Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20220609


Dossier : A-316-21

Référence : 2022 CAF 110

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

 

 

LE RALLIEMENT NATIONAL DES MÉTIS et LA MANITOBA METIS FEDERATION INC.

 

 

appelants

 

 

et

 

 

SHANNON VARLEY et SANDRA LUKOWICH et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

intimés

 

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 9 juin 2022.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 9 juin 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE ROUSSEL

 

 


Date : 20220609


Dossier : A-316-21

Référence : 2022 CAF 110

CORAM :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

 

 

LE RALLIEMENT NATIONAL DES MÉTIS et LA MANITOBA METIS FEDERATION INC.

 

 

appelants

 

 

et

 

 

SHANNON VARLEY et SANDRA LUKOWICH et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

intimés

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 9 juin 2022.)

LA JUGE ROUSSEL

[1] La Cour est saisie d’un appel d’une ordonnance de la Cour fédérale (2021 CF 1189), datée du 5 novembre 2021, rejetant la requête déposée par les appelants pour obtenir l’autorisation d’intervenir dans un recours collectif intenté au nom des Autochtones touchés par ce qu’on appelle généralement la « rafle des années soixante », et dont les réclamations n’ont pas été tranchées lors d’un règlement antérieur, concernant les Indiens inscrits et les Inuits.

[2] Les appelants sont respectivement le Ralliement national des Métis (RNM) et la Manitoba Métis Federation Inc. Le premier représente la nation métisse aux niveaux national et international, alors que le second est la représentante démocratique et autonome des Métis du Manitoba, et un membre dirigeant fondateur du RNM.

[3] Dans leur requête devant la Cour fédérale, les appelants demandaient l’autorisation de présenter des éléments de preuve, un mémoire et des observations orales dans le cadre de toute requête en approbation de règlement qui pourrait être déposée en lien avec le recours collectif. Les demanderesses dans le recours collectif sous-jacent ont consenti à l’intervention proposée, et le défendeur, le Procureur général du Canada, n’a pas pris position sur la requête.

[4] En rejetant la requête en intervention déposée par les appelants, la Cour fédérale a conclu, après avoir souligné qu’aucune requête en approbation de règlement n’était en instance, que l’ordonnance d’intervention proposée serait provisoire, spéculative et tributaire d’un quelconque règlement prévu entre les intimés. La Cour fédérale a ensuite affirmé que la question fondamentale à trancher dans le cadre d’une requête en intervention est de savoir si l’intervention proposée aidera la Cour à prendre une décision sur une question de fait ou de droit se rapportant à l’instance. La Cour a souligné que, bien qu’il ait été reconnu que les intervenants proposés s’exprimaient au nom de leurs membres, ces intervenants ne pouvaient pas préciser à la Cour ce qu’ils avaient l’intention de dire ni les éléments de preuve qu’ils avaient l’intention de produire, afin de démontrer concrètement en quoi leur intervention aiderait la Cour. La Cour a conclu qu’en l’absence d’une requête en approbation de règlement, et d’une requête en intervention en bonne et due forme, elle ne pouvait pas exercer la responsabilité d’émettre des directives quant au bon déroulement de l’intervention, conformément au paragraphe 109(3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. La Cour a conclu que la requête, selon les modalités proposées, ne répondait pas aux exigences de l’alinéa 109(2)b) des Règles et qu’il n’y avait pas lieu pour la Cour, à ce stade‑ci, d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’accorder le statut d’intervenant. En rejetant la requête déposée par les appelants, la Cour fédérale a ajouté que le rejet était sans préjudice à leur droit de présenter « une nouvelle requête en intervention plus complète ».

[5] En appel, les appelants soutiennent que la Cour fédérale a commis une erreur en omettant d’appliquer le critère encadrant l’autorisation d’intervenir, s’en remettant uniquement à l’utilité de l’intervention proposée sans tenir compte des éléments de preuve pertinents relativement à d’autres facteurs. Ils soutiennent en outre que la Cour fédérale a commis une erreur en appliquant une norme de spécificité trop rigoureuse relativement aux observations proposées ainsi qu’en omettant de tenir compte du contexte particulier dans lequel les appelants demandaient à intervenir et l’incidence sur les droits et intérêts de la nation métisse dans son ensemble.

[6] Malgré les excellentes observations faites par l’avocat, nous sommes d’avis que l’appel doit être rejeté. Nous sommes d’avis que la Cour fédérale a appliqué le bon critère encadrant l’autorisation d’intervenir et que, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, elle a tenu compte de tous les facteurs pertinents, de même que des éléments de preuve et observations des appelants.

