Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20211020


Dossier : A-93-20

Référence : 2021 CAF 203

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

BENOÎT DESROSIERS

intimé

Audience tenue par vidéoconférence en ligne organisée par le greffe, le 20 octobre 2021.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20211020


Dossier : A-93-20

Référence : 2021 CAF 203

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

BENOÎT DESROSIERS

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2021.)

LE JUGE LOCKE

[1] L’appelant reconnait que le présent appel est théorique. La décision en appel a annulé la décision qui établissait le niveau du risque d’évasion de l’intimé, un prisonnier qui purge une peine à perpétuité, à « modéré ». Le risque d’évasion de l’intimé a depuis été réévalué à « faible ».

[2] L’appelant demande à cette Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre le présent appel malgré son caractère théorique. À cet égard, il soumet ce qui suit :

  1. Le grief de l’intimé à l’encontre d’une décision précédente de la directrice de l’Établissement Archambault (Julie Cobb), a été accueilli en partie (en ce qui concerne le risque d’évasion) par le Commissaire adjoint, Politiques du Service correctionnel du Canada (Larry Motiuk). La décision de M. Motiuk ordonnait qu’une note de service soit rédigée et consignée au dossier de l’intimé dans laquelle son risque d’évasion sera réévalué;

  2. La note de service prévue a été rédigée et le niveau de risque d’évasion de l’intimé a été réévalué à « modéré », et Mme Cobb, le même jour, a accepté cette réévaluation;

  3. L’intimé n’a déposé aucun grief à l’encontre de cette deuxième décision de Mme Cobb;

  4. L’avis de demande déposé à la Cour fédérale dans cette affaire contre la décision de M. Motiuk n’a fait aucune mention ni de la note de service ni de la deuxième décision de Mme Cobb;

  5. La Cour fédérale a décidé de traiter la note de service comme faisant partie de la décision de M. Motiuk, et a conclu que ladite note de service (i) ne corrige pas l’erreur qu’il a identifiée, et (ii) rend la décision de M. Motiuk déraisonnable;

  6. La Cour fédérale a erré dans sa décision; elle aurait dû limiter son analyse à la décision de M. Motiuk, et ne pas considérer la note de service, puisque l’intimé aurait pu déposer un nouveau grief contre la deuxième décision de Mme Cobb d’accepter la réévaluation dans la note de service. L’intimé n’a donc pas épuisé ses recours administratifs envisagés dans le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, D.O.R.S./92-620 (le Règlement);

  7. La décision de la Cour fédérale « a un impact direct sur le respect, la prévisibilité et le bon fonctionnement du processus de révision administrative en place, et pourrait être transposable à d’autres régimes administratifs fédéraux comprenant une procédure de règlement des griefs analogue. »; et

H. Il n’a jamais eu l’opportunité dans les circonstances décrites ci-dessus de présenter les arguments décrits aux points F et G devant la Cour fédérale puisque la validité même de la deuxième décision de Mme Cobb n’était pas en jeu.

[3] Les critères pertinents à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour d’entendre un pourvoi sont discutés dans l’arrêt Borowski v. Canada (Attorney General), [1989] 1 R.C.S. 342, aux p. 358 à 363 (Borowski). Ils comprennent (i) un débat contradictoire, (ii) l’économie des ressources judiciaires, et (iii) la fonction véritable de la Cour dans l’élaboration du droit. Il n’est pas nécessaire que tous les critères soient présents.

[4] Le premier critère n’est pas satisfait. Il y a une absence de débat contradictoire, et l’intimé n’a même pas comparu.

[5] En ce qui concerne le deuxième critère, il est pertinent de considérer si les circonstances particulières de l’affaire justifient l’utilisation des ressources judiciaires limitées à la solution d’un litige théorique. À notre avis, ce critère n’est pas satisfait en l’espèce.

[6] Une décision de cette Cour n’aura aucun effet concret sur les droits des parties. De plus, bien que les faits dans le contexte correctionnel soient souvent susceptibles de changer rapidement, nous ne sommes pas convaincus que la décision en appel doit être examinée par cette Cour malgré le caractère théorique de la présente affaire. Je note à cet égard, comme l’a spécifié elle-même la procureure de l’appelant à l’audience, le caractère doublement théorique de ladite affaire puisque la décision réévaluant le risque d’évasion de l’intimé à « faible » a été rendue bien avant que la Cour fédérale ne se prononce en l’espèce.

[7] Comme le reconnait la procureure, le présent dossier ne serait fort probablement pas devant cette Cour si cette information avait été portée, comme elle aurait dû l’être, à l’attention de la Cour fédérale. Comme la Cour suprême l’a rappelé dans Borowski, le simple fait qu’une même question puisse se présenter de nouveau, même fréquemment, ne justifie pas à lui seul la tenue d’un appel si l’affaire qui le sous-tend est devenu théorique et on ne nous a pas démontré que la question que l’appelant souhaite soumettre à la Cour aura toujours disparu avant d’être résolue.

[8] À la lumière de toutes ces circonstances, il est préférable que cette question soit tranchée dans le contexte d’un débat contradictoire. L’appelant ne nous a pas d’avantage convaincu que cette question est d’une importance telle qu’il est dans l’intérêt public qu’elle soit tranchée maintenant, malgré le caractère théorique de l’affaire. En somme, il ne nous a pas convaincu que cette question est susceptible d’échapper à l’examen judiciaire. Le fait qu’une question similaire puisse se poser dans le cadre d’un autre régime administratif fédéral, comme le concède l’appelant, renforce cette conclusion.

[9] Le troisième critère favorise l’appelant puisqu’une décision de cette Cour dans cette affaire ne risque pas d’empiéter sur la fonction législative. Cependant, puisque les autres critères ne favorisent pas l’appelant, nous sommes d’avis que les circonstances ne justifient pas que le présent appel soit entendu.

[10] Malgré cette conclusion, nous tenons à préciser que nous n’entérinons pas le paragraphe 23 de la décision de la Cour fédérale qui a conclu que la note de service postérieure à la décision de M. Motiuk doit être traitée comme faisant partie de cette décision.

[11] Pour ces motifs, nous rejetterons le présent appel sans frais.

« George R. Locke »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-93-20

 

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. BENOÎT DESROSIERS

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE EN LIGNE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 octobre 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :

LE JUGE LOCKE

 

COMPARUTIONS :

Virginie Harvey

Amélia Couture

 

Pour l'appelant

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour l'appelant

 

 

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