Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20220524


Dossier : A-184-21

Référence : 2022 CAF 90

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

DENNIS CYR

appelant

et

PREMIÈRE NATION OJIBWAY DE BATCHEWANA

ET

RÉGIE DU LOGEMENT DE LA PREMIÈRE NATION OJIBWAY DE BATCHEWANA

intimées

Audience tenue par vidéoconférence en ligne organisée par le greffe,

le 22 mars 2022.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 24 mai 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE RIVOALEN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

 


Date : 20220524


Dossier : A-184-21

Référence : 2022 CAF 90

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

DENNIS CYR

appelant

et

PREMIÈRE NATION OJIBWAY DE BATCHEWANA

ET

RÉGIE DU LOGEMENT DE LA PREMIÈRE NATION OJIBWAY DE BATCHEWANA

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE RIVOALEN

I. Introduction

[1] L’appelant, M. Dennis Cyr, interjette appel d’un jugement de la Cour fédérale daté du 31 mai 2021 (2021 CF 512) (la juge McVeigh) (la Décision), dans lequel la Cour fédérale a rejeté sa demande de contrôle judiciaire pour défaut de compétence au motif que les questions qu’elle soulevait relevaient du droit privé.

[2] Le litige sous-jacent oppose M. Cyr à la Première Nation Ojibway de Batchewana (la PNB) et à la régie du logement de la Première Nation Batchewana (la régie du logement). M. Cyr est un membre inscrit de la PNB. Le différend porte sur la décision d’expulser M. Cyr de sa maison située dans la réserve, conformément aux modalités du contrat de vente qu’il a signé le 27 décembre 2002 avec la PNB.

[3] La présente affaire porte sur les dispositions du contrat de vente signé par M. Cyr et la PNB, ainsi que sur le pouvoir de la régie du logement d’expulser M. Cyr de sa maison s’il ne respectait pas les modalités du contrat de vente. Elle concerne également la gestion globale du territoire de la PNB. La question en l’espèce est de savoir si la décision contestée, à savoir la conduite de la régie du logement lorsqu’elle a expulsé M. Cyr, constituait une mesure administrative susceptible de faire l’objet d’un contrôle judiciaire. En d’autres termes, la régie du logement agissait-elle dans un cadre public, en tant qu’« office fédéral » au sens de l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, aux fins du paragraphe 18(1)?

  • [4] Chaque territoire des Premières Nations est régi par l’un des trois types de gestion des terres : le cadre de gestion des terres aux termes de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, c. I-5, le régime de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, L.C. 1999, c. 24 (la LGTPN), ou une entente sur l’autonomie gouvernementale en tant qu’accord autonome ou dans le cadre d’un traité moderne (Indigenous People in Canada, Darion Boyington et John Roberts, 2017 Edmond Montgomery Publications Limited, p. 136).

[5] Aux termes de la Loi sur les Indiens, il existe différents régimes fonciers. Les terres de régime coutumier sont les plus courantes, par lesquelles les particuliers ou les familles acquièrent des parcelles de terre allouées par le conseil de bande. Ce particulier ou cette famille peut construire et habiter une maison, mais la maison ne peut être vendue ou aliénée puisqu’elle appartient à la bande. Dans certains cas, les terres peuvent être détenues en application d’un certificat de possession, conformément à l’article 20 de la Loi sur les Indiens, qui ressemble beaucoup à une propriété en fief simple. Ces certificats de possession sont délivrés par le ministre des Services aux Autochtones après que le conseil de bande ait accordé son autorisation, mais la bande demeure propriétaire des terres.

[6] Le deuxième type de gestion des terres est prescrit par la LGTPN. En application de cette loi, la Première Nation doit adopter un code foncier conformément au paragraphe 6(1) de cette loi afin d’y inclure les règles et procédures générales relatives à toutes les terres de la réserve mises de côté pour la Première Nation. La bande conserve un plus grand contrôle sur ses terres et ses ressources, et les Premières Nations qui utilisent ce cadre peuvent adopter des lois pour la mise en valeur et la protection des terres, ainsi que délivrer des permis et des baux avec l’approbation de la collectivité. Dans ce cadre de gestion des terres, la participation et l’approbation des ministres fédéraux sont réduites.

[7] Le troisième type de gestion des terres relève d’un accord sur l’autonomie gouvernementale. La Première Nation jouit d’un contrôle et d’un pouvoir encore plus grands sur ses terres et ses ressources. Elle bénéficie d’une grande autorité en matière de gestion des terres et de législation, ce qui réduit encore plus les processus d’approbation ministériels fédéraux.

[8] L’entente sur la gestion des terres dans le cas qui nous occupe relève de la Loi sur les Indiens.

II. Contexte

[9] Le dossier dont a été saisie la Cour fédérale est loin d’être clair. Il y a de nombreux faits contestés concernant l’expulsion de M. Cyr. Le rôle du chef et du conseil et le rôle de la régie du logement dans le cadre de l’expulsion ne sont pas clairs. L’avis de demande à la Cour fédérale ne désignait pas la décision précise en litige. Les avocats des parties n’ont pas précisé la décision administrative en litige lors des plaidoiries orales à la Cour fédérale, malgré les demandes de renseignements de la Cour.

