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Date : 20211201


Dossier : A-353-19

Référence : 2021 CAF 231

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

INDUSTRIA DE DISENO TEXTIL, S.A.

appelante

et

ZARA NATURAL STONES INC.

intimée

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 14 septembre 2021

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 1er décembre 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

 


Date : 20211201

Dossier : A-353-19

Référence : 2021 CAF 231

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

INDUSTRIA DE DISENO TEXTIL, S.A.

appelante

et

ZARA NATURAL STONES INC.

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LOCKE

I. Contexte

[1] Le présent appel est l’un de deux appels entendus le même jour opposant les mêmes parties. Tous deux concernent des demandes d’enregistrement de marques de commerce présentées par l’intimée dans le présent appel, Zara Natural Stones Inc. (ZNSI). Le présent appel concerne la demande no 1 582 505 déposée le 18 juin 2012 en vue de l’enregistrement de la marque de commerce ZARA (le mot servant de marque) et fondée sur l’emploi au Canada depuis au moins le 29 août 2011. L’autre appel (dossier no A-374-19) concerne la demande no 1 525 938 déposée le 2 mai 2011 en vue de l’enregistrement de la marque de commerce ZARA Natural Stones & Design et fondée sur l’emploi projeté.

[2] L’appelante, Industria de Diseno Textil, S.A. (Industria), s’est opposée aux deux demandes d’enregistrement d’une marque de commerce pour plusieurs motifs. Le motif qui demeure pertinent dans le présent appel et l’appel connexe concerne l’article 16 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, qui porte sur les « [p]ersonnes admises à l’enregistrement des marques de commerce ». Cet article prévoit une restriction quant à l’enregistrement d’une marque de commerce qui crée de la confusion, entre autres, « avec une marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par une autre personne » (alinéas 16(1)b) et 16(3)b)). Se fondant sur cette restriction, Industria a invoqué sa propre demande d’enregistrement de la marque de commerce ZARA HOME, qu’elle a déposée le 17 septembre 2003.

[3] Il est important de noter que l’article 16 a été modifié depuis le dépôt de la demande d’enregistrement du mot servant de marque. Dans la version de la Loi sur les marques de commerce qui est pertinente pour le présent appel, l’article 16 était divisé en paragraphes distincts selon que la demande contestée d’enregistrement de la marque de commerce était déposée sur la base (i) d’un emploi ou d’une révélation au Canada (paragraphe 16(1)); (ii) d’un enregistrement ou d’un emploi dans un autre pays (paragraphe 16(2)); ou (iii) d’un emploi projeté (paragraphe 16(3)). Cette division a ensuite été modifiée de sorte que le paragraphe 16(1) vise maintenant les demandes d’enregistrement d’une marque de commerce déposées sur le fondement de ces trois critères. La version de l’article 16 qui existait avant ce changement, soit la version pertinente pour le présent appel, est jointe en annexe aux présents motifs.

[4] L’ancienne division de l’article 16 est pertinente en l’espèce, car la déclaration d’opposition d’Industria était incorrectement fondée sur le paragraphe 16(3), qui concerne les demandes fondées sur l’emploi projeté, alors que la demande d’enregistrement du mot servant de marque ZARA était fondée sur l’emploi au Canada (qui correspond au paragraphe 16(1)). Cet écart a été repéré par ZNSI et soulevé uniquement à l’audience devant la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission). En réponse, Industria a demandé la permission de modifier sa déclaration d’opposition afin de remplacer toutes les mentions du paragraphe 16(3) par des mentions du paragraphe 16(1).

[5] La Commission a autorisé la modification, a accueilli le motif d’opposition et a rejeté la demande d’enregistrement au motif que le mot servant de marque ZARA crée de la confusion avec la marque de commerce ZARA HOME d’Industria (2015 COMC 9).

[6] Dans l’appel interjeté par ZNSI devant la Cour fédérale, la juge Martine St-Louis (la juge) a conclu que l’analyse de la modification effectuée par la Commission était déraisonnable. Elle a accueilli l’appel et renvoyé l’affaire à la Commission pour nouvelle décision (2019 CF 1083).

[7] Industria interjette maintenant appel devant la Cour et lui demande d’annuler la décision de la Cour fédérale et de rétablir celle de la Commission. Pour sa part, ZNSI interjette un appel incident et demande que l’affaire ne soit pas renvoyée à la Commission et qu’il soit fait droit sans délai à la demande d’enregistrement d’une marque de commerce.

[8] Pour les motifs qui suivent, j’accueillerais le présent appel et je renverrais l’affaire à la Cour fédérale pour qu’elle tranche de nouveau l’affaire. Je rejetterais l’appel incident.

