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Date : 20220218


Dossier : A-473-19

Référence : 2022 CAF 31

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de GARNET MORGAN, officier taxateur

 

ENTRE :

 

 

TARIQ RANA

 

 

demandeur

 

 

et

 

 

SECTION LOCALE 938 DE LA FRATERNITÉ INTERNATIONALE DES TEAMSTERS

 

 

défenderesse

 

Taxation des dépens sans comparution des parties.

Certificat de taxation des dépens délivré à Toronto (Ontario), le 18 février 2022.

MOTIFS DE TAXATION :

GARNET MORGAN, officier taxateur

 


Date : 20220218


Dossier : A-473-19

Référence : 2022 CAF 31

En présence de GARNET MORGAN, officier taxateur

 

ENTRE :

 

 

TARIQ RANA

 

 

demandeur

 

 

et

 

 

SECTION LOCALE 938 DE LA FRATERNITÉ INTERNATIONALE DES TEAMSTERS

 

 

défenderesse

 

MOTIFS DE TAXATION

GARNET MORGAN, officier taxateur

I. Exposé des faits

[1] Il s’agit d’une taxation des dépens, en application du jugement rendu par la Cour d’appel fédérale le 4 novembre 2020, rejetant avec dépens la demande de contrôle judiciaire du demandeur.

[2] Pour faire suite à l’arrêt de la Cour, les dépens seront taxés conformément à l’article 407 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), qui prévoit ce qui suit :

Tarif B
407 Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B.

[3] Le 28 juin 2021, la défenderesse a déposé un mémoire de frais, à l’origine de sa demande de taxation des dépens.

[4] Le 28 juin 2021, une directive a été communiquée aux parties concernant le déroulement de la taxation des dépens et le dépôt de documents complémentaires à cet effet. Selon le dossier de la Cour, cette directive a été envoyée aux parties le 28 juin 2021 au moyen d’un courriel, dont le demandeur a accusé réception par courriel; elle a également été envoyée à la défenderesse le 1er juillet 2021 au moyen d’un fac-similé, pour lequel la Cour a reçu un accusé de réception par fac-similé. Faisant suite à cette directive, la défenderesse a déposé le 30 juillet 2021 un mémoire de frais, un affidavit de Melissa O’Connor, souscrit le 30 juillet 2021, ainsi que des observations écrites. Le 1er septembre 2021, le demandeur a déposé des observations sur les dépens et un affidavit de Tariq Rana, souscrit le 31 août 2021. Le 24 septembre 2021, la défenderesse a déposé des observations écrites en réponse.

II. Questions préliminaires

A. La proposition des parties concernant le règlement de la question des dépens.

[5] Dans les documents du demandeur relatifs aux dépens, il est affirmé que les parties avaient réglé au préalable la question des dépens en les fixant à 2 500 $. Dans son affidavit, souscrit le 31 août 2021, Tariq Rana affirme avoir payé une sommeau moyen de chèques et de transferts d’argent par voie électronique, que la défenderesse n’a pas acceptés à titre de paiement. Voici ce qu’il affirme aux paragraphes 10 et 11 de ses observations sur les dépens :

[traduction]
10. J’ai déjà payé à la défenderesse 2 500 $ à titre de règlement des dépens adjugés par la Cour, comme la défenderesse et moi en avions convenu mutuellement. J’ai payé cette somme sous la forme légitime de transferts d’argent par courriels au moyen du service Interac, adressés à un domaine de courriel enregistré appartenant à la défenderesse, la section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters. J’ai payé cette somme par un moyen adapté à mes finances personnelles et dans le but de préserver ma solvabilité aux yeux de ma banque, en empêchant la défenderesse de conserver les paiements sous la forme de chèques de faible somme et de déposer tous ces chèques simultanément, ce qui m’aurait fait courir le risque d’un défaut de paiement pour insuffisance de fonds. […]

11. Je ne possède plus aucun moyen de paiement sous la forme de chèques de compte personnel et j’ai renoncé à l’utilisation d’opérations de paiement sur papier, au profit d’opérations bancaires personnelles par voie électronique.

