décision antérieure, Mattel Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2014 CanLII 45224 (CA TCCE), 2014 CarswellNat 4716 (WL Can) [Mattel 1], le TCCE avait classé comme étant des jouets « des marchandises presque identiques à celles en cause » dans l’affaire Mattel 2 : Mattel 2, au para. 13.

[9] Le TCCE a décrit certains éléments du contexte factuel et législatif dans lequel s’inscrit le litige. Après avoir obtenu une décision défavorable dans Mattel 1, l’ASFC a demandé au Comité de l’OMD un avis concernant le classement approprié des marchandises. Le Comité de l’OMD a soumis la question à un vote auprès de ses membres – des représentants des différentes autorités douanières signataires – et il a adopté le classement tarifaire proposé par l’ASFC. Il a publié ses avis de classement le 1er décembre 2015, et des produits presque identiques aux marchandises en cause en l’espèce y avaient été classés dans la position des « meubles » : Mattel 2, aux para. 45 à 48.

[10] La décision anticipée qui a mené au présent appel a été demandée en juin 2017, soit après la publication de l’avis de classement de l’OMD. L’ASFC a classé les marchandises en cause conformément à l’avis de classement de l’OMD. Mattel a interjeté appel auprès du TCCE, qui a infirmé la décision de l’ASFC.

[11] Dans l’avis de classement de l’OMD et le classement adopté par l’ASFC, les marchandises avaient été classées dans la position 94.01, qui couvre les « [s]ièges (à l’exclusion de ceux du no 94.02), même transformables en lits, et leurs parties ». Les notes explicatives du chapitre 94 limitent toutefois l’application de ce chapitre aux marchandises qui ne peuvent être classées dans un autre chapitre : Mattel 2, aux para. 27 et 28. Par conséquent, selon le TCCE, s’il était possible de classer les marchandises comme le proposait Mattel, dans le chapitre 95, dans la position 9503.00, qui vise les « [t]ricycles, trottinettes, autos à pédales et jouets à roues similaires; landaus et poussettes pour poupées; poupées; autres jouets; modèles réduits et modèles similaires pour le divertissement, animés ou non; puzzles de tout genre » [non souligné dans l’original], il serait alors impossible de les classer dans la position 94.01, comme l’avaient fait l’OMD et l’ASFC : Mattel 2, aux para. 27 et 28.

[12] Le TCCE s’est dit d’avis que les marchandises pouvaient être classées à titre d’« autres jouets », malgré les observations de l’ASFC et l’avis de classement de l’OMD. Le TCCE a estimé qu’il n’était pas lié par l’avis de classement de l’OMD : Mattel 2, aux para. 17, 53 et 54. Renvoyant à l’arrêt de notre Cour Canada (Procureur général) c. Best Buy Canada Inc., 2019 CAF 20, 2019 CarswellNat 14679 (WL Can) [Best Buy 1], le TCCE a noté que les avis de classement de l’OMD devraient être suivis à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas en tenir compte : Mattel 2, au para. 53. Le TCCE a fourni deux motifs de ne pas souscrire à l’avis de classement de l’OMD : (1) l’avis était contraire à la preuve d’expert qui lui avait été présentée; (2) l’analyse de l’OMD était incomplète : Mattel 2, au para. 54.

[13] Premièrement, le TCCE était d’avis que la preuve qui lui avait été présentée, notamment le témoignage d’expert d’un concepteur de produits, penchait en faveur du classement proposé par Mattel. Cette preuve portait sur l’utilisation prévue des marchandises en cause. L’ASFC soutenait que les marchandises avaient un but utilitaire, soit fournir un endroit sûr et sécuritaire pour asseoir un nourrisson : Mattel 2, par. 32. Selon le TCCE, toutefois, les éléments de preuve dont il disposait indiquaient que les marchandises en cause étaient plutôt destinées essentiellement à l’amusement de personnes : Mattel 2, aux para. 33 à 35. Le TCCE a estimé que l’utilisation prévue était importante, car les notes explicatives de la position 95.03 précisent que ce chapitre couvre, entre autres, « les jouets destinés essentiellement à l’amusement des personnes ». Le TCCE était d’avis que la preuve montrait que cette note explicative couvrait les marchandises en cause, car celles-ci avaient en fait été conçues principalement pour l’amusement des nourrissons, et non pour leur offrir un endroit sûr où s’asseoir. Le TCCE a donc considéré que la preuve qui lui avait été présentée lui offrait un motif valable de ne pas classer les marchandises conformément à l’avis de classement de l’OMD.

