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Date : 20220915


Dossier : A-233-20

Référence : 2022 CAF 154

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

CONTACT LENS KING INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

Audience tenue à Montréal (Québec), le 8 juin 2022.

Jugement rendu à Montréal (Québec), le 15 septembre 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LEBLANC

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON


Date : 20220915


Dossier : A-233-20

Référence : 2022 CAF 154

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

CONTACT LENS KING INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LEBLANC

[1] L’appelante, une société non résidente exploitant une entreprise de vente de lentilles cornéennes en ligne, conteste un jugement du juge Guy R. Smith de la Cour canadienne de l’impôt (la CCI) rendu en date du 28 juillet 2020 (motifs modifiés le 31 juillet 2020) et répertorié à 2020 CCI 71 (la Décision). Le débat devant le juge Smith (ou le juge de la CCI) portait essentiellement sur la question de savoir si la fourniture de telles lentilles à des clients résidant au Canada constitue une fourniture détaxée au sens de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, c. E-15 (la Loi), et plus particulièrement, de l’article 9 de la Partie II de l’Annexe VI de la Loi (l’Article 9).

[2] Une fourniture détaxée est une fourniture taxée à un taux nul, faisant en sorte que le fournisseur qui la délivre n’a pas à percevoir la taxe sur les produits et services (la TPS) sur cette fourniture. Au cas contraire, la TPS est percevable par le fournisseur, comme le prévoit le paragraphe 221(1) de la Loi. Dans le cas d’un fournisseur étranger, cette obligation, lorsqu’il est question de fournitures taxables toujours, s’impose si, comme le stipule l’alinéa 143(1)b) de la Loi, celui-ci est « inscrit » au fichier de la TPS, ce qui est le cas de l’appelante.

[3] L’Article 9 se lit comme suit :

Annexe VI, Partie II

Schedule VI, Part II

9 La fourniture de lunettes ou de lentilles cornéennes, lorsqu’elles sont fournies ou destinées à être fournies sur l’ordonnance écrite d’une personne, ou conformément au dossier d’évaluation établi par une personne, pour le traitement ou la correction d’un trouble visuel du consommateur qui y est nommé et que la personne est autorisée par les lois de la province où elle exerce à prescrire des lunettes ou des lentilles cornéennes, ou à établir un dossier d’évaluation devant servir à délivrer des lunettes ou des lentilles cornéennes, pour le traitement ou la correction du trouble visuel du consommateur.

9 A supply of eyeglasses or contact lenses if the eyeglasses or contact lenses are, or are to be, supplied under the authority of a prescription prepared, or an assessment record produced, by a person for the treatment or correction of a defect of vision of a consumer named in the prescription or assessment record and the person is entitled under the laws of the province in which the person practises to prescribe eyeglasses or contact lenses, or to produce an assessment record to be used for the dispensing of eyeglasses or contact lenses, for the treatment or correction of the defect of vision of the consumer.

[4] Le juge de la CCI a statué que pour bénéficier de la détaxation, l’appelante devait obtenir et conserver une copie de l’ordonnance ou du dossier d’évaluation (la Prescription) émanant d’un professionnel de la santé, à laquelle réfère l’Article 9, seule façon, selon lui, pour l’intimé, ici représenté par la ministre du Revenu national (la Ministre), de conclure que les clients canadiens de l’appelante ont en main une Prescription pour le traitement et la correction d’un trouble visuel. Le juge de la CCI a conclu que cette exigence s’imposait comme condition essentielle à la détaxation des fournitures en cause, d’un examen du texte, du contexte et de l’objet de l’Article 9 de même que de l’obligation de maintenir des registres, laquelle découlerait aussi dudit Article et, subsidiairement, du paragraphe 286(1) de la Loi.

