Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20220301


Dossier : A-342-21

Référence : 2022 CAF 40

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Présente : la juge Monaghan

ENTRE :

MARTIN DUHAMEL

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 1er mars 2022.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA JUGE MONAGHAN

 


Date : 20220301


Dossier : A-342-21

Référence : 2022 CAF 40

Présente : la juge Monaghan

ENTRE :

MARTIN DUHAMEL

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE MONAGHAN

[1] L’appelant, Martin Duhamel, a saisi notre Cour d’un appel de l’ordonnance rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Duhamel c. Procureur général du Canada, 2021 CF 1255 (motifs du juge Favel). Dans cette ordonnance, la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire de l’appelant à l’encontre de la décision du 15 avril 2020 rendue par le directeur exécutif intérimaire du Conseil canadien de la magistrature (CCM) à l’égard de la plainte que l’appelant avait déposée contre un juge.

[2] Aux termes de la Règle 343(3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, l’appelant doit présenter une requête pour que la Cour détermine le contenu du dossier d’appel si les parties ne s’entendent pas sur le contenu dans le délai prescrit. Les parties au présent appel ne se sont pas entendues. Le différend porte sur deux questions : celle de savoir si plusieurs documents que l’appelant veut faire inclure font dûment partie du dossier d’appel et la façon dont certains documents devraient être désignés dans la table des matières du dossier d’appel.

I. Contenu du dossier d’appel

[3] Dans le présent appel, où est contestée une décision de la Cour fédérale rejetant une demande de contrôle judiciaire, notre Cour doit « se mettre à la place » de la Cour fédérale et se concentrer sur la décision administrative : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559 [Agraira], au para. 46. Le rôle de notre Cour est de déterminer si, en contrôlant la décision du CCM, la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée et l’a appliquée correctement : Agraira, au para. 47.

[4] L’avis d’appel confirme que l’appelant comprend ce principe. En fait, l’appelant ne fait pas valoir que la Cour fédérale a choisi la mauvaise norme de contrôle. Les moyens d’appel sont plutôt les suivants : la Cour fédérale a [traduction] « mal appliqué la norme de contrôle de la décision raisonnable » et le CCM a rendu une « décision déraisonnable ».

[5] La Règle 344(1) précise ce que doit contenir le dossier d’appel, certains éléments y étant spécifiquement nommés (par exemple, l’avis d’appel : Règle 344(1)b)), alors que d’autres sont mentionnés de manière plus générale (par exemple, tout autre document pertinent : Règle 344(1)g)). Toutefois, la Règle 343(2 impose une limite aux documents pouvant figurer dans le dossier d’appel – soit uniquement les documents, pièces et transcriptions nécessaires au règlement des questions en litige dans l’appel. Cette disposition vise à décourager les parties d’inclure dans le dossier d’appel des documents qui ne sont pas utiles : Shire Canada Inc. v. Apotex Inc., 2011 FCA 10, 414 N.R. 270, au para. 14.

[6] Par conséquent, ce ne sont pas tous les documents qui étaient devant la Cour fédérale qui doivent être inclus – ou même qui peuvent être inclus – dans le dossier d’appel. L’inclusion de documents qui ne sont pas utiles au règlement des questions soulevées en appel ne mène pas à un processus d’appel efficace : Smith c. Canada (Procureur général), 2022 FCA 28, au para. 6.

[7] Le contenu du dossier d’appel est déterminé en fonction des documents nécessaires pour que notre Cour puisse trancher la question aux fins de savoir si la Cour fédérale a correctement appliqué la norme de contrôle dans son examen de la décision du CCM. L’appelant cherche néanmoins à inclure dans le dossier d’appel des documents afférents à des requêtes procédurales dont il a saisi la Cour fédérale ainsi que les décisions découlant de ces requêtes. Il soutient que les documents présentés à la Cour fédérale constituent des renseignements généraux pertinents et qu’ils aideront notre Cour à comprendre [traduction] « pourquoi la [Cour fédérale] n’a pas pu corriger les irrégularités du dossier de preuve » devant la Cour fédérale.

[8] L’appelant n’a porté en appel devant notre Cour aucune des décisions découlant des requêtes. Aucune de ces décisions n’a été rendue par le juge Favel, dont la décision fait l’objet du présent appel. Surtout, aucun de ces documents n’est nécessaire au règlement de la seule question à trancher dans le présent appel, soit celle de savoir si la Cour fédérale a correctement appliqué la norme de la décision raisonnable dans son contrôle de la décision du CCM. En fait, aucun de ces documents n’est utile à cette question. Les éléments pertinents et nécessaires sont les documents sur lesquels le CCM s’est fondé pour rendre sa décision ainsi que tout autre document autorisé par la Règle 343(2). Par conséquent, aucun des documents afférents aux requêtes ne devrait être inclus dans le dossier d’appel.

