Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20220727


Dossiers : A-166-20

A-169-20

A-170-20

A-171-20

A-172-20

A-173-20

A-174-20

A-175-20

A-176-20

A-177-20

Référence : 2022 CAF 138

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE WOODS

LA JUGE SUPPLÉANTE DAWSON

 

Dossier : A-166-20

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

FREDERICK SHARP

intimé

Dossier : A-169-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

LA SUCCESSION DE MARY HETHEY

intimée

Dossier : A-170-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

RICHARD HETHEY

intimé

Dossier : A-171-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

BRUCE GASARCH

intimé

Dossier : A-172-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

ZHIYING Y. GASARCH

intimée

Dossier : A-173-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

CHARTERHOUSE CAPITAL INC.

intimée

Dossier : A-174-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

DANIEL BLAQUIERE

intimé

Dossier : A-175-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

TERESA SHARP

intimée

Dossier : A-176-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

SHAMSHER G. HIRJI

intimé

Dossier : A-177-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

FREDRICK COOMBES

intimé

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), les 17 et 18 novembre 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE WOODS

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE SUPPLÉANTE DAWSON

 


Date : 20220727

Dossiers : A-166-20

A-169-20

A-170-20

A-171-20

A-172-20

A-173-20

A-174-20

A-175-20

A-176-20

A-177-20

Référence : 2022 CAF 138

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE WOODS

LA JUGE SUPPLÉANTE DAWSON

 

Dossier : A-166-20

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

FREDERICK SHARP

intimé

Dossier : A-169-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

LA SUCCESSION DE MARY HETHEY

intimée

Dossier : A-170-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

RICHARD HETHEY

intimé

Dossier : A-171-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

BRUCE GASARCH

intimé

Dossier : A-172-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

ZHIYING Y. GASARCH

intimée

Dossier : A-173-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

CHARTERHOUSE CAPITAL INC.

intimée

Dossier : A-174-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

DANIEL BLAQUIERE

intimé

Dossier : A-175-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

TERESA SHARP

intimée

Dossier : A-176-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

SHAMSHER G. HIRJI

intimé

Dossier : A-177-20

ET ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

FREDRICK COOMBES

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE WOODS

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphe

I. Aperçu

1

II. Frederick Sharp (l’intimé)

8

A. Introduction

8

B. Déclaration de l’intimé

14

(1) Genèse de l’instance

15

(2) Renvoi de 2013

18

(3) Mandat de perquisition de 2016

20

(4) Panama Papers

21

(5) Exercice irrégulier des pouvoirs de vérification

31

(6) Prétention fondée sur l’arrêt Jarvis

33

(7) Contestation de la loi

35

(8) Réparations demandées

37

C. Décision de la Cour fédérale

38

D. Questions en litige et norme de contrôle

43

E. Principes applicables aux requêtes en radiation

45

F. Principes applicables relatifs aux pouvoirs de vérification

51

(1) Article 231.2

52

(2) Arrêt Jarvis

54

(3) Arrêt Kligman

60

G. Analyse de la prétention fondée sur l’arrêt Jarvis

62

(1) Question préliminaire

63

(2) La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur?

66

H. Analyse de la contestation de la loi

97

(1) La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur?

100

(2) Requête en production de nouveaux éléments de preuve

113

(3) Conclusion

125

III. Analyse – autres intimés

127

IV. Conclusion et dispositif

131

A. Intimé

131

B. Autres intimés

132

C. Intitulé

133

I. Aperçu

[1] Notre Cour est saisie de dix appels et appels incidents interjetés à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale (2020 CF 724) rendue à l’égard de requêtes en radiation de déclarations. La Cour fédérale a radié les déclarations en partie et a autorisé qu’elles suivent leur cours en partie.

[2] En 2016, l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a envoyé des demandes péremptoires à chacun des contribuables intimés en vertu de ses pouvoirs de vérification pour obtenir d’eux des renseignements. L’ARC a également envoyé des demandes péremptoires à des tiers en vertu de ses pouvoirs de vérification, exigeant qu’ils fournissent des renseignements financiers au sujet des intimés.

[3] Les intimés ont déposé des demandes de contrôle judiciaire à la Cour fédérale en vue de contester les décisions de l’ARC quant à l’envoi des demandes péremptoires à eux-mêmes et à des tiers. La question des demandes péremptoires envoyées aux intimés n’est plus en litige; seule subsiste la question portant sur celles envoyées à des tiers.

[4] Sur requête présentée par les intimés et avec le consentement des parties, la Cour fédérale a ordonné que les demandes de contrôle judiciaire soient instruites comme s’il s’agissait d’actions. Les instances étaient donc assujetties aux règles applicables aux actions. Les intimés ont ensuite déposé les déclarations en litige dans les présents appels.

[5] L’appelant, le ministre du Revenu national (le ministre), a sollicité par voie de requête la radiation des déclarations, qui portent principalement sur la validité des demandes par l’ARC visant à obtenir des documents et la constitutionnalité des dispositions légales autorisant l’ARC à communiquer ces documents à d’autres organismes. Les intimés soutiennent que les demandes péremptoires et les dispositions légales contreviennent aux droits que leur garantissent les articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, (R.-U.), 1982, ch. 11 (la Charte).

[6] La décision que la Cour fédérale a rendue à l’égard des requêtes visait la déclaration de l’un des intimés, Frederick Sharp. Selon le juge des requêtes, le juge Barnes, les autres déclarations étaient « essentiellement semblables », et une seule série de motifs s’appliquait à toutes les instances (motifs au para. 3).

[7] Comme l’examen par le juge de la requête en radiation visait la déclaration de Frederick Sharp, j’examine d’abord l’appel et l’appel incident de la décision ayant tranché cette requête avant de me prononcer sur les autres. Sauf dans l’analyse des instances concernant les autres intimés, qui figure à la fin des présents motifs, toutes les mentions ci-après concernant la déclaration renvoient à la déclaration de Frederick Sharp, qui est désigné comme l’intimé.

II. Frederick Sharp (l’intimé)

A. Introduction

[8] La déclaration de l’intimé comporte deux parties. Dans la première partie, l’intimé soutient que l’ARC a exercé à mauvais droit ses pouvoirs de vérification lorsqu’elle a envoyé des demandes péremptoires à des tiers et que les droits qui lui sont garantis par les articles 7 et 8 de la Charte ont été enfreints. Invoquant l’arrêt R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757 [Jarvis], l’intimé soutient que les demandes péremptoires étaient invalides parce qu’elles avaient pour objet prédominant la poursuite d’enquêtes criminelles. Dans l’analyse qui suit, cette partie de la déclaration est appelée la « prétention fondée sur l’arrêt Jarvis ».

[9] Dans la deuxième partie de sa déclaration, l’intimé conteste la validité des dispositions prévues dans trois lois habilitant l’ARC à communiquer des renseignements sur les contribuables : la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (LIR), le Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46 et la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21. L’intimé sollicite des déclarations portant que ces dispositions sont inopérantes parce qu’elles habilitent l’ARC à communiquer des renseignements confidentiels sur les contribuables, y compris aux organismes nationaux et étrangers d’application de la loi, ce qui enfreint de façon injustifiée les articles 7 et 8 de la Charte. Subsidiairement, l’intimé demande à la Cour de déclarer invalides les dispositions autorisant l’ARC à envoyer des demandes péremptoires visant à obtenir des renseignements et des documents. Cette partie de la déclaration est appelée ci-après la « contestation de la loi ».

[10] Le ministre a sollicité, par voie de requête, la radiation de la déclaration, en tout ou en partie, sans autorisation de modification. Le juge des requêtes a refusé de radier la prétention fondée sur l’arrêt Jarvis, mais a radié la contestation de la loi.

[11] Le ministre appelle devant notre Cour de la décision du juge, qui a permis que la prétention fondée sur l’arrêt Jarvis suive son cours. L’intimé interjette un appel incident de la décision du juge, qui a radié la contestation de la loi, mais uniquement à l’égard de certaines dispositions de la LIR.

[12] Dans l’appel visant la prétention fondée sur l’arrêt Jarvis, le ministre affirme que la Cour fédérale a commis une erreur en ne radiant pas cette partie de la déclaration au motif qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable et qu’elle constitue un abus de procédure. Dans l’appel incident, l’intimé soutient que la Cour fédérale a commis une erreur en radiant la contestation de la loi au motif qu’elle était trop vaste et dépourvue de tout fondement factuel.

[13] Comme je l’explique ci-après, je conclus que la Cour fédérale a commis une erreur dans sa décision sur la prétention fondée sur l’arrêt Jarvis, et qu’elle n’a commis aucune erreur quant à la contestation de la loi. Par conséquent, la déclaration de l’intimé doit être radiée dans son intégralité. Toutefois, l’autorisation de modifier la déclaration quant à la prétention fondée sur l’arrêt Jarvis devrait être accordée, sous réserve de conditions strictes.

B. Déclaration de l’intimé

[14] Suit un résumé de la déclaration de l’intimé, qui présente les allégations suivantes :

(1) Genèse de l’instance

[15] L’intimé est citoyen canadien et réside à Vancouver, en Colombie-Britannique.

[16] Pendant des années, il a été la cible d’enquêtes de l’ARC. Cette dernière savait qu’il s’agissait d’enquêtes ayant un objet prédominant de nature criminelle.