[7] Comme l’a conclu le juge Stratas de notre Cour dans Canada (Procureur général) c. Kattenburg, 2020 CAF 164, cité dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Conseil canadien pour les réfugiés, 2021 CAF 13, le principal élément du critère encadrant les autorisations d’intervenir, aux termes de l’article 109 des Règles, est l’utilité des observations du requérant (Kattenburg au para. 8). Plus précisément, le libellé de l’alinéa 109(2)b) exige que la partie qui présente la requête explique en quoi sa participation aidera à la prise d’une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l’instance. Plus récemment, le juge Stratas a affirmé que les meilleures demandes d’intervention se concentraient sur l’utilité des observations (Right to Life Association of Toronto and Area c. Canada (Emploi, Développement de la main-d’œuvre et Travail), 2022 CAF 67 au para. 11). Il faut répondre à quatre (4) questions pour déterminer l’élément d’utilité du critère encadrant l’intervention :

1) Quelles sont les questions que les parties ont soulevées?

2) Quelles observations l’intervenant éventuel a-t-il l’intention de présenter concernant ces questions?

3) Les observations de l’intervenant éventuel sont-elles vouées à l’échec?

4) Les observations défendables de l’intervenant éventuel aideront-elles la Cour à trancher les véritables questions en jeu dans l’instance?

(Conseil canadien pour les réfugiés au para. 6; Kattenburg au para. 9)

[8] Les observations écrites des appelants présentées à l’appui de leur requête en intervention portaient essentiellement sur leur intérêt et leur expertise, en particulier concernant les recours collectifs, et ne précisaient pas comment leur intervention pourrait aider la Cour dans le cadre de toute requête en approbation de règlement. Comme la Cour fédérale a conclu que les appelants n’avaient pas démontré l’utilité de leur intervention proposée, elle n’a pas traité des autres éléments du critère encadrant l’intervention, notamment le véritable intérêt des appelants dans l’affaire, et ne s’est pas demandé s’il était dans l’intérêt de la justice d’autoriser l’intervention. Néanmoins, nous pouvons conclure à la lecture de ses motifs que la Cour fédérale a en fait tenu compte de l’intérêt des appelants dans l’affaire, puisqu’elle a explicitement indiqué qu’il était reconnu que les appelants s’exprimaient au nom de leurs membres. Qui plus est, il semble clair que la Cour fédérale a estimé qu’il n’était pas dans l’intérêt de la justice d’autoriser l’intervention à ce moment.

[9] Les appelants soutiennent que la décision de la Cour fédérale place dans une [traduction] « impasse » les intervenants qui souhaitent présenter des observations sur une éventuelle requête en approbation d’un règlement. S’ils déposent leur requête avant qu’une requête en approbation de règlement ne soit en instance, leur requête sera rejetée en raison de son caractère prématuré. S’ils attendent jusqu’à ce que la requête en approbation de règlement soit en instance, leur requête sera rejetée au motif qu’elle perturbera la date d’audition prévue de la requête en approbation de règlement. Les appelants n’ont pas réussi à démontrer le bien-fondé de leur argument. Ils n’ont mentionné aucune affaire dans laquelle une intervention a été refusée dans de telles circonstances.

[10] Il incombait aux appelants d’établir que leur intervention proposée satisfaisait au critère énoncé à l’article 109 des Règles et dans la jurisprudence pertinente. Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, et compte tenu du dossier dont elle disposait, la Cour fédérale a conclu qu’ils n’y étaient pas parvenus. Les appelants ne nous ont pas convaincus que la Cour fédérale a commis une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante en rejetant leur requête (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33).

[11] Même si nous sommes d’avis qu’il n’y a pas lieu pour notre Cour d’intervenir, nous soulignons que l’authenticité de l’intérêt des appelants et leur expérience significative dans l’administration de recours collectifs ne semblent pas être en litige. Si le recours collectif débouche sur un accord de règlement, les appelants pourront déposer une nouvelle requête. Ils seront alors mieux placés pour préciser et expliquer comment leur participation pourra aider la Cour.

[12] Par conséquent, l’appel sera rejeté sans dépens.

« Sylvie E. Roussel »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL DE L’ORDONNANCE RENDUE PAR MONSIEUR LE JUGE PHELAN LE 5 NOVEMBRE 2021, DOSSIER NO T-2166-18

DOSSIER :

A-316-21

 

 

INTITULÉ :

LE RALLIEMENT NATIONAL DES MÉTIS et la MANITOBA METIS FEDERATION INC. c. SHANNON VARLEY et SANDRA LUKOWICH et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 juin 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE ROUSSEL

COMPARUTIONS :

Paul-Erik Veel

Kathleen Glowach

 

Pour les appelants

 

Andrew K. Lokan

 

Pour les intimées

SHANNON VARLEY et SANDRA LUKOWICH

 

Stéphanie Dion

Pour l’intimé

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lenczner Slaght LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour les appelants

Koskie Minsky LLP

Toronto (Ontario)

 

Paliare Roland Rosenberg Rothstein LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour les intimées

SHANNON VARLEY et SANDRA LUKOWICH

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimé

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

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