[5] L’appelante soutient que le juge de la CCI a erré dans son interprétation de ces deux dispositions de la Loi, lesquelles, selon elle, ne lui imposent aucune obligation d’obtenir et conserver de sa clientèle canadienne une copie de la Prescription dont fait état l’Article 9. Elle prétend également que l’interprétation retenue par le juge de la CCI est contraire à la politique fiscale sous-jacente à la détaxation générale des fournitures de lentilles cornéennes. Enfin, l’appelante reproche au juge de la CCI de ne pas avoir pris en considération la preuve au dossier démontrant que sa clientèle canadienne, pour être en mesure de passer auprès d’elle une commande de lentilles cornéennes pour le traitement ou la correction d’un trouble visuel, doit nécessairement être en possession d’une Prescription, puisqu’elle doit fournir à l’appelante des informations biométriques pointues que l’on ne peut normalement trouver ailleurs que dans une Prescription.

[6] Pour sa part, la Ministre, bien qu’elle ait concédé à l’audience que l’Article 9 ne va pas jusqu’à dire que le fournisseur doit absolument obtenir et conserver une copie de la Prescription, soutient que cette disposition requiert, à tout le moins, une preuve raisonnable de son existence, ce que l’appelante, selon elle, n’a pas réussi à faire, la preuve qu’elle a présentée à cet égard étant purement conjecturelle. Il n’y a dès lors pas lieu, plaide la Ministre, d’interférer avec la décision du juge de la CCI.

[7] Pour les motifs exposés ci-après, je suis d’avis que l’appelante n’était pas tenue par la Loi d’obtenir et conserver une copie des Prescriptions liées aux fournitures en cause, mais qu’elle se devait tout de même d’en prouver l’existence au moyen d’une preuve suffisante et crédible. À ce dernier égard, j’estime, en revanche, qu’en concluant que l’appelante n’avait pas rencontré ce fardeau, le juge de la CCI n’a commis aucune erreur justifiant l’intervention de notre Cour.

I. Contexte

[8] Les faits pertinents à la présente affaire sont relativement simples et ne sont, à toutes fins utiles, pas contestés. Ils sont consignés, en partie, dans une entente déposée par les parties devant le juge de la CCI et sont notamment fondés sur l’information contenue au site Web opéré par l’appelante aux fins de ses activités commerciales (le Site transactionnel) et sur le témoignage du président de cette dernière, M. Samir Gad, seul témoin entendu au procès.

[9] Ces faits peuvent se résumer comme suit :

a) L’appelante est une compagnie incorporée aux États-Unis; elle est en activité depuis le début des années 2000; elle est revendeuse autorisée de quatre grandes marques de lentilles cornéennes; ses clients sont des gens qui souhaitent renouveler leur provision de lentilles cornéennes à un prix avantageux;

b) L’appelante effectue la majorité de ses ventes aux États-Unis, mais compte, depuis quelques années, une clientèle au Canada; depuis 2013, elle est inscrite, aux termes de la Loi, aux fichiers de la TPS; à ce titre, elle produit auprès de la Ministre des rapports trimestriels sur ses ventes canadiennes; ces rapports montrent qu’elle ne perçoit pas la TPS sur lesdites ventes; elle ne la perçoit pas parce qu’elle considère qu’il s’agit là de fournitures détaxées;

c) En décembre 2014, la Ministre entreprend une vérification des affaires de l’appelante, laquelle vise les trois premiers trimestres de 2014; cette vérification mène à l’émission d’avis de cotisation, la Ministre étant d’avis que les ventes effectuées au Canada par l’appelante pendant cette période ne constituent pas des fournitures détaxées puisque l’appelante, qui ne requiert pas de sa clientèle canadienne une copie de la Prescription visée par l’Article 9, n’est pas en mesure d’en faire la preuve;

d) Effectivement, lorsque l’appelante vend des lentilles cornéennes à un client se trouvant au Canada, cette personne—contrairement à ce qui est le cas aux États-Unis, où la loi, le Fairness Contact Lens Consumer Act, en fait une obligation—n’a pas à chercher à faire valider sa Prescription par un professionnel de la santé; l’appelante ne le requiert pas non plus, notamment pour des raisons de compétitivité, et ne vérifie pas si l’information biométrique consignée au bon de commande correspond à celle apparaissant à la Prescription ou encore si celle-ci est toujours valide;

e) En revanche, pour que l’appelante puisse donner suite à la commande d’un client canadien, cette personne doit pouvoir lui fournir l’information biométrique—telle que la courbure de base, le diamètre et la puissance pour chaque œil—que l’on ne retrouve normalement que dans une Prescription ou, à défaut, sur la boîte des lentilles cornéennes dont le renouvellement est souhaité.

