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Date : 20220718


Dossier : A-359-21

Référence : 2022 CAF 130

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge Rennie

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE LA

SASKATCHEWAN,

représentée par le PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA

SASKATCHEWAN

appelante

et

LA PREMIÈRE NATION DE WITCHEKAN LAKE

et SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, représentée par le PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

intimées

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 18 juillet 2022.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20220718


Dossier : A-359-21

Référence : 2022 CAF 130

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge Rennie

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE LA

 

SASKATCHEWAN,

 

représentée par le PROCUREUR GÉNÉRAL

 

DE LA SASKATCHEWAN

 

appelante

 

et

 

LA PREMIÈRE NATION DE WITCHEKAN LAKE

 

et SA MAJESTÉ LA REINE

 

DU CHEF DU CANADA, représentée par le

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimées

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE RENNIE

[1] La Fédération des nations autochtones souveraines (la FNAS) demande l’autorisation d’intervenir dans un appel visant une décision de la Cour fédérale (2021 CF 1074, le juge Favel) par laquelle celle-ci a rejeté une requête en jugement sommaire présentée par le procureur général de la Saskatchewan au titre de l’article 215 des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106.

[2] En termes généraux, et pour contextualiser le dispositif de la présente requête, rappelons que la Première Nation de Witchekan Lake (la PNWL) soutient, dans la demande principale, que l’Accord-cadre sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan (l’Accord-cadre) comporte une condition implicite qui oblige la Saskatchewan à l’aviser et à lui donner l’occasion de sélectionner des terres de la Couronne pour le règlement d’obligations en souffrance en matière de droits fonciers issus de traités avant de les vendre aux enchères publiques. La PNWL soutient également que la Saskatchewan a rejeté d’une manière déraisonnable les demandes qu’elle a présentées en vertu de l’Accord-cadre, visant à ce que des terres qui avaient été auparavant mises aux enchères soient mises à leur disposition pour sélection.

[3] La Cour fédérale a rejeté la requête en jugement sommaire au motif qu’il pourrait y avoir d’autres éléments de preuve pertinents quant aux circonstances entourant la négociation de l’Accord-cadre, lesquels pourraient faire la lumière sur la portée des obligations incombant à la Saskatchewan au titre de l’Accord. La Saskatchewan a interjeté appel de la décision au motif que, conformément à l’article 214 des Règles et de la jurisprudence faisant autorité, la réponse à une requête en jugement sommaire « ne peut être fondée sur un élément qui pourrait être produit ultérieurement en preuve dans l’instance ». Il va sans dire qu’en statuant sur la présente requête et en décrivant les questions en litige dans l’appel, je ne me prononce pas sur le fond de l’appel, et les présents motifs ne doivent pas être interprétés de la sorte.

[4] L’intérêt de la FNAS découle de son statut de représentante des intérêts et des droits des 74 Premières Nations de la Saskatchewan concernant la mise en œuvre des traités dans la province, ainsi que de son rôle dans la rédaction et la mise au point définitive de l’Accord-cadre avec les gouvernements de la Saskatchewan et du Canada. La FNAS fait valoir que les questions soulevées dans l’appel relativement à l’Accord-cadre conclu avec les gouvernements de la Saskatchewan et du Canada ont des répercussions directes sur les Premières Nations ayant conclu des règlements préalables sous le régime de l’Accord-cadre, ainsi que sur celles qui sont en train de négocier, et qu’elle devrait donc obtenir l’autorisation d’intervenir.

[5] Le critère régissant la question de l’octroi ou du refus de l’autorisation d’intervenir a été examiné dans bon nombre d’arrêts rendus par des formations complètes de notre Cour (Ralliement national des Métis et Fédération Métisse du Manitoba c. Varley, 2022 CAF 110; Gordillo c. Canada (Procureur général), 2022 CAF 23; Première Nation de Whapmagoostui c. McLean, 2019 CAF 187; Sport Maska Inc. c Bauer Hockey Corp., 2016 CAF 44, [2016] 4 R.C.F. 3).

[6] Bien que la jurisprudence recense un certain nombre de facteurs qui puissent être d’intérêt dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire sur la question de l’autorisation d’intervenir, un critère reste immuable : l’intervention doit être utile, c’est-à-dire, dans les termes de l’article 109 des Règles, qu’elle « aidera à la prise d’une décision sur toute question de fait ou de droit ». L’exigence relative à l’utilité des observations nécessite, quant à elle, que l’on examine les questions en litige dans l’appel, ce que l’intervenant propose de dire sur ces questions, la question de savoir si ces observations aideront à la prise d’une décision quant aux questions en litige, ainsi que la question de savoir à quel point celles-ci sont uniques ou se distinguent des thèses des parties.

[7] La FNAS n’a pas démontré qu’elle apporterait une perspective unique ou différente de celles des parties quant aux questions de droit soulevées en appel. De fait, la requête en autorisation d’intervenir démontre que ses intérêts et ses perspectives sont identiques à celles de l’intimée PNWL, qu’elle entend soutenir. La FNAS n’a pas précisé la nature des arguments qu’elle entend faire valoir ni la façon dont ceux-ci seraient uniques ou se distingueraient de ceux invoqués par l’intimée. L’intervenante affirme que [traduction] « la FNAS fera valoir que la décision de la Cour fédérale était correcte et qu’il existe plusieurs questions non résolues soulevées dans le dossier nécessitant une réponse judiciaire ». Comme l’a fait observer l’appelante, le dossier de requête est muet sur la teneur de ces questions, sur la position de la FNAS à leur égard ainsi que sur la manière dont sa position se distingue de celle de l’intimée. Il peut en être dit autant de l’affidavit de la vice-cheffe Heather Bear déposé à l’appui de la requête. Formulé en termes vagues, on y mentionne simplement la capacité de la FNAS [traduction] « d’offrir une perspective dans le présent appel ».