[14] Le deuxième motif pour lequel le TCCE a estimé ne pas pouvoir classer les marchandises conformément à l’avis de classement de l’OMD était que l’avis de classement ainsi que le processus ayant mené à cet avis étaient, à son avis, entachés d’erreurs. Selon le TCCE, aucun élément de preuve n’indiquait que le Comité de l’OMD avait envisagé la possibilité que le produit soit visé par les notes explicatives de la position 95.03 : Mattel 2, au para. 62. Au paragraphe 63 de sa décision, le TCCE a fait observer ce qui suit :

[…] pour décider si un produit est un jouet, les notes explicatives de la position no 95.03 exigent qu’on tienne compte, entre autres, de la raison d’être de la conception du produit. Or, le Tribunal a toujours maintenu que l’expression « conçu pour » faisait référence à une intention délibérée de la part du fabricant. Rien n’indique que l’OMD s’est penchée sur cette question.

[15] Le TCCE a jugé que cet élément était pertinent, car, comme je l’ai noté plus haut, la preuve qui lui avait été présentée indiquait que le sauteur avait été conçu pour être un article de divertissement et qu’il relevait donc de la position 95.03, selon les notes explicatives : Mattel 2, aux para. 36, 63 et 64.

[16] Le TCCE s’est également demandé si les procédures internes suivies par le Comité de l’OMD avaient permis à ce dernier de tirer une conclusion correcte quant au classement des marchandises en cause : Mattel 2, au para. 55. Il a conclu « que de nombreux éléments de la justification de l’OMD qui étayent l’avis de classement sont discutables, voire incorrects, sur le plan des faits ou du droit » : Mattel 2, par. 65. Selon le TCCE, cette situation était attribuable, en partie du moins, au caractère délibératif de la procédure du Comité de l’OMD, ainsi qu’à l’absence de procédure contradictoire pour vérifier la preuve sur laquelle le Comité avait fondé sa décision : Mattel 2, par. 57 à 59.

[17] Le TCCE a donc estimé avoir un motif valable de ne pas classer les marchandises en cause conformément à l’avis de classement de l’OMD sur lequel s’était fondée l’ASFC. Le TCCE a par conséquent maintenu sa propre analyse, selon laquelle les marchandises, étant principalement conçues pour l’amusement des nourrissons, étaient des « jouets » et non des « sièges » : Mattel 2, au para. 74.

[18] Le Canada a par la suite interjeté appel auprès de notre Cour de la décision du TCCE.

IV. Les questions en litige

[19] Le présent appel soulève les questions suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

  2. Le TCCE a-t-il commis une erreur de droit en ne suivant pas l’avis de classement de l’OMD?

V. La norme de contrôle

[20] La norme de contrôle applicable dans les appels qui sont interjetés en vertu de l’article 68 de la Loi sur les douanes à l’égard de décisions du TCCE et qui visent une question de droit est maintenant la norme de la décision correcte : Canada (Ministre de la Citoyenneté et l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, 2019 CarswellNat 7884, au para. 37 [Vavilov]; Neptune Wellness Solutions c. Canada (Agence des services frontaliers), 2020 CAF 151, 2020 CarswellNat 7132 (WL Can), au para. 18 [Neptune]; Canada (Procureur général) c. Impex Solutions Inc., 2020 CAF 171 (WL Can), au para. 32; Procureur général du Canada c. Best Buy Canada Ltd., 2021 CAF 161, au para. 22 [Best Buy 2].

VI. Discussion

[21] Le Canada a formulé son appel en fonction de ce qu’il affirme être deux questions de droit : le TCCE peut-il, dans les mots du Canada, [traduction] « aller au-delà » l’avis de classement de l’OMD pour [traduction] « [l’]écarter »; et le TCCE a-t-il commis une erreur de droit en omettant d’interpréter l’avis de classement et les notes explicatives de l’OMD de manière à éviter qu’ils se contredisent?

[22] À mon avis, la règle de droit qui s’applique est clairement établie : le TCCE a le pouvoir de classer un produit d’une manière qui n’est pas conforme à l’avis de classement de l’OMD, mais, lorsqu’il le fait, il doit démontrer qu’il a un motif valable de le faire : Best Buy 1, aux para. 4 et 5. Cette règle vaut également pour les notes explicatives de l’OMD : Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131, 2004 CarswellNat 7351 (WL Can), aux para. 13 et 17 [Suzuki].