[10] M. Cyr résidait dans la maison depuis 2003 et effectuait des paiements pour l’achat de la maison depuis cette date. Il appert que le prix d’achat de 72 000 $ a été payé en totalité en 2019. Il n’a pas été fait mention dans le dossier ou pendant les plaidoiries qu’un certificat de possession avait été délivré à M. Cyr aux termes du paragraphe 20(2) de la Loi sur les Indiens.

[11] Les intimées s’appuient sur une série de lettres d’avertissement envoyées à M. Cyr en 2009, 2010 et 2011 par le directeur de la régie du logement ou l’agent de liaison avec les locataires. Ces lettres informaient M. Cyr des plaintes déposées par d’autres membres de la PNB concernant l’état de sa cour, indiquant que les déchets dans celle-ci constituaient un problème de santé et de sécurité. Ces problèmes n’ayant pas été suffisamment corrigés, la régie du logement a envoyé d’autres avis à M. Cyr. Ces avis l’avertissaient que les plaintes feraient l’objet d’une réunion du chef et du conseil pour discuter des mesures à prendre s’il n’enlevait pas les ordures de sa cour. Des avis similaires ont été envoyés à M. Cyr en 2012, 2013, 2015 et 2017. Le 29 juillet 2019, un avis d’expulsion signé par le conseil d’administration de la régie du logement a été signifié en personne à M. Cyr.

[12] L’avis d’expulsion du 29 juillet 2019 demandait à M. Cyr de quitter le logement parce qu’il avait manqué à ses obligations de paiement et ne s’était pas conformé aux alinéas 3a), d) et g) du contrat de vente. Ces articles précisent l’obligation de M. Cyr de maintenir les terrains et le logement en bon état.

[13] M. Cyr nie avoir reçu la plupart des lettres d’avertissement au fil des ans, à l’exception de l’avis d’expulsion daté du 29 juillet 2019. M. Cyr affirme qu’il n’a pas manqué à ses obligations de paiement, qu’il ne doit aucune somme d’argent et qu’il a en fait payé le prix d’achat en totalité. Il n’est pas clair s’il conteste l’état de la cour.

[14] Le 19 novembre 2019, à la demande de la sœur de M. Cyr, le chef et le conseil ont adopté une motion approuvant une prolongation de délai de M. Cyr de six mois. Au cours de ces six mois, un plan de soutien devait être élaboré pour veiller à ce que les besoins de M. Cyr soient satisfaits, ainsi que ceux du conseil de la régie du logement.

[15] Le 20 mai 2020, un avis d’expulsion signé par le conseil d’administration de la régie du logement a été signifié en personne à M. Cyr. La lettre indiquait qu’étant donné qu’il n’avait pas respecté la condition fixée par le conseil de bande au moment où la prolongation avait été accordée – à savoir qu’il devait rendre la maison conforme aux normes et nettoyer la cour – il était tenu de quitter les lieux immédiatement. La lettre enjoignait à M. Cyr de prendre des dispositions pour que la cour et la maison soient débarrassées de tous ses effets personnels au plus tard le 29 mai 2020, faute de quoi les serrures seraient changées et la maison placardée.

[16] Le 29 mai 2020, M. Cyr a signé un accord de prolongation avec la régie du logement qui prévoyait qu’il aurait jusqu’au 29 juin 2020 pour rassembler ses affaires et quitter les lieux.

[17] Le 2 juin 2020, M. Cyr s’est vu signifier personnellement un avis d’expulsion daté du 1er juin 2020. L’avis confirmait que M. Cyr devait quitter les lieux au plus tard à 14 h le 29 juin 2020.

[18] Le 9 juillet 2020, la police a expulsé M. Cyr de la maison.

[19] Pour appuyer son argumentation à la Cour fédérale, M. Cyr s’est fondé sur un projet de politique du programme de location avec option d’achat qui, selon lui, s’applique à sa situation. Les intimées affirment que la politique est effectivement un projet et qu’elle n’est pas en vigueur. Le rôle de la régie du logement, parfois aussi appelée conseil d’administration de la régie du logement dans les documents, n’est donc pas clair.

[20] En effet, le dossier de la demande ne contient aucune explication sur le rôle de la régie du logement. Compte tenu de ce dossier limité, la Cour fédérale a été chargée de déterminer si les mesures prises par la régie du logement étaient de nature publique ou privée.

III. La Décision de la Cour fédérale

[21] Dans ses motifs, la juge de la Cour fédérale a décrit la chronologie des événements qui ont mené à l’expulsion de M. Cyr (Décision aux paras. 2-8) et les arguments des parties devant elle (Décision aux paras. 9-14). À la section III de sa Décision, la juge a décrit les questions soumises à la Cour comme suit :

A. La Première Nation des Ojibways de Batchewana et [la régie du] logement de la Première Nation de Batchewana agissaient‐elles à titre d’« office fédéral » lorsqu’elles ont procédé à l’expulsion de Dennis Cyr?

