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Date : 20220915


Dossier : A-210-21

Référence : 2022 CAF 155

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE LOCKE

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

 

ENTRE :

LA GUILDE DE LA MARINE MARCHANDE DU CANADA

demanderesse

et

ALGOMA CENTRAL CORPORATION, ALGOMA GREAT LAKES SHIPPING INC., LE SYNDICAT INTERNATIONAL DES MARINS CANADIENS et

UNIFOR

défendeurs

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 15 septembre 2022.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE MACTAVISH

 


Date : 20220915


Dossier : A-210-21

Référence : 2022 CAF 155

CORAM :

LE JUGE LOCKE

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

 

ENTRE :

LA GUILDE DE LA MARINE MARCHANDE DU CANADA

demanderesse

et

ALGOMA CENTRAL CORPORATION, ALGOMA GREAT LAKES SHIPPING INC., LE SYNDICAT INTERNATIONAL DES MARINS CANADIENS et

UNIFOR

défendeurs

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2022.)

LA JUGE MACTAVISH

[1] La Guilde de la marine marchande du Canada demande le contrôle judiciaire de la décision rendue par le Conseil canadien des relations industrielles relative au réexamen d’une décision antérieure, ainsi que de la décision antérieure.

[2] Dans une décision rendue le 12 mai 2020 (la décision initiale), le Conseil a rejeté une demande conjointe présentée par la Guilde et la défenderesse, Algoma Central Corporation (ACC), sous le régime des articles 18.1 et 45 du Code canadien du travail (le Code), L.R.C. (1985), ch. L-2. Ces parties demandaient la fusion de quatre unités de négociation en deux unités regroupées par classification et représentant des employés d’ACC et de la société Algoma Great Lakes Shipping Inc. Dans une décision rendue le 14 juillet 2021 (la décision relative au réexamen), le Conseil a rejeté la demande de la Guilde qui sollicitait le réexamen de sa décision initiale.

[3] La Guilde soutient premièrement que la décision initiale et la décision relative au réexamen sont entachées d’erreurs susceptibles de révision.

[4] Il n’y a pas lieu, en l’espèce, de procéder à une longue analyse fondée sur la norme de contrôle. La Guilde fait valoir que, dans sa décision initiale, le Conseil a conclu, à tort, qu’aucune disposition du Code ne l’autorisait à accréditer une unité de négociation multipatronale. Or, même si le Conseil a commis une erreur à ce sujet dans sa décision initiale, cette erreur a été corrigée par la décision relative au réexamen. Dans cette dernière décision, le Conseil a expressément noté que les articles 33, 34 et 35 du Code l’autorisent à délivrer une accréditation à des unités de négociation multipatronales dans certaines circonstances précises. Le Conseil a ensuite raisonnablement conclu qu’il n’était pas satisfait en l’espèce aux exigences de ces dispositions. Il n’était donc pas autorisé à délivrer les certificats d’accréditation multipatronale demandés par la Guilde et ACC. Nous ne sommes pas convaincus que le Conseil a commis une erreur sur ce point.

[5] Deuxièmement, la Guilde affirme que la décision initiale du Conseil était déraisonnable, car elle faisait fi de l’article 45 du Code qui permet la révision d’unités de négociation en cas de vente d’une entreprise ou de changements opérationnels. Cependant, ainsi qu’il est mentionné dans la décision relative au réexamen, un examen de la décision initiale n’étaye pas un tel argument. Dans la première, le Conseil renvoie expressément aux arguments fondés sur l’article 45 du Code qui ont été invoqués par les parties, ce qui indique qu’il avait parfaitement compris les prétentions de la Guilde et d’ACC. Le Conseil a plutôt tranché la question sur un autre fondement, à savoir le pouvoir du Conseil d’accorder la mesure de redressement demandée. En rendant sa décision relative au réexamen, le Conseil a étudié plus à fond l’argument fondé sur l’article 45 invoqué par la Guilde, mais n’a pas non plus fondé sa décision sur ce point.

[6] Troisièmement, la Guilde affirme que, dans son analyse, le Conseil a confondu, à tort, les articles 18.1 et 45 du Code, au lieu d’examiner chacune de ces dispositions séparément. L’article 18.1 du Code permet au Conseil de réviser la structure des unités de négociation s’il est convaincu que ces unités ne sont plus habiles à négocier collectivement. Selon la Guilde, le Conseil a, de ce fait, commis une erreur cruciale, car l’article 45 du Code impose un critère moins rigoureux que l’article 18.1 en la matière.

[7] Nous ne sommes pas convaincus que le Conseil a commis une erreur à cet égard. En outre, quoi qu’il en soit, comme le souligne le Conseil dans sa décision relative au réexamen, sa décision initiale ne s’attachait pas à déterminer si le critère applicable avait ou non été rempli. Il avait plutôt conclu qu’il n’était pas habilité à rendre une ordonnance d’accréditation unique visant les employés de deux employeurs distincts dans les circonstances de l’espèce – une conclusion qui a été confirmée par le Conseil lors du réexamen de sa décision initiale.

[8] Quatrièmement, la Guilde affirme que le refus du Conseil de rendre l’ordonnance demandée avec le consentement des parties est déraisonnable, car cette décision a été fondée sur des observations de tiers intervenants – le Syndicat International des Marins Canadiens et Unifor. Certes, dans une affaire portant sur une politique liée aux relations de travail, il est généralement fait droit aux ententes négociées entre les parties, et les parties sont encouragées à résoudre leurs différends à l’amiable – une valeur dont est empreint le Code même. Cela dit, le Conseil doit néanmoins s’assurer que la loi lui confère le pouvoir nécessaire pour accorder la mesure de redressement demandée, et ce pouvoir ne peut être conféré à un organe judiciaire ou quasi judiciaire par le truchement d’une entente entre les parties : voir, par exemple, Hillier c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 44, par. 4; Pfizer Canada Inc. c. Teva Canada Limited, 2016 CAF 218, par. 6 et 7.

[9] Enfin, nous rejetons la prétention de la Guilde selon laquelle le refus du Conseil de modifier sa décision initiale était déraisonnable. Le Conseil a clairement énoncé chacun des arguments invoqués par la Guilde et a expliqué pourquoi il n’était pas convaincu par ces derniers. Son analyse a donc tenu compte des observations de la Guilde et elle était justifiée, transparente et intelligible; elle répond ainsi aux exigences d’une décision raisonnable qui ont été énoncées par la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65.

[10] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire de la Guilde est rejetée, le tout avec dépens.

« Anne L. Mactavish »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-210-21

 

INTITULÉ :

LA GUILDE DE LA MARINE MARCHANDE DU CANADA c. ALGOMA CENTRAL CORPORATION, ALGOMA GREAT LAKES SHIPPING INC., LE SYNDICAT INTERNATIONAL DES MARINS CANADIENS et UNIFOR

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 septembre 2022

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE LOCKE

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE MACTAVISH

COMPARUTIONS

Sarah Molyneaux

Pour la demanderesse

David Borins

Pour le défendeur

SYNDICAT INTERNATIONAL DES MARINS CANADIENS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

McMahon Molyneaux Henriquez

Hamilton (Ontario)

Pour la demanderesse

Hicks Morley Hamilton Stewart Storie LLP

Toronto (Ontario)

Pour les défenderesses

ALGOMA CENTRAL CORPORATION, ALGOMA GREAT LAKES SHIPPING INC.

Borins & Company

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

SYNDICAT INTERNATIONAL DES MARINS CANADIENS

 

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