[9] L’appelant veut également faire inclure dans le dossier d’appel les observations écrites qu’il a présentées à la Cour fédérale. L’intimée s’y oppose, au motif que l’issue de l’appel dépend des éléments de preuve et des règles de droit applicables.

[10] Sauf circonstances exceptionnelles, le mémoire des faits et du droit déposé devant la cour d’instance inférieure n’est pas inclus dans le dossier d’appel : McBride c. Canada (Défense nationale), 2008 CAF 111, au para. 3, et Première Nation de Gambler c. Ledoux, 2020 CAF 204, au para. 18. En l’espèce, l’appelant n’a pas fait valoir de circonstance exceptionnelle. De plus, comme je l’ai expliqué plus haut, dans le présent appel, notre Cour se mettra à la place de la Cour fédérale et se concentrera sur la décision du CCM. Même si notre Cour examinera la décision de la Cour fédérale portée en appel, la question dont nous sommes saisis est la même que celle dont la Cour fédérale a été saisie, soit celle de savoir si la décision du CCM était raisonnable. Ainsi, les observations présentées par l’appelant devant la Cour fédérale concernant le caractère déraisonnable de la décision du CCM peuvent être réitérées devant notre Cour, dans le mémoire des faits et du droit de l’appelant, si ce dernier choisit de le faire.

II. Désignations employées dans la table des matières du dossier d’appel

[11] La deuxième question en litige concerne la table des matières du dossier d’appel : la façon dont les documents contenus dans le dossier d’appel devraient être désignés ou nommés dans la table des matières. La Règle 344(1)a) dispose que le dossier d’appel contient une table des matières désignant chaque document.

[12] Le premier point en litige relativement aux désignations porte sur les Procédures du Conseil canadien de la magistrature pour l’examen de plaintes ou d’allégations au sujet de juges de nomination fédérale (les Procédures d’examen). Lorsque l’appelant a présenté sa demande en vertu de la Règle 317(2), il a demandé au CCM de fournir deux documents qui n’étaient pas en sa possession : une copie signée de la lettre de décision du CCM datée du 15 avril 2020 ainsi qu’une publication du CCM intitulée Principes de déontologie judiciaire. Le CCM a fourni des copies certifiées conformes de ces documents, conformément à la Règle 318.

[13] Même si la lettre de décision du CCM renvoyait aux Procédures d’examen, l’appelant n’a pas demandé au CCM de les transmettre en application de la Règle 317. Ni l’appelant ni l’intimé n’ont inclus les Procédures d’examen dans leur dossier devant la Cour fédérale. Par contre, l’intimé les a incluses dans son cahier des lois, des règlements, de la jurisprudence et de la doctrine, sous la rubrique [traduction] « Législation ». L’appelant s’y est opposé et a présenté sans succès une requête en radiation des Procédures d’examen, à deux reprises devant la protonotaire Ring, et une fois devant le juge Diner en appel contre les ordonnances prononcées par la protonotaire Ring.

[14] La Cour fédérale a résumé le cheminement procédural relatif aux Procédures d’examen dans ses motifs de la décision qui fait l’objet du présent appel, de la façon suivante :

[traduction]

Le juge Diner a noté que les motifs prononcés par la protonotaire Ring précisent que les Procédures d’examen auraient dû être déposées dans le dossier de réponse de l’intimé, et non dans son cahier des lois, des règlements, de la jurisprudence et de la doctrine. Elle a néanmoins correctement exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère la Règle 55 des Règles des Cours fédérales en acceptant le dépôt irrégulier des Procédures d’examen parce que cela ne causait aucun préjudice au demandeur, que le document était utile à la demande et que le document était mentionné dans la décision du CCM. Le juge Diner a conclu que les Procédures d’examen faisaient déjà partie du dossier de la Cour. Le demandeur n’a pas fait appel de l’ordonnance du juge Diner.

[15] Il ne fait aucun doute que les Procédures d’examen font partie du dossier de la Cour fédérale. Et, fait très important, elles sont mentionnées dans la décision du CCM dont le caractère raisonnable est attaqué dans le présent appel. Les parties ne contestent pas que ce document devrait se trouver dans le dossier d’appel, mais elles ne s’entendent pas sur la façon dont il devrait être désigné. L’appelant veut qu’il soit désigné dans la table des matières comme étant le [traduction] « Cahier des lois, des règlements, de la jurisprudence et de la doctrine de l’intimé (CF) à l’intention du juge Favel (onglets omis, sauf l’onglet 12) ». Même s’il est exact de dire que l’onglet 12 du cahier des lois, des règlements, de la jurisprudence et de la doctrine que l’intimée a présenté à la Cour fédérale était constitué des Procédures d’examen, ce renseignement n’est ni utile ni franchement pertinent.