B. La preuve contestée du demandeur est‐elle admissible?

C. Quelle est la norme de contrôle applicable?

D. Le demandeur a‐t‐il été privé de son droit à l’équité procédurale?

E. La décision de la Première Nation des Ojibways de Batchewana était‐elle raisonnable?

[22] D’emblée, la juge de la Cour fédérale a noté qu’il ne ressortait pas clairement des plaidoiries et des arguments des parties quelle décision administrative faisait l’objet de la demande de contrôle judiciaire. La juge de la Cour fédérale a supposé qu’il s’agissait de la mesure administrative d’expulsion (Décision aux paras. 17-18).

[23] La juge de la Cour fédérale a noté que les décisions d’un conseil de bande sont généralement susceptibles de contrôle judiciaire aux fins de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, car elles constituent « un office fédéral », mais seulement si ses actions relèvent du droit public (Décision aux paras. 23-26). La juge de la Cour fédérale a examiné la jurisprudence traitant de la compétence de la Cour dans les cas d’expulsion de logement concernant une bande (Décision aux paras. 36-39). Elle s’est ensuite lancée dans une analyse des facteurs énoncés dans la décision de notre Cour dans l’arrêt Air Canada c. Administration Portuaire de Toronto et al., 2011 CAF 347, 426 N.R. 131 [Air Canada] afin de déterminer la nature publique ou privée de l’expulsion de M. Cyr.

[24] À la lecture des facteurs énoncés dans l’arrêt Air Canada, la juge de la Cour fédérale a conclu que les questions faisant l’objet du présent examen relevaient du droit privé et que la PNB et la régie du logement n’agissaient pas en tant qu’« office fédéral ». La demande a donc été rejetée parce qu’elle ne relevait pas de la compétence de la Cour fédérale (Décision au para. 59).

IV. Norme de contrôle et questions en litige

[25] La Décision faisant l’objet de l’appel traite d’une question de droit : la Cour fédérale est-elle compétente pour décider du contrôle judiciaire? Par conséquent, la décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte : (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33 au para. 8, [2002] 2 R.C.S. 235; Canada (Conseil de la magistrature) c. Girouard, 2019 CAF 148 au para. 30, [2019] 3 R.C.F. 503; Anisman c. Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 52, 400 N.R. 137 au para. 26).

[26] Autrement dit, les questions de droit sont examinées selon la norme de la décision correcte, les conclusions de fait ne doivent pas être infirmées en l’absence d’une erreur manifeste et dominante et les conclusions mixtes de fait et de droit sont examinées selon la norme de l’erreur manifeste et dominante, à moins qu’il n’existe une question de droit isolable (qui est examinée selon la norme de la décision correcte).

[27] Afin de déterminer si les questions à l’étude sont de nature privée ou publique, la juge de la Cour fédérale a examiné les facteurs énoncés dans l’arrêt Air Canada et a conclu que les questions étaient principalement de nature privée. L’application par la juge de la Cour fédérale des faits aux facteurs énoncés dans l’arrêt Air Canada est une conclusion mixte de fait et de droit et est susceptible de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et dominante.

[28] La question en litige soulevée dans le présent appel est de savoir si la juge de la Cour fédérale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la Cour fédérale n’est pas compétente pour décider de la demande de contrôle judiciaire parce qu’elle soulève des questions qui sont de nature privée.

[29] Compte tenu de cette norme de contrôle et de cette question en litige, je rejetterais l’appel pour les raisons suivantes.

V. La position de M. Cyr

[30] M. Cyr avance plusieurs arguments.

[31] En commençant par les actes de procédure devant la Cour, l’avocate de M. Cyr s’appuie sur un « nouvel avis d’appel modifié » inclus dans le cahier d’appel et y renvoie. L’avocate de M. Cyr a été informée au cours de l’audience que les Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106 ne permettent pas un tel acte de procédure à moins qu’une requête en autorisation de modification ait été accueillie, ce qui n’était pas le cas, et que par conséquent le greffe n’en a pas autorisé le dépôt. Ainsi, le seul avis d’appel dont dispose la Cour est l’original, déposé le 30 juin 2021.

[32] Pour la première fois, M. Cyr fait valoir que la décision administrative en litige est la motion du chef et du conseil datée du 19 novembre 2019, qui a accordé à M. Cyr une prolongation de six mois pour demeurer dans la maison afin d’élaborer un plan et de remédier aux plaintes relatives aux déchets. Ce n’est pas la position argumentée par M. Cyr à la Cour fédérale.

[33] Ensuite, M. Cyr soutient que la juge de la Cour fédérale a commis une erreur de droit dans son application de certains facteurs énoncés dans l’arrêt Air Canada et, plus précisément, que la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que la source de la compétence et des pouvoirs des intimées était de nature privée.

