Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20220302


Dossier : A-310-20

Référence : 2022 CAF 39

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LEBLANC

 

ENTRE :

IRIS TECHNOLOGIES INC.

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 2 mars 2022.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 2 mars 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20220302


Dossier : A-310-20

Référence : 2022 CAF 39

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LEBLANC

 

ENTRE :

IRIS TECHNOLOGIES INC.

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Jugement prononcé à l’audience à Ottawa (Ontario), le 2 mars 2022.)

LE JUGE RENNIE

[1] Iris Technologies Inc. (Iris) interjette appel de l’ordonnance rendue par la Cour fédérale (2020 CF 1133, rendue par la juge Walker) par laquelle la requête en vue d’obtenir un redressement provisoire a été rejetée. Par cette requête, Iris sollicitait un bref de mandamus pour forcer le versement de 21,85 millions de dollars en remboursement de TPS/TVH qu’elle demandait pour les périodes de déclaration de janvier et de février 2020 en attendant que la vérification et de l’établissement de la cotisation en cours prennent fin. Iris a déposé un affidavit pour appuyer sa requête, auquel est annexé un rapport d’experts à titre de pièce.

[2] La juge de la Cour fédérale a tiré deux conclusions qui sont en litige et dont la Cour est saisie.

[3] La juge a conclu qu’Iris n’a pas démontré qu’elle avait un droit clair d’obtenir du ministre l’exécution de l’obligation énoncée à l’article 229 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, soit de réexaminer la cotisation et de verser les remboursements « avec diligence ». Elle est arrivée à cette conclusion après avoir examiné le délai pendant lequel la vérification était en cours, les sommes en jeu, la complexité de la vérification et le degré de coopération du contribuable, comme notre Cour l’a exigé dans l’arrêt Iris Technologies Inc. c. Canada (Revenu national), 2020 CAF 117, au paragraphe 45. L’exécution de l’obligation d’établir une cotisation n’étant pas un droit clair, les exigences d’une demande de mandamus établies par notre Cour dans l’arrêt Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742, n’ont pas été satisfaites. Iris n’ayant pas réussi à établir une forte apparence de droit pour démontrer le bien-fondé de sa demande de mandamus, la requête en vue d’obtenir un redressement provisoire a été rejetée (arrêt R. c. Société Radio‑Canada, 2018 CSC 5, [2018] 1 RCS 196).

[4] L’appelante interjette également appel de l’ordonnance de la juge selon laquelle certains paragraphes de l’affidavit ont dû être radiés pour inobservation des exigences énoncées dans les Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106 en matière de présentation de rapports d’experts. La juge a conclu que l’appelante, en présentant un rapport d’expert à titre de pièce annexée à un affidavit qui aurait été admissible autrement, avait contourné les exigences de l’article 52.5 des Règles des Cours fédérales, mettant ainsi l’expert à l’abri d’un contre-interrogatoire.

[5] Au début de l’audience du présent appel, le ministre a demandé une ordonnance visant à rejeter l’appel en raison de son caractère théorique. Pour appuyer sa demande, le ministre a demandé l’autorisation de présenter un nouvel élément de preuve, en application de l’article 351 des Règles, l’affidavit de Vance Smith daté du 10 mai 2021. Selon cet affidavit, le ministre aurait maintenant établi le montant de taxe nette payable par Iris pour les périodes de déclaration allant de janvier 2020 à mars 2021, et le remboursement de taxe nette serait nul.

[6] Nous admettons ce nouvel élément de preuve, l’affidavit Smith. Cet affidavit satisfait au critère d’admission de nouveaux éléments de preuve en appel, comme il a été établi dans l’arrêt de la Cour suprême Palmer c. la Reine, [1980] 1 R.C.S. 759. Cet élément de preuve n’aurait pu être présenté lors du procès; son poids décisif ou potentiellement décisif sur une question en litige en appel le rend pertinent, il est crédible et il aurait pu vraisemblablement influer sur la décision rendue par la Cour fédérale.

[7] L’appel en l’espèce est à présent théorique. Il ne subsiste plus de litige actuellement. Les cotisations sont déterminantes sur la dette fiscale nette d’Iris jusqu’à l’établissement d’une nouvelle cotisation par le ministre ou l’annulation de la cotisation par la Cour de l’impôt (paragraphes 299(4) et 301(1.1), articles 306 et 309 de la Loi sur la taxe d’accise). L’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, dispose que notre Cour n’a pas compétence pour entendre un litige lorsque la loi prévoit expressément un droit d’appel à la Cour canadienne de l’impôt :

Par dérogation aux articles 18 et 18.1, lorsqu’une loi fédérale prévoit expressément qu’il peut être interjeté appel, devant […] la Cour canadienne de l’impôt, […] cette décision ou cette ordonnance ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d’un tel appel, faire l’objet de contrôle, de restriction, de prohibition, d’évocation, d’annulation ni d’aucune autre intervention, sauf en conformité avec cette loi.

Despite sections 18 and 18.1, if an Act of Parliament expressly provides for an appeal to the … Tax Court of Canada, … that decision or order is not, to the extent that it may be so appealed, subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with, except in accordance with that Act.

[8] Iris allègue néanmoins que la question du redressement provisoire en vue d’obliger le versement de 21,85 millions de dollars en remboursement demeure en suspens. Elle soutient que le ministre ne peut empiéter sur la compétence de notre Cour simplement en établissant une cotisation dans le cadre de l’instance devant la Cour.

[9] Cet argument ne peut être retenu. Après examen de la véritable nature de la mesure de redressement demandée en l’espèce, la demande de versement du remboursement s’avère une tentative de court-circuiter les mécanismes de recours établis par le législateur. Il n’existe pas de fondement crédible qui permettrait d’affirmer que notre Cour peut obliger le versement du remboursement demandé, alors qu’une cotisation nous indique que ce remboursement est nul. En fait, cette requête sollicite une ordonnance qui irait explicitement à l’encontre de la loi. De plus, il est difficile de réconcilier l’argument présenté avec le redressement reçu par Iris, c’est-à-dire une cotisation qu’elle-même demandait en Cour fédérale dans la demande de contrôle judiciaire sous-jacente.

[10] La requête en vue de rejeter l’appel est accueillie, et l’appel est rejeté avec dépens.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-310-20

INTITULÉ :

IRIS TECHNOLOGIES INC. c. MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ORGANISÉE PAR LE GREFFE

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 mars 2022

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LEBLANC

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE RENNIE

COMPARUTIONS :

Leigh Somerville Taylor

Mireille Dahab

Pour l’appelante

Andrea Jackett / Katie Beahen

Elizabeth Chasson / Natanz Bergeron

Christopher Ware

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Leigh Somerville Taylor Professional Corporation

Toronto (Ontario)

Dahab Law

Markham (Ontario)

Pour l’appelante

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimé

 

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