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Date : 20220118


Dossier : A-99-21

Référence : 2022 CAF 9

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

 

 

CECILIA CONSTANTINESCU

 

 

appelante

 

 

et

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

intimé

 

Affaire jugée sur la foi du dossier sans comparution des parties.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 18 janvier 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LEBLANC

 


Date : 20220118


Dossier : A-99-21

Référence : 2022 CAF 9

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

 

 

CECILIA CONSTANTINESCU

 

 

appelante

 

 

et

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GAUTHIER

[1] Dans sa requête présentée par écrit, le Procureur général du Canada (PGC) demande à la Cour de rejeter sommairement cet appel, parce qu’il est voué à l’échec (Dugré c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 8, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 39614 (29 septembre 2021)). Je suis d’avis que cette demande peut être traitée sur dossier et qu’il est dans l’intérêt de la justice de procéder ainsi (Règles 3 et 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles)).

[2] Dans la décision qui fait l’objet du présent appel, la Cour fédérale (2021 CF 213) a rejeté l’appel de l’appelante à l’égard de l’ordonnance de la protonotaire Molgat datée du 12 février 2021, radiant sa demande de contrôle judiciaire d’une décision interlocutoire du Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal).

[3] C’était la quatrième demande de contrôle judiciaire de l’appelante contestant une décision interlocutoire du Tribunal à être radiée pour cause de prématurité depuis que le Tribunal a été saisi de sa plainte le 31 mai 2017.

[4] Le PGC soumet que tel qu’il appert de l’avis d’appel et du mémoire de l’appelante, celle-ci ne conteste pas le dispositif de l’ordonnance de la Cour fédérale rejetant son appel confirmant ainsi la radiation de sa demande de contrôle judiciaire dans le dossier T-471-20. Elle ne conteste pas que sa demande de contrôle judiciaire était prématurée, et qu’aucune circonstance exceptionnelle ne permettait de conclure à une exception à l’important principe de non-ingérence des tribunaux judiciaires dans les processus administratifs en cours.

[5] L’appelante demande plutôt que notre Cour accueille l’appel et renvoie le dossier a la Cour fédérale afin de rectifier certains énoncés dans les paragraphes 4, 15, 22 et 24 des motifs de la Cour fédérale qui, selon elle, ne sont pas exacts ou qui sont invoqués de manière subjective et l’affecte injustement (par exemple, le mot « miné » au paragraphe 4 et les mots « ont nui » au paragraphe 24). Toutefois, comme je l’ai dit, il n’est pas allégué que ces dites erreurs ont un impact sur le dispositif de l’ordonnance qui fait l’objet de cet appel. Une partie ne peut en appeler des motifs d’une ordonnance plutôt que de son dispositif.

[6] Bien que l’avis d’appel ne le mentionne pas, il appert du mémoire de l’appelante que la seule partie de l’ordonnance qu’elle conteste est l’octroi de dépens fixés à 1 500 $. Selon l’appelante, ceci constitue un déni de justice naturelle ou un manquement aux principes d’équité procédurale. Elle s’appuie aussi sur des décisions rendues dans différentes instances et contextes accordant des dépens moins élevés, ou pas de dépens au PGC. Elle souligne que dans certaines de ces décisions, le PGC n’avait pas demandé de dépens alors qu’il insiste dans son cas pour l’octroi de dépens élevés, ce qui est injuste et inapproprié compte tenu des circonstances.

[7] Il ne fait aucun doute que c’est à bon droit que la Cour fédérale a rejeté l’appel confirmant ainsi la radiation de cette demande de contrôle ordonnée par la protonotaire. Ce faisant, la Cour fédérale a appliqué une jurisprudence constante de notre Cour sur les demandes prématurées. Il n’y avait ici aucune circonstance exceptionnelle permettant de faire exception à ce principe. Et ni la Cour fédérale ni le protonotaire n’ont commis d’erreur révisable (erreur de droit ou erreur manifeste et dominante) à cet égard. En effet, une décision interlocutoire du Tribunal rejetant une demande de récusation de l’appelante demeure une décision interlocutoire qui pourra être contestée lorsque le Tribunal rendra sa décision finale sur la plainte de l’appelante (Black c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 201, aux para. 9 et 10 et Air Canada c. Lorenz, [2000] 1 CF 494). C’est le même principe qui a déjà été expliqué à l’appelante tant par la Cour fédérale que par notre Cour (2019 CAF 315) dans le cadre de ses demandes de contrôle précédentes.

[8] Donc, même si l’appelante réussissait à établir qu’il y avait quelque inexactitude ou erreur d’appréciation tel qu’allégué dans son mémoire et ses représentations écrites en réponse à la requête du PGC, aucune d’elles ne pourrait affecter le bien-fondé de la conclusion à l’effet que la demande de contrôle judiciaire était prématurée et devait donc être radiée. C’est pour cette raison qu’elle ne conteste pas le dispositif du jugement a cet égard. Je suis satisfaite que l’appel de l’ordonnance de la Cour fédérale rejetant l’appel dans le dossier T-471-20 est vouée à l’échec.

[9] Quant à l’appel portant sur l’octroi des dépens, il est évident que la Cour fédérale devait se pencher sur la demande du PGC de lui accorder des dépens de 1 500 $. Il s’agit ici d’une décision discrétionnaire révisable selon les normes de contrôle énoncées dans Housen c. Nicholaisen, 2002 CSC 33.