[34] Un autre argument avancé par M. Cyr est que la juge de la Cour fédérale a mal appliqué les conclusions de la décision Jimmie c. Conseil de la Première Nation Squiala, 2018 CF 190 [Jimmie].

[35] Enfin, M. Cyr allègue, également pour la première fois devant cette Cour, que la juge de la Cour fédérale avait des idées préconçues sur ses arguments et qu’elle faisait preuve de partialité à son égard. Il allègue également que la manière dont son expulsion a été effectuée a violé ses droits de la personne et les droits garantis par la Charte.

VI. Analyse

A. Le comportement de la régie du logement constituait-il une mesure administrative susceptible de contrôle lorsqu’elle a expulsé M. Cyr? Plus précisément, la régie du logement agissait-elle comme un « office fédéral » aux fins du paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales?

(1) Quelle est la décision administrative faisant l’objet du contrôle, et qui a rendu cette décision?

[36] Tout d’abord, je traiterai de l’argument de l’avocate selon lequel la décision administrative examinée est la motion du chef et du conseil du 19 novembre 2019 accordant une prolongation de six mois à M. Cyr pour mettre en place un plan.

[37] Je ne peux pas accepter cet argument, car il n’a jamais été présenté à la juge de la Cour fédérale, que ce soit dans l’avis de demande ou lors des plaidoiries orales. Après avoir pris connaissance des questions de la Cour, l’avocate de M. Cyr n’a pas été en mesure d’expliquer comment la décision administrative du 19 novembre 2019 a abouti à la décision administrative d’expulsion.

[38] À mon avis, la juge de la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a supposé que la décision administrative d’expulsion est la décision administrative faisant l’objet du contrôle (Décision au para. 18).

[39] Dans son affidavit, M. Cyr renvoie à l’appel interjeté à l’encontre de son expulsion (Affidavit de Dennis Cyr déclaré sous serment le 2 novembre 2020, onglet 2 du Dossier du demandeur, onglet 6 du Dossier d’appel au para. 18). M. Cyr a soutenu à la Cour fédérale que l’expulsion et l’autorité des intimées devaient faire l’objet d’un contrôle. Toutefois, il n’a pas identifié laquelle des deux intimées, la PNB ou la régie du logement, a pris la décision (Mémoire des faits et du droit du demandeur, onglet 9 du Dossier du demandeur, onglet 6 du Dossier d’appel, p. 641).

[40] L’examen des documents révèle que la décision et les motifs d’expulsion sont énoncés dans l’avis d’expulsion daté du 20 mai 2020. Dans la décision du 19 novembre 2019, le chef et le conseil ont accordé une prolongation de délai à M. Cyr pour remédier aux violations du contrat de vente. Cette dernière n’est pas la décision pour laquelle M. Cyr a demandé un contrôle judiciaire à la Cour fédérale. L’avis d’expulsion du 1er juin 2020 confirme qu’une prolongation du délai d’expulsion fut accordée jusqu’au 29 juin 2020, à la suite d’un accord de prolongation signé. Par conséquent, la décision du 19 novembre 2019 donnait l’occasion à M. Cyr de résoudre les problèmes auxquels il était confronté afin d’éviter l’expulsion. Toutes les autres mesures prises après l’avis d’expulsion du 20 mai 2020 n’ont fait que prolonger le délai dans lequel M. Cyr devait quitter son domicile. La décision d’expulsion figure donc dans l’avis d’expulsion du 20 mai 2020.

[41] En ce qui concerne la personne qui a rendu cette décision, je note que l’avis d’expulsion du 20 mai 2020 ne prend pas la forme d’une résolution du conseil de bande. L’avis est écrit sur le papier à en-tête de la PNB. Il est signé par le gestionnaire des logements au nom de la régie du logement. Il explique que M. Cyr est expulsé en raison de son incapacité à remédier aux violations du contrat de vente entre lui-même et la PNB. Le contrat de vente est la source du pouvoir d’expulsion. Rien dans le dossier n’indique que le contrat de vente ait été transféré de la PNB à un autre vendeur.

[42] À mon avis, bien qu’il n’y ait pas de documents dans le dossier qui définissent clairement les pouvoirs de la régie du logement, il est néanmoins évident que celle-ci a agi conformément aux directives et en tant que mandataire de la PNB lorsqu’elle a décidé d’expulser M. Cyr. Dans ces affaires en matière de logement, la PNB et son chef et le conseil de bande conservent un contrôle important sur la régie du logement. En tant que mandataire de la PNB, la régie du logement avait le pouvoir d’affecter la situation juridique de la PNB et a agi pour obtenir les mêmes résultats que si la PNB, par l’intermédiaire de son chef et de son conseil, avait agi pour son propre compte (voir R. c. Kelly, [1992] 2 R.C.S. 170, 137 N.R. 161 aux paras. 28 et 29).