[17] Les enquêtes ont donné lieu à une coordination entre la Division de la vérification de l’ARC, la Division des enquêtes criminelles (la DEC) de l’ARC ainsi que des organismes extérieurs d’application de la loi, tant au Canada qu’à l’étranger, y compris la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Federal Bureau of Investigation (FBI) des États-Unis et le Joint International Taskforce on Shared Intelligence and Collaboration (JITSIC).

(2) Renvoi de 2013

[18] Le 13 novembre 2013, la Division de la vérification a renvoyé un dossier de nature criminelle à la DEC sur le fondement d’une note de service détaillée préparée par un agent de l’ARC. Suivant la note de service, l’entreprise de l’intimé, à savoir Corporate House Group of Companies (Corporate House), participait à un stratagème complexe d’évasion fiscale. En outre, Corporate House aidait des Canadiens à cacher des actifs et des revenus à l’ARC et empêchait cette dernière, par des atermoiements, à recouvrer ses créances. Des centaines de sociétés y auraient participé, et des « mouvements de capitaux » provenaient prétendument de sources étrangères. La note de service indiquait également que Corporate House avait conçu le stratagème de façon à ce que les [traduction] « responsables et les architectes » de ce dernier ne produisent pas de déclarations de revenus et ne paient pas d’impôt au Canada. L’intimé aurait été la « principale tête dirigeante » de Corporate House. Selon l’intimé, cette note de service démontre que la Division de la vérification avait conclu qu’il se livrait à une fraude fiscale à grande échelle, tant à titre d’intermédiaire qu’à titre personnel.

[19] L’intimé ajoute que la Division de la vérification avait conclu qu’il était coupable de conduite criminelle bien avant le renvoi à la DEC en 2013. Selon lui, afin de bien comprendre la portée et l’ampleur des activités criminelles de Corporate House, la Division de la vérification a abusé de ses pouvoirs de vérification en obtenant les documents bancaires et d’autres renseignements financiers pour faire progresser une enquête ayant un objet prédominant de nature criminelle.

(3) Mandat de perquisition de 2016

[20] Cet abus des pouvoirs de vérification avait, selon l’intimé, un objet prédominant de nature criminelle, au moins à partir de la date du renvoi à la DEC. En février 2016, la DEC a exécuté un mandat de perquisition dans les locaux de Corporate House. La dénonciation en vue d’obtenir le mandat mentionnait l’intimé en rapport avec une enquête d’évasion fiscale visant un client de Corporate House menée par la DEC. Soulignons que l’on ne dit pas que l’intimé était l’objet de cette enquête. Dans l’exécution du mandat, la DEC cherchait à obtenir de volumineux dossiers d’entreprise détenus par Corporate House en vue d’identifier les personnes ayant pris part aux infractions criminelles faisant l’objet de l’enquête et d’établir la nature et les détails du stratagème frauduleux soupçonné.

(4) Panama Papers

[21] En avril 2016, après l’exécution du mandat de perquisition, un groupe de journalistes a commencé à faire des reportages sur les documents provenant d’un cabinet d’avocats du Panama (les Panama Papers). Il est affirmé que les circonstances liées à la publication des Panama Papers démontrent par ailleurs que l’enquête menée par l’ARC sur l’intimé et d’autres personnes ayant un lien avec Corporate House avait un objet prédominant de nature criminelle.

[22] On affirme que les reportages sur les Panama Papers ont retenu l’attention du public en raison des allégations d’évasion fiscale et de fraude commises par le cabinet d’avocats panaméen, ses clients et ses intermédiaires. Les fonctionnaires canadiens ont commencé à coordonner leurs efforts avec des alliés de divers pays en vue de poursuites. Le département de la Justice des États-Unis et la GRC ont ouvert des enquêtes criminelles sur les personnes mentionnées dans les Panama Papers.

[23] Une semaine après la publication des Panama Papers, le ministre a annoncé que l’ARC accélérait la prise de mesures visant l’observation de la loi à l’égard des activités à l’étranger de certains Canadiens, et qu’elle lancerait les enquêtes criminelles qui s’imposent.

[24] Au même moment, des membres du JITSIC (sous l’égide de l’OCDE), y compris le Canada, se sont rencontrés pour discuter des renseignements divulgués dans les Panama Papers, et l’OCDE a annoncé que chacun des États membres du JITSIC procéderait conformément à sa législation nationale et aux ententes d’échange de renseignements.

[25] Le 2 mai 2016, le commissaire de la GRC a informé les médias que son organisation lancerait des enquêtes criminelles sur les Canadiens mentionnés dans les Panama Papers. Le commissaire a déclaré au Globe and Mail que la GRC avait discuté avec des partenaires étrangers des moyens d’obtenir les documents étant donné [traduction] « qu’il y a de sérieux soupçons de criminalité »[...] ».

[26] Le 9 mai 2016, dans des reportages, la CBC a désigné Corporate House comme étant le cabinet [traduction] « tout indiqué » pour les Canadiens fortunés souhaitant conserver leurs actifs confidentiels et à l’étranger afin de réduire au minimum leur fardeau fiscal. L’intimé a été nommé à titre de directeur de Corporate House.

[27] Le 9 mai 2016, le Globe and Mail a révélé que le ministre avait annoncé qu’il [traduction] « avait déjà commencé à déterminer qui serait visé par des vérifications » et que, « s’il doit y avoir des poursuites criminelles, il y en aura ».

[28] Le 15 novembre 2016, le Toronto Star a révélé que l’ARC avait entrepris 60 vérifications formelles visant des Canadiens figurant dans la base de données du cabinet d’avocats panaméen. L’ARC avait en outre exécuté des mandats de perquisition et entrepris des enquêtes criminelles.

[29] Les 16 et 17 janvier 2017, l’ARC a rencontré des représentants d’États membres du JITSIC. Il s’est ensuivi un échange important et simultané de renseignements en vertu de conventions fiscales. Les membres du JITSIC ont également convenu de [traduction] « mettre en commun les renseignements sur les principaux intermédiaires résultant des efforts déployés à l’échelle nationale ». L’ARC a mentionné qu’elle effectuait des vérifications, avait exécuté des mandats de perquisition et menait des enquêtes criminelles, le tout en lien avec les Panama Papers.

[30] On prétend que l’ARC a coordonné, avec la GRC, l’Internal Revenue Service (IRS) et d’autres organismes d’application de la loi, au Canada et à l’étranger, les efforts d’enquête visant l’intimé. Ainsi, l’ARC a fourni à des organismes nationaux et internationaux d’application de la loi des renseignements personnels sur l’intimé, obtenus sous la contrainte grâce aux pouvoirs de vérification. Ce faisant, l’ARC a enfreint les droits que la Charte garantit à l’intimé.

(5) Exercice irrégulier des pouvoirs de vérification

[31] Il est allégué qu’après le renvoi à la DEC par la Division de la vérification, cette dernière a continué à exercer ses pouvoirs de vérification pour recueillir des éléments de preuve qui serviraient à mauvais droit dans une enquête criminelle. Notamment, elle a transmis des demandes péremptoires à l’intimé et à des tiers au sujet de l’intimé et de ses associés soupçonnés.

[32] Les demandes péremptoires ont été envoyées à l’époque où la DEC menait une enquête criminelle sur l’intimé, et les renseignements obtenus ont été alors communiqués à la DEC et à d’autres organismes d’application de la loi, tant au Canada qu’à l’étranger.

(6) Prétention fondée sur l’arrêt Jarvis

[33] En juin 2016, la Division de la vérification a envoyé huit demandes péremptoires à des tiers au sujet de l’intimé, suivies de quatre autres. Les renseignements exigés concernaient les comptes bancaires, les cartes de crédit, les comptes de placement et les opérations commerciales.

[34] L’intimé soutient que, comme l’objet prédominant recherché par la Division de la vérification en demandant ces renseignements était de recueillir des éléments de preuve destinés à servir dans une enquête criminelle, tant au Canada qu’à l’étranger, l’envoi des demandes péremptoires a porté atteinte de façon injustifiée aux droits que lui garantissent les articles 7 et 8 de la Charte.

(7) Contestation de la loi

[35] Autre aspect important de l’appel, aux dires de l’intimé, des parties des dispositions relatives à la communication qui figurent dans la LIR portent atteinte aux droits qui lui sont garantis par la Charte. Il affirme plus précisément que ces dispositions permettent la transmission de renseignements personnels recueillis sous la contrainte, sans autorisation judiciaire préalable, à des organismes d’application de la loi, au Canada et à l’étranger, y compris au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), et ce sans aucune restriction quant à leur utilisation. L’intimé soutient que, puisque l’ARC a communiqué les renseignements sur le contribuable le concernant en application de ces dispositions, ces dernières portent atteinte aux droits qui lui sont garantis par les articles 7 et 8 de la Charte.

[36] Subsidiairement, l’intimé prétend que les pouvoirs de vérification prévus aux articles 231.1 et 231.2 de la LIR portent également atteinte aux droits que lui garantissent les articles 7 et 8 de la Charte. Il affirme que la confidentialité des renseignements recueillis sous le régime de ces dispositions a été érodée par les modifications apportées à l’article 241 dans la foulée de l’arrêt R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627, 1990 CanLII 137 [McKinlay Transport] qui a confirmé la constitutionnalité des pouvoirs de vérification.