II. Décision de la Commission

[9] Lorsqu’elle a autorisé la modification de la déclaration d’opposition à l’audience, la Commission a examiné les critères suivants, qui figuraient dans l’Énoncé de pratique concernant la procédure d’opposition en matière de marques de commerce en vigueur à ce moment-là :

  1. L’étape où en est rendue la procédure d’opposition;

  2. La raison pour laquelle la modification n’a pas été apportée ou la preuve n’a pas été soumise plus tôt;

  3. L’importance de la modification ou de la preuve;

  4. Le tort qui sera causé à l’autre partie.

[10] La Commission a conclu que la procédure d’opposition en était rendue à une étape très avancée et qu’aucune explication n’avait été donnée sur les raisons pour lesquelles la modification n’avait pas été apportée plus tôt. Ces facteurs militent en faveur d’un refus de la modification. Par contre, la Commission a conclu que la modification était importante et que le tort causé à ZNSI serait minime. Elle a noté qu’Industria avait déjà clairement reconnu dans sa déclaration d’opposition que la demande était fondée sur l’emploi au Canada, et a conclu que ZNSI avait toujours su qu’Industria allait se fonder sur le motif d’opposition d’absence de droit à l’enregistrement aux termes de l’article 16. Au paragraphe 18 de sa décision, la Commission a conclu que « [l]’intention [d’Industria] était d’invoquer l’article 16(1) de la Loi et [que] la mention de l’article 16(3) de la Loi n’est rien de plus qu’une erreur typographique ».

[11] La Commission a autorisé la modification au motif que l’effet des deux derniers critères surpassait en importance l’effet préjudiciable à Industria des deux premiers.

III. Décision de la Cour fédérale

[12] La juge a comparé les faits de l’espèce à ceux dans l’affaire McDowell c. Automatic Princess Holdings, LLC, 2017 CAF 126, [2018] 3 R.C.F. 445 (McDowell), où l’opposante avait demandé l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition afin d’invoquer l’enregistrement récent de ses propres marques de commerce. La Cour a jugé dans cet arrêt que le rejet de sa demande de modification était déraisonnable. La juge a mentionné que le dépôt tardif de la demande dans l’affaire McDowell était atténué par le fait que le tort subi par l’autre partie pouvait être réparé par le seul fait de lui accorder plus de temps. Elle a ajouté que l’explication donnée était l’inadvertance et que l’autre partie était probablement au courant de l’omission puisque la déclaration d’opposition originale indiquait que l’enregistrement des marques de commerce était imminent, et que les enregistrements ont été déposés en preuve.

[13] La juge a conclu que les faits pertinents dans la présente affaire justifiaient de ne pas autoriser la modification de la déclaration d’opposition. Elle a fait observer que la demande de modification n’a été présentée qu’à l’audience et que plus de temps n’avait pas été accordé à ZNSI pour y répondre. La juge a également noté qu’aucune explication n’avait été donnée pour justifier le retard de la demande, pas même l’inadvertance.

[14] La juge n’a pas souscrit aux conclusions de la Commission selon lesquelles (i) ZNSI savait qu’Industria avait l’intention d’invoquer le paragraphe 16(1), et (ii) la mention du paragraphe 16(3) par Industria n’était rien de plus qu’une erreur typographique. Elle a fait observer que la déclaration d’opposition d’Industria faisait mention à plusieurs reprises de [traduction] « l’emploi projeté » ou de la [traduction] « date de dépôt de la demande », mais qu’aucune de ces notions ne s’appliquait à une opposition fondée sur le paragraphe 16(1). Par conséquent, la juge a conclu que la mention du paragraphe 16(3) ne pouvait pas être interprétée raisonnablement comme une erreur typographique.

[15] Établissant une distinction entre les faits de la présente affaire et ceux de l’affaire McDowell, la juge a conclu que la décision d’autoriser la modification était déraisonnable. Sans examiner les autres questions soulevées par les parties, la juge a ordonné que l’affaire soit renvoyée à la Commission afin qu’elle tranche à nouveau la demande de modification.

IV. Norme de contrôle

[16] Avant d’analyser les observations sur le fond formulées dans le présent appel, il est nécessaire de dire quelques mots sur la norme de contrôle applicable, étant donné que la juge avait pour tâche de déterminer si la Commission avait commis une erreur.