[43] J’arrive à cette conclusion en examinant de près la preuve au dossier, plus précisément les nombreux avis envoyés à M. Cyr au fil des ans. Je note l’utilisation du papier à en-tête de la PNB pour toute la correspondance; le chef a signé les lettres avisant M. Cyr de son arriéré (Dossier d’appel, pièce E de l’affidavit de Kim Lambert, onglet 4 du Dossier du demandeur); le chef et le conseil sont mis en copie de certaines lettres (Dossier d’appel, p. 387, avis d’expulsion, pièce M de l’affidavit de Dee-Anna Hewson, onglet 4 du dossier du demandeur); et le chef et le conseil ont accordé des prolongations à M. Cyr. Il existe également la preuve que le gestionnaire des logements signe parfois des documents pour la PNB (en tant que locateur) (Dossier d’appel, p. 337, pièce C de l’affidavit de Dee-Anna Hewson, onglet 4 du Dossier du demandeur).

[44] Par conséquent, la régie du logement n’aurait pas pu prendre la décision d’expulser M. Cyr sans l’approbation du chef et du conseil. La régie du logement a agi en tant que mandataire de la PNB, de son chef et de son conseil lorsqu’elle a expulsé M. Cyr. Son rôle s’apparentait à celui d’un gestionnaire immobilier agissant pour le compte de la PNB et du conseil.

(2) L’application des facteurs énoncés dans l’arrêt Air Canada

[45] J’examinerai à présent l’application par la juge de la Cour fédérale des huit facteurs énoncés dans l’arrêt Air Canada aux faits dont elle était saisie. Les facteurs ne sont pas exhaustifs, et certains peuvent ne pas s’appliquer à l’affaire dont la Cour est saisie. Néanmoins, pour déterminer le caractère public ou privé d’une décision administrative, il convient d’apprécier l’ensemble des circonstances. La question de savoir si tel facteur ou tel ensemble de facteurs particuliers fait pencher la balance d’un côté et rend une question « publique » dépend des faits de l’affaire et de l’impression d’ensemble donnée à la Cour (Air Canada au para. 60).

[46] Sur les huit facteurs qu’elle a examinés, la juge de la Cour fédérale a constaté que quatre d’entre eux favorisaient une conclusion que l’affaire était de nature privée, deux favorisaient une conclusion que l’affaire était de nature publique et deux n’étaient pas pertinents pour l’affaire dont elle était saisie.

[47] Les quatre facteurs qu’elle a conclus favorisaient une conclusion que l’affaire était de nature privée sont les suivants :

  • 1) La nature de la question visée par la demande de contrôle.

  • 2) La mesure dans laquelle la décision est fondée et influencée par le droit et non pas par un pouvoir discrétionnaire de nature privée.

  • 3) L’étendue du contrôle exercé par l’entité publique sur le décideur administratif; et

  • 4) Les redressements de droit public qui peuvent être invoqués lors d’un contrôle judiciaire.

[48] En ce qui concerne la nature de la question visée par la demande de contrôle judiciaire, la juge de la Cour fédérale a constaté que les violations invoquées par la régie du logement pour l’expulsion étaient énoncées dans le contrat de vente, ce qui laisse entendre qu’une violation du contrat est le motif de l’expulsion (Décision au para. 42).

[49] La juge de la Cour fédérale a également déterminé qu’il n’y avait pas de résolution du conseil de bande concernant l’avis d’expulsion, et que le pouvoir d’expulsion semble relever uniquement de la régie du logement. La juge de la Cour fédérale a poursuivi en notant qu’il n’y avait aucune preuve que la question était assujettie à un code foncier ou aux dispositions de la Loi sur la gestion des terres des premières nations. De plus, tous les avis ont été émis par la régie du logement. La juge de la Cour fédérale a conclu que, compte tenu des faits, la régie du logement était une entité distincte dotée de ses propres processus décisionnels qui traitent du logement des membres de la bande (Décision aux paras. 25, 28 et 46). La juge de la Cour fédérale a estimé que « [d]ans l’ensemble, ce facteur démontre la nature privée des aspects courants de la gestion du programme d’accès au logement dont bénéficie la bande, notamment les avis [d’arriéré] et autres avis, y compris la décision d’expulser prise sur le fondement d’un contrat » (Décision au para. 47).

[50] Je ne suis pas d’accord avec la constatation de fait de la juge de la Cour fédérale selon laquelle la régie du logement est distincte du conseil de bande. Comme je l’ai indiqué aux paragraphes 42 à 44 ci-dessus, l’ensemble des éléments de preuve appuie une conclusion que la régie du logement agit en tant que mandataire de la PNB et de son conseil de bande. La conclusion de la juge de la Cour fédérale selon laquelle la régie du logement s’occupait des aspects quotidiens de la gestion des logements de la bande est exacte, mais sa décision d’expulser M. Cyr n’aurait pas pu être prise sans l’approbation du chef et du conseil.