[16] L’objectif de la table des matières contenue dans un dossier d’appel est de désigner les documents de manière à aider les membres de la formation chargée d’entendre l’appel, les parties, leurs avocats et les autres intervenants à repérer facilement les documents pour que le lecteur puisse se rendre directement au document voulu. L’objectif n’est atteint que si la table des matières désigne les documents en des termes clairs et simples, et non en des termes ambigus. Les désignations proposées par l’appelant vont totalement à l’encontre de cet objectif; elles invitent l’utilisateur à rayer la désignation de l’appelant et à écrire à la main « Procédures d’examen ».

[17] Le deuxième point en litige porte sur le dossier certifié par le CCM conformément à la Règle 318. L’appelant a d’abord proposé de l’appeler dans la table des matières [traduction] « Soi-disant dossier certifié du tribunal du Conseil canadien de la magistrature ». Il a expliqué qu’il souhaitait employer le terme [traduction] « soi-disant » parce que le terme [traduction] « dossier certifié du tribunal » n’est pas défini à l’article 318 des Règles. Même s’il est vrai que les Règles n’emploient pas de terme défini, les articles 317 et 318 portent sur les dossiers certifiés par le tribunal ou le décideur. Par conséquent, des termes tels que « dossier certifié du tribunal » ou « dossier certifié » sont généralement employés dans les dossiers d’appel pour décrire les documents certifiés en application de ces dispositions des Règles.

[18] L’appelant a toutefois abandonné cette demande dans les documents de requête et a plutôt proposé d’employer l’expression [traduction] « Dossier du demandeur (CF) à l’intention du juge Favel, onglet C – Dossier certifié (Règle 318), onglet E – Mémoire des faits et du droit de l’appelant (autres onglets omis) ». Autrement dit, tout comme pour les Procédures d’examen, l’appelant ne souhaite pas désigner les documents par leur nom, mais plutôt par la façon dont ils étaient présentés dans le dossier de la Cour fédérale.

[19] J’ai déjà conclu que le mémoire des faits et du droit de l’appelant devant la Cour fédérale ne sera pas inclus dans le dossier d’appel. En ce qui a trait au dossier certifié du CCM, l’endroit où il se trouvait dans le dossier que l’appelant a déposé à la Cour fédérale est absolument sans importance dans le présent appel. Compte tenu de l’objectif de la table des matières – faciliter le repérage des documents –, il conviendrait de s’abstenir d’y inclure des termes superflus et des commentaires subjectifs, à moins qu’il n’existe des motifs impérieux de les inclure. Il n’existe pas de pareil motif en l’espèce.

[20] En résumé, la table des matières et le contenu du dossier d’appel dans le présent appel seront les suivants :

[traduction]

  1. Table des matières;

  2. Avis d’appel, daté du 2 décembre 2021;

  3. Ordonnance de la Cour fédérale portée en appel et motifs de l’ordonnance, datés du 19 novembre 2021;

  4. Avis de demande, daté du 19 avril 2020;

  5. Dossier certifié du Conseil canadien de la magistrature :

    1. Décision rendue par le Conseil canadien de la magistrature le 15 avril 2020 faisant l’objet du contrôle;

    2. Principes de déontologie judiciaire;

  6. Affidavit de Martin Duhamel, daté du 1er juin 2020;

  7. Procédures du Conseil canadien de la magistrature pour l’examen de plaintes ou d’allégations au sujet de juges de nomination fédérale, en vigueur depuis le 29 juillet 2015;

  8. Copie de l’ordonnance relative au contenu du dossier d’appel;

  9. Certificat établi selon la formule 344, signé par l’appelant.

III. Dépens

[21] L’intimé demande les dépens afférents à la présente requête, à payer sans délai. L’adjudication des dépens afférents à une requête est discrétionnaire. Toutefois, si notre Cour décide d’adjuger des dépens afférents à une requête et conclut que la requête n’aurait pas dû être présentée, elle doit ordonner que les dépens afférents à la requête soient payés sans délai.

[22] Je comprends la position de l’intimé. L’avocat de l’intimé a écrit à deux reprises à l’appelant non seulement pour faire part de son désaccord quant au contenu du dossier d’appel proposé, mais aussi pour lui expliquer pourquoi les documents visés par la présente requête ne devaient pas être inclus, en se reportant aux Règles et aux principes applicables. Il a également expliqué pourquoi les désignations proposées par l’appelant dans la table des matières étaient inappropriées. Je conviens qu’il s’agit là d’une situation où la requête était inutile et n’aurait pas dû être présentée. Des dépens d’une somme fixe de 300 $ seront adjugés à l’intimé, à payer sans délai.

« K.A. Siobhan Monaghan »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-342-21

INTITULÉ :

MARTIN DUHAMEL c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA JUGE MONAGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 1er mars 2022

 

COMPARUTIONS :

Martin Duhamel

l’appelant

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Shaun Ramdin

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimé

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.