[10] Le montant de TPS que l’appelante aurait omis de percevoir pour la période de vérification en cause se chiffre à 29 770,97 $.

II. La Décision

[11] Notant que l’Article 9 n’avait jamais fait l’objet d’une interprétation judiciaire auparavant, le juge de la CCI a procédé à l’analyse de cette disposition en appliquant le principe d’interprétation des lois bien connu suivant lequel « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (Décision au para. 32, citant Elmer A. Driedger, Construction of Statutes, 2e éd., Toronto, Butterworths, 1983 à la p. 87 (Driedger)). Il a toutefois souligné, citant cette fois l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Placer Dome Ltd. c. Ontario (Ministre des finances), 2006 CSC 20, [2006] 1 R.C.S. 715 au para. 21 (Placer Dome), que le caractère détaillé et précis de nombreuses dispositions fiscales « a souvent incité à mettre davantage l’accent sur l’interprétation textuelle » (Décision au para. 33).

[12] Après avoir dressé la liste de ce qu’elle considérait être les cinq conditions de détaxation prévues à l’Article 9, le juge de la CCI a déterminé que l’appelante, pour pouvoir en bénéficier, devait faire la preuve de chaque composante et ne pouvait, par conséquent, les tenir pour acquises. Une analyse textuelle de la disposition démontre d’ailleurs, selon le juge de la CCI, que si un fournisseur n’obtient pas de son client, comme c’est le cas de l’appelante, la preuve qu’une Prescription a été établie pour ce client, il n’est pas en mesure de vérifier si (i) la commande de lentilles y est conforme, (ii) la Prescription est émise par une personne autorisée, (iii) qu’elle l’est pour le client qui y est nommé, et que (iv) les lentilles commandées vont servir au traitement ou à la correction d’un trouble de la vue (Décision au para. 36). L’Article 9, ajoute-t-il, ne s’applique pas différemment parce que l’appelante n’offre qu’un service de remplacement de lentilles cornéennes (Décision au para. 40).

[13] Le juge de la CCI a ensuite déterminé que cette lecture du texte de l’Article 9 était en parfaite harmonie avec l’objet de la Partie II de l’Annexe VI de la Loi, qui, selon lui, contrairement aux appareils vendus pour des fins cosmétiques, esthétiques ou non médicales, est de détaxer la fourniture d’appareils médicaux, à la condition que ceux-ci soient fournis par, ou sous la supervision, d’un professionnel de la santé (Décision aux paras. 42–43). Cela suppose, selon le juge de la CCI, l’existence d’une Prescription établie par un professionnel de la santé (Décision au para. 46). Pour le fournisseur qui n’est pas en mesure de faire la preuve de l’existence de cette Prescription, la fourniture de tels appareils est taxable (Décision au para. 47).

[14] En concluant de la sorte, le juge de la CCI a rejeté l’argument de l’appelante suivant lequel l’intention du législateur était de détaxer la fourniture de lentilles cornéennes peu importe la manière dont celles-ci sont vendues au Canada, puisque la simple livraison de telles lentilles au Canada n’est pas un acte réservé aux professionnels de la santé par les lois provinciales. Ce faisant, il a écarté des décisions de cours d’appel provinciales établissant que la simple vente de lentilles cornéennes d’une entreprise ayant pignon sur rue dans une province à un client résidant dans une autre province ne constituait ni une contravention aux lois régissant le domaine de l’optométrie, ni un exercice illégal de cette discipline. En effet, selon le juge de la CCI, le caractère taxable ou non des lentilles cornéennes vendues au Canada par l’appelante ne dépend pas de la conformité de ses activités commerciales à la réglementation provinciale applicable; il ne dépend que de l’interprétation de l’Article 9 (Décision au para. 56).