[6] Par ailleurs, à la pièce A de son affidavit, le demandeur a joint des copies de communications par courriel entre les parties témoignant du fait que les parties avaient discuté de la question des dépens et qu’elles avaient conclu un arrangement concernant les paiements. En réponse, au paragraphe 2 de ses observations écrites en réponse, la défenderesse soutient que [traduction] « [le] seul litige qui demeure est la question de savoir si le demandeur a payé ou non les dépens de 2 500 $ convenus dans la présente affaire. En l’occurrence, il ne l’a pas fait. » Aux paragraphes 3 et 4, la défenderesse affirme qu’avant toute discussion préalable, le demandeur avait envoyé deux transferts d’argent par voie électronique à Rick Davies, à l’adresse de la section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters, et que ces fonds devaient être renvoyés au demandeur, car M. Davies n’était pas habilité à accepter des paiements de la part du demandeur. En outre, la défenderesse allègue que [traduction] « comme le demandeur l’a lui-même admis, la somme de [2 500] $, n’a jamais été versée (ni sur le compte de M. Davies ni sur celui de la défenderesse) ».

[7] Après avoir examiné les documents des parties relatifs aux dépens, j’ai examiné les règles régissant les dépens à la partie 11 des Règles, dont les articles 419 à 422 précisent les exigences en matière d’offres de règlement de la question des dépens. Ces règles concernent uniquement les offres de règlement présentées avant la conclusion d’une instance devant la Cour. Dans la décision Assn. Olympique Canadienne c. Olymel, Société en commandite, 2000 CanLII 16276 (CF), au paragraphe 11, la Cour déclare ce qui suit :

11. Ainsi que le juge Morden l’a souligné dans l’arrêt Data General, précité, l’offre de règlement a pour objet d’inciter les parties à mettre fin au litige en concluant une entente, ce qui est plus rapide et moins coûteux qu’un jugement rendu par le tribunal à l’issue du procès. Il a ajouté que l’incitation à transiger constitue un mécanisme qui permet au demandeur de faire une offre sérieuse au sujet de son estimation de la valeur de la demande, obligeant ainsi le défendeur à procéder dès le début à un examen attentif du fond de l’affaire.

[8] Conformément aux précisions apportées dans la décision Assn. Olympique Canadienne, une tentative de régler la question des dépens de manière informelle, après la décision définitive rendue dans une instance judiciaire, est une mesure que les parties peuvent envisager, mais les Règles n’imposent aucunement qu’une telle mesure doive être prise ou qu’une offre de règlement de la question des dépens doive être acceptée par les parties concernées. En l’espèce, comme les parties n’arrivaient pas à s’entendre sur le règlement de la question des dépens ainsi que sur un moyen de paiement accepté par la défenderesse, il était loisible à la défenderesse de demander qu’un officier taxateur procède à la taxation des dépens en application du paragraphe 406(1) des Règles.

[9] Après avoir examiné les documents des parties relatifs aux dépens, l’article 11 des Règles et la jurisprudence que j’ai mentionnée précédemment, je conclus que la demande de taxation des dépens présentée par la défenderesse est conforme aux Règles. Par conséquent, je me pencherai maintenant sur la question de la taxation des dépens.

B. L’adjudication d’une somme globale pour les dépens.

[10] Au paragraphe 20 de ses observations écrites, la défenderesse me demande de rendre [traduction] « [une] ordonnance adjugeant des dépens fixés à 2 500 $, tout compris, payables à la défenderesse sans délai » ou « à titre subsidiaire, une ordonnance adjugeant des dépens fixés à 10 468,74 $, intérêts en sus, payables à la défenderesse sans délai, conformément au mémoire de frais présenté par la défenderesse ».