[8] Je n’affirme pas qu’une requête en autorisation d’intervenir doit comporter un projet de mémoire des faits et du droit sur les arguments que l’intervenant entend faire valoir. Exiger un tel document, bien que possiblement utile, pourrait imposer un fardeau financier très lourd à l’intervenant potentiel, et cette exigence n’est pas conforme aux principes généraux selon lesquels les règles et les procédures devraient favoriser l’accès à la justice, et non l’entraver (article 3 des Règles). Toutefois, la Cour doit recevoir quelque indication quant à la teneur de la thèse de l’intervenant, sans quoi elle ne dispose d’aucune toile de fond lui permettant d’apprécier l’utilité des observations et de se prononcer sur cette exigence.

[9] L’objectif de l’intervention est de faire valoir la perspective personnelle de l’intervenant sur une question de droit et non pas simplement de reproduire la thèse ou de soutenir le résultat souhaité par une des parties. Notre Cour a toujours exigé des personnes voulant intervenir qu’elles montrent en quoi leurs observations se distinguent de celles des parties (Première Nation de Prophet River c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 120 [Prophet River]; Canada (Environnement et Changement climatique Canada) c. Nation crie Ermineskin, 2022 CAF 36 [Nation crie Ermineskin]; Gordillo c. Canada (Procureur général), 2020 CAF 198).

[10] Dans l’arrêt Nation crie Ermineskin, le juge Monaghan s’est penché sur une requête en intervention semblable à celle en l’espèce. Notre Cour, au paragraphe 10, y a formulé les observations suivantes :

Les intervenants proposés affirment que leur point de vue sur ces observations sera utile parce qu’ils ont négocié collectivement et signé plusieurs ERA dans différentes provinces et à l’égard de territoires visés par divers traités et qu’ils représentent certaines Premières Nations visées par des traités historiques et d’autres qui ne le sont pas. Ils n’expliquent pourtant pas en quoi leur expérience aidera la Cour ou les distinguera de la Nation Ermineskin, qui a également négocié et signé plusieurs ERA. En outre, le mémoire des faits et du droit de Coalspur présente en détail l’objet et l’importance des ERA, ainsi que les modalités qui y sont généralement incluses. Dans la mesure où c’est pertinent, les intimées semblent prendre en compte adéquatement l’importance, l’objet et le contenu des ERA.

[11] L’analyse du juge Monaghan s’applique également en l’espèce. Il faut un certain degré de précision, davantage que n’en a offert la FNAS. On demande à notre Cour de faire acte de foi et de tenir pour acquis que l’intervenante aura quelque chose de différent ou d’unique à dire qui aidera notre Cour. L’intervention qui ne fait que répéter ce qui est déjà dit ne satisfait pas au critère, même si l’intervenante a un intérêt dans l’affaire (Prophet River, par. 20). En l’espèce, la FNAS a seulement jeté à notre Cour quelques os à ronger; il faut plus de chair.

[12] La requête de la FNAS comporte d’autres lacunes. Le fondement principal de l’intervention de la FNAS est qu’elle souhaite intervenir dans l’instance et produire des éléments de preuve. Cet argument présuppose à la fois que l’appel sera rejeté et que le juge du procès lui accordera l’autorisation d’intervenir. Il invite à la conjecture. Ensuite, au sujet de l’appel comme tel, la FNAS propose de faire des observations [traduction] « relatives aux répercussions connexes touchant l’ensemble des Premières Nations de la Saskatchewan ». Il s’agit d’une question qui concerne la preuve, ce qui est irrecevable dans les requêtes présentées au titre de l’article 213 des Règles (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Ishaq, 2015 CAF 151, par. 21).

[13] Il existe encore un autre écueil. La vice-cheffe Heather Bear a signé un affidavit à l’appui de la réponse de la PNWL à la requête en jugement sommaire. Puis elle a fait une nouvelle intervention, cette fois en tant qu’affiante dans la présente requête en intervention à l’appui de la FNAS. Ce dédoublement est un élément de plus montrant que les intérêts et les perspectives juridiques de l’intimée et de la FNAS sont identiques.

[14] La requête en autorisation d’intervenir sera donc rejetée.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-359-21

INTITULÉ :

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE LA SASKATCHEWAN c. LA PREMIÈRE NATION DE WITCHEKAN LAKE ET AUTRES

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE RENNIE

DATE DES MOTIFS :

LE 18 JUILLET 2022

OBSERVATIONS ÉCRITES :

R. James Fyfe

POUR L’APPELANTE

Anjalika Rogers

Aron Taylor

POUR L’INTIMÉE LA PREMIÈRE NATION DE WITCHEKAN LAKE

Melissa Nicolls

POUR L’INTIMÉE SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA REPRÉSENTÉE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Dusty T. Ernewein

POUR L’ORGANISME QUI SE PROPOSE D’INTERVENIR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sous-ministre de la Justice et sous-procureur général de la Saskatchewan

POUR L’APPELANTE

Maurice Law

Calgary (Alberta)

POUR L’INTIMÉE LA PREMIÈRE NATION DE WITCHEKAN LAKE

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA REPRÉSENTÉE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

McKercher LLP

Saskatoon (Saskatchewan)

POUR L’ORGANISME QUI SE PROPOSE D’INTERVENIR

 

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