[15] Finalement, le juge de la CCI s’est dit d’avis que la nécessité d’obtenir et de conserver une copie de la Prescription liée à la livraison de lentilles cornéennes à un client canadien découlait aussi de l’obligation de l’appelante de maintenir des registres, obligation trouvant également sa source, selon lui, dans le texte de l’Article 9, mais aussi dans celui du paragraphe 286(1) de la Loi, tel qu’en fait foi la jurisprudence de la CCI qui a reconnu à maintes reprises l’obligation de maintenir des registres en lien avec des fournitures détaxées (Décision aux paras. 62–66).

[16] Sa conclusion n’aurait pas été différente, estime le juge de la CCI, même en acceptant la prétention de l’appelante voulant qu’il soit raisonnable de tenir pour acquis qu’un client, lorsque la commande est passée, a en sa possession une Prescription, puisque dans un tel scénario, il lui serait impossible de vérifier si la Prescription est périmée. Quoi qu’il en soit, conclut le juge de la CCI, la preuve testimoniale au dossier ne permet pas d’établir que l’appelante a fourni une preuve raisonnable que ses clients canadiens étaient en possession d’une Prescription au sens de l’Article 9 au moment de passer leur commande de lentilles cornéennes (Décision aux paras. 61–62).

[17] En somme, il ne suffit pas, suivant le juge de la CCI, que « le site internet de l’appelante informe le consommateur de la nécessité d’avoir une [Prescription] valide ». Encore faut-il, pour que les fournitures en cause soient détaxées, que l’appelante en obtienne et en conserve elle-même une copie, seule façon, selon lui, permettant de conclure « que le consommateur a en main une [Prescription] “pour le traitement ou la correction d’un trouble visuel” » (Décision au para. 69).

III. Questions en litige et norme de contrôle

[18] L’appelante estime que le présent appel soulève cinq questions; la Ministre, deux. À mon sens, cette affaire soulève les deux questions suivantes :

a) Le juge de la CCI a-t-il commis une erreur en concluant que, pour que la fourniture de lentilles cornéennes à sa clientèle canadienne soit détaxée, l’appelante devait obtenir, et conserver, une copie de la Prescription démontrant, pour chaque client, que lesdites lentilles doivent servir au traitement ou la correction d’un trouble visuel ?

b) Si le juge de la CCI a erré en concluant de la sorte, le juge de la CCI a-t-il par ailleurs erré en jugeant que l’appelante n’avait pas réussi à fournir une preuve raisonnable de l’existence de telles Prescriptions en lien avec les fournitures effectuées au cours de la période de vérification en cause ?

[19] Il est désormais bien établi que la norme de contrôle applicable en appel à la première question en litige—une question d’interprétation législative—est celle de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 au para. 8 (Housen); Canada c. Villa Ste-Rose inc., 2021 CAF 35, [2021] A.C.F. no174 (QL) au para. 27 (Villa Ste-Rose)). Quant à la seconde question, une question de faitou mixte de fait et de droit, elle n’est révisable, toujours suivant l’arrêt Housen, qu’en présence d’une erreur manifeste et dominante (Housen au para. 28).

IV. Analyse

A. L’appelante n’était pas tenue par la Loi, comme condition sine qua none de la détaxation, d’obtenir et de conserver une copie des Prescriptions liées aux fournitures en cause

a) Elle n’y était pas tenue aux termes de l’Article 9

[20] Le juge de la CCI a bien identifié les différentes composantes de l’Article 9. C’est ainsi que pour être détaxée, la fourniture de lentilles cornéennes doit répondre aux caractéristiques suivantes :

a) Les lentilles doivent être soit fournies sur l’ordonnance écrite d’une personne, ou conformément au dossier d’évaluation établi par une personne, soit destinées à l’être;

b) Les personnes délivrant l’ordonnance, ou celles établissant le dossier d’évaluation, doivent être autorisées par les lois de la province où elles exercent à prescrire des lentilles cornéennes, ou à établir un dossier d’évaluation devant servir à délivrer des lentilles cornéennes;

c) Le consommateur doit être nommé à l’ordonnance ou au dossier d’évaluation; et

d) L’ordonnance—ou le dossier d’évaluation—doit être établi pour le traitement ou la correction d’un trouble visuel.