[11] En ce qui concerne l’adjudication d’une somme globale de 2 500 $ pour les dépens de la défenderesse, le paragraphe 400(4) des Règles prévoit ce qui suit :

Tarif B
(4) La Cour peut fixer tout ou partie des dépens en se reportant au tarif B et adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés.

[12] Dans l’arrêt Pelletier c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 418, au paragraphe 7, la Cour affirme ce qui suit au sujet de l’adjudication de dépens :

[…] [L’officier taxateur] peut tenir compte, en vertu de la Règle 409, « des facteurs visés au paragraphe 400(3) lors de la taxation des dépens ». Bref, la fonction de l’officier taxateur en est une, non pas d’adjudication, mais d’évaluation des dépens. Il ne lui appartient pas d’aller outre, ou à l’encontre de, l’adjudication déjà prononcée par le juge. […]

[13] Le paragraphe 400(4) des Règles prévoit que la Cour peut adjuger des dépens sous la forme d’une somme globale. Comme la Cour l’a énoncé dans l’arrêt Pelletier, mon rôle en tant qu’officier taxateur consiste uniquement à taxer les dépens, et non à les adjuger. Sans consentement, signé par les parties, à ce que les dépens de la défenderesse soient taxés à 2 500 $, je n’ai pas le pouvoir discrétionnaire d’adjuger ces dépens. Par conséquent, j’estime qu’en tant qu’officier taxateur, je suis tenu de taxer pleinement le mémoire de frais de la défenderesse, conformément au paragraphe 400(4) et à l’article 405 des Règles, selon lesquels « [les] dépens sont taxés par l’officier taxateur ».

C. La demande de dépens du demandeur.

[14] Le demandeur, en tant que partie agissant pour son propre compte, a demandé 522,50 $ en dépens au paragraphe 10 de ses observations sur les dépens. D’après mon examen du dossier de la Cour, la Cour n’a adjugé aucuns dépens au demandeur pour le présent dossier. Dans la décision Canada v. Uzoni, 2006 FCA 344, au paragraphe 4, l’officier taxateur a affirmé ce qui suit concernant l’absence de commentaires de la Cour dans ses arrêts à l’égard des dépens :

[traduction]
4. […] Il est bien établi que les dépens relèvent de la discrétion de la Cour saisie de l’affaire et que, lorsqu’une ordonnance est muette au sujet des dépens, cela emporte qu’il n’y a pas d’exercice visible du pouvoir discrétionnaire de la Cour en vertu du paragraphe 400(1). Il peut être utile de faire référence au passage suivant de l’ouvrage de Mark M. Orkin, c.r., The Law of Costs (le droit des dépens) (2e éd.), 2004, au paragraphe 105.7 :

[traduction]

[...] De même, si un jugement est accordé à une partie sans ordonnance adjugeant les dépens, aucune partie ne peut faire taxer les dépens; ainsi, lorsqu’une affaire est réglée sur présentation d’une requête ou au procès sans mention des dépens, c’est tout comme si le juge avait dit qu’il « estimait qu’il ne convenait pas d’adjuger les dépens ». [...]

De façon similaire, je m’appuie sur la décision Kibale c. Canada (Secrétaire d’État), [1991] ACF no 15, [1991] 2 CF F-12, qui fait état du même sentiment :

Si l’ordonnance ne dit rien au sujet des dépens, ceux-ci ne sont pas adjugés.

[15] En ce qui concerne le fait que le demandeur est une partie qui agit pour son propre compte, dans l’arrêt Yu c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 42, aux paragraphes 37 et 38, la Cour a exprimé ce qui suit au sujet des parties agissant pour leur propre compte et des dépens :

37. L’appelant réclame les dépens. La règle voulant qu’aucuns dépens ne soient accordés aux parties qui se représentent elles‑mêmes a été quelque peu assouplie ces dernières années : Sherman c. Canada (Ministre du Revenu national), 2003 CAF 202, [2003] 4 C.F. 865, aux paragraphes 46 à 52; Thibodeau c. Air Canada, 2007 CAF 115, 375 N.R. 195, au paragraphe 24. Cette nouvelle approche aux dépens vise à accorder à la partie qui se représente elle‑même un montant raisonnable pour le temps et les efforts qu’elle a consacrés à la préparation et à la présentation de sa cause dans la mesure où elle a engagé un coût de renonciation en cessant d’exercer une activité rémunératrice.