[23] La question en litige en l’espèce est de savoir si le TCCE avait des motifs valables de classer les marchandises comme il l’a fait, compte tenu de l’avis de classement en apparence contraire sur lequel s’était fondée l’ASFC.

[24] Pour déterminer s’il était indiqué en l’espèce de ne pas suivre les avis de classement, le TCCE devait appliquer la norme juridique prévue à l’article 11 du Tarif des douanes, qui dispose qu’il « est tenu compte » des documents d’interprétation de l’OMD lors du classement de marchandises selon l’annexe tarifaire. Notre Cour a clarifié cette norme juridique, bien qu’en des termes généraux, au paragraphe 4 de l’arrêt Best Buy 1 :

Au sens de l’article 11 du Tarif des douanes, l’expression « il est tenu compte » signifie que, bien que les avis de l’OMD ne soient pas contraignants, « il faut à tout le moins les prendre en considération » dans le classement des marchandises importées au Canada (Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38, par. 8, [2016] 2 R.C.S. 80 [Igloo Vikski]). De même, notre Cour a examiné la définition de « ten[ir] compte » dans le contexte de l’article 11 du Tarif des douanes et a conclu qu’il veut dire « considérer, tenir compte, prêter attention, prendre note » (Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131, par. 13, [2004] A.C.F. no 615 (Suzuki)). Le fait de « tenir compte » signifie en outre que le Tribunal devrait respecter les avis de l’OMD, à moins qu’il n’existe un « motif valable » de ne pas le faire (Suzuki, par. 13). Au final, le Tribunal peut ne pas être d’accord avec l’OMD, mais il doit tenir compte des avis et fournir un motif valable de s’en écarter.

[25] Donc, la norme juridique à laquelle doit satisfaire le TCCE pour qu’il puisse ne pas appliquer un avis de classement n’est pas une stricte interdiction. Bien que le TCCE ne puisse pas tout simplement faire abstraction d’un avis de classement, il n’est pas tenu non plus de l’appliquer s’il juge qu’il a un motif valable de ne pas le faire.

[26] Dans l’arrêt Suzuki, notre Cour a fait observer que, « [d]ans certains cas, la preuve d’expert peut établir l’existence d’une telle raison » : au para. 17. En l’espèce, le TCCE s’est fondé principalement sur la preuve d’expert portant sur l’utilisation prévue du produit pour justifier un classement différent de celui proposé dans l’avis de classement de l’OMD. Je suis d’avis que le TCCE n’a commis aucune erreur de droit en se fondant sur cette preuve d’expert pour conclure qu’il existait un motif valable de ne pas classer les marchandises en cause comme l’avait fait le Comité de l’OMD.

[27] Je note que le TCCE a formulé des observations dans ses motifs sur la nature du processus décisionnel du Comité de l’OMD : Mattel 2, aux para. 55, 62 et 63. Élément plus problématique, le TCCE a également reproché à l’ASFC d’avoir demandé un avis de classement à l’OMD après que le TCCE a rendu sa décision dans l’affaire Mattel 1 : Mattel 2, aux para. 68 à 73.

[28] Je ne souscris pas à l’analyse du TCCE sur ce point. Puisqu’il n’existe aucune exigence juridique contraire, et le TCCE n’a renvoyé à aucune, rien n’interdisait à l’ASFC de consulter le Comité de l’OMD pour obtenir des précisions ou des conseils sur des questions de classement tarifaire, que ces questions aient été tranchées par un tribunal canadien ou non. Fournir de tels conseils fait partie de la raison d’être du Comité de l’OMD : Mandat du Comité du système harmonisé, au para. 3, dossier d’appel, p. 273. Il ne s’agissait pas, pour l’ASFC, d’« une tentative de sa part pour contourner la décision du Tribunal dans Mattel 1 » : Mattel 2, au para. 68.