(8) Réparations demandées

[37] L’intimé sollicite notamment en réparation :

un jugement déclaratoire portant que les demandes péremptoires adressées aux tiers sont invalides;

une injonction interdisant au ministre de transmettre des renseignements ou des documents recueillis sous la contrainte, au moyen des demandes péremptoires à des tiers, à toute personne ou à tout organisme à l’extérieur de la Division de la vérification;

un jugement déclaratoire portant que les sous-alinéas 241(4)e)(iv) et 241(4)e)(xii) et les paragraphes 241(9), 241(9.1) et 241(9.5) de la LIR, ou, à titre subsidiaire, les articles 231.1 et 231.2 de cette même loi enfreignent de manière injustifiée les articles 7 et 8 de la Charte et sont inopérants.

C. Décision de la Cour fédérale

[38] Le ministre a présenté une requête en radiation de la déclaration de l’intimé, en tout ou en partie et sans autorisation de modification, au motif qu’elle ne révèle pas de cause d’action valable, qu’elle est scandaleuse, frivole ou vexatoire et qu’elle constitue par ailleurs un abus de procédure.

[39] En ce qui concerne la prétention fondée sur l’arrêt Jarvis, la Cour fédérale a d’abord cherché à déterminer si les actes de procédure révélaient suffisamment de faits substantiels. La Cour fédérale a conclu que les actes de procédure étaient suffisants « – quoiqu’à peine – » pour survivre à la requête en radiation. Plus particulièrement, la Cour fédérale a déterminé que les allégations « sont sans doute suffisantes pour établir que les demandes de renseignements ont été envoyées dans le cadre d’une enquête criminelle en cours à un moment où il existait des motifs raisonnables de porter des accusations ». De plus les allégations « pourraient aider à établir que les vérifications étaient menées dans un but de poursuite [...] » (aux para. 28 à 30).

[40] La Cour fédérale s’est aussi attachée à décider si la prétention fondée sur l’arrêt Jarvis était vouée à l’échec parce que le jugement déclaratoire sollicité ne convenait pas, et que le seul recours consistait pour l’intéressé à opposer une défense à la poursuite criminelle (aux para. 32 à 34). Le juge des requêtes n’a pas tranché cette question de droit et a conclu qu’il fallait accorder à l’intimé le bénéfice du doute dans la requête en radiation compte tenu de l’arrêt de notre Cour Kligman c. M.R.N., 2004 CAF 152, [2004] 4 R.C.F. 477 [Kligman].

[41] Quant à la contestation de la loi, le juge des requêtes a résumé la prétention en ces termes : « le ministre a violé ou a l’intention de violer les droits de [l’intimé] garantis par la Charte en communiquant des renseignements de vérification à des organismes d’application de la loi canadiens et étrangers » (au para. 35).

[42] Suivant la Cour fédérale, (au para. 38) ce recours est « non ciblé et sans fondement factuel », et les « contestations hypothétiques fondées sur la Charte sont inappropriées parce qu’il n’y a pas de matrice factuelle appuyant les théories juridiques avancées ». Elle a donc radié les parties de la déclaration de l’intimé relatives à la contestation de la loi.

D. Questions en litige et norme de contrôle

[43] Les principales questions en litige dans l’appel et l’appel incident en ce qui concerne l’intimé sont les suivantes :

La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur en ne radiant pas les parties de la déclaration de l’intimé se rapportant à la prétention fondée sur l’arrêt Jarvis?

La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur en radiant les parties de la déclaration de l’intimé relatives à la contestation de la loi?

[44] La norme de contrôle applicable est énoncée dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 [Housen]. Les questions de droit doivent être examinées selon la norme de la décision correcte, et les questions de fait ainsi que les questions mixtes de fait et de droit (à l’exclusion des questions de droit isolables) doivent être examinées selon la norme de l’erreur manifeste et dominante (aux para. 8, 10 et 36).

E. Principes applicables aux requêtes en radiation

[45] Le ministre a présenté sa requête en radiation de la déclaration de l’intimé en application de la Règle 221 des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106 (les Règles), au motif que la déclaration ne révélait aucune cause d’action valable, qu’elle était scandaleuse, frivole ou vexatoire, et qu’elle constituait autrement un abus de procédure (Règles 221(1)a), c) et f), respectivement).

[46] Saisi d’une requête en radiation présentée au titre de la Règle 221(1)a), le juge des requêtes doit déterminer si, dans l’hypothèse où les faits mentionnés dans la déclaration peuvent être prouvés, il est « évident et manifeste » que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d’action valable (Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, à la p. 980; R. c. Imperial Tobacco Canada Limitée, 2011 CSC 42, [2011] 3 R.C.S. 45 au para. 17 [Imperial Tobacco]). La déclaration doit être interprétée libéralement (Mancuso c. Canada (Santé Nationale et Bien-être Social), 2015 CAF 227 au para. 16 [Mancuso]).

[47] Dans l’arrêt Mancuso, notre Cour donne des précisions sur la distinction entre les faits matériels et les simples allégations :

[18] Il n’existe pas de démarcation très nette entre les faits matériels et les simples allégations ni entre l’exposé de faits matériels et l’interdiction de plaider certains éléments de preuve. Ce ne sont que deux points d’un[e] même ligne continue, et il appartient au juge de première instance, lequel dispose d’une vue d’ensemble des actes de procédure, de voir à ce que les actes de procédure cernent les questions en litige avec une précision suffisante pour assurer la saine gestion et l’équité de l’instruction et des phases préparatoires à l’instruction.

[19] La pertinence des faits est établie en fonction du moyen et des dommages-intérêts réclamés. Le demandeur doit énoncer, avec concision, mais suffisamment de précision, les éléments constitutifs de chacun des moyens de droit ou de fait soulevé. L’acte de procédure doit indiquer au défendeur par qui, quand, où, comment et de quelle façon sa responsabilité a été engagée.

[48] Outre l’absence de cause d’action valable, la Cour peut radier un acte de procédure parce qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire (Règle 221(1)c) des Règles). La Règle 221(1)c) a été appliqué dans diverses circonstances, y compris aux actes de procédure qui ne révélaient pas suffisamment les faits sur lesquels le demandeur fondait sa cause d’action pour permettre au défendeur d’y répondre ou à la Cour de diriger l’instance (Murray c. Canada [1978] A.C.F. no 406 au para. 10 [Murray]).

[49] Enfin, il est loisible à notre Cour de radier un acte de procédure en application de la Règle 221(1)f) des Règles lorsqu’il constitue un abus de procédure. Les critères à appliquer au titre de la Règle 221(1)f) des Règles sont énoncés dans l’arrêt Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, [2003] 3 R.C.S. 77 [S.C.F.P.]. La doctrine de l’abus de procédure est souple et fait intervenir le pouvoir inhérent du tribunal d’empêcher que ses procédures soient utilisées abusivement d’une manière qui aurait pour effet de discréditer l’administration de la justice (S.C.F.P. au para. 37).

[50] Les éléments de preuve ne sont pas admissibles dans le cadre d’une requête fondée sur la Règle 221(1)a), mais le sont à l’appui d’une requête fondée sur les Règles 221(1)c) ou f) (Règle 221(2) des Règles, Kremikovtzi Trade c. Phoenix Bulk Carriers Limited, 2007 CAF 381 au para. 32).

F. Principes applicables relatifs aux pouvoirs de vérification

[51] Suit un aperçu des règles de droit applicables relatives aux pouvoirs de vérification du ministre.

(1) Article 231.2

[52] L’intimé a sollicité le contrôle judiciaire de la décision du ministre quant à la transmission de demandes péremptoires à des tiers. Le paragraphe 231.2(1) de la LIR confère au ministre un vaste pouvoir lorsqu’il s’agit d’exiger des renseignements et des documents de toute personne, pour l’exécution et l’application de la LIR. Le paragraphe 231.2(1) est reproduit à l’annexe des présents motifs, avec d’autres dispositions pertinentes de la LIR.

[53] En 1990, dans l’arrêt McKinlay Transport, la Cour suprême du Canada confirme la validité de la disposition ayant précédé l’article 231.2 de la LIR, en concluant qu’elle ne porte pas atteinte au droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives prévu à l’article 8 de la Charte.

(2) Arrêt Jarvis

[54] En 2002, dans l’arrêt Jarvis, la Cour suprême impose des limites aux pouvoirs conférés au ministre par les paragraphes 231.1(1) et 231.2(1) de la LIR en conformité avec les articles 7 et 8 de la Charte. Ces articles sont ainsi libellés :

7 Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

7 Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

8 Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

8 Everyone has the right to be secure against unreasonable search or seizure.

[55] Dans cette affaire, le contribuable cherchait à exclure certains renseignements obtenus en vertu des paragraphes 231.1(1) et 231.2(1) de la LIR du dossier de preuve produit dans son procès criminel (Jarvis aux para. 35 et 36), La Cour suprême conclut que certains éléments de preuve doivent être exclus en application de la Charte.

[56] De l’avis de la Cour suprême, les fonctionnaires de l’ARC qui procèdent à un examen ayant pour objet prédominant d’établir la responsabilité pénale du contribuable ne peuvent exercer les pouvoirs d’inspection et de demande péremptoire prévus aux paragraphes 231.1(1) et 231.2(1) (Jarvis au para. 96). En revanche, les fonctionnaires de l’ARC qui procèdent à un examen ayant pour objet prédominant d’établir l’obligation fiscale du contribuable peuvent exercer les pouvoirs d’inspection et de demande péremptoire (Jarvis aux para. 97 et 99).

[57] De plus, les fonctionnaires de l’ARC qui procèdent à une enquête sur la responsabilité pénale d’un contribuable ne peuvent utiliser les renseignements obtenus en vertu des paragraphes 231.1(1) ou 231.2(1) après le début de l’enquête sur la responsabilité pénale (Jarvis au para. 97). En revanche, ils peuvent les utiliser si ces renseignements ont été obtenus avant le début de l’enquête (Jarvis au para. 97).