38. Compte tenu de la situation de l’appelant, qui a été incarcéré dans un pénitencier tout au long de la présente instance, je ne puis conclure qu’il a engagé un coût de renonciation en cessant d’exercer une activité rémunératrice pour préparer et présenter sa cause. Par conséquent, je n’exercerais pas le pouvoir discrétionnaire dont est investie notre Cour pour adjuger des dépens pour honoraires. Toutefois, l’appelant devrait se faire rembourser les débours qu’il a engagés devant notre Cour et devant la Cour fédérale.

[16] Dans l’arrêt Yu, la Cour affirme qu’il est possible d’accorder une rémunération pour les services à taxer à une partie agissant pour son propre compte si elle est en mesure de démontrer que, ce faisant, elle a engagé un coût de renonciation. Ce coût de renonciation doit toutefois être adjugé par la Cour, et non par l’officier taxateur. Cette question a été tranchée dans la décision Stubicar c. Canada, [2015] A.C.F. no 600, 2015 CAF 113, aux paragraphes 10 et 11, dans laquelle l’officier taxateur a déclaré ce qui suit :

10. Autrement dit, étant donné que les officiers taxateurs ne sont pas des membres de la Cour, je jouis d’une compétence limitée, car il ne m’est pas permis de modifier l’adjudication de dépens faite par la Cour. Il s’ensuit que lorsque la Cour exerce sa compétence et adjuge à la partie agissant pour son propre compte des dépens pour les services taxables, l’officier taxateur peut faire droit aux réclamations au titre des services (Voir : Carr c. Canada, 2009 CF 1196). En revanche, si la Cour n’exerce pas cette compétence, l’officier taxateur n’a pas compétence pour accorder les dépens afférents aux services. Cette situation s’est présentée dans le jugement Dewar c. Canada, [1985] A.C.F. no 538, et à cet égard, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit :

Un plaideur non‑juriste ne doit taxer que les débours et ne peut taxer les honoraires calculés, pour ce qui est du temps consacré et des débours, comme équivalant aux honoraires du procureur ou autrement.

11. J’ai examiné l’adjudication des dépens qui a été faite en l’espèce et bien que des dépens aient été accordés tant par la Cour d’appel fédérale que par la Cour fédérale, rien n’indique que la Cour a exercé son pouvoir d’adjuger à l’appelante des services à taxer.

[17] En me fondant sur l’arrêt Yu et les décisions Uzoni et Stubicar à titre de lignes directrices, je conclus que, faute de décision de la Cour adjugeant des coûts de renonciation au demandeur, qui agit pour son propre compte, ou de décision adjugeant expressément des dépens au demandeur pour sa demande de contrôle judiciaire, je n’ai pas le pouvoir d’adjuger des dépens, quels qu’ils soient, au demandeur. Par conséquent, je conclus que la demande de dépens du demandeur pour avoir répondu à la présente taxation des dépens et pour les frais découlant de l’annulation de chèques et de l’expiration de mandats bancaires doit être refusée, en ce qui concerne les faits du présent dossier.