[17] La juge a appliqué la norme de la décision raisonnable. Il s’agissait alors de la norme de contrôle appropriée : voir l’arrêt McDowell au para. 30. Toutefois, l’arrêt de la Cour suprême du Canada Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] A.C.S. no 65 (Vavilov), a changé la donne. Dans cet arrêt, les juges majoritaires ont confirmé, au paragraphe 36, que, lorsque le législateur a prévu un moyen d’appel contre la décision d’un décideur administratif (comme c’est le cas en l’espèce), la norme de contrôle applicable en appel établie dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 (Housen), doit s’appliquer. Selon l’arrêt Housen, la norme de la décision correcte s’applique aux questions de droit et la norme de l’erreur manifeste et dominante s’applique aux questions de fait ou aux questions mixtes de fait et de droit lorsqu’il n’y a pas de question de droit isolable. Cette norme de contrôle applicable en appel s’applique dorénavant aux appels des décisions de la Commission, du moins à l’égard des questions pour lesquelles aucun élément de preuve supplémentaire n’est produit devant la Cour fédérale : Clorox Company of Canada, Ltd. c. Chloretec S.E.C., 2020 CAF 76, [2020] A.C.F. no 508 aux para. 18 à 23.

[18] Une question qui se pose en l’espèce est de savoir si le fait que la juge a appliqué la norme alors considérée comme étant appropriée, à savoir celle de la décision raisonnable, constitue une erreur étant donné l’arrêt Vavilov. Les deux parties dans le présent appel soutiennent que, puisque la norme de la décision raisonnable que la juge a appliquée à l’examen de la décision de la Commission était appropriée à l’époque, le changement subséquent qui a découlé de l’arrêt Vavilov ne devrait pas faire en sorte que l’application par la juge de cette norme soit considérée comme une erreur. Les parties n’ont pas renvoyé la Cour à une décision dans laquelle cette question aurait été examinée explicitement. Étant donné que ma conclusion en l’espèce n’est pas touchée par la question de la norme de contrôle à appliquer à la décision de la Commission, je remettrai à une autre fois l’examen de cette question.

V. Analyse

[19] Quelle que soit la norme de contrôle qu’elle aurait dû appliquer à la décision de la Commission, la juge ne pouvait intervenir que si la Commission avait commis une erreur. La conclusion de la juge n’était pas fondée sur une erreur de droit isolable de la Commission. Par conséquent, pour que la décision de la juge puisse résister à un examen minutieux, la décision de la Commission d’autoriser la modification doit soit avoir été déraisonnable, soit avoir été entachée d’une erreur manifeste et dominante selon la norme de contrôle applicable. Dans les paragraphes qui suivent, j’explique pourquoi je conclus qu’aucun de ces types d’erreurs ne s’applique à la décision de la Commission d’autoriser la modification.

A. Caractère raisonnable

[20] Je note tout d’abord que la juge semble s’être méprise en appliquant la norme de la décision raisonnable lorsqu’elle a mentionné au paragraphe 34 de ses motifs que les faits « justifieraient de ne pas autoriser la modification ». Au même paragraphe, elle a énoncé sa propre opinion sur quelques-uns des critères à prendre en considération lors de l’examen d’une demande de modification d’une déclaration d’opposition. Ce raisonnement indique que la juge s’est concentrée sur sa propre analyse et qu’elle est parvenue à une conclusion différente de celle de la Commission. Cela semble aller à l’encontre de l’orientation donnée dans l’arrêt Vavilov, para. 83 :

[...] [L]e contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable doit s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision. Le rôle des cours de justice consiste, en pareil cas, à réviser la décision et, en général à tout le moins, à s’abstenir de trancher elles‑mêmes la question en litige. Une cour de justice qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable ne se demande donc pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte l’« éventail » des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution « correcte » au problème. Dans l’arrêt Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, la Cour d’appel fédérale a signalé que « le juge réformateur n’établit pas son propre critère pour ensuite jauger ce qu’a fait l’administrateur » : par. 28; voir aussi Ryan [Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, [2003] 1 R.C.S. 247], par. 50‑51. La cour de révision n’est plutôt appelée qu’à décider du caractère raisonnable de la décision rendue par le décideur administratif — ce qui inclut à la fois le raisonnement suivi et le résultat obtenu.

[Italiques dans l’original]

[21] Le fait que la juge se soit concentrée sur sa propre évaluation des critères pertinents peut signaler un problème avec son analyse. Cependant, la juge a également examiné l’analyse de la Commission. Ses principales préoccupations à cet égard étaient les conclusions de la Commission selon lesquelles (i) ZNSI connaissait la nature du motif d’opposition d’Industria fondé sur l’article 16, et (ii) la mention du paragraphe 16(3) plutôt que du paragraphe 16(1) était une erreur typographique.

