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Date : 20211005


Dossier : A-278-19

Référence : 2021 CAF 196

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LASKIN

 

 

ENTRE :

TAHER CHIBANI

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 5 octobre 2021.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 5 octobre 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20211005


Dossier : A-278-19

Référence : 2021 CAF 196

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LASKIN

 

 

ENTRE :

TAHER CHIBANI

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 5 octobre 2021.)

LE JUGE RENNIE

[1] L’appelant interjette appel du jugement rendu par la Cour canadienne de l’impôt (2019 CCI 122, le juge Paris), qui a rejeté son appel à l’encontre des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national. Ces nouvelles cotisations ont abaissé la juste valeur marchande des dons de bienfaisance en nature faits par l’appelant à un organisme de bienfaisance, ce qui a eu pour effet de réduire les crédits d’impôt pour don de bienfaisance auxquels l’appelant avait droit pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003.

[2] L’appelant, ainsi que 2 094 autres particuliers, ont réclamé des crédits d’impôt pour don de bienfaisance relativement à des dons de logiciels effectués au bénéfice de la National Children’s Burn Society (la NCBS).

[3] Le ministre du Revenu national a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant et il a réduit ses crédits d’impôt pour don de bienfaisance, au motif que la juste valeur marchande des logiciels, au moment du don, était nettement inférieure à la somme déclarée par l’appelant. Le ministre a également estimé que l’appelant n’avait pas l’intention libérale requise lorsqu’il a cédé les logiciels à la NCBS et qu’il n’a donc fait aucun don à la NCBS qui serait admissible à titre de don de bienfaisance.

[4] Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a entendu et examiné les faits et la preuve d’expert sur la juste valeur marchande des logiciels donnés à la NCBS. Il a admis la preuve d’expert indiquant que la juste valeur marchande des logiciels était nettement inférieure à la somme déclarée et a conclu que certains logiciels n’avaient aucune valeur et qu’ils avaient vraisemblablement été piratés. Comme il incombait au contribuable de démontrer que la juste valeur marchande des logiciels était supérieure à la somme attribuée par le ministre, le juge a rejeté les appels. Compte tenu de sa conclusion sur la juste valeur marchande des logiciels, le juge n’a pas estimé nécessaire d’examiner la question de l’intention libérale.

[5] La détermination de la juste valeur marchande d’un don de bienfaisance est une question de fait (Brassard c. Canada, 2017 CAF 205, 2017 D.T.C. 5117, par. 8), qui doit être examinée selon la norme de l’erreur manifeste et dominante (Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, [2017] 1 R.C.F. 331, par. 69 à 72 et 79). Une erreur manifeste est une erreur tout à fait évidente, alors que l’erreur dominante est celle qui a un effet déterminant sur l’issue de l’affaire. Nous n’avons relevé aucune erreur qui justifierait notre intervention dans l’évaluation que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a faite des éléments de preuve ou dans son interprétation du droit.

[6] Le juge de la Cour de l’impôt disposait de nombreux éléments de preuve pour étayer sa conclusion.

[7] En première instance, le ministre a présenté deux témoins experts pour établir la juste valeur marchande des logiciels donnés. Le premier expert, un ingénieur en logiciels, a corroboré les importantes failles techniques des CD-ROM qui avaient été donnés; l’autre, un économiste et dirigeant du secteur de la production de logiciels, a déclaré durant son témoignage que les logiciels n’avaient aucune valeur. Un autre témoin a déclaré que, sans licence d’utilisation des logiciels – licence qui n’était pas fournie avec les logiciels donnés – ceux-ci ne pouvaient faire l’objet d’un achat légitime (motifs de la Cour canadienne de l’impôt, par. 41).

[8] L’appelant affirme s’être fondé sur le « prix de détail suggéré par le fabricant » (PDSF) pour déterminer la valeur des dons en nature au moment de remplir sa déclaration de revenus et que le juge a commis une erreur en écartant ce prix pour déterminer la juste valeur marchande. Il fait valoir que le ministre a abaissé la juste valeur marchande sans expliquer pourquoi le PDSF qu’il avait indiqué était inacceptable.

[9] Il incombait toutefois à l’appelant de réfuter la juste valeur marchande établie par le ministre. L’appelant n’a fourni aucun élément de preuve probant, et le juge a rejeté son argument voulant que le PDSF représentait la juste valeur marchande, estimant qu’il s’agissait d’une simple hypothèse.

[10] L’appelant fait valoir que le juge a commis une erreur en refusant de reconnaître M. Bramhall à titre de témoin expert. Le juge de première instance a conclu que M. Bramhall n’était pas admissible à titre de témoin expert, car il ne répondait pas aux exigences des Règles de procédure informelle. Qui plus est, le juge n’a accordé aucun poids au témoignage de M. Bramhall, car ce dernier n’a pas vérifié si les ventes de logiciels, aux prix indiqués sur les différents sites Web, avaient réellement été réalisées. À notre avis, aucune de ces conclusions n’est entachée d’une erreur justifiant l’infirmation de la décision.

[11] Enfin, l’appelant allègue que le juge a commis une erreur relativement au fardeau de la preuve. Là encore, nous ne voyons aucune erreur justifiant l’infirmation de la décision.

[12] Les affaires instruites par la Cour canadienne de l’impôt sont des affaires civiles. Le fardeau de la preuve est donc celui de la preuve selon la prépondérance des probabilités (F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 R.C.S. 41). Seules les procédures criminelles exigent une preuve hors de tout doute raisonnable. Comme l’a souligné le juge de la Cour de l’impôt, « les contribuables ont le fardeau initial de réfuter, selon la prépondérance des probabilités, les hypothèses de fait du ministre ». Par conséquent, il n’y a pas lieu de déterminer si les conclusions du juge de première instance peuvent soulever un doute raisonnable (Sarmadi c. Canada, 2017 CAF 131, [2017] D.T.C. 5081; Eisbrenner c. Canada, 2020 CAF 93; Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., [2008] 1 R.C.F. 839, 2007 CAF 188; Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, 148 D.L.R. (4th) 1).

[13] Nous sommes donc d’avis de rejeter l’appel avec dépens.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

APPEL D’UN JUGEMENT RENDU LE 24 MAI 2019 PAR LE JUGE BRENT PARIS, DOSSIER NO 2015-1829(IT)I

DOSSIER :

A-278-19

 

INTITULÉ :

TAHER CHIBANI c. SA

MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 octobre 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LASKIN

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE RENNIE

COMPARUTIONS :

Taher Chibani

Pour son propre compte

(par vidéoconférence)

Vlad Zolia

Christina Ham

 

Pour l’intimée

(en personne)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’intimée

 

 

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