D. La non-contestation du mémoire de frais de la défenderesse.

[18] L’examen des observations du demandeur sur les dépens et de l’affidavit de Tariq Rana, souscrit le 31 août 2021, n’a pas révélé que ces documents abordent expressément les demandes de la défenderesse à l’égard des services à taxer ou des débours, qui figurent dans le mémoire de frais de la défenderesse. L’absence d’observations particulières du demandeur concernant les demandes de la défenderesse à l’égard des dépens fait en sorte que le mémoire de frais demeure essentiellement non contesté. Dans la décision Dahl c. Canada, 2007 CF 192, au paragraphe 2, l’officier taxateur énonce ce qui suit :

2. Effectivement, l’absence d’observations utiles présentées au nom du demandeur, observations qui auraient pu m’aider à définir les points litigieux et à rendre une décision, fait que le mémoire de dépens ne se heurte à aucune opposition. Mon opinion, souvent exprimée dans des cas semblables, c’est que les Règles des Cours fédérales ne prévoient pas qu’un plaideur puisse compter sur le fait qu’un officier taxateur abandonne sa position de neutralité pour devenir le défenseur du plaideur dans la contestation de certains postes d’un mémoire de dépens. Cependant, l’officier taxateur ne peut certifier d’éléments illicites, c’est-à-dire des postes qui dépassent ce qu’autorisent le jugement et le tarif. J’ai examiné chaque élément réclamé dans le mémoire de dépens, ainsi que les pièces justificatives, en fonction de ces paramètres. Certains éléments requièrent mon intervention, compte tenu des paramètres évoqués ci-dessus et vu qu’il semble y avoir une opposition générale à ce mémoire de dépens.

[19] Outre la décision Dahl, dans la décision Carlile c. Canada, [1997] A.C.F. no 885, l’officier taxateur a mentionné ce qui suit au paragraphe 26 :


26. […] Les officiers taxateurs sont souvent saisis d'une preuve loin d'être complète et doivent, tout en évitant d'imposer aux parties perdantes des frais déraisonnables ou non nécessaires, s'abstenir de pénaliser les parties qui ont gain de cause en refusant de leur accorder une indemnité lorsqu'il est évident que des frais ont effectivement été engagés. Cela signifie que l'officier taxateur doit jouer un rôle subjectif au cours de la taxation. Dans les motifs que j'ai formulés le 2 novembre 1994 dans Youssef Hanna Dableh c. Ontario Hydro, no de greffe T-422-90, j'ai cité, à la page 4, une série de motifs de taxation indiquant le raisonnement à suivre en matière de taxation des frais. La décision que j'ai rendue dans l'affaire Dableh a été portée en appel, mais le juge en chef adjoint a rejeté cet appel dans un jugement motivé en date du 7 avril 1995. J'ai examiné les débours réclamés dans les présents mémoires de frais d'une façon compatible avec ces différentes décisions. De plus, à la page 78 de l'ouvrage intitulé Phipson On Evidence, quatorzième édition (Londres : Sweet & Maxwell, 1990), il est mentionné, au paragraphe 4-38, que
[traduction] "la norme de preuve exigée en matière civile est généralement décrite comme le fardeau de la preuve selon la prépondérance des probabilités". Par conséquent, le déclenchement de la procédure de taxation ne devrait pas se traduire par une hausse de ce fardeau vers un seuil absolu. Si la preuve n'est pas absolue pour le plein montant réclamé et que l'officier taxateur est saisi d'une preuve non contredite, bien qu'infime, indiquant qu'un montant a effectivement été engagé pour le déroulement du litige, il n'aura pas exercé une fonction quasi judiciaire en bonne et due forme en décidant de taxer l'élément à zéro comme seule solution de rechange à l'octroi du plein montant. Les litiges semblables à celui de la présente action ne se déroulent pas uniquement grâce à des dons de charité versés par des tierces parties désintéressées. Selon la prépondérance des probabilités, il serait absurde de n'accorder aucun montant à la taxation

[20] En me fondant sur les décisions Dahl et Carlile à titre de lignes directrices, même si le demandeur n’a pas présenté d’observations particulières pour contester les divers services et débours à taxer demandés par la défenderesse dans la présente taxation des dépens, je suis tenu, à titre d’officier taxateur, de veiller à ce que toute demande accueillie ne soit pas « déraisonnable ou non nécessaire ». Outre les documents relatifs aux dépens de la défenderesse, j’utiliserai le dossier judiciaire, les Règles et toute jurisprudence pertinente pour taxer les dépens de la défenderesse, afin de m’assurer qu’ils étaient nécessaires et qu’ils sont raisonnables.

