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Date : 20211005


Dossier : A-320-20

Référence : 2021 CAF 195

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

TANZER DUMLU

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue par vidéoconférence en ligne organisée par le greffe, le 1er octobre 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 5 octobre 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20211005


Dossier : A-320-20

Référence : 2021 CAF 195

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

TANZER DUMLU

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LOCKE

[1] Le demandeur, Tanzer Dumlu, demande le contrôle judiciaire de la décision rendue par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (DA-TSS), qui a confirmé la décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (DG-TSS) rejetant la demande de prestations d’assurance-emploi (AE) de M. Dumlu.

[2] Comme l’a souligné le défendeur, le procureur général du Canada, notre Cour ne peut intervenir que si elle est convaincue que la décision de la DA-TSS était déraisonnable. Je n’en suis pas convaincu. Par conséquent, je rejetterais la demande.

[3] M. Dumlu a travaillé pour une agence de voyages jusqu’en octobre 2019, date à laquelle son employeur l’a licencié en alléguant que M. Dumlu avait utilisé frauduleusement les crédits de voyage d’un client de l’employeur pour se réserver un voyage personnel. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (CAEC) a accordé des prestations d’AE à M. Dumlu lorsque celui-ci en a fait la demande la première fois, mais cette décision a été infirmée après que son employeur eut demandé que l’affaire soit réexaminée et eut présenté des renseignements supplémentaires pour étayer son allégation selon laquelle M. Dumlu avait été licencié pour inconduite. La CAEC a tenté à plusieurs reprises de joindre M. Dumlu pour entendre sa version des faits, mais ce dernier n’a pas répondu.

[4] Lors de l’appel interjeté à l’encontre de l’annulation de la décision de la CAEC, la DG-TSS a examiné les allégations de l’employeur ainsi que la version des faits de M. Dumlu. La DG-TSS a conclu que M. Dumlu s’était bel et bien rendu coupable d’inconduite, et que cette inconduite avait mené à son licenciement. La DG-TSS a donc rejeté l’appel de M. Dumlu et confirmé qu’il n’avait pas droit à des prestations d’AE.

[5] La DA-TSS a confirmé cette décision lors d’un second appel. Elle a souligné le caractère limité des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34. Selon cette disposition, les moyens d’appel se limitent aux questions touchant des principes de justice naturelle, des erreurs de droit et des « conclusion[s] de fait erronée[s] […], tirée[s] de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à [l]a connaissance » de la division générale. La DA-TSS a conclu que la DG-TSS n’avait commis aucune erreur, que ce soit en regard du fardeau de la preuve ou de la nature des éléments de preuve qu’elle a jugé convaincants.

[6] M. Dumlu soulève quatre questions dans la présente demande de contrôle judiciaire :

  1. Partialité de la part de la CAEC.

  2. Défaut de tenir compte du fait qu’il a présenté des éléments de preuve documentaire concernant les événements ayant mené à son licenciement, alors que l’employeur ne l’a pas fait.

  3. Défaut de la CAEC d’exiger de l’employeur qu’il présente des éléments de preuve documentaire avant d’accepter sa version des faits.

D. La formation sur l’industrie du voyage, qui est offerte aux décideurs, est insuffisante pour que ceux-ci soient en mesure de soupeser les faits et de choisir entre des versions contradictoires.

[7] La première question en litige peut être rejetée, pour le motif que rien dans les observations de M. Dumlu ne soulève de près ou de loin une crainte raisonnable de partialité. M. Dumlu fait essentiellement valoir que la CAEC lui a transféré le fardeau de la preuve qui pesait sur l’employeur, lorsqu’elle lui a demandé de présenter des documents à l’appui, mais qu’elle n’a pas fait la même demande à l’employeur. Je ne suis pas d’accord pour dire que cela a eu pour effet de transférer le fardeau de la preuve. M. Dumlu a initialement nié avoir utilisé le billet d’avion en question; cependant, lorsque la DG-TSS lui a par la suite présenté des renseignements indiquant que le billet et son passeport avaient été numérisés à l’aéroport, M. Dumlu a expliqué qu’il avait acheté le billet avec sa carte de crédit personnelle et qu’il avait des documents pour le prouver. La DG-TSS a accordé à M. Dumlu du temps pour soumettre ces documents, mais il ne l’a pas fait. Son courriel de suivi ne contenait que des messages texte n’ayant aucun lien avec l’usage de sa carte de crédit personnelle. Cette situation ne constitue pas un renversement du fardeau de la preuve. La DG-TSS a plutôt conclu que les explications de l’employeur étaient claires, détaillées et cohérentes et qu’elles étaient corroborées par plus d’un représentant, alors que celles de M. Dumlu étaient incohérentes et moins crédibles.