[22] J’aborderai le deuxième point en premier. Je conviens que la mention erronée du paragraphe 16(3) au lieu du paragraphe 16(1) n’était pas ce que l’on décrirait normalement comme une erreur typographique, comme une erreur d’écriture ou une erreur de touche sur le clavier. Cependant, d’après la décision de la Commission et la preuve dont elle disposait, il semble qu’elle n’ait pas mal compris la nature de l’erreur. Elle a plutôt reconnu l’erreur comme étant une erreur de forme plutôt que de fond. Il aurait peut-être été plus judicieux de parler d’une erreur technique, mais je ne suis pas d’accord pour dire que l’utilisation malheureuse du mot « typographique » pour décrire une erreur nuit au caractère raisonnable de la décision de la Commission.

[23] En outre, la juge n’avait aucune raison de douter de la conclusion de la Commission selon laquelle ZNSI savait qu’Industria avait l’intention d’invoquer le paragraphe 16(1). Un examen des paragraphes 16(1) et 16(3), reproduits en annexe, révèle que les seules différences importantes concernent le fondement de la demande faisant l’objet de l’opposition (marques employées ou révélées au Canada par rapport à marques projetées) et la date pertinente pour l’évaluation de la confusion (la date à laquelle la marque a été employée ou révélée pour la première fois par rapport à la date de dépôt de la demande). Comme Industria a clairement indiqué dans sa déclaration d’opposition qu’elle savait que la demande d’enregistrement du mot servant de marque ZARA était fondée sur l’emploi au Canada, il était tout aussi clair que le paragraphe applicable de l’article 16 était le paragraphe (1) et non le paragraphe (3). Par conséquent, il était évident que les mentions du paragraphe (3) étaient erronées et qu’il aurait dû être question du paragraphe (1). En outre, la différence de date pour l’évaluation de la confusion n’est pas importante. La demande d’enregistrement de la marque de commerce ZARA HOME invoquée par Industria dans son opposition a été déposée en 2003, soit bien avant le dépôt de la demande d’enregistrement du mot servant de marque ZARA (18 juin 2012) et bien avant la date à laquelle ZNSI prétend avoir employé la marque pour la première fois (29 août 2011).

[24] J’ai également examiné la réponse de ZNSI aux commentaires de la juge concernant le caractère déraisonnable de la décision de la Commission (au paragraphe 36 et suivant du mémoire des faits et du droit de ZNSI), mais j’estime que ces arguments additionnels ne sont pas fondés.

B. Erreur manifeste et dominante

[25] Je parviendrais à la même conclusion si j’étais d’avis que la juge aurait dû appliquer la norme de contrôle applicable en appel dans son évaluation de la décision de la Commission.

[26] Comme je l’ai mentionné précédemment, rien n’indique que la Commission a commis une erreur de droit isolable. La question est donc de savoir si elle a commis une erreur manifeste et dominante.

[27] La juge a appliqué la norme de contrôle de la décision raisonnable, qui était alors celle qu’il convenait d’appliquer. À supposer que cette norme soit maintenant considérée comme étant erronée et qu’il faille recourir à la norme applicable en appel, alors il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue à l’égard de la décision de la juge puisqu’elle n’a jamais examiné la décision de la Commission selon la norme applicable en appel. Par conséquent, j’examinerai si la Commission a commis une erreur manifeste et dominante dans son analyse.

[28] Comme je l’ai indiqué, la Commission a examiné chacun des quatre critères pertinents pour une demande de modification d’une déclaration d’opposition. Elle a reconnu que les deux premiers (l’étape de l’instance et la raison pour laquelle la modification n’a pas été demandée plus tôt) ne militaient pas en faveur de la demande de modification d’Industria. Elle a toutefois jugé que les deux derniers critères (l’importance de la modification et le tort causé à ZNSI) militaient en faveur de la demande d’Industria et qu’ils l’emportaient sur les deux premiers.

[29] En ce qui concerne les deux derniers critères, il ne fait aucun doute que la modification était importante. Par conséquent, la seule véritable question en l’espèce concerne le tort causé à ZNSI. Cette dernière soutient que la Commission a conclu qu’il y aurait un certain tort puisqu’elle a conclu que le tort serait minime. Elle fait également valoir que ce tort n’a pas été atténué car on ne lui a pas donné plus de temps pour répondre au nouveau motif d’opposition. ZNSI invoque plusieurs précédents où la Commission a examiné des demandes de modification d’une déclaration d’opposition. Elle fait remarquer que, dans ces précédents, la demande de modification n’a pas été autorisée lorsqu’elle entraînait un tort pour l’autre partie.