[58] La Cour suprême précise que l’ARC peut mener parallèlement une enquête criminelle et une vérification administrative et qu’il est loisible aux vérificateurs d’exercer leurs pouvoirs d’inspection et de demande péremptoire pourvu que l’objet prédominant de la vérification administrative consiste à évaluer l’obligation fiscale du contribuable (Jarvis au para. 97).

[59] Cette cour présente une liste non exhaustive des facteurs servant à établir si l’objet prédominant d’une enquête consiste à évaluer l’obligation pénale du contribuable (Jarvis au para. 94). Selon elle, les tribunaux doivent évaluer toutes les circonstances et, à l’exception de la décision non équivoque de procéder à une enquête criminelle, aucun facteur n’est nécessairement déterminant en soi (Jarvis au para. 95).

(3) Arrêt Kligman

[60] En 2004, notre Cour dans l’arrêt Kligman a accueilli les demandes de contrôle judiciaire des contribuables et annulé les demandes péremptoires visant la production de documents délivrées aux contribuables au nom du ministre, au motif que ces demandes ressortissaient à une enquête criminelle (Kligman aux para. 39 à 41). Il convient de souligner que l’enquêteur qui a délivré les demandes péremptoires a admis que l’enquête avait pour but d’enquêter et de recueillir des éléments de preuve sur une fraude fiscale (aux para. 11 et 13). La décision d’exercer les pouvoirs de vérification avait été prise avant le prononcé de l’arrêt Jarvis.

[61] Dans l’affaire Kligman, le ministre soutenait que les contribuables devraient se conformer aux demandes péremptoires pour ensuite s’opposer à leur admissibilité dans toute poursuite criminelle ultérieure (para. 3). Notre Cour n’a pas retenu cet argument au motif que le fait d’interdire au contribuable de faire valoir son droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives qui lui est reconnu par la Charte et d’empêcher la violation imminente de ce droit minerait sérieusement l’effet bénéfique protecteur de la Charte (para. 3).

G. Analyse de la prétention fondée sur l’arrêt Javis

[62] Le ministre interjette appel de la décision de la Cour fédérale qui n’a pas radié la prétention fondée sur l’arrêt Jarvis. Comme je l’explique ci-après, je serais d’avis de radier cette partie de la déclaration et j’accorderais à l’intimé l’autorisation de modifier la déclaration selon des conditions strictes.

(1) Question préliminaire

[63] Comme je le mentionne plus haut, l’intimé a introduit la présente instance par le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire. Par la suite, la Cour fédérale a rendu une ordonnance avec le consentement des parties conformément au paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7. Selon l’ordonnance, l’instance serait instruite comme s’il s’agissait d’une action, une déclaration serait déposée et l’instance serait régie par la partie 4 des Règles (les dispositions applicables aux actions).

[64] Dans la décision faisant l’objet de l’appel, la Cour fédérale a conclu que la Règle 221 des Règles (applicable aux actions) ne régissait pas la requête en radiation et que l’instance devait plutôt être instruite selon les principes de la radiation des demandes de contrôle judiciaire (motifs au para. 12). Cette conclusion contredit les conditions de l’ordonnance rendue en vertu du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 qui précise que la partie 4 des Règles s’applique à l’instance. Comme la Règle 221 figure dans la partie 4, l’ordonnance prévoit que la Règle 221 régit la requête en radiation.

[65] Cette erreur de la Cour, qui a conclu que la Règle 221 ne s’appliquait pas, importe peu en l’espèce puisque le juge des requêtes avait pris la précaution d’appliquer également la Règle 221 dans son analyse (paragraphes 14 à 16 des motifs).

(2) La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur?

[66] Le ministre soutient que la Cour fédérale a commis une erreur en refusant de radier la partie de la déclaration qui porte sur la contestation par l’intimé des demandes péremptoires envoyées à des tiers.

[67] Le ministre affirme notamment que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en négligeant le fait que ces demandes péremptoires peuvent être envoyées aux fins de vérification, même si une enquête criminelle est menée parallèlement. Essentiellement, le ministre estime que la Cour fédérale n’a pas déterminé le critère juridique applicable, prévu dans l’arrêt Jarvis.

[68] Je suis d’avis que la Cour fédérale n’a pas omis de déterminer le critère juridique applicable. Dans son analyse de la collaboration entre la Division de la vérification et la DEC, le juge des requêtes reconnaît que le ministre est habilité à envoyer des demandes péremptoires aux fins de vérification s’il y a une enquête criminelle (motifs au para. 30). Les faits substantiels qui peuvent établir une telle collaboration sont pertinents parce que, s’ils sont prouvés, ils peuvent démontrer que l’enquête et la vérification n’étaient pas en fait menées parallèlement.

[69] Si la Cour n’a pas commis d’erreur en déterminant le critère juridique applicable, elle a toutefois commis une erreur en l’appliquant.

[70] Dans son analyse au sujet de la collaboration entre les vérificateurs et les enquêteurs, au paragraphe 30, le juge des requêtes fait remarquer que la déclaration « ne contient pas suffisamment » de renseignements sur cette collaboration, sans doute en raison du caviardage substantiel du dossier fourni par le ministre. La Cour n’a pas déclaré que cette situation relevait l’intimé de l’obligation d’alléguer des faits substantiels suffisants pour établir une cause d’action valable, ce qui n’est pas le cas. Le demandeur doit énoncer suffisamment de faits substantiels pour révéler une cause d’action, même s’il ne connaît pas les faits et même s’il peut seulement espérer qu’il sera en mesure de les prouver (Imperial Tobacco au para. 22).

[71] Le juge des requêtes a toutefois mentionné une allégation formulée à l’appui d’une conclusion quant à une collaboration entre les vérificateurs et les enquêteurs. Selon l’intimé, à l’époque de la publication des Panama Papers, un article de journal a révélé que le ministre avait déclaré que l’ARC établissait des cibles de vérifications et que « s’il doit y avoir des poursuites criminelles, il y en aura ». Le juge des requêtes a conclu que cette allégation pouvait aider à établir que « les vérifications étaient menées dans un but de poursuite [. . .] » (motifs au para. 30).

[72] Il s’agissait du seul fait substantiel que le juge des requêtes a mentionné en ce qui a trait à la collaboration. Ce fait substantiel constitue simplement une déclaration générale faite par le ministre au sujet de l’approche adoptée par l’ARC relativement aux Panama Papers. Suivant cette déclaration, il est possible que des vérifications soient effectuées avant les enquêtes criminelles, une situation autorisée par l’arrêt Jarvis. Le contenu de cet article de journal, s’il est prouvé, ne démontre pas que la vérification n’était pas menée parallèlement à l’enquête criminelle, et ne permet pas d’étayer l’allégation selon laquelle l’envoi des demandes péremptoires a porté atteinte aux droits que la Charte garantit à l’intimé. Par conséquent, la Cour fédérale n’a pas recensé de faits substantiels suffisants révélant une cause d’action valable.

[73] Les lacunes constatées au paragraphe 30 des motifs de la Cour fédérale soulèvent une question mixte de fait et de droit. Selon notre Cour, une telle question est assujettie, en appel, à la norme de contrôle de l’erreur manifeste et dominante, qui est très stricte (Bewsher c. Canada, 2020 CAF 216 aux para. 6 et 7). L’erreur manifeste est évidente (Housen au para. 6). L’erreur dominante influence la décision (Hydro-Québec c. Matta, 2020 CSC 37 au para. 33; Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, [2018] 2 R.C.F. 344 au para. 62).

[74] Je suis d’avis que l’erreur commise par la Cour fédérale est évidente et qu’elle influence la décision.

[75] L’intimé soutient que la déclaration énonce néanmoins un autre fait substantiel qui compense les lacunes constatées dans les motifs de la Cour fédérale. Je ne suis pas d’accord, et ce pour les raisons suivantes.

[76] L’intimé fait référence à la prétention dans la déclaration selon laquelle la Division de la vérification a communiqué à des enquêteurs criminels des renseignements obtenus grâce aux demandes péremptoires. L’intimé indique que cette prétention suffit à établir la collaboration et, partant, que l’enquête et la vérification n’ont pas été menées parallèlement.

[77] Il cite le paragraphe 97 de l’arrêt Jarvis :

97 Le critère de l’objet prédominant n’empêche pas l’ADRC de mener parallèlement une enquête criminelle et une vérification administrative. Le fait que l’ADRC enquête sur la responsabilité pénale d’un contribuable n’écarte pas la possibilité que soit menée simultanément une enquête dont l’objet prédominant consiste à évaluer l’obligation fiscale du même contribuable. Toutefois, si une enquête sur la responsabilité pénale est engagée postérieurement, les enquêteurs peuvent utiliser les renseignements obtenus conformément aux pouvoirs de vérification avant le début de l’enquête criminelle, mais non les renseignements obtenus conformément à ces pouvoirs après le début de l’enquête sur la responsabilité pénale. [...]

[Non souligné dans l’original.]

[78] À en croire cette prétention, l’intimé a allégué des faits substantiels qui, s’ils sont avérés, permettent d’établir que la Division de la vérification a envoyé des demandes péremptoires ayant produit des renseignements après le début de l’enquête criminelle, et que ces renseignements ont servi aux enquêteurs criminels. Essentiellement, l’intimé soutient que cet acte de procédure révèle une cause d’action valable fondée sur une violation de la Charte, la situation décrite au paragraphe 97 de l’arrêt Jarvis.