[29] Conclure au contraire, comme semble l’avoir fait le TCCE, donnerait à penser qu’une fois que le TCCE a rendu une décision sur une marchandise donnée, cette décision empêche l’ASFC de demander conseil à l’OMD au sujet du classement. Pour étayer cette idée, le TCCE a renvoyé à l’arrêt de notre Cour Canada (Procureur général) c. Bri-Chem Supply Ltd., 2016 CAF 257, 2016 CarswellNat 9950 : Mattel 2, au para. 69. Bien qu’il ait été clairement indiqué dans cette affaire que les décisions du TCCE en général lient l’ASFC de manière à ce que celle-ci doive appliquer le classement tarifaire du TCCE lorsque le même produit est importé à l’avenir, notre Cour a aussi clairement établi que cette règle générale admettait certaines exceptions : Bri-Chem, aux para. 43 à 46. Comme l’a déclaré le juge Stratas au paragraphe 47 de l’arrêt Bri-Chem :

On ne remet pas en question qu’un administrateur, qui agit de bonne foi et conformément au mandat que lui confère la loi, puisse faire valoir, dans le cas où sa thèse est fondée sur des principes et est justifiée, que la décision antérieure rendue par un tribunal ne s’applique pas à une affaire dont les faits diffèrent.

[30] Je suis d’avis que l’existence d’un nouvel avis du Comité de l’OMD portant sur les marchandises en question est un élément dont le TCCE doit tenir compte dans ses examens ultérieurs. La divergence d’opinion entre le Comité de l’OMD et le TCCE quant au classement des marchandises dans l’affaire Mattel 1 a fourni à l’ASFC une justification rationnelle de ne pas appliquer la décision Mattel 1. Je ne vois rien qui interdise à l’ASFC de consulter le Comité de l’OMD, dont elle est membre, au sujet du classement approprié de marchandises. Je ne vois rien non plus dans le dossier qui indiquerait que l’ASFC n’ait pas agi de bonne foi.

[31] Bien sûr, le TCCE à son tour n’était pas tenu d’être d’accord avec l’ASFC et de conclure qu’en raison de l’avis de classement du Comité de l’OMD, il devait classer les marchandises comme étant des « sièges ». Sur le fondement de la preuve d’expert qui lui a été présentée sur l’utilisation prévue du produit, le TCCE a conclu que le sauteur était destiné principalement à l’amusement, et non à offrir un siège sûr et sécuritaire dans lequel asseoir un enfant. C’est cette conclusion de fait qui a amené le TCCE à sa conclusion sur le classement tarifaire. Le TCCE n’a commis aucune erreur de droit en se fondant sur cette preuve d’expert. Comme l’a déclaré notre Cour dans l’arrêt Suzuki en parlant des notes explicatives, « le Tribunal n’est pas tenu d’appliquer les Notes explicatives lorsqu’il existe une raison valable de déroger aux directives qui y sont données. Dans certains cas, la preuve d’expert peut établir l’existence d’une telle raison » : Suzuki, au para. 17. À mon avis, cette conclusion peut tout autant s’appliquer aux avis de classement du Comité de l’OMD.

[32] Quant à la deuxième erreur de droit alléguée par le Canada, je ne crois pas que le TCCE ait interprété l’avis de classement d’une manière le rendant incompatible avec les notes explicatives. Les observations du Canada sur ce point ne font que reprendre et souligner de nouveau le raisonnement fourni par le Comité de l’OMD l’ayant amené à classer les marchandises à titre de « sièges », à savoir qu’elles faisaient partie de la position tarifaire des sièges et qu’elles ne pouvaient donc pas faire partie de la position des « jouets ». Le TCCE a statué sur ce point puisque, je le répète, il a conclu qu’à la lumière des éléments de preuve qui lui avaient été présentés, les sauteurs avaient été conçus principalement pour l’amusement des nourrissons, et non dans le but utilitaire de servir de siège sécuritaire dans lequel les asseoir.

[33] En conséquence, je ne suis pas d’avis que le TCCE ait commis d’erreur de droit susceptible de contrôle.

VII. Conclusion

[34] Par conséquent, je rejetterais l’appel, avec dépens.

« D. G. Near »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

René LeBlanc, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-339-19

 

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.

MATTEL CANADA INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience par vidéoconférence organisée par le greffe

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 janvier 2021

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LEBLANC

DATE DES MOTIFS :

Le 5 août 2021

COMPARUTIONS :

Andrew Gibbs

Elsa Michel

Pour l’appelant

Michael Taylor

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’appelant

Lapointe Rosenstein Marchand Melançon, S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

Pour l’intimée

 

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