[51] Bien que la Cour fédérale ait commis une erreur, celle-ci est sans conséquence puisque je suis d’accord avec la conclusion de la juge de la Cour fédérale selon laquelle les fonctions exercées par la régie du logement sont de nature privée, car elles découlent des modalités du contrat de vente. La régie du logement a géré le paiement des versements mensuels, s’est occupée de l’arriéré, a reçu les plaintes des membres de la PNB concernant les infractions, a envoyé les avis d’infraction à l’acheteur et a supervisé la procédure d’expulsion. Ces activités sont similaires à celles d’un gestionnaire immobilier.

[52] En ce qui concerne le deuxième facteur, à savoir la mesure dans laquelle la décision est fondée sur le droit et influencée par celui-ci, la juge de la Cour fédérale a déterminé que la source du pouvoir en matière d’expulsion de la régie du logement se trouve dans le contrat de vente. Aucune décision n’était influencée par le droit, mais relevait plutôt du pouvoir discrétionnaire de la PNB et de la régie du logement, sous réserve des dispositions du contrat (Décision au para. 51).

[53] Je ne vois aucune erreur manifeste et dominante.

[54] En ce qui concerne le troisième facteur en litige, la juge de la Cour fédérale a estimé que rien dans le dossier ne suggérait que la régie du logement était influencée de quelque manière que ce soit par une entité publique ou était un mandataire du gouvernement. La juge s’est appuyée sur le fait qu’il semble que la régie du logement exerce ses propres pouvoirs décisionnels et discrétionnaires (Décision au para. 53).

[55] Là encore, je ne suis pas d’accord avec les conclusions de la juge de la Cour fédérale sur ce troisième facteur pour les motifs indiqués précédemment. Le dossier appuie une conclusion selon laquelle la régie du logement agissait en tant que mandataire de la PNB, car elle représentait régulièrement la PNB dans le cadre de ses obligations contractuelles.

[56] Je dois donc axer mon analyse sur le rôle de la PNB et sur la question de savoir si elle est influencée par le gouvernement fédéral ou agit en tant que mandataire de celui-ci. À mon avis, les décisions concernant le logement de la bande, et la question de savoir si la PNB devrait conclure un accord privé avec l’un de ses membres pour lui permettre d’obtenir et d’acheter un logement de la bande, sont prises indépendamment du gouvernement. Le gouvernement fédéral n’intervient que lorsque la PNB décide si un certificat de possession doit être délivré à l’acheteur. En l’espèce, tant que les modalités du contrat de vente sont respectées, l’accord renvoie au transfert à l’acheteur, par l’intermédiaire d’un acte de vente, du titre de propriété des lieux et à la prise de toutes les mesures nécessaires pour fournir à l’acheteur un certificat de possession.

[57] Le troisième facteur tend vers une conclusion quant à la nature privée de la décision.

[58] Enfin, en ce qui concerne la question des recours offerts en cas de contrôle judiciaire, la juge de la Cour fédérale a déterminé que ce facteur pesait lourdement en faveur de la nature privée de la question. La juge de la Cour fédérale a conclu qu’étant donné l’historique entre les parties et les tentatives d’expulser M. Cyr, une nouvelle décision du conseil de bande aboutirait presque certainement au même résultat. Elle a également ajouté que, si M. Cyr avait été expulsé à tort, il aurait pu obtenir, devant un autre tribunal, des dommages-intérêts pour la valeur du bien, ses dépenses engagées à l’extérieur de son domicile et d’autres réparations potentielles (Décision aux paras. 54 et 55).

[59] La déclaration de la juge de la Cour fédérale selon laquelle une nouvelle décision devrait être soumise au conseil de bande, et non à la régie du logement, est révélatrice. Cette déclaration appuie la conclusion selon laquelle la régie du logement agit en tant que mandataire de la PNB et n’est pas indépendante du conseil de bande.

[60] Néanmoins, je suis d’accord avec la juge de la Cour fédérale qu’une nouvelle décision ne donnerait probablement pas à M. Cyr un résultat différent. Étant donné également qu’il n’est pas possible d’obtenir des dommages-intérêts dans le cadre d’un contrôle judiciaire, ce facteur penche fortement en faveur de la conclusion selon laquelle la décision est de nature privée.

[61] J’ai examiné ces quatre facteurs et je suis d’accord avec l’analyse de la juge de la Cour fédérale concernant le caractère de la décision elle-même et sa conclusion en droit. Le conseil de bande de la PNB a exercé ses droits contractuels de nature privée pour expulser M. Cyr et, par conséquent, la Cour fédérale n’est pas compétente dans le cadre de cette demande de contrôle judiciaire parce que la demande soulève des questions qui sont de nature privée.

(3) L’application de la décision Jimmie

[62] M. Cyr fait valoir que la juge de la Cour fédérale a mal appliqué la décision Jimmie aux faits. Je ne suis pas de cet avis.

[63] En ce qui concerne la jurisprudence pertinente, la juge de la Cour fédérale s’est appuyé sur la décision de la Cour fédérale intitulée Cottrell c. Première nation des Chippewas de Rama Mnjikaning, 2009 CF 261, 342 F.T.R. 295 [Cottrell] et a établi une distinction entre cette décision et la décision Jimmie.