[79] Les faits allégués à l’appui de l’argument sur la violation de la Charte comportent toutefois des lacunes.

[80] Comme je le mentionne plus haut, un acte de procédure adéquat doit énoncer clairement les faits donnant lieu à une cause d’action pour permettre la saine gestion et l’équité de l’instruction et des phases préparatoires à l’instruction (Mancuso aux para. 18 et 19). Les transactions doivent être décrites de manière détaillée, et, si comme en l’espèce la partie est étrangère à la transaction, elle doit quand même être décrite avec suffisamment de détails pour permettre à l’autre partie de la reconnaître (Enercorp Sand Solutions Inc. c. Specialized Desanders Inc., 2018 CAF 215 aux para. 34 à 37 [Enercorp]). De plus, le tribunal doit être en mesure de diriger l’instance (Murray au para. 10).

[81] Les parties de la déclaration où il est allégué qu’il y a eu communication de renseignements ne remplissent pas ces conditions parce qu’elles ne contiennent pas les détails que nécessite un acte de procédure adéquat. Ce fait ressort clairement tant de la présentation des faits substantiels que de l’exposé de la cause d’action.

[82] À titre d’illustration, l’intimé prétend qu’en communiquant des renseignements aux enquêteurs criminels, la Division de la vérification a enfreint la Charte. Comme fait substantiel pertinent, l’intimé soutient que plusieurs enquêtes se sont échelonnées sur des années : [traduction] « l’ARC l’a ciblé pendant plusieurs années en menant des enquêtes qu’elle savait avoir un objet prédominant de nature criminelle, dont certaines étant connues de [l’intimé], mais toutes étaient connues de l’ARC » (déclaration au para. 10). La déclaration n’énonce toutefois pas avec précision les enquêtes criminelles visant l’intimé. L’acte de procédure indique une enquête criminelle, qui a mené au mandat de perquisition de 2016, mais il s’agissait d’une enquête visant un client, et non l’intimé.

[83] Les allégations concernant la communication de renseignements manquent également de précision. L’intimé allègue que les [traduction] « documents et les renseignements obtenus sous la contrainte par la Division de la vérification ont alors été communiqués à la DEC et à d’autres organismes d’application de la loi, tant au Canada qu’à l’étranger » (déclaration au para. 27). L’acte de procédure n’établit aucun lien entre la présumée communication de renseignements et une enquête criminelle précise.

[84] De même, l’exposé de la cause d’action dans la déclaration est rédigé dans des termes extrêmement vagues : [traduction] « En envoyant les demandes péremptoires [...] à des tiers, mentionnées plus haut, pour faire avancer une enquête criminelle nationale et internationale, l’ARC a enfreint de façon injustifiée les droits garantis au demandeur par les articles 7 et 8 de la Charte » (déclaration au para. 34).

[85] La déclaration et les faits substantiels qui l’étayent quant à l’allégation de communication de renseignements dans le cadre d’une enquête criminelle sont extrêmement vagues et non ciblés. Vu le caractère non ciblé de cet acte de procédure, il sera difficile de déterminer la portée de la communication préalable, comme il est expliqué au paragraphe 90 ci-après, qui décrit les éléments de preuve que l’intimé cherche à obtenir. Inévitablement, le déroulement de l’instance serait injuste et impossible à gérer. Dans les circonstances, cette partie de la déclaration de l’intimé est vexatoire au sens où il faut l’entendre pour l’application de la Règle 221(1)c) et devrait être radiée pour cette raison (Murray au para. 10).

[86] Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec l’intimé pour dire que les faits substantiels se rapportant à la communication de renseignements aux enquêteurs criminels suffisent à remédier aux lacunes constatées par la Cour fédérale dans ses motifs. La déclaration doit bien préciser la communication de renseignements aux enquêteurs criminels pour démontrer la collaboration et, partant, que les demandes péremptoires à des tiers ne relevaient pas d’une enquête parallèle. Comme notre Cour l’affirme dans l’arrêt Enercorp, la communication de renseignements doit être définie avec suffisamment de détails pour que le ministre puisse la reconnaître. La déclaration ne satisfait pas à ces exigences et ne révèle donc aucune cause d’action valable.

[87] La question qui reste à trancher est de savoir si la Cour devrait accorder l’autorisation de modifier la déclaration.

[88] Suivant le principe général à appliquer, l’autorisation devrait être accordée à moins qu’il ne soit évident et manifeste que la modification ne suffirait pas à remédier aux lacunes contenues dans l’acte de procédure (Enercorp au para. 27; Simon c. Canada, 2011 CAF 6 au para. 15). Il s’agit d’un critère peu exigeant.

[89] Les observations du ministre relatives à la prétention fondée sur l’arrêt Jarvis comprennent des arguments qui, s’ils sont retenus, signifierait qu’il ne peut être remédié aux lacunes. Ces observations sont examinées ci-après.

[90] Le ministre soutient que la présente instance constitue un abus de procédure, car l’intimé espère obtenir dans le cadre de la communication préalable une importante quantité de renseignements auxquels il n’aurait autrement pas droit. Il affirme également que l’intention de l’intimé ressort de la requête antérieure ayant sollicité l’ordonnance prévue au paragraphe 18.4(2). L’intimé a fait valoir qu’il y avait lieu d’accorder une telle ordonnance parce que l’instance exige la production d’une preuve abondante, y compris des renseignements sur la façon dont la DEC a traité le renvoi, des précisions sur les réunions au sein de l’organisation au sujet de la coordination de l’enquête criminelle ainsi que des renseignements sur les mesures prises par la DEC dans le cadre de l’enquête (Observations du ministre sur la requête en radiation, dossier d’appel, vol. 1, onglet 8 aux pp. 127 à 129; observations supplémentaires de l’intimé sur la requête en conversion, dossier d’appel, vol. 1, onglet 7 aux pp. 100 et 101.)

[91] Selon le ministre, l’instance constitue un abus de procédure parce que l’intimé tente par ce moyen de contourner les restrictions à la communication de renseignements relatifs à une enquête criminelle. Invoquant l’arrêt R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326, aux pages 335, 336, 339, 340 et 343, [1991] A.C.S. no 83 (QL), le ministre indique que l’intimé n’a généralement pas droit à la communication, par le ministère public, des détails d’une enquête criminelle tant que des accusations n’ont pas été portées. Selon le ministre, la présente instance se veut un moyen de contourner cette règle.

[92] En fait, selon le ministre, la Cour devrait intervenir à l’étape de la requête en radiation pour empêcher l’intimé d’utiliser la procédure de la communication préalable de manière inappropriée. À ce stade, la procédure de la communication préalable n’est pas commencée, et l’intervention de la Cour est prématurée. S’il s’avère ultérieurement que, de l’avis du ministre, le recours à la communication préalable est fait à mauvais escient, le ministre pourrait alors présenter une requête.

[93] Également selon le ministre, les arrêts Jarvis et Kligman ne devraient pas s’appliquer en l’espèce.

[94] En ce qui concerne l’arrêt Jarvis, le ministre indique que le cadre servant à déterminer l’objet prédominant par l’application d’une liste non exhaustive de facteurs devrait se limiter au contexte criminel, comme c’était le cas dans l’affaire Jarvis. Quant à l’arrêt Kligman, selon le ministre, cette jurisprudence devrait constituer un cas d’espèce ou être réexaminée dans son entièreté.

[95] Ces arguments méritent d’être examinés au moment opportun, et non seulement à la lumière des allégations contenues dans les actes de procédure. La Cour suprême du Canada a conclu que les questions relatives à la Charte ne devraient pas être tranchées dans un vide factuel (MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357 à la p. 361, [1989] A.C.S. no 88 (QL) [MacKay]). Par conséquent, si les faits constatés ne révèlent pas de possible violation de la Charte, il ne conviendrait pas de réexaminer les arrêts Jarvis et Kligman en l’espèce. Il vaut mieux laisser au juge du procès, qui a l’avantage de disposer d’un dossier de preuve complet, le soin de se prononcer sur les arguments.

[96] Par conséquent, il n’est pas évident et manifeste que la modification ne suffirait pas à remédier aux lacunes contenues dans l’acte de procédure. L’intimé devrait donc avoir la possibilité de déposer une déclaration modifiée à la Cour fédérale. Cependant, j’accorderais l’autorisation de modifier la déclaration à la condition expresse que l’acte de procédure cerne avec précision les faits révélant la cause d’action et exclue les allégations qui ne sont pas pertinentes.

H. Analyse de la contestation de la loi

[97] L’intimé a interjeté un appel incident de la décision relative à la contestation de la loi.

[98] La contestation de la loi a pour objet de faire déclarer invalides les dispositions légales qui autorisent l’ARC à communiquer des renseignements sur le contribuable à d’autres organismes. La Cour fédérale a radié la partie de la déclaration qui l’énonce au motif que les allégations étaient « non ciblé[es] et sans fondement factuel » (motifs au para. 38).

[99] L’appel incident porte seulement sur les sous-alinéas 241(4)e)(iv) et 241(4)e)(xii) et les paragraphes 241(9), 241(9.1) et 241(9.5) de la LIR et, à titre subsidiaire, les articles 231.1 et 231.2 de la LIR.

(1) La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur?

[100] L’intimé soutient que, si les renseignements sur un contribuable, obtenus en vertu des pouvoirs de vérification ont été communiqués sur le fondement des dispositions contestées, ces dispositions sont inconstitutionnelles, car elles enfreignent les droits de l’intimé garantis par les articles 7 et 8 de la Charte (déclaration au para. 39).

