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Date : 20211117


Dossier : A-301-20

Référence : 2021 CAF 220

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

 

 

DIMITRI GREKOU

 

 

demandeur

 

 

et

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

défendeur

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 16 novembre 2021.

Jugement rendu à Montréal (Québec), le 17 novembre 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

 

LE JUGE LEBLANC

 


Date : 20211117


Dossier : A-301-20

Référence : 2021 CAF 220

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

 

 

DIMITRI GREKOU

 

 

demandeur

 

 

et

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1] Le demandeur, M. Grekou, demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la Commission) rendue le 2 novembre 2020 (2020 CRTESPF 94), dans laquelle elle a rejeté sa demande de prorogation de délai pour déposer un grief contre son employeur, le Ministère de la Défense Nationale, suite à son renvoi en cours de stage le 3 janvier 2018

[2] Suite à ce renvoi, le demandeur a communiqué avec son agent négociateur dans l’intention de déposer un grief. La convention collective prévoit qu’un tel grief doit être déposé dans les 25 jours de l’action qui sous-tend le grief. L’agent négociateur n’ayant pas déposé le grief dans le délai imparti, le demandeur a déposé une plainte pour défaut de représentation à la Commission le 8 mars 2018; l’employeur n’était évidemment pas partie à ce litige, qui opposait le demandeur à son syndicat. Cette plainte a finalement été réglée entre les parties le 19 novembre 2018.

[3] Le 26 mars 2018, l’agent négociateur a informé l’avocate du demandeur que la participation du syndicat n’était pas nécessaire au dépôt du grief, et lui a transmis le 5 avril 2018 une ébauche de grief. Le demandeur a admis avoir été informé par son avocate de ces communications, mais a pris la décision d’attendre le règlement de sa plainte à l’encontre de son syndicat avant de déposer son grief. Il ne déposera finalement son grief que 10 mois après son renvoi, soit le 10 décembre 2018. L’employeur a rejeté le grief au palier final le 31 janvier 2019 du fait qu’il avait été déposé hors délai. Le demandeur a par la suite renvoyé son grief en arbitrage le 15 février 2019.

[4] L’employeur a formulé deux objections préliminaires à l’encontre de ce grief, la première au motif qu’il était tardif, et la seconde parce qu’un renvoi en cours de stage ne peut faire l’objet d’un renvoi à l’arbitrage en vertu de l’article 211 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, L.C. 2003, ch. 22, art. 2. Le demandeur a répliqué à la première objection en déposant une demande de prorogation de délai à la Commission le 17 juillet 2020, conformément à l’alinéa 61b) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, DORS/2005-79.

[5] La décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire ne porte que sur la première des deux objections soulevées par l’employeur. Au terme d’une décision étoffée, la Commission a accueilli l’objection formulée par l’employeur, rejeté la demande de prorogation et clôt le dossier.

[6] Pour en arriver à cette conclusion, la Commission s’en est remis aux critères qu’elle avait dégagés dans sa décision Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services Gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1 pour trancher une demande de prorogation de délai. Ces critères sont les suivants : 1) la justification du retard par des raisons claires, logiques et convaincantes; 2) la durée du retard; 3) la diligence raisonnable du fonctionnaire s’estimant lésé; 4) l’équilibre entre l’injustice causée à l’employé et le préjudice subi par l’employeur si la prorogation est accordée; et 5) les chances de succès du grief. Appliquant ces critères, la Commission s’est dite d’avis que le retard était assez considérable, que le demandeur n’avait pas fait preuve de diligence raisonnable, et qu’il n’avait pas fourni de raisons claires et convaincantes pour expliquer son retard à déposer son grief. À ce dernier chapitre, la Commission a reconnu que le défaut de déposer le grief avant le 26 mars ou le 5 avril pouvait peut-être s’expliquer, mais qu’il en allait différemment pour le délai subséquent. La plainte logée contre l’agent négociateur ne pouvait constituer une explication suffisante, dans la mesure où la procédure de grief était indépendante de cette plainte. Qui plus est, l’appui du syndicat n’était pas requis pour déposer le grief. Le seul critère favorable au demandeur était celui du préjudice subi; la Commission a cependant considéré que ce n’était pas suffisant pour lui donner gain de cause, étant entendu que l’employeur est également en droit de s’attendre à ce qu’un dossier soit clos dans un délai raisonnable.

[7] Dans ses représentations écrites et orales devant nous, le demandeur n’a pas remis en question les critères retenus par la Commission pour évaluer sa demande de prorogation, mais a plutôt tenté de faire valoir que la Commission avait erré en concluant qu’il n’avait pas fourni de raisons claires, logiques et convaincantes pour justifier son retard à déposer le grief. Il a insisté sur la négligence du syndicat, et sur le choix stratégique qu’il avait fait d’aller de l’avant avec sa plainte contre le syndicat en croyant, de bonne foi, qu’une décision en sa faveur dans ce dossier lui permettrait plus facilement d’obtenir une prorogation de délai.

[8] Malheureusement, ces prétentions ne suffisent pas pour établir le caractère déraisonnable de la décision rendue par la Commission. Suivant la décision rendue par la Cour suprême dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, 441 DLR (4e) 1 au para. 100, c’est à la partie qui conteste une décision d’en démontrer le caractère déraisonnable, et donc de convaincre la cour de révision qu’elle « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence ». Or, je suis d’avis que le demandeur n’a pas fait cette démonstration. La Commission s’est appuyée sur les bons critères juridiques, a soigneusement considéré les arguments soulevés par le demandeur, et a clairement expliqué pourquoi le délai postérieur au 5 avril 2018 n’était pas justifié. Cette décision faisait manifestement partie des issues possibles et acceptables au regard des faits et du droit.

[9] Quant à l’argument du demandeur fondé sur le non-respect des règles d’équité procédurale, il ne peut être retenu. Le demandeur connaissait la position de l’employeur, et il a eu l’opportunité de faire valoir tous ses arguments devant la Commission. Il ne peut davantage se plaindre de ne pas avoir eu droit à une audition devant la Commission, cette dernière étant explicitement autorisée à trancher toute affaire dont elle est saisie sans tenir d’audience (voir article 22 de la Loi sur la commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, L.C. 2013, ch. 40, art. 365). Enfin, rien ne permet de croire que la Commission n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve pertinents qui étaient devant elle; la preuve supplémentaire que le demandeur aurait voulu soumettre avait été déposée dans le cadre de sa plainte contre le syndicat, et n’impliquait pas l’employeur.

[10] Pour tous ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire. Les dépens en faveur du défendeur sont établis à 750$.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-301-20

 

INTITULÉ :

DIMITRI GREKOU c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 novembre 2021

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE LEBLANC

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 novembre 2021

 

 

COMPARUTIONS :

Dimitri Grekou

 

Pour le demandeur

(Se représentant lui-même)

 

Andréanne Laurin

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

 

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