[64] Dans Cottrell, la Cour fédérale s’est penchée sur une question quelque peu similaire où M. Cottrell avait été expulsé de son logement locatif dans la réserve. La Cour fédérale a conclu, au paragraphe 81 de la décision, que bien que le conseil de bande fut un organisme public et que sa décision était susceptible de faire l’objet d’un contrôle judiciaire, dans cette affaire, les parties ont conclu un contrat de droit privé portant sur le droit de M. Cottrell d’occuper la maison en question. Dans Cottrell, la Cour a noté, au paragraphe 82, que M. Cottrell disposait de toute la gamme des réparations d’ordre contractuel. La décision Cottrell a été rendue avant que cette Cour d’appel fédérale ne rende ses directives dans l’arrêt Air Canada.

[65] La juge de la Cour fédérale a conclu que, comme dans Cottrell, M. Cyr a signé un contrat relevant du droit privé avec la Première Nation portant sur son droit d’habiter la maison (Décision au para. 38).

[66] Dans la décision Jimmie, la Cour fédérale avait examiné la décision de la Première Nation d’expulser Mme Jimmie de son domicile. Mme Jimmie a soutenu qu’elle avait un capital substantiel dans la maison et que celle-ci était située dans une réserve mise de côté pour la Première Nation. La Cour fédérale s’est appuyée sur l’arrêt Air Canada, dont elle a appliqué les facteurs aux faits qui lui étaient soumis. La Cour fédérale a estimé que plusieurs facteurs penchaient en faveur d’une conclusion selon laquelle la décision devait être considérée comme l’exercice d’un pouvoir de droit public, plutôt que d’un pouvoir de droit privé (Jimmie au para. 70). La Cour fédérale a conclu que, même si l’entente de location était semblable aux ententes de location conclues dans le secteur privé, elle était régie de façon importante par le Code foncier, sur lequel le conseil s’est appuyé pour prendre sa décision (Jimmie au para. 72).

[67] La juge de la Cour fédérale a conclu au paragraphe 36 de sa Décision qu’une distinction pouvait être faite entre le dossier dont elle était saisie et la décision Jimmie parce que les ententes conclues par M. Cyr ne découlaient pas d’un code foncier pris en application de la LGTPN.

[68] En revanche, l’expulsion dans la décision Jimmie avait été effectuée en application d’une résolution du conseil de bande qui s’appuyait sur son code foncier. Selon le paragraphe 12(1) de la LGTPN, un code foncier doit être approuvé par la collectivité. De plus, le conseil de bande a le pouvoir de promulguer des textes législatifs en conformité avec son code foncier (paragraphe 20(1) de la LGTPN). Ainsi, le code foncier dans la décision Jimmie est certainement plus proche d’un droit public. Dans le cas de M. Cyr, il a été expulsé conformément aux modalités du contrat privé conclu entre lui et la PNB. Je ne constate aucune erreur.

(4) Crainte raisonnable de partialité

[69] L’avocate de M. Cyr allègue que la juge de la Cour fédérale avait des idées préconçues et qu’elle avait fait preuve de partialité parce qu’elle ne leur a pas donné l’occasion de faire valoir les facteurs énoncés dans l’arrêt Air Canada et qu’elle n’a pas examiné correctement leurs arguments. Devant la Cour fédérale, M. Cyr avait allégué la partialité des intimées et de leurs avocats, mais n’avait jamais allégué que la juge de la Cour fédérale faisait elle-même preuve de partialité.

[70] Les allégations de manquement à l’équité procédurale, telles que les allégations de partialité, doivent être soulevées auprès du décideur avant de pouvoir être examinées par cette Cour (Nicole L. Tiessen Interior Design LTD. c. Canada, 2022 CAF 53, citant Athey c. Leonati, [1996] 3 R.C.S. 458, 140 D.L.R. (4e) 235 aux paras. 51-52 et Quan c. Cusson, 2009 CSC 62, [2009] 3 R.C.S. 712 aux paras. 36-39). Quoi qu’il en soit, un examen minutieux de la transcription de l’instance devant la juge de la Cour fédérale ne révèle aucune trace de partialité, ni le fait que la juge ait pressé les avocats ou ait préjugé de l’affaire dont elle était saisie.

[71] Il ne s’agit pas d’une situation où la juge a introduit un principe de droit qu’aucune des parties n’aurait invoqué explicitement ou par voie de conséquence nécessaire ou a engagé l’affaire sur une voie d’analyse substantiellement différente et nouvelle (Heron Bay Investments Ltd. c. Canada, 2010 CAF 203, 405 N.R. 73). En fait, les avocats ont été mis au courant de la décision rendue dans l’affaire Jimmie lors d’une comparution antérieure devant le juge Little dans le cadre d’une requête préliminaire (Cyr c. Première Nation Batchewana, 2020 CF 1001 au para. 50). Dans la décision Jimmie, la Cour fédérale s’est largement appuyée sur l’arrêt Air Canada.