[101] Le juge des requêtes a examiné brièvement la question de la contestation de la loi. Il a fait remarquer que l’intimé sollicitait « des déclarations générales d’inconstitutionnalité d’une foule de dispositions législatives qui autorisent la diffusion de renseignements sur les contribuables, peu importe que ces dispositions aient été utilisées à l’encontre de leurs intérêts ou qu’elles le soient jamais. […] Il s’agit du genre d’acte de procédure non ciblé et sans fondement factuel que les cours rejettent habituellement » (motifs aux para. 37 et 38).

[102] Je suis d’accord avec le juge des requêtes sur cette question, essentiellement pour les mêmes motifs. La partie de la déclaration qui porte sur la contestation de la loi est manifestement lacunaire.

[103] La prétention de l’intimé est fondée en grande partie sur l’allégation générale selon laquelle l’ARC a communiqué, et continue de communiquer, des renseignements sur le contribuable obtenus grâce aux demandes péremptoires à des [traduction] « organismes d’application de la loi nationaux et internationaux, y compris la DEC, la GRC et le SCRS » (déclaration au para. 37).

[104] Cette allégation ne suffit pas pour compromettre les dispositions contestées. L’intimé soutient que les dispositions contestées relatives à la communication sont inconstitutionnelles, car elles ont permis que les renseignements le concernant soient communiqués. Par conséquent, l’intimé doit préciser dans l’acte de procédure en vertu de quelles dispositions les renseignements ont été communiqués.

[105] Les dispositions contestées relatives à la communication prévoient des exceptions aux règles générales de confidentialité énoncées au paragraphe 241(1) de la LIR. Ces dispositions sont très précises, comme il ressort de ce qui suit :

sous-alinéa 241(4)e)(iv) : [des renseignements peuvent être communiqués afin d’obtenir] un mandat décerné aux termes du paragraphe 21(3) de la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité;

sous-alinéa 241(4)e)(xii) : [des renseignements peuvent être communiqués en conformité avec] une disposition d’un traité fiscal ou d’un accord international désigné;

paragraphe 241(9) : un fonctionnaire peut fournir les renseignements au responsable d’une institution fédérale destinataire si ces renseignements peuvent être utiles à toute enquête visant à vérifier si les activités d’une personne sont de nature à constituer des menaces envers la sécurité du Canada, à toute enquête visant à établir si une infraction de terrorisme peut avoir été commise ou à une enquête sur l’infraction de recyclage de produits de la criminalité liée à une infraction de terrorisme;

paragraphe 241(9.1) : tout fonctionnaire du Service canadien du renseignement de sécurité ou de la Gendarmerie royale du Canada à qui des renseignements, sauf les renseignements désignés sur les donateurs, sont fournis en vue de mener une enquête ou d’intenter une poursuite relative à une infraction de terrorisme, de recyclage de produits de la criminalité liée à une infraction de terrorisme ou pour établir si les activités d’une personne sont de nature à constituer des menaces envers la sécurité du Canada;

paragraphe 241(9.5) : un fonctionnaire peut fournir les renseignements à un agent d’exécution de la loi d’une organisation de police compétente s’il a des motifs raisonnables de croire qu’ils constituent des éléments de preuve d’infractions graves précises, telles que la corruption, le terrorisme, les infractions commises par des organisations criminelles ou une infraction qui prévoit une peine d’emprisonnement déterminée.

[106] Ainsi, la déclaration n’est pas suffisamment étayée en ce qui a trait à la contestation de la loi parce qu’elle ne présente aucun fait substantiel qui, s’il était avéré, établirait que l’ARC a communiqué des renseignements sur le contribuable, concernant l’intimé, en application de ces dispositions.

[107] Le juge des requêtes décrit fort bien la contestation de la loi énoncée dans la déclaration comme étant non ciblée et dépourvue de fondement factuel. En outre, le fait que la portée de cette prétention a été réduite dans l’appel incident ne change rien. Les conclusions tirées par le juge des requêtes sont tout aussi valables en ce qui concerne la contestation de la loi reformulée.

[108] L’intimé a présenté de nombreuses observations sur cette question.

[109] D’abord, il soutient que l’allégation générale de communication de renseignements suffit pour attaquer les dispositions légales contestées. Le juge des requêtes a eu raison de conclure le contraire : « [l]es contestations hypothétiques fondées sur la Charte sont inappropriées parce qu’il n’y a pas de matrice factuelle appuyant les théories juridiques avancées » (motifs au para. 38). Le principe applicable est décrit par la Cour suprême du Canada, en 1989 : « [l]es décisions relatives à la Charte ne doivent pas être rendues dans un vide factuel. Essayer de le faire banaliserait la Charte et produirait inévitablement des opinions mal motivées » (MacKay au para. 9).

[110] En outre, selon l’intimé, point n’est besoin d’énoncer dans la déclaration tous les détails de la communication, car ils seront présentés au procès. Selon lui, il est suffisant d’alléguer que les renseignements sur le contribuable le concernant [traduction] « ont déjà été communiqués aux organismes d’application de la loi, au Canada et à l’étranger, en violation des droits qui lui sont garantis par la Charte ». Je ne suis pas d’accord, car les exigences relatives à un acte de procédure en bonne et due forme s’appliquent également s’il s’agit d’une contestation fondée sur la Charte (Mancuso aux para. 16 et 21). Il serait injuste que l’acte de procédure ne révèle pas les faits substantiels à l’appui de la prétention. Par conséquent, les faits substantiels allégués doivent indiquer les éléments des dispositions dits inconstitutionnels.

[111] Enfin, l’intimé indique que la Cour fédérale a commis une erreur en n’examinant pas la qualité pour agir. La question a été soulevée devant elle, mais elle est muette à ce sujet dans ses motifs. La Cour fédérale n’avait aucune raison de chercher à déterminer si l’intimé avait la qualité pour agir, puisqu’elle a conclu que la partie de l’acte de procédure qui portait sur la contestation de la loi devait être radiée pour d’autres motifs.

[112] Je conclus donc que le juge des requêtes n’a pas commis d’erreur en radiant la partie de la déclaration portant sur la contestation de la loi. Suivant les principes applicables à la radiation d’une action, la contestation de la loi devrait être radiée au motif qu’elle est vexatoire aux termes de la Règle 221(1)c) des Règles ou constitue un abus de procédure suivant la Règle 221 (1)f).

(2) Requête en production de nouveaux éléments de preuve

[113] Quelques jours avant l’audience devant notre Cour, l’intimé a présenté une requête en vue de produire de nouveaux éléments de preuve dans l’appel incident. Le tribunal a rejeté cette requête à l’audience en indiquant que ses motifs suivraient. Les voici.

[114] Les nouveaux éléments de preuve en question consistent en une plainte au criminel étayée d’un affidavit déposée par un agent spécial du FBI à la cour de district du Massachussetts. La plainte a été déposée pour inculper l’intimé et trois autres personnes d’une fraude dans le domaine des valeurs mobilières qui aurait été commise entre 2014 et octobre 2018.

[115] Les allégations sont décrites en détail dans l’affidavit. Il s’agit notamment d’infractions à la législation sur les valeurs mobilières visant ce qui est communément appelé une opération de « gonflage et largage », qui permet aux contrevenants de gonfler artificiellement le cours d’actions à leur avantage.

[116] L’intimé soutient que, si cet élément de preuve était admis, il solliciterait l’autorisation d’ajouter à sa déclaration la prétention portant que les renseignements sur le contribuable ont été communiqués au FBI dans le cadre de cette plainte au criminel. Selon lui, cet élément de preuve concerne l’une des dispositions relatives à la communication, parce que les infractions en matière de valeurs mobilières sont des infractions graves, au sens des divisions 241(9.5)a)(iii)(A) et (B) de la LIR. Aux fins du présent appel incident, je présume que les infractions reprochées sont décrites dans ces dispositions relatives à la communication. Il semble donc que l’intimé affirme être en mesure d’invoquer suffisamment de faits substantiels à l’appui de la contestation de la loi, au moins relativement au paragraphe 241(9.5) en cause.

[117] Les principes à appliquer lorsqu’il s’agit de déterminer si de nouveaux éléments de preuve devraient être admis en appel sont énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Palmer c. la Reine, [1980] 1 R.C.S. 759 à la p. 760 [Palmer] :

(1) On ne devrait généralement pas admettre une déposition qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produite au procès, à condition de ne pas appliquer ce principe général de manière aussi stricte dans les affaires criminelles que dans les affaires civiles : voir McMartin c. La Reine, [1964] R.C.S. 484.

(2) La déposition doit être pertinente, en ce sens qu’elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant au procès.

(3) La déposition doit être plausible, en ce sens qu’on puisse raisonnablement y ajouter foi.

(4) Elle doit être telle que si l’on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat.

[118] Il n’est pas nécessaire d’examiner les trois premiers éléments du critère dégagé dans l’arrêt Palmer puisque le quatrième élément suffit à la Cour pour trancher la requête en production de nouveaux éléments de preuve. Il exige que les allégations révélées par les éléments de preuve proposés, combinées aux autres allégations de la déclaration, pourraient vraisemblablement influer sur l’issue de la requête en radiation.

[119] Je suis d’avis qu’il n’est pas satisfait au quatrième élément du critère énoncé dans l’arrêt Palmer parce que l’intimé n’a pas établi que, compte tenu des nouveaux éléments de preuve, on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que la Cour fédérale estime que la prétention avait un fondement factuel suffisant.