[10] L’octroi des dépens, alors que l’appelante a eu l’opportunité de présenter ses arguments devant la Cour fédérale, ne constitue pas un manquement au principe de justice naturelle ou à l’équité procédurale. L’évaluation des facteurs pertinents est une question soumise à la norme de l’erreur manifeste et dominante. Notre Cour ne peut substituer sa propre évaluation ou discrétion à celle de la Cour fédérale. C’est une norme très élevée et difficile à rencontrer.

[11] Plusieurs facteurs pertinents peuvent être pris en compte par la Cour fédérale dans l’exercice de sa discrétion (voir Règle 400). Généralement, l’octroi de dépens est la conséquence naturelle du résultat d’une instance. La partie qui perd assume les dépens de la partie qui gagne. Je note que des dépens ont été octroyés dans les autres demandes de contrôle judiciaire de l’appelante radiées pour les mêmes motifs et que le montant fixé par la protonotaire (700 $) était plus élevé que le montant accordé par le juge Lafrenière dans deux autres dossier antérieurs (500 $). Notre Cour a aussi accordé les dépens dans le dossier A-420-18 après avoir rejeté l’appel qui incluait aussi une contestation de l’octroi de dépens par la Cour Fédérale. Comme aucun montant n’est spécifié par notre Cour, ces dépens devront être taxés selon la colonne III du Tarif B des Règles. Compte tenu de la valeur des unités utilisées dans le Tarif B et que cet appel a été rejeté après une audience, il est assez évident que ces dépens seront plus élevés que les montants adjugés avant décembre 2019 lorsque notre Cour a émis ce jugement.

[12] Les montants prévus au Tarif B et les facteurs décrits ci-dessus sont en soi suffisants pour justifier les dépens demandés et octroyés au PGC.

[13] La Cour fédérale a noté dans ses motifs que l’appelante avait déposé huit instances en Cour fédérale, et deux instances devant la Cour d’appel (paragraphe 5), soit dix demandes depuis 2018 (paragraphe 24). Elle souligne qu’elles ont toutes exigé l’utilisation de fonds publics et de ressources judiciaires, et ont nui à l’instruction de la plainte de la demanderesse. Je comprends de cela qu’elle rejetait l’argument de l’appelante qu’elle ne devrait pas être tenu de payer des dépens dans les circonstances de l’espèce.

[14] L’appelante conteste la description des dix instances contenues au paragraphe 24, indiquant qu’elles ne sont pas toutes des demandes de contrôle judiciaire ou des appels. Elle ne conteste pas qu’elle a effectivement introduit dix instances. D’ailleurs, un simple examen du registre public des Cours fédérales le confirme (T-1453-20, T-1874-19, T-1681-19, T-1125-19, T-102-19, T-1571-18, T-976-18, T-471-20, A-287-19 et A-420-18).

[15] Il est inutile de débattre la question à savoir par exemple si une demande de révision en vertu de l’article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21 peut valablement être décrite au paragraphe 24 comme une demande de contrôle. Ceci n’a pas d’impact sur la question à savoir si le présent appel est voué à l’échec car il s’agit clairement d’une instance devant la Cour fédérale décrite au paragraphe 5 des motifs de la Cour fédérale; cela ne peut constituer une erreur manifeste et dominante.

[16] Compte tenu de la norme de contrôle applicable, cette Cour ne peut substituer son appréciation des faits pour déterminer si les diverses procédures intentées par l’appelante ont effectivement ou pas nui à l’instruction de sa plainte devant le Tribunal. Il est clair que de fait, l’instruction de la plainte a été suspendue ou retardée (mémoire de l’appelante aux para. 127-129 et 172) et que la divulgation de la preuve a pris beaucoup de temps.

[17] De toute façon, même si je prenais pour acquis que les dix instances n’ont aucunement nui à l’instruction de la plainte, ceci ne constituerait pas une erreur dominante. Comme je l’ai dit, les autres facteurs décrits ci-dessus étaient suffisants pour justifier l’octroi des dépens accordés en l’espèce.

[18] L’appelante ne peut se fonder sur son statut de partie non-représentée ou de victime de l’acte répréhensible allégué dans sa plainte devant le Tribunal pour être exemptée des conséquences usuelles des procédures qu’elle a intentées devant la Cour. Le fait que dans d’autres instances et autres contextes, une partie a été condamnée à un montant moins élevé ou que le PGC n’a pas demandé de dépens n’est pas un argument justifiant une intervention de notre Cour. Je note d’ailleurs que si l’appel n’était pas rejeté sommairement quant à l’octroi des dépens, l’appelante s’exposerait à l’octroi de dépens qui risquent d’être plus élevés que ceux qui me semblent appropriés en l’espèce à ce stade des procédures.

[19] Je propose donc que la requête du PGC soit accueillie et que l’appel soit rejeté.

[20] Le PGC demande des dépens de 2 500 $. Ce montant me parait trop élevé à ce stade des procédures. Pour éviter des dépens additionnels liés à la taxation, je propose de les fixer à un montant de 500 $ tout inclus.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

« Je suis d’accord

Yves de Montigny j.c.a. »

« Je suis d’accord

René LeBlanc j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-99-21

 

AFFAIRE JUGÉE SUR LA FOI DU DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

INTITULÉ :

CECILIA CONSTANTINESCU c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LEBLANC

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 janvier 2022

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Cecilia Constantinescu

 

Pour l'appelante

 

Paul Deschênes

Nadia Hudon

 

Pour l'intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

 

Pour l'intimé

 

 

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