[8] Durant l’audition de la présente demande, M. Dumlu a allégué qu’il lui avait été impossible, durant le délai qui lui avait été accordé après l’audition devant la DG-TSS, d’obtenir les documents corroborant sa déclaration voulant qu’il ait acheté le billet d’avion en question avec sa propre carte de crédit. Il a aussi déclaré qu’il avait tenté de soumettre cette documentation à la DA-TSS, mais que celle-ci lui avait dit qu’elle fonderait sa décision sur la documentation qui avait été présentée à la DG-TSS. Il a ajouté qu’il est maintenant en possession de ces documents et qu’il peut les produire. Ces allégations posent plusieurs problèmes. Premièrement, il n’y a rien dans le dossier qui indique que M. Dumlu a, à quelque moment que ce soit, cherché à présenter de nouveaux éléments de preuve à la DA-TSS. Deuxièmement, dans le courriel de suivi qu’il a envoyé à la suite de l’audition devant la DG-TSS, M. Dumlu ne mentionne aucune difficulté à obtenir les documents pertinents. Troisièmement, le mémoire des faits et du droit que M. Dumlu a présenté à notre Cour ne fait nullement mention de quelque difficulté à obtenir des documents, ni des efforts qu’il aurait faits pour présenter de nouveaux éléments de preuve. Bref, je ne crois pas que la décision de la DA-TSS doive être annulée parce que la division d’appel aurait prétendument refusé d’examiner de nouveaux éléments de preuve.

[9] Les deuxième et troisième questions en litige soulevées par M. Dumlu sont liées, en ce qu’elles portent toutes les deux sur l’argument voulant que la CAEC, de même que la DG-TSS et la DA-TSS, n’aient pas dû préférer la version des faits de l’employeur à celle de M. Dumlu, sans documents pertinents à l’appui. Pour autant que je sache, il n’existe aucune jurisprudence indiquant que ces tribunaux n’ont pas le droit d’accepter des éléments de preuve contre un prestataire d’AE en l’absence de documents à l’appui de sa thèse. Ces organismes ne sont pas liés par des règles de preuve strictes : Caron c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 254, para. 6. Bien que la preuve par ouï-dire qui n’est pas corroborée puisse être moins fiable dans certaines circonstances, il s’agit d’une question qui doit être examinée par le tribunal compétent. Dans la présente demande, le critère à appliquer consiste à déterminer si la DA-TSS a agi de manière raisonnable en refusant d’infirmer la décision de la DG-TSS de privilégier la version des faits de l’employeur plutôt que celle de M. Dumlu. Je conclus que la DA-TSS a agi de manière raisonnable sur ce point, car elle a clairement expliqué les raisons pour lesquelles elle a souscrit aux conclusions de la DG-TSS et que son raisonnement pouvait se justifier au regard des faits.

[10] En ce qui a trait à la quatrième question portant sur la formation inadéquate des décideurs, M. Dumlu n’a pas expliqué de manière précise quelles étaient ces lacunes, ni en quoi celles-ci ont pu influer sur les décisions des instances inférieures. Je reconnais qu’il existe des renseignements spécialisés qui sont connus des membres de l’industrie du voyage, mais qui ne le sont généralement pas du grand public. Cependant, je ne suis pas d’accord pour dire que les instances inférieures ne pouvaient parvenir à une conclusion raisonnable au sujet des versions contradictoires des faits en se fondant sur les éléments de preuve et les observations qui leur avaient été présentés. L’argument concernant la formation insuffisante et la compétence des tribunaux est, à mon avis, sans fondement.

[11] Pour les motifs qui précèdent, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire. À la demande du défendeur, je n’accorderais pas de dépens.

« George R. Locke »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

J.D. Denis Pelletier j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-320-20

 

INTITULÉ :

TANZER DUMLU c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE EN LIGNE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er octobre 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 5 octobre 2021

 

COMPARUTION :

Tanzer Dumlu

 

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Samaneh Frounchi

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

 

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