[120] Aux termes de la plainte au criminel, l’intimé aurait enfreint la législation américaine sur les valeurs mobilières ou aurait comploté à cette fin par sa participation à une opération de gonflage et largage. L’intimé indique que les renseignements financiers recueillis seraient utiles à l’enquête du FBI pour brosser un [traduction] « tableau général » visant à déterminer s’il a tiré profit de l’opération illégale.

[121] L’intimé n’a toutefois pas établi que ces renseignements seraient effectivement utiles à l’enquête américaine. À en juger par les nouveaux éléments de preuve, ce n’est pas le cas, et le FBI disposait de suffisamment d’éléments de preuve provenant d’autres sources pour démontrer que l’opération avait généré un profit important pour l’intimé. Les nouveaux éléments de preuve ne mentionnent pas de renseignements obtenus de l’ARC ou du Canada.

[122] Il n’est satisfait au quatrième élément du critère énoncé dans l’arrêt Palmer que si la Cour fédérale est raisonnablement susceptible de conclure qu’il y avait suffisamment de faits à l’appui de la prétention pour que cette dernière survive à une requête en radiation. Cette exigence n’a pas été remplie.

[123] Enfin, s’il n’est pas satisfait à au moins un des quatre critères énoncés dans l’arrêt Palmer, notre Cour dispose tout de même d’un pouvoir résiduel l’habilitant à accorder à une partie l’autorisation de présenter de nouveaux éléments de preuve en appel. La Cour devrait exercer ce pouvoir discrétionnaire seulement dans les « cas les plus clairs », lorsque l’intérêt de la justice l’exige (Brace c. Canada, 2014 CAF 92 au para. 12).

[124] L’intimé n’a présenté aucune observation sur l’opportunité pour notre Cour d’exercer son pouvoir résiduel l’habilitant à examiner de nouveaux éléments de preuve en appel. À mon avis, il ne s’agit pas de l’un des cas les plus clairs où il est dans l’intérêt de la justice que notre Cour autorise la présentation de ces nouveaux éléments de preuve. Notre Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire à cette fin dans le présent appel.

(3) Conclusion

[125] La Cour fédérale a accueilli la requête du ministre en radiation de la déclaration en ce qui a trait à la contestation de la loi, sans autorisation de modification. Il n’y a aucune raison d’infirmer la décision de la Cour fédérale à cet égard. L’acte de procédure relatif à la contestation de la loi est lacunaire, et il n’y a aucune raison de croire qu’une modification suffirait à remédier à ces lacunes.

[126] Par conséquent, je rejetterais l’appel incident.

III. Analyse – autres intimés

[127] La Cour fédérale a conclu qu’il n’était pas nécessaire de rédiger des motifs distincts visant les neuf autres intimés. Cette cour a conclu que leurs prétentions étaient essentiellement semblables à celle de l’intimé, et que les neuf requêtes en radiation devraient subir le même sort que celle concernant l’intimé. Il s’agissait certes d’une approche censée en ce qui a trait à la contestation de la loi, mais pas en ce qui a trait à leurs prétentions fondées sur l’arrêt Jarvis.

[128] En ce qui concerne la contestation de la loi, je suis d’accord avec la Cour fédérale pour dire qu’il n’est pas justifié de l’examiner séparément, car les dossiers des autres intimés ne divergent guère de celui de l’intimé. Les dossiers présentés par les neuf autres intimés étaient également non ciblés et dépourvus de fondement factuel, et je conviens avec le juge des requêtes que les déclarations devaient être radiées sans autorisation de les modifier au même titre que celle de l’intimé. Par conséquent, je rejetterais les appels incidents interjetés par les neuf autres intimés.

[129] Quant aux prétentions fondées sur l’arrêt Jarvis, la Cour fédérale a commis une erreur en concluant qu’elles étaient essentiellement semblables à celle de l’intimé. Par exemple, les neuf autres intimés ont allégué des faits se rapportant à une enquête criminelle, mais ces faits différaient des allégations formulées par l’intimé. Il convient de déterminer si ces différences sont susceptibles d’influer sur l’issue des requêtes en radiation au cas par cas.

[130] Il incombe à la Cour fédérale d’examiner les requêtes en radiation des prétentions fondées sur l’arrêt Jarvis des neuf autres intimés. Par conséquent, j’accueillerais les appels des neuf autres intimés en ce qui a trait aux prétentions fondées sur l’arrêt Jarvis, j’annulerais cette partie de la décision de la Cour fédérale et je renverrais les requêtes à la Cour fédérale pour nouvel examen par un autre juge.

IV. Conclusion et dispositif

A. Intimé

[131] Quant au dossier de l’intimé, j’accueillerais l’appel et je rejetterais l’appel incident, avec dépens dans les deux cas en faveur du ministre. J’annulerais l’ordonnance relative à la prétention fondée sur l’arrêt Jarvis et, en rendant l’ordonnance que la Cour fédérale aurait dû rendre, je radierais la déclaration dans son intégralité, avec dépens devant la Cour fédérale en faveur du ministre. J’accorderais également à l’intimé l’autorisation de déposer une déclaration modifiée, aux conditions énoncées ci-dessus.

B. Autres intimés

[132] Quant aux neuf autres intimés, je ferais droit aux appels et je rejetterais les appels incidents, sans dépens dans les deux cas devant notre Cour. J’annulerais l’ordonnance relative aux prétentions fondées sur l’arrêt Jarvis des autres intimés, et je renverrais les requêtes en radiation de la partie des déclarations portant sur les prétentions fondées sur l’arrêt Jarvis à la Cour fédérale pour nouvel examen par un autre juge.

C. Intitulé

[133] Une des intimées, Mary Hethey, est malheureusement décédée peu de temps avant l’audience devant notre Cour. L’avocat a déposé un avis et un affidavit conformément à la Règle 117(2) des Règles afin de poursuivre l’instance, et le ministre a informé la Cour qu’il ne s’opposerait pas à ce que la succession poursuive l’instance devant notre Cour. Par conséquent, je modifierais l’intitulé de sorte que la succession de Mary Hethey soit désignée comme intimée.

« Judith Woods »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Johanne Gauthier j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Eleanor R. Dawson j.s.c.a. »


ANNEXE

Extraits tirés de la Loi de l’impôt sur le revenu (version actuelle)

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.)

Income Tax Act, R.S.C. 1985, c. 1 (5th Supp.)

SECTION 231.1

SECTION 231.1

231.1(1) Une personne autorisée peut, à tout moment raisonnable, pour l’application et l’exécution de la présente loi, à la fois :

231.1(1) An authorized person may, at all reasonable times, for any purpose related to the administration or enforcement of this Act,

a) inspecter, vérifier ou examiner les livres et registres d’un contribuable ainsi que tous documents du contribuable ou d’une autre personne qui se rapportent ou peuvent se rapporter soit aux renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit à tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi;

(a) inspect, audit or examine the books and records of a taxpayer and any document of the taxpayer or of any other person that relates or may relate to the information that is or should be in the books or records of the taxpayer or to any amount payable by the taxpayer under this Act, and

b) examiner les biens à porter à l’inventaire d’un contribuable, ainsi que tout bien ou tout procédé du contribuable ou d’une autre personne ou toute matière concernant l’un ou l’autre dont l’examen peut aider la personne autorisée à établir l’exactitude de l’inventaire du contribuable ou à contrôler soit les renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi;

(b) examine property in an inventory of a taxpayer and any property or process of, or matter relating to, the taxpayer or any other person, an examination of which may assist the authorized person in determining the accuracy of the inventory of the taxpayer or in ascertaining the information that is or should be in the books or records of the taxpayer or any amount payable by the taxpayer under this Act,

[…]

[…]

SECTION 231.2

SECTION 231.2

231.2(1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et, pour l’application ou l’exécution de la présente loi (y compris la perception d’un montant payable par une personne en vertu de la présente loi), d’un accord international désigné ou d’un traité fiscal conclu avec un autre pays, par avis signifié ou envoyé conformément au paragraphe (1.1), exiger d’une personne, dans le délai raisonnable que précise l’avis :

231.2(1) Notwithstanding any other provision of this Act, the Minister may, subject to subsection (2), for any purpose related to the administration or enforcement of this Act (including the collection of any amount payable under this Act by any person), of a listed international agreement or, for greater certainty, of a tax treaty with another country, by notice sent or served in accordance with subsection (1.1), require that any person provide, within such reasonable time as is stipulated in the notice,

a) qu’elle fournisse tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration de revenu ou une déclaration supplémentaire;

(a) any information or additional information, including a return of income or a supplementary return; or

b) qu’elle produise des documents.

(b) any document.

