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Date : 20220223


Dossiers A-25-21

A-26-21

Référence : 2022 CAF 34

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

 

ENTRE :

TYLER WHITE, faisant affaire sous le nom de BEAST IPTV et COLIN WRIGHT, faisant affaire sous le nom de BEAST IPTV

appelants

et

WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC., AMAZON CONTENT SERVICES LLC, BELL MEDIA INC., COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC., DISNEY ENTERPRISES, INC. NETFLIX STUDIOS, LLC, NETFLIX WORLDWIDE ENTERTAINMENT, LLC, PARAMOUNT PICTURES CORPORATION, SONY PICTURES TELEVISION INC. et UNIVERSAL CITY STUDIOS PRODUCTIONS, LLLP

intimées

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 23 février 2022.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 23 février 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR :

LA JUGE GLEASON


Date : 20220223


Dossiers A-25-21

A-26-21

Référence : 2022 CAF 34

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

 

ENTRE :

TYLER WHITE, faisant affaire sous le nom de BEAST IPTV et COLIN WRIGHT, faisant affaire sous le nom de BEAST IPTV

appelants

et

WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC., AMAZON CONTENT SERVICES LLC, BELL MEDIA INC., COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC., DISNEY ENTERPRISES, INC. NETFLIX STUDIOS, LLC, NETFLIX WORLDWIDE ENTERTAINMENT, LLC, PARAMOUNT PICTURES CORPORATION, SONY PICTURES TELEVISION INC. et UNIVERSAL CITY STUDIOS PRODUCTIONS, LLLP

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Jugement prononcé à l’audience à Ottawa (Ontario), le 23 février 2022.)

LA JUGE GLEASON

[1] L’appelant, Tyler White, interjette appel de l’ordonnance de la Cour fédérale (le juge Roy), dont les motifs sont répertoriés sous l’intitulé Warner Bros. Entertainment Inc. c. White (Beast IPTV), 2021 CF 53.

[2] Dans l’ordonnance faisant l’objet du présent appel, la Cour fédérale a notamment : (1) reconduit ses ordonnances provisoires ex parte antérieures en ordonnances interlocutoires (comportant certaines modifications) devant être en vigueur jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue relativement à l’action sous-jacente des intimées pour violation du droit d’auteur; et (2) rendu, en vertu de l’article 467 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, des ordonnances de justifier aux appelants, les enjoignant de comparaître à une audience pour outrage en raison de leur défaut de se conformer aux ordonnances provisoires ex parte de la Cour fédérale.

[3] L’appelant, Colin Wright, s’est désisté de son appel le 21 septembre 2021, avec le consentement des intimées.

[4] Le 20 septembre 2021, après le début du présent appel, M. White a comparu à la Cour fédérale et a plaidé coupable aux accusations d’outrage (voir la décision Warner Bros. Entertainment Inc. c. White (Beast IPTV), 2021 CF 989). Sur la base de ce plaidoyer, comme l’a reconnu M. White, la partie de l’appel de M. White visant l’annulation de l’ordonnance de justifier de la Cour fédérale est théorique.

[5] En ce qui a trait aux autres parties de l’ordonnance de la Cour fédérale qui ne sont pas théoriques, M. White soutient qu’elles devraient être annulées principalement pour les raisons suivantes :

(1) la Cour fédérale a commis une erreur de droit en choisissant le critère qui s’applique pour évaluer s’il convient de rendre les ordonnances provisoires ex parte, qui, selon M. White, exigeaient, dans la partie pertinente, que la Cour fédérale soit convaincue de l’existence d’« une preuve prima facie extrêmement solide » plutôt qu’une « preuve prima facie solide »;

(2) les avocats des intimées ont manqué à leur obligation de franchise envers la Cour fédérale en omettant de divulguer de la jurisprudence apparemment déterminante, à savoir la décision de notre Cour intitulée Entertainment Software Association c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2020 CAF 100, [2020] A.C.F. no 671 (QL), [ESA]; et

(3) la Cour fédérale a commis une erreur en s’appuyant sur des preuves par ouï-dire et par double ouï-dire provenant de sources confidentielles.

[6] En ce qui concerne le critère qui s’applique à la délivrance des ordonnances provisoires ex parte, bien que la Cour fédérale n’a pas reconnu qu’il s’agissait d’ordonnances Anton Piller, elle a néanmoins a conclu que le critère qui s’applique pour déterminer s’il y avait lieu de les délivrer était le même que celui qui s’applique à une ordonnance Anton Piller en raison de leur caractère attentatoire. Ainsi, rien dans le présent appel ne porte sur la nécessité de déterminer si les ordonnances provisoires sont correctement qualifiées d’ordonnances Anton Piller.

[7] Contrairement à ce qu’a affirmé M. White, le critère pour la délivrance d’une ordonnance provisoire ex parte Anton Piller requiert comme première des quatre conditions essentielles que la partie qui demande l’ordonnance démontre qu’il existe une « preuve prima facie solide », NON une « preuve prima facie extrêmement solide ». Cela ressort clairement de l’arrêt-clé de la Cour suprême du Canada intitulé Celanese Canada Inc. c. Murray Demolition Corp., 2006 CSC 36, [2006] 2 R.C.S. 189, para. 35.