III. Services à taxer

[21] La défenderesse a demandé 43 unités pour les services à taxer, ce qui représente une somme totale de 7 288,50 $, TVH comprise.

[22] Selon mon examen des documents relatifs aux dépens de la défenderesse, associés au dossier judiciaire, aux Règles des Cours fédérales et à toute jurisprudence pertinente, je conclus que les services à taxer demandés par la défenderesse au titre des articles 2, 13a), 14a) et 25 étaient nécessaires et sont raisonnables. Par conséquent, j’accueille ces services à taxer en l’état pour un total de 17 unités, ce qui représente une somme totale de 2 881,50 $, TVH comprise.

[23] Les demandes de la défenderesse au titre des articles 7, 15 et 28 présentent quelques problèmes qu’il faut examiner et, par conséquent, je les examinerai l’un après l’autre ci-dessous.

A. Article 7 – Communication de documents, y compris l’établissement de la liste, de l’affidavit et leur examen.

[24] La défenderesse a demandé cinq unités au titre de l’article 7. La défenderesse n’a présenté aucune observation particulière pour cette demande précise. L’examen du dossier judiciaire n’a révélé aucune communication de documents des parties, sur laquelle portent les articles 222 à 233 des Règles, pour la présente demande de contrôle judiciaire. Dans l’arrêt Apotex inc. c. Merck & Co. Inc., 2008 CAF 371, au paragraphe 14, la Cour a affirmé ce qui suit au sujet des officiers taxateurs qui disposent de peu de documents pour la taxation des dépens :

14. Compte tenu de la documentation limitée dont disposent les officiers taxateurs, la question de savoir quelles dépenses sont raisonnables est souvent tranchée sommairement, ce qui laisse forcément aux officiers taxateurs une large marge d’appréciation discrétionnaire.

[25] En m’appuyant sur les décisions Dahl et Carlile (précitées), ainsi que sur l’arrêt Merck, à titre de lignes directrices, je conclus que, sans éléments de preuve au dossier judiciaire et sans observations particulières ou éléments de preuve présentés par la défenderesse à l’appui de sa demande au titre de l’article 7, je dois rejeter cette demande.

B. Article 15 – Préparation et dépôt d’un plaidoyer écrit, à la demande ou avec la permission de la Cour.

[26] La défenderesse a demandé sept unités au titre de l’article 15, mais elles ne sont pas précisées dans les documents relatifs aux dépens de la défenderesse, visés par la présente demande. Dans la décision Biovail Pharmaceuticals Canada c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [2009] A.C.F. no 858, au paragraphe 27, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit concernant l’article 15 :

[traduction]
27. L’article 15 des dépens (préparation et dépôt d’un plaidoyer écrit, à la demande ou avec la permission de la Cour) relève du sous-titre E Instruction ou audience. Ce plaidoyer écrit est généralement déposé peu de temps après une audience, mais il peut arriver que la Cour l’exige peu de temps avant une audience. Il ne s’agit pas du mémoire des faits et du droit figurant dans les documents de la défenderesse et relevant de l’article 2 des dépens. Étant donné que la Cour n’a pas demandé ce plaidoyer écrit, je rejette la demande de dépens au titre de l’article 15 dans chaque affaire.

[27] L’examen du dossier judiciaire a révélé que la Cour n’a demandé aucun plaidoyer écrit de la part de la défenderesse peu de temps avant l’audience de contrôle judiciaire, qui a eu lieu le 4 novembre 2020, ou après cette audience. En me fondant sur la décision Biovail Pharmaceuticals Canada à titre de ligne directrice, je conclus que, sans éléments de preuve au dossier judiciaire et sans observations particulières ou éléments de preuve présentés par la défenderesse à l’appui de sa demande au titre de l’article 15, je dois rejeter cette demande.

