Date : 20220427
Dossier : A-257-20
Référence : 2022 CAF 71
[TRADUCTION FRANÇAISE]
CORAM :
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LE JUGE STRATAS
LE JUGE LOCKE
LA JUGE MACTAVISH
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ENTRE :
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GÁBOR LUKÁCS
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appelant
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et
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SWOOP INC.
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intimée
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et
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OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA
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intervenant
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Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 27 avril 2022.
Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 27 avril 2022.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :
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LE JUGE STRATAS
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Date : 20220427
Dossier : A-257-20
Référence : 2022 CAF 71
CORAM :
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LE JUGE STRATAS
LE JUGE LOCKE
LA JUGE MACTAVISH
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ENTRE :
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GÁBOR LUKÁCS
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appelant
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et
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SWOOP INC.
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intimée
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et
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OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA
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intervenant
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MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 27 avril 2022.)
LE JUGE STRATAS
[1] La loi exige que les transporteurs offrant un service intérieur, comme l’intimée, indiquent le « prix de base »
à l’intention des consommateurs : Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10, article 55 et alinéa 67(1)b). Si la situation ne « ren[d] [pas] commode [l’]application »
de cette exigence, l’Office des transports du Canada peut accorder des exemptions : alinéa 80(1)c) de la Loi. L’Office a soustrait l’intimée à l’application de cette exigence.
[2] L’Office a qualifié l’intimée de « transporteur à très faible coût »
qui « offre seulement des prix dégroupés »
. À son avis, il n’était « pas pratique d’exiger que [l’intimée] se conforme »
à l’obligation relative au prix de base parce qu’elle n’avait pas l’intention d’offrir « une version de prix comprenant un prix de base »
.
[3] L’appelant, une partie agissant dans l’intérêt public, interjette appel de la décision de l’Office d’accorder l’exemption. Pour avoir gain de cause, il doit nous convaincre que l’Office a commis une erreur de droit : paragraphe 41(1) de la Loi. Nous n’en sommes pas convaincus.
[4] L’appelant soutient que l’Office a à tort pris en compte le modèle d’affaires de l’intimée comme facteur dans son analyse. Nous ne sommes pas d’accord avec lui. Il ne s’agit pas d’une erreur de droit. Le paragraphe 80(1) de la Loi confère à l’Office un large pouvoir discrétionnaire de soustraire des personnes à l’application des exigences législatives et réglementaires, aux « conditions qu’il juge indiquées »
. L’alinéa 80(1)c) de la Loi énonce expressément que le caractère nécessaire, souhaitable ou commode est un critère d’exemption. De par la loi, l’Office devait procéder à un examen pragmatique des considérations pertinentes et concrètes portées à sa connaissance, y compris les plans d’affaires que l’intimée avait l’intention de mettre en œuvre et les dispositions sur les prix de base figurant aux articles 55 et 67 de la Loi, puis juger du caractère nécessaire, souhaitable ou commode. C’est ce que l’Office a fait : voir le mémoire des faits et du droit de l’intimée, aux paragraphes 74 et 75.
[5] L’appelant soutient que l’intimée n’avait pas le droit d’établir un plan d’affaires qui n’indiquait pas de prix de base tant qu’elle n’avait pas obtenu d’exemption de l’Office. Cependant, la Loi n’interdit pas l’établissement d’un tel plan d’affaires. Avec l’exemption accordée, le plan d’affaires est conforme à la Loi et, sous réserve de toute autre disposition législative, il peut être mis en œuvre.
[6] L’appelant soutient également que l’Office n’a pas appliqué correctement le critère qu’il a lui-même préétabli pour l’application de cet article. Toutefois, c’est la Loi qui établit les règles, et non les pratiques antérieures de l’Office. En l’espèce, l’Office devait interpréter correctement l’alinéa 80(1)c) et suivre toute autre disposition pertinente de la Loi. C’est ce qu’il a fait. Quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas convaincus que l’Office a en fait omis d’appliquer son propre critère préétabli.