[21] Personne ne conteste que la présence de chacun de ces éléments est nécessaire à la détaxation d’une fourniture de lentilles cornéennes. La question que pose le présent pourvoi est plutôt celle de savoir ce qui est requis pour en faire la démonstration. Le juge de la CCI estime, comme nous l’avons vu, que le fournisseur doit obtenir, et conserver, une copie de la Prescription. Il s’agit là, selon lui, d’une condition essentielle. En d’autres termes, sans cette documentation, point de salut : la fourniture est taxable.

[22] L’Article 9 contient-il cette exigence, sans laquelle la détaxation ne serait pas démontrable ? L’appelante estime que non puisque, notamment, ce serait là ajouter au texte de cette disposition, et la Ministre, comme on l’a vu, concède, en quelque sorte, que l’Article 9 ne va pas jusqu’à exiger, comme condition sine qua non, que le fournisseur obtienne et conserve une copie de la Prescription. Tout au plus, selon ce que la Ministre a plaidé à l’audience, la conservation de la Prescription permet au fournisseur d’offrir la « meilleure preuve » que les conditions d’ouverture à la détaxation sont satisfaites.

[23] À mon avis, et ceci dit avec égards, le juge de la CCI a fait fausse route en étendant la portée de l’Article 9 de la sorte.

[24] Comme l’exige la méthode moderne d’interprétation des lois, il nous faut lire les termes de l’Article 9 « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la [L]oi, l’objet de la [L]oi et l’intention du législateur » (Driedger à la p. 87, cité au paragraphe 32 de la Décision).

[25] Comme cette Cour le rappelait récemment dans Villa Ste-Rose, une affaire mettant également en cause la Loi, ce mode d’interprétation « s’applique maintenant tout autant aux lois fiscales qu’aux autres lois » (Villa Ste-Rose au para. 39, citant Placer Dome au para. 21, et référant à Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601 aux para. 10-11; Canada c. Cheema, 2018 CAF 45, [2018] 4 R.C.F. 328 au para. 73; voir aussi Pierre-André Côté et Mathieu Devinat, Interprétation des lois, 5e éd, Montréal, Thémis, 2021 aux pp. 541–44 (Côté & Devinat)).

[26] Concernant plus particulièrement le rôle du texte d’une loi fiscale dans ce processus d’interprétation, la Cour rappelait aussi que bien qu’il puisse y jouer un rôle primordial lorsqu’il est « précis et non équivoque », l’analyse du contexte et de l’objet de la loi « demeure par ailleurs utile en toute circonstance puisqu’elle peut permettre de révéler ou de dissiper une ambiguïté latente dans un texte qui peut sembler non ambigu à première vue » (Villa Ste-Rose au para. 40, citant Placer Dome aux paras. 21–22).

[27] Comme le souligne l’appelante, le texte de l’Article 9 ne contient aucune référence explicite au fait que le fournisseur de lentilles cornéennes doive obtenir de ses clients, et par la suite conserver, une copie de la Prescription. Il y a donc un risque, ici, que l’interprétation retenue par le juge de la CCI ajoute au texte de l’Article 9, ce que les tribunaux doivent se garder de faire. En d’autres termes, ceux-ci, sous prétexte de l’interpréter, ne peuvent insérer au texte de la loi des termes qui ne s’y trouvent pas. C’est là le rôle du législateur, et non celui des tribunaux (Wilson c. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), 2015 CSC 47, [2015] 3 R.C.S. 300 au para. 27, citant R. c. McIntosh, [1995] 1 R.C.S. 686, [1995] A.C.S. no16 (QL) à la p. 701). Il y a donc lieu de redoubler de prudence face à une interprétation qui, comme ici, paraît ajouter au texte de loi.