C. Article 28 – Services fournis par des étudiants, des parajuristes ou des stagiaires en droit, dans une province, que le Barreau de cette province les autorise à fournir, 50 % du montant qui serait calculé pour les services d’un avocat.

[28] La défenderesse a demandé 14 unités au titre de l’article 28, mais elles ne sont pas précisées dans les documents relatifs aux dépens de la défenderesse, dont découlent les services visés par la demande de dépens, et il n’est pas précisé si ces services ont été fournis par un étudiant, un stagiaire en droit ou un parajuriste. Dans la décision Air Canada c. Canada (ministre des Transports), [2000] A.C.F. no 101, au paragraphe 15, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit au sujet des demandes au titre de l’article 28 :

15 En revanche, l'article G28 ne sous-entend pas le paiement d'une rémunération supplémentaire à celle qui est déjà demandée et approuvée pour l'avocat responsable du dossier. Il indique plutôt le paiement d'une rémunération représentant "50 p. 100 du montant qui serait calculé pour les services d'un avocat" (non souligné à l'original). Il s'agit de la situation de l'avocat qui délègue une tâche à un auxiliaire; lorsque l'auxiliaire rend un service dans le cadre de cette délégation, l'avocat responsable peut ensuite facturer le client en conséquence à un taux horaire inférieur. L'article G28 prévoit donc une rémunération réduite dans le cadre des frais et honoraires entre parties. De plus, je doute que le Tarif, dont l'application exige des directives spéciales de la Cour dans les circonstances propres aux articles E14b) et F22b), visait à accorder le droit absolu à une rémunération dans le cas des auxiliaires. En d'autres termes, si l'avocat responsable délègue, comme il est autorisé à le faire par le barreau de la province dont il relève, l'exécution d'un service particulier à un auxiliaire, la partie ayant le droit d'être indemnisée ne pourra recouvrer un montant au titre de l'avocat responsable et un autre pour l'auxiliaire, compte tenu des restrictions imposées par l'article G28. Ainsi, si l'auxiliaire s'occupe de tous les aspects de la taxation des frais, activité qui ne me semble pas correspondre à la pratique suivie en Ontario, compte tenu du paragraphe 1 de la règle 16 du Code de déontologie, il ne sera pas possible de réclamer un montant à la fois sous l'article G26 et sous l'article G28. Si la responsabilité a été partagée entre l'avocat et l'auxiliaire, un montant pourra être réclamé sous l'article G26, de sorte qu'aucun montant ne pourra être demandé au titre de l'article G28. Dans la présente affaire, la défenderesse a déjà [été] indemnisée en application des articles D13a) et E14a), de sorte qu'elle ne peut réclamer aucun montant sous l'article G28. La demanderesse a consenti à la réclamation formulée à l'article D13a) sous l'article G28. En pareil cas, le consentement ne peut m'accorder une compétence dont je ne suis pas investi. Je supprime les montants de 250 $ et 3 399,30 $ réclamés respectivement aux articles D13a) et E14a) sous l'article G28.

[29] En outre, dans l’arrêt Guest Tek Interactive Entertainment Ltd. c. Nomadix, Inc., [2021] A.C.F. no 979, aux paragraphes 54 et 55, la Cour a déclaré ce qui suit au sujet des demandes au titre de l’article 28 :

54. Manifestement, les services d’un étudiant ne constituent pas des coûts indirects irrécupérables, sans quoi ils ne seraient pas décrits à l’article 28 du tarif B : « Services fournis par des étudiants, des parajuristes ou des stagiaires en droit, dans une province, que le Barreau de cette province les autorise à fournir, 50 % du montant qui serait calculé pour les services d’un avocat. » Le juge Reed de notre Cour a souligné dans la décision Apotex c Syntex que la question de savoir s’il est possible de recouvrer les frais afférents au nombre d’heures travaillées par un étudiant dépend de la nature des services fournis : Apotex Inc c Syntex Pharmaceutical International Ltd, 1999 CanLII 8811 (CF) au para 22, modifiée pour d’autres motifs, Syntex Pharmaceuticals International Ltd c Apotex Inc, 2001 CAF 137. Néanmoins, comme l’a souligné le juge Harrington, les honoraires relatifs aux services d’étudiants en droit ne sont habituellement pas taxés : Apotex Inc c H Lundbeck A/S, 2013 CF 1188 au para 31, citant Janssen-Ortho Inc c Novopharm Ltd, 2006 CF 1333 au para 25.