[…]

[…]

SECTION 241

SECTION 241

241(4) Un fonctionnaire peut :

241(4) An official may

[…]

[…]

e) fournir un renseignement confidentiel, ou en permettre l’examen ou l’accès, en conformité avec les dispositions ou documents suivants, mais uniquement pour leur application :

(e) provide taxpayer information, or allow the inspection of or access to taxpayer information, as the case may be, under, and solely for the purposes of,

[…]

[…]

(iv) un mandat décerné aux termes du paragraphe 21(3) de la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité,

(iv) a warrant issued under subsection 21(3) of the Canadian Security Intelligence Service Act,

(v) une ordonnance rendue en vertu du paragraphe 462.48(3) du Code criminel,

(v) an order made under subsection 462.48(3) of the Criminal Code,

[…]

[…]

(xii) une disposition d’un traité fiscal ou d’un accord international désigné,

(xii) a provision contained in a tax treaty with another country or in a listed international agreement, or

[…]

[…]

241(9) Un fonctionnaire peut fournir les renseignements ciaprès au responsable d’une institution fédérale destinataire figurant à l’annexe 3 de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, ou à un fonctionnaire que le responsable de l’institution désigne pour l’application de cette loi :

241(9) An official may provide to the head of a recipient Government of Canada institution listed in Schedule 3 to the Security of Canada Information Disclosure Act, or to an official designated for the purposes of that Act by the head of that recipient institution,

a) les renseignements d’organismes de bienfaisance accessibles au public;

(a) publicly accessible charity information;

b) des renseignements confidentiels, s’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils seraient utiles aux fins suivantes :

(b) taxpayer information, if there are reasonable grounds to suspect that the information would be relevant to

(i) toute enquête visant à vérifier si les activités d’une personne sont de nature à constituer des menaces envers la sécurité du Canada, au sens de l’article 2 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité,

(i) an investigation of whether the activity of any person may constitute threats to the security of Canada, as defined in section 2 of the Canadian Security Intelligence Service Act, or

(ii) toute enquête visant à établir si l’une des infractions ci-après peut avoir été commise :

(ii) an investigation of whether any of the following offences may have been committed:

(A) une infraction de terrorisme, au sens de l’article 2 du Code criminel,

(A) a terrorism offence as defined in section 2 of the Criminal Code, and

(B) une infraction prévue à l’article 462.31 du Code criminel, si l’enquête en cause est liée à une infraction de terrorisme au sens de l’article 2 de cette loi;

(B) an offence under section 462.31 of the Criminal Code, if that investigation is related to a terrorism offence as defined in section 2 of that Act; and

c) les renseignements établissant les motifs raisonnables mentionnés à l’alinéa b), dans la mesure où ces motifs sont fondés sur les renseignements visés aux alinéas a) ou b).

(c) information setting out the reasonable grounds referred to in paragraph (b), to the extent that any such grounds rely on information referred to in paragraph (a) or (b).

241(9.1) Tout fonctionnaire du Service canadien du renseignement de sécurité ou de la Gendarmerie royale du Canada à qui des renseignements, sauf les renseignements désignés sur les donateurs, sont fournis en conformité avec l’alinéa (4)f.1) peut les utiliser, ou les communiquer à un autre fonctionnaire du Service canadien du renseignement de sécurité ou de la Gendarmerie royale du Canada pour que celui-ci les utilise, en vue :

241(9.1) Information — other than designated donor information — provided to an official of the Canadian Security Intelligence Service or the Royal Canadian Mounted Police, as permitted by paragraph (4)(f.1), may be used by such an official, or communicated by such an official to another official of the Canadian Security Intelligence Service or the Royal Canadian Mounted Police for use by that other official, for the purpose of

a) de mener une enquête pour établir si une infraction prévue aux dispositions ci-après peut avoir été commise, de vérifier l’identité de toute personne pouvant avoir commis une telle infraction ou d’intenter une poursuite relative à une telle infraction :

(a) investigating whether an offence may have been committed, ascertaining the identity of a person or persons who may have committed an offence, or prosecuting an offence, which offence is

(i) les dispositions de la partie II.1 du Code criminel,

(i) described in Part II.1 of the Criminal Code, or

(ii) l’article 462.31 du Code criminel, si l’enquête, la vérification ou la poursuite en cause est liée à une enquête, à une vérification ou à une poursuite relatives à une infraction prévue à la partie II.1 de cette loi;

(ii) described in section 462.31 of the Criminal Code, if that investigation, ascertainment or prosecution is related to an investigation, ascertainment or prosecution in respect of an offence described in Part II.1 of that Act; or

b) de mener une enquête pour établir si les activités d’une personne sont de nature à constituer des menaces envers la sécurité du Canada, au sens de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.

(b) investigating whether the activities of any person may constitute threats to the security of Canada, as defined in section 2 of the Canadian Security Intelligence Service Act.

[…]

[…]

241(9.5) Un fonctionnaire peut fournir les renseignements ci-après à un agent d’exécution de la loi d’une organisation de police compétente :

241(9.5) An official may provide to a law enforcement officer of an appropriate police organization

a) des renseignements confidentiels, si le fonctionnaire a des motifs raisonnables de croire qu’ils constituent des éléments de preuve d’une action ou d’une omission commise au Canada ou à l’étranger qui, si elle était commise au Canada, constituerait :

(a) taxpayer information, if the official has reasonable grounds to believe that the information will afford evidence of an act or omission in or outside of Canada that, if committed in Canada, would be

(i) une infraction prévue à l’une des dispositions suivantes :

(i) an offence under any of

(A) l’article 3 de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers,

(A) section 3 of the Corruption of Foreign Public Officials Act,

(B) les articles 119 à 121, 123 à 125 et 426 du Code criminel,

(B) sections 119 to 121, 123 to 125 and 426 of the Criminal Code,

(C) l’article 465 du Code criminel, relativement à une infraction visée à la division (B),

(C) section 465 of the Criminal Code as it relates to an offence described in clause (B), and

(D) les articles 144, 264, 271, 279, 279.02, 281 et 333.1, les alinéas 334a) et 348(1)e) et les articles 349, 435 et 462.31 du Code criminel,

(D) sections 144, 264, 271, 279, 279.02, 281 and 333.1, paragraphs 334(a) and 348(1)(e) and sections 349, 435 and 462.31 of the Criminal Code,

(ii) une infraction de terrorisme ou une infraction d’organisation criminelle, au sens de l’article 2 du Code criminel, passible d’une peine maximale d’emprisonnement de dix ans ou plus,

(ii) a terrorism offence or a criminal organization offence, as those terms are defined in section 2 of the Criminal Code, for which the maximum term of imprisonment is 10 years or more, or

(iii) une infraction passible :

(iii) an offence

(A) d’une peine minimale d’emprisonnement,

(A) that is punishable by a minimum term of imprisonment,

(B) d’une peine maximale d’emprisonnement de quatorze ans ou d’emprisonnement à perpétuité,

(B) for which the maximum term of imprisonment is 14 years or life, or

(C) d’une peine maximale d’emprisonnement de dix ans, et, selon le cas :

(C) for which the maximum term of imprisonment is 10 years and that

(I) dont la perpétration entraîne des lésions corporelles,

(I) resulted in bodily harm

(II) qui met en cause l’importation, l’exportation, le trafic ou la production de drogues,

(II) involved the import, export, trafficking or production of drugs, or

(III) qui met en cause l’usage d’une arme;

(III) involved the use of a weapon; and

b) les renseignements établissant les motifs raisonnables mentionnés à l’alinéa a), dans la mesure où ces motifs sont fondés sur les renseignements visés à cet alinéa.

(b) information setting out the reasonable grounds referred to in paragraph (a), to the extent that any such grounds rely on information referred to in that paragraph.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossiers :

A-166-20, A-169-20, A-170-20, A-171-20, A-172-20, A-173-20, A-174-20, A-175-20, A-176-20 et A-177-20

 

DOSSIER :

A-166-20

 

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. FREDERICK SHARP

 

 

ET DOSSIER :

A-169-20

 

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. SUCCESSION DE MARY HETHEY

 

 

ET DOSSIER :

A-170-20

 

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. RICHARD HETHEY

 

 

ET DOSSIER :

A-171-20

 

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. BRUCE GASARCH

 

 

ET DOSSIER :

A-172-20

 

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. ZHIYING Y. GASARCH

 

 

ET DOSSIER :

A-173-20

 

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. CHARTERHOUSE CAPITAL INC.

 

 

ET DOSSIER :

A-174-20

 

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. DANIEL BLAQUIERE

 

 

ET DOSSIER :

A-175-20

 

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. TERESA SHARP

 

 

ET DOSSIER :

A-176-20

 

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. SHAMSHER G. HIRJI

 

 

ET DOSSIER :

A-177-20

 

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. FREDRICK COOMBES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 17 et 18 novembre 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE WOODS

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE SUPPLÉANTE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 27 juillet 2022

 

COMPARUTIONS :

Carl Januszczak

Neva Beckie

 

POUR L’APPELANT

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

Allan L. Doolittle

Scarlett J. Smith

 

POUR LES INTIMÉS

FREDERICK SHARP et TERESA SHARP

 

Gregory P. DelBigio, c.r.

Jennifer Flood

 

POUR LES INTIMÉS

SUCCESSION DE MARY HETHEY, RICHARD HETHEY, DANIEL BLAQUIERE ET FREDERICK COOMBES

 

Eric V. Gottardi, c.r.

Mark Iyengar

 

POUR LES INTIMÉS

BRUCE GASARCH ET ZHLYING Y. GASARCH

 

Joven Narwal

Emily Wunda

 

POUR LES INTIMÉS

CHARTERHOUSE CAPITAL INC. ET SHAMSHER G. HIRJI

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANT

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

Gudmundseth Mickelson LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES INTIMÉS

FREDERICK SHARP et TERESA SHARP

 

Thorsteinssons LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES INTIMÉS

SUCCESSION DE MARY HETHEY, RICHARD HETHEY, DANIEL BLAQUIERE ET FREDERICK COOMBES

 

Peck and Company, avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES INTIMÉS

BRUCE GASARCH ET ZHLYING Y. GASARCH

 

Narwal Litigation LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES INTIMÉS

CHARTERHOUSE CAPITAL INC. ET SHAMSHER G. HIRJI

 

 

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