[72] Au début de l’audience, la juge de la Cour fédérale a demandé aux avocats de présenter des observations sur l’application des facteurs énoncés dans l’arrêt Air Canada afin de déterminer la nature privée ou publique de la décision. Au cours de son interrogatoire principal, l’avocate de M. Cyr n’a pas abordé l’application des facteurs énoncés dans l’arrêt Air Canada. Les avocats de l’intimée n’ont pas abordé l’arrêt Air Canada dans leurs observations. La juge de la Cour fédérale a rejeté la tentative de l’avocate de M. Cyr de le faire en réponse. La juge de la Cour fédérale avait toute latitude pour prendre une telle décision, après avoir averti les avocats dès le départ.

[73] Ces allégations sont dénuées de fondement.

(5) Violation des droits de la personne et des droits garantis par la Charte

[74] Dans son avis de demande à la Cour fédérale, M. Cyr a allégué que ses droits garantis à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11 (la Charte) avaient été violés. La juge de la Cour fédérale a noté que, dans le mémoire des faits et du droit du demandeur, celui-ci n’avait pas précisé quel droit de la Charte entrait en jeu ni fourni d’arguments détaillés concernant les violations alléguées.

[75] Devant la Cour, M. Cyr allègue maintenant que ses droits aux termes de l’alinéa 10b) de la Charte ont été déclenchés lorsque la police s’est présentée pour l’expulser. En outre, il allègue que ses droits de la personne ont été violés. Là encore, ces arguments particuliers ne peuvent être accueillis en appel, car ils n’ont jamais été soulevés devant la Cour fédérale.

VII. Conclusion

[76] En conclusion, malgré l’erreur de la juge de la Cour fédérale dans ses constatations de fait, rien ne justifie notre intervention. Je ne vois aucune erreur de droit dans la conclusion de la juge de la Cour fédérale selon laquelle la décision d’expulser M. Cyr n’était pas une mesure administrative susceptible de faire l’objet d’un contrôle judiciaire. La PNB et son mandataire, la régie du logement, n’agissaient pas à titre d’« office fédéral » aux fins du paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales; par conséquent, la Cour fédérale n’a pas compétence pour examiner l’expulsion de M. Cyr.

[77] Pour ces motifs, je rejetterais l’appel.

VIII. Dépens

[78] Les avocats des intimées s’appuient sur un mémoire de frais joint à leur mémoire des faits et du droit, dans lequel ils demandent des honoraires calculés conformément à la colonne III et des dépens élevés à 6 660 $ parce qu’ils font valoir que les allégations de partialité, de violation des droits de la personne et des droits garantis par la Charte étaient toutes non fondées. Ils affirment que les documents de M. Cyr sont de nature frivole et vexatoire et que son appel n’était pas fondé.

[79] L’avocate de M. Cyr soutient que des frais et dépens d’une telle somme sont prohibitifs pour M. Cyr.

[80] Les allégations de partialité à l’égard des avocats de l’intimée et certaines violations alléguées de la Charte avaient déjà été soulevées devant la juge de la Cour fédérale et, par conséquent, celle-ci avait tenu compte de ces arguments lorsqu’elle a tranché la question des dépens en accordant une somme forfaitaire de 1 000 $, y compris les débours et les taxes, à l’encontre de M. Cyr, payable sur-le-champ.

[81] Bien que M. Cyr ait échoué dans son appel, je ne trouve pas que ses arguments étaient frivoles ou vexatoires que ses actions justifiaient des dépens élevés. Son expulsion de sa maison après qu’elle eut été payée en totalité, combinée à l’incertitude quant à sa capacité à récupérer son capital et au manque de logements de la bande l’obligeant à déménager à l’extérieur de la réserve, sont évidemment des questions très sérieuses pour lui. Il n’y a aucune preuve de mauvaise foi de la part du chef et du conseil dans la manière dont ils ont traité M. Cyr. Les intimées ont droit aux frais et dépens parce qu’elles ont eu gain de cause dans leur appel, mais leurs plaintes portent davantage sur la conduite de l’avocate de M. Cyr que sur celle de M. Cyr lui-même.

[82] J’allouerais donc des frais et dépens de 1 000 $ aux intimées, débours et taxes inclus, tant pour l’ordonnance visant à régler les modalités du Dossier d’appel que pour le présent appel.

« Marianne Rivoalen »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-184-21

INTITULÉ :

DENNIS CYR c. PREMIÈRE NATION OJIBWAY DE BATCHEWANA ET RÉGIE DU LOGEMENT DE LA PREMIÈRE NATION OJIBWAY DE BATCHEWANA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 mars 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE RIVOALEN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

 

DATE DES MOTIFS :

Le 24 mai 2022

 

COMPARUTIONS :

Naomi Sayers

 

Pour l’appelant

 

Stacy R. Tijerina

Tahnee Carabello

 

Pour les intimées

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Naomi Sayers

Sault Ste. Marie (Ontario)

 

Pour l’appelant

 

Tijerina Law

Première Nation de Batchewana (Ontario)

 

Pour les intimées

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.