55. Malgré cette approche générale, le juge Grammond a récemment souligné que lorsqu’on adjuge une somme globale au lieu de dépens taxés, il n’est pas approprié de refuser des dépenses liées à des stagiaires en droit à condition qu’elles aient été engagées : Seedlings Life Science Ventures, LLC c Pfizer Canada SRI, 2020 CF 505 au para 12.

[30] Selon mon examen de la décision Air Canada, les honoraires pour les services de non-juristes sont pris en compte dans les honoraires de l’avocat superviseur. Cette conclusion est étayée par la jurisprudence qui suit : Truehope Nutritional Support Limited c. Canada (Procureur général), [2013] A.C.F. no 1297, au paragraphe 81. En outre, la Cour a déclaré dans l’arrêt Guest Tek Interactive Entertainment Ltd que les demandes pour les services décrits à l’article 28 sont inhabituelles dans le contexte d’une taxation des dépens réalisée par un officier taxateur. Cela étant dit, en fonction des observations ou des éléments de preuve présentés par la partie à laquelle la Cour a adjugé les dépens, il peut être possible d’autoriser des dépens pour les services décrits à l’article 28 dans le contexte d’une taxation des dépens réalisée par un officier taxateur. Toutefois, dans le cas du présent dossier, j’ai conclu que, sans éléments de preuve au dossier judiciaire, tel qu’un arrêt de la Cour adjugeant expressément des dépens pour les services décrits à l’article 28, et sans observations précises ou éléments de preuve présentés par la défenderesse à l’appui de sa demande pour les services décrits à l’article 28, je dois rejeter cette demande.

D. Somme totale accordée à la défenderesse pour les services à taxer.

[31] Au total, 17 unités sont accordées pour les services à taxer de la défenderesse, ce qui représente une somme totale de 2 881,50 $, TVH comprise.

IV. Débours

[32] La défenderesse a demandé 3 180,24 $ pour les débours, TVH comprise.

[33] Après examen des documents relatifs aux dépens de la défenderesse, associés au dossier judiciaire, aux Règles et à toute jurisprudence pertinente, je conclus que les débours demandés par la défenderesse pour les photocopies, les prélèvements sur les transactions pour le contentieux civil, les services de messagerie, les frais automatisés pour le contentieux civil et la signification des actes de procédure étaient nécessaires et sont raisonnables. Le mémoire de frais de la défenderesse comprend une erreur de calcul de la TVH applicable aux débours demandés. Je corrige cette erreur de calcul de la TVH pour les débours et j’accorde des débours pour une somme totale de 3 098 $, TVH comprise.

A. Montant total des débours accordés à la défenderesse.

[34] Le montant total des débours accordés à la défenderesse s’élève à 3 098 $, TVH comprise.

V. Conclusion

[35] Pour les motifs qui précèdent, le mémoire de frais de la défenderesse est taxé et accepté pour la somme totale de 5 979,50 $, payable par le demandeur à la défenderesse. Un certificat de taxation sera également délivré.

« Garnet Morgan »

Officier taxateur

 

 

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-473-19

 

INTITULÉ :

TARIQ RANA c. SECTION LOCALE 938 DE LA FRATERNITÉ INTERNATIONALE DES TEAMSTERS

AFFAIRE EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE TAXATION :

GARNET MORGAN, officier taxateur

DATE DES MOTIFS :

LE 18 FÉVRIER 2022

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Tariq Rana

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Alex St. John

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Wright Henry s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

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