[28] Mais quoi qu’il en soit, quelques éléments de contexte militent, à mon sens, à l’encontre de l’interprétation retenue par le juge de la CCI, soit l’objectif poursuivi par le législateur en adoptant la Partie II de l’Annexe VI de la Loi, la structure interne de la Loi et, bien qu’il n’ait pas, selon moi, la portée que lui donne l’appelante, l’amendement apporté au texte de l’Article 9 en 1999.

b) L’objectif de la Partie II de l’Annexe VI

[29] Même si la Loi établit comme règle que toute fourniture est taxable et, donc, que la détaxation constitue, comme le plaide la Ministre, une exception à cette règle, l’objectif poursuivi par le Parlement, en adoptant la Partie II de l’Annexe VI de la Loi, qui traite de la détaxation des fournitures d’appareils médicaux et d’appareils fonctionnels, semble avoir été d’alléger le fardeau économique de personnes souffrant d’un handicap ou d’une déficience et pour qui ces appareils sont une nécessité, un objectif à caractère social qui milite en faveur d’une interprétation généreuse de l’Article 9.

[30] C’est du moins l’avis de l’expert en fiscalité et auteur David Sherman, selon qui il n’y a pas de raison de traiter différemment, sur le plan de leur interprétation, les dispositions de la Partie II de l’Annexe VI de la Loi et des articles 118.2 à 118.4 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1 (5e supp.), portant sur les crédits d’impôt pour frais médicaux et pour déficience mentale et physique, lesquels doivent, selon un principe entériné par cette Cour dans l’affaire Johnston c. Canada, [1998] A.C.F. no169 (QL), 52 D.T.C. 6169, recevoir une interprétation large et libérale, et non étroite et technique (David M. Sherman, « Sch. VI – Part II – Medical and Assistive Devices: C. Liberal Interpretation Required » dans Canada GST Service: Analysis/Commentary, Toronto, Thomson Reuters, 1990 à la p. VI-173 (Sherman, « Sch. VI – Part II »)).

[31] Comme le souligne David Sherman, ce même principe a été aussi entériné par les tribunaux ontariens dans le contexte d’exemptions de taxation prévues à la Loi sur la taxe de vente au détail, L.R.O. 1990, c. R.31, et lié à l’achat d’équipement médical au bénéfice de personnes souffrant d’un handicap, d’une déficience ou d’un problème chronique. On y a jugé que ces exemptions reflétaient des valeurs sociales importantes qui justifiaient qu’elles soient interprétées généreusement (Toronto Transit Commission v. Ontario (Finance), 2008 CanLII 67910, [2008] O.J. no 5251 (QL) (ONSC) au para. 68, conf. par 2009 ONCA 658, [2009] O.J. no 3771 (QL); Sherman, « Sch. VI – Part II » aux pp. VI-173 et VI-174).

[32] Je ne vois pas, moi non plus, en quoi les dispositions de la Partie II de l’Annexe VI de la Loi ne devraient pas, compte tenu de l’objectif qui les sous-tend, être interprétées elles aussi, dans la mesure où leur texte le permet, largement et libéralement. En l’espèce, cet élément de contexte semble avoir échappé au juge de la CCI, qui n’en fait aucunement mention dans la Décision. Cela, à mon sens, fragilise sa lecture de l’Article 9 imposant à l’appelante un fardeau aussi strict de démonstration du statut fiscal de ses fournitures de lentilles cornéennes à sa clientèle canadienne.

c) La structure interne de la Loi

[33] Comme le souligne l’appelante, si le Parlement avait voulu astreindre les fournisseurs de lentilles cornéennes à des obligations particulières en matière d’obtention et de rétention de pièces justificatives, il aurait pu le dire expressément, comme il l’a fait ailleurs dans la Loi.