[8] L’applicabilité du critère de la « preuve prima facie solide » pour la délivrance d’une ordonnance Anton Piller a été confirmée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Colombie-Britannique (Procureur général) c. Malik, 2011 CSC 18, [2011] 1 R.C.S. 657, para. 29 et plus récemment par notre Cour, par exemple, dans l’arrêt Bell Canada c. Lackman, 2018 CAF 42, [2018] 4 R.C.F. 199, para. 10.

[9] La Cour fédérale n’a donc pas commis la première erreur alléguée par M. White. Nous ne voyons pas non plus d’erreur manifeste et dominante dans la façon dont la Cour fédérale a évalué s’il y avait une preuve prima facie solide au regard des faits dont la Cour fédérale était saisie.

[10] Quant au deuxième argument de M. White, essentiellement pour les motifs énoncés par la Cour fédérale, nous ne croyons pas qu’il incombait à l’avocat des intimées de déposer l’arrêt ESA devant notre Cour lorsque les intimées ont présenté leur requête ex parte. Bref, nous ne sommes pas convaincus que l’arrêt ESA ait été déterminant au point que le défaut d’y faire référence aurait nécessité l’annulation des ordonnances ex parte.

[11] Quant au fait que la Cour fédérale se soit fondée sur des éléments de preuve par ouï-dire, M. White conteste principalement l’admissibilité de la preuve par ouï-dire plutôt que les conclusions que la Cour fédérale a tirées de cette preuve.

[12] Son argument sur l’admissibilité ne peut être retenu parce que la preuve contestée était admissible en application de l’article 81 des Règles des Cours fédérales qui autorise la présentation d’éléments de preuve tenus pour véridiques sur la foi de renseignements dans des requêtes telles que celles en litige dans le présent appel. Les éléments de preuve tenus pour véridiques sur la foi de renseignements constituent une preuve par ouï-dire. En commentant la version antérieure de l’article 81 des Règles des Cours fédérales, c’est-à-dire l’ancien paragraphe 332(1), qui était fort semblable au paragraphe 81(1) des Règles, notre Cour a déclaré, dans l’arrêt Lumonics Research Ltd. c. Gould et autres [1983] 2 CF 360 (C.A.), p. 369, 70 C.P.R (2d) 11, p. 18 :

[...] La Règle 332(1) subordonne la recevabilité d’une déposition sous forme d’affidavit fondé sur ce qu’on croit à seulement deux conditions : premièrement, l’affidavit doit être déposé lors d’une requête interlocutoire et, deuxièmement, le déposant doit indiquer dans son affidavit pourquoi il le croit. Une fois ces conditions remplies, la déposition sous forme d’affidavit est, à mon avis, recevable bien qu’elle puisse avoir peu de poids ou de valeur probante ou n’avoir aucun poids ni valeur probante.

[13] Par conséquent, les éléments de preuve par ouï-dire sont admissibles.

[14] Dans la mesure où M. White conteste l’utilisation que le juge de la requête a faite des éléments de preuve, la preuve par ouï-dire contestée sur laquelle le juge de la requête s’est appuyé était sans grande pertinence pour M. White, car cette preuve visait principalement à reconnaître M. Wright comme codéfendeur dans l’action intentée devant la Cour fédérale. Ainsi, M. White ne peut indiquer aucune erreur manifeste et dominante que le juge saisi de la requête a commise dans l’utilisation qu’il a faite des éléments de preuve contestés ou dans le poids qu’il lui a accordé.

[15] Le présent appel sera donc rejeté avec dépens.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-25-21 et A-26-21

INTITULÉ :

TYLER WHITE, faisant affaire sous le nom de BEAST IPTV ET COLIN WRIGHT, faisant affaire sous le nom de BEAST IPTV c. WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC., AMAZON CONTENT SERVICES LLC, BELL MEDIA INC., COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC., DISNEY ENTERPRISES, INC. NETFLIX STUDIOS, LLC, NETFLIX WORLDWIDE ENTERTAINMENT, LLC, PARAMOUNT PICTURES CORPORATION, SONY PICTURES TELEVISION INC. et UNIVERSAL CITY STUDIOS PRODUCTIONS, LLLP

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 février 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE GLEASON

COMPARUTIONS :

Howard P. Knopf

Meika C. Ellis

Abbas Kassam

 

POUR L’APPELANT (Tyler White, faisant affaire sous le nom de BEAST IPTV)

 

François Guay

Ryan Evans

Guillaume Lavoie Ste-Marie

Pour les intimées

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ridout & Maybee LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANT (Tyler White, faisant affaire sous le nom de BEAST IPTV)

 

Smart & Biggar

Montréal (Québec)

 

Pour les intimées

 

 

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