[7] Enfin, l’appelant soutient que l’Office lui devait l’équité procédurale. L’Office aurait dû lui donner avis et recevoir ses commentaires avant de prendre sa décision. Nous rejetons cet argument.
[8] Sauf dispositions législatives précises contraires et toutes obligations ou décisions procédurales du décideur administratif, les membres du public n’ayant qu’un intérêt d’ordre public, même s’il s’agit d’un vif intérêt, dans l’affaire n’ont pas droit à un préavis ni à une participation dans les décisions de décideurs administratifs : Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, 1985 CanLII 23, p. 653 du R.C.S.; Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525, 1991 CanLII 74. C’est particulièrement vrai dans le cas de décisions discrétionnaires dont le contenu administratif est important, mais dont les répercussions sur le grand public sont générales ou diffuses, comme en l’espèce. S’il en était autrement, dans le cas des réunions du Cabinet fédéral, la file des participants qu’il faudrait entendre s’étirerait jusque de l’autre côté de la rivière des Outaouais.
[9] Il peut être utile de mettre en contraste la présente affaire avec des affaires où la décision administrative allait viser ou toucher soit les droits découlant de la loi, soit les intérêts pratiques importants, directs, concrets et ciblés d’un individu ou d’un groupe d’individus facile à définir. Dans ce genre d’affaires, sous réserve d’exigences législatives, il se peut qu’il existe des droits au préavis et à la participation, limités à ce que les circonstances exigent : Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Police Commissioners, [1979] 1 R.C.S. 311, 1978 CanLII 24, et Martineau c. Comité de discipline de l’Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602, 1979 CanLII 84, tous deux renvoyant à Ridge v. Baldwin, [1964] A.C. 40; voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, 1999 CanLII 699.
[10] L’appelant, protecteur enthousiaste et autoproclamé des intérêts du public voyageur, a fait un travail considérable dont de nombreuses personnes font l’éloge. Toutefois, pour l’application du droit d’être entendu et du droit à l’équité procédurale dans les décisions administratives comme celle en l’espèce, l’appelant demeure un membre du grand public sans droit à un préavis ni droit à la participation. Les circonstances en l’espèce sont différentes de celles d’une autre affaire, Lukács c. Office des transports du Canada, 2016 CAF 174, dans laquelle l’appelant s’était vu accorder un droit de participation en raison de l’intérêt direct qu’il avait acquis du fait d’avoir eu un droit de participation à l’égard de questions antérieures, étroitement liées. Les circonstances sont également différentes des affaires où l’appelant a un intérêt direct du fait qu’il est le plaignant et que sa plainte est au centre de l’enquête et de la procédure de l’Office ou de celles où l’appelant s’était autrement vu reconnaître la qualité d’agir dans une affaire devant l’Office.
[11] Dans l’ensemble, en l’espèce, nous ne constatons aucune erreur de droit qu’aurait commise l’Office.
[12] Par conséquent, nous rejetterons l’appel avec dépens, établis à 1 000 $, tout compris, en faveur de l’intimée.
« David Stratas »
j.c.a.
Traduction certifiée conforme
Elisabeth Ross, jurilinguiste
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Dossier :
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A-257-20
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APPEL DE LA DÉCISION NO A-2020-28 RENDUE PAR L’OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA LE 19 FÉVRIER 2020
INTITULÉ :
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GÁBOR LUKÁCS c. SWOOP INC. et L’OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ORGANISÉE PAR LE GREFFE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 27 avril 2022
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MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :
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LE JUGE STRATAS
LE JUGE LOCKE
LA JUGE MACTAVISH
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PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :
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LE JUGE STRATAS
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COMPARUTIONS :
Gábor Lukács
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POUR SON PROPRE COMPTE
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Michael Dery
Nicolas Pimentel
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Pour l’intimée
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Elysia Van Zeyl
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POUR L’INTERVENANT
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Alexander Holburn Beaudin & Lang LLP
Vancouver (Colombie-Britannique)
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Pour l’intimée
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Office des transports du Canada
Gatineau (Québec)
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POUR L’INTERVENANT
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