[34] Elle donne en exemple ce que la Loi exige des fournisseurs « inscrits » qui font une réclamation de crédits de taxe sur intrants, ce qui comprend des renseignements précisés par règlement, en l’occurrence le Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants, DORS/91-45. L’Annexe VI de la Loi contient aussi, à l’égard de certaines autres fournitures détaxées, des dispositions particulières en matière d’obtention et de rétention de pièces justificatives susceptibles de convaincre la Ministre que les conditions de détaxation sont remplies. C’est le cas, notamment, due à l’alinéa 1e) et de l’alinéa 15.1(a)(v) de la Partie V portant sur la détaxation de fournitures de biens destinés à l’exportation, lesquels exigent que le fournisseur concerné possède des preuves, acceptables par la Ministre, que les conditions de détaxation—ou certaines d’entre elles—sont satisfaites. C’est le cas également de l’article 1, sous la définition de « voyage continu », et de l’article 10 de la Partie VII, qui traite de détaxation de fournitures liées à certains services de transports. Ces deux dispositions exigent elles aussi, du fournisseur, l’obtention et la rétention de pièces justificatives, jugées satisfaisantes par la Ministre, permettant d’établir que les conditions de détaxation applicables—ou certaines d’entre elles du moins—sont remplies.

[35] La définition du terme « ordonnance » à la Partie I de l’Annexe VI, laquelle porte sur la détaxation des médicaments sur ordonnance, constitue, je pense, un autre exemple de langage plus précis et contraignant que ce que l’on retrouve à l’Article 9 puisqu’on y précise que pour qu’il y ait détaxation, l’ordonnance doit, entre autres, avoir été donnée par le médecin au pharmacien. L’Article 9 ne contient rien de tel, ce qui rendait hasardeux à mon avis, comme le plaide l’appelante, le recours, par le juge de la CCI, à la définition du terme « ordonnance » de la Partie I de l’Annexe VI comme élément de contexte appuyant son interprétation de l’Article 9.

[36] En somme, lorsqu’il requiert des fournisseurs qu’ils conservent des pièces justificatives en vue d’étayer leur droit à certains avantages découlant de la Loi (détaxation de certaines fournitures, crédits de taxes pour intrants), il semble que le Parlement le fasse de manière explicite. Il ne l’a pas fait à l’Article 9.

[37] À la lumière du principe voulant que le législateur est présumé ne pas utiliser de mots superflus ni s’exprimer en vain et que ce qu’il dit dans un cas, mais ne dit pas dans l’autre, est présumé révélateur de son intention (Canada c. Canada North Group inc., 2021 CSC 30, 2021 D.T.C. 5080 au para. 64, citant McDiarmid Lumber Ltd. c. Première Nation de God’s Lake, 2006 CSC 58, [2006] 2 R.C.S. 846 au para. 36; Côté & Devinat aux pp. 316-317; Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 7e éd., Toronto, LexisNexis, 2022 à la p. 211), le juge de la CCI ne pouvait, à mon avis, sans errer en droit, interpréter l’Article 9 de manière à faire peser sur le fournisseur l’obligation d’obtenir et de conserver une copie de la Prescription obtenue par le client d’un optométriste ou autre spécialiste de la vue. Il en va de la cohérence interne de la Loi. Encore une fois, la Ministre ne semble pas, ou du moins, ne semble plus, suivant ce qui a été plaidé à l’audience, en désaccord avec ce point de vue.

d) L’amendement de 1999

[38] L’amendement apporté au texte de l’Article 9 en 1999 constitue, à mon avis, un autre élément de contexte jouant en défaveur de l’interprétation retenue par le juge de la CCI. C’est à ce moment qu’ont été ajoutés à ce texte les mots « destinés à être fournis ». Ainsi, au lieu d’être seulement éligibles à la détaxation lorsqu’elles sont fournies sur l’ordonnance écrite d’une personne autorisée par les lois de la province où elle exerce à prescrire des lentilles cornéennes, comme c’était le cas jusqu’à alors, les lentilles cornéennes prescrites pour le traitement ou la correction d’un trouble visuel devenaient éligibles à la détaxation si elles étaient non seulement fournies sur l’ordonnance écrite d’une telle personne, mais aussi si elles étaient « destinées à être fournies » sur une telle ordonnance.