[30] Je ne vois pas beaucoup de différence entre un tort minime, comme la Commission l’a conclu, et aucun tort. L’analyse de la Commission semble être fondée sur l’opinion selon laquelle le tort serait négligeable puisque ZNSI connaissait déjà la nature de l’opposition d’Industria fondée sur l’article 16. Comme je l’ai indiqué, je conclus que l’évaluation faite par la Commission de ce que ZNSI savait de la nature de l’opposition d’Industria est raisonnable. Je conclus également que cette évaluation n’est pas entachée d’une erreur manifeste et dominante.

[31] Pour la même raison, je ne vois aucune erreur manifeste et dominante en lien avec le fait qu’on n’a pas donné plus de temps à ZNSI pour répondre au nouveau motif d’opposition. De toute évidence, la Commission était d’avis que la modification visant à remplacer les mentions du paragraphe 16(3) par des mentions du paragraphe 16(1) n’introduisait pas un nouveau motif d’opposition, mais corrigeait plutôt une erreur technique dans la déclaration d’opposition. De plus, rien n’indique que ZNSI a demandé plus de temps et, en appel, celle-ci n’a pas indiqué ce qu’elle aurait pu dire de plus à propos de ce motif d’opposition.

VI. Conclusion

[32] J’accueillerais le présent appel, j’annulerais la décision de la juge et je renverrais l’affaire à la Cour fédérale afin qu’elle examine les questions qui ont été soulevées par les parties devant elle, mais qu’elle n’avait pas examinées.

[33] Je rejetterais l’appel incident.

[34] ZNSI propose que, dans le cas où le présent appel serait accueilli, aucuns dépens ne soient adjugés contre elle. Elle soutient que cet appel était nécessaire parce qu’Industria n’a pas invoqué les bonnes dispositions législatives dans sa déclaration d’opposition et qu’elle n’a pas corrigé cette erreur avant l’audience.

[35] Je ne souscris pas à la proposition de ZNSI. L’erreur qu’elle mentionne a été traitée par la Commission et par la Cour fédérale. De plus, la Commission n’a pas semblé attribuer tout le blâme du dépôt tardif de la demande de modification à Industria. Elle a noté que ZNSI n’avait pas mentionné l’erreur dans ses arguments écrits. Les parties se sont présentées devant la Cour chacune avec leurs arguments, comme toutes les parties le font habituellement. J’adjugerais les dépens contre ZNSI relativement au présent appel.

« George R. Locke »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Johanne Gauthier, j.c.a. »


ANNEXE

Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13

Personnes admises à l’enregistrement des marques de commerce

Persons Entitled to Registration of Trade-marks

Enregistrement des marques employées ou révélées au Canada

Registration of marks used or made known in Canada

16 (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des produits ou services, a droit, sous réserve de l’article 38, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard de ces produits ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l’a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n’ait créé de la confusion :

16 (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with goods or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those goods or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

b) soit avec une marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

c) soit avec un nom commercial qui avait été antérieurement employé au Canada par une autre personne.

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.

Marques déposées et employées dans un autre pays

Marks registered and used abroad

(2) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a dûment déposée dans son pays d’origine, ou pour son pays d’origine, et qu’il a employée en liaison avec des produits ou services, a droit, sous réserve de l’article 38, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard des produits ou services en liaison avec lesquels elle est déposée dans ce pays et a été employée, à moins que, à la date de la production de la demande, en conformité avec l’article 30, elle n’ait créé de la confusion :

(2) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that the applicant or the applicant’s predecessor in title has duly registered in or for the country of origin of the applicant and has used in association with goods or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of the goods or services in association with which it is registered in that country and has been used, unless at the date of filing of the application in accordance with section 30 it was confusing with

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

b) soit avec une marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement a été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

c) soit avec un nom commercial antérieurement employé au Canada par une autre personne.

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.

Marques projetées

Proposed marks

(3) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 38 et 40, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard des produits ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, elle n’ait créé de la confusion :

(3) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a proposed trade-mark that is registrable is entitled, subject to sections 38 and 40, to secure its registration in respect of the goods or services specified in the application, unless at the date of filing of the application it was confusing with

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

b) soit avec une marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement a été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

c) soit avec un nom commercial antérieurement employé au Canada par une autre personne.

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.

[…]

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

A-353-19

 

INTITULÉ :

INDUSTRIA DE DISENO TEXTIL, S.A. c. ZARA NATURAL STONES INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Par vidéoconférence

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 septembre 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :

le 1er DÉCEMBRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Catherine Bergeron

 

Pour l’appelante

 

Michael Adams

 

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robic, s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

Pour l’appelante

 

Riches, McKenzie & Herbert LLP

Toronto (Ontario)

Pour l’intimée

 

 

 

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