[39] Suivant le matériel produit au présent dossier, l’intention du Parlement était d’étendre la détaxation aux étapes précédant la vente au détail des lentilles cornéennes au bénéfice des divers intervenants de la chaine d’approvisionnent—fabricants, grossistes et distributeurs—et ce de manière à « éliminer les incohérences entre les régimes applicables aux divers types de lunettes et de lentilles cornéennes prescrites et d’alléger le fardeau d’observation des fournisseurs qui doivent actuellement distinguer, aux étapes précédant la vente au détail, entre les fournitures qui sont détaxées et celles qui ne le sont pas » (Ministère des finances, « Le secrétaire d'État annonce des mesures concernant la taxe de vente, y compris le changement de la date d'application des mesures sur les services de transport de passagers déjà proposées », communiqué 1999-086 (8 octobre 1999) au para. 5).

[40] Selon une opinion émise par la Ministre, via l’Agence du revenu du Canada, le 2 octobre 2000 (l’Opinion d’octobre 2000), cela signifiait que dorénavant, la détaxation devenait possible en l’absence d’une Prescription (du moins pour les fournitures précédant la vente au détail), pourvu que les lentilles cornéennes en cause soient du même type que celles normalement fournies sur Prescription (GST Headquarters Letters (en ligne), 30920 GST/HST Interpretation Proposed Law, « Application of GST/HST to Frame and Clip-on Sets : Specifically Designed for Prescription Eyeglasses » (2 octobre 2000)).

[41] L’appelante soutient que l’objectif poursuivi par l’amendement de 1999 était d’assurer la détaxation de la fourniture de lentilles cornéennes tout au long de la chaine d’approvisionnement, soit du fabriquant jusqu’au consommateur, pourvu qu’elles servent à traiter ou à corriger un trouble visuel. Selon l’Opinion d’octobre 2000, ajoute l’appelante, cet amendement signifiait qu’il n’était plus nécessaire, pour qu’un fournisseur puisse bénéficier de la détaxation, même pour l’étape de la vente au consommateur, d’obtenir une copie physique de la Prescription à chaque étape de la chaine d’approvisionnement. Il suffisait que la Ministre soit satisfaite que les lentilles cornéennes en cause soient du même type que celles normalement fournies sur Prescription.

[42] Le Parlement entendait ainsi, poursuit l’appelante, rendre inconditionnelle la détaxation des lentilles cornéennes fournies pour traiter ou corriger un trouble visuel.

[43] Le juge de la CCI a traité brièvement de l’amendement de 1999. Il s’est dit d’avis que son objectif était de détaxer la vente de lentilles cornéennes avant la vente ferme au consommateur (Décision au para. 39). Toutefois, il a refusé de donner à l’expression « destinées à être fournies » un sens qui aurait pour effet de rendre facultative l’exigence d’obtenir une copie de la Prescription et, donc, d’atténuer la dimension impérative du mot « fournies » (Décision au para. 37). J’en comprends que le juge de la CCI voulait dire que l’amendement de 1999 n’avait pas eu pour effet de rendre facultative l’obligation d’obtenir une copie de la Prescription à l’étape de la vente au consommateur par le détaillant puisqu’au cas contraire, le respect de cette obligation par le fabriquant ou le distributeur de lentilles cornéennes s’avérerait à toutes fins utiles impossible à rencontrer, vu l’impossibilité d’associer une vente de lentilles à une Prescription à ces étapes de la chaine d’approvisionnement.

[44] L’appelante soutient que la position du juge de la CCI sur cette question a pour effet d’imposer au fournisseur—ou détaillant—un fardeau plus lourd que celui qui s’imposent aux joueurs de l’industrie de la lentille cornéenne qui interviennent plus tôt dans la chaine d’approvisionnement, ce qui serait contraire à ce que le Parlement entendait faire. Elle reproche d’ailleurs à la Ministre d’avoir fait volte-face en prenant une position, dans le présent dossier, qui est contraire à celle de l’Opinion d’octobre 2000, laquelle fait clairement ressortir, à son avis, que la détaxation devenait permise sans la nécessité de devoir obtenir et conserver la copie d’une Prescription. Cette opinion se lit comme suit :

An amendment has been proposed to section 9 of Part II of Schedule VI of the [Excise Tax Act] which will include in that provision corrective eyeglasses that are, or are intended to be, supplied under the written order of an eye-care professional for a consumer named in the order. The proposed amendment, which will apply to supplies made after October 8, 1999, will extend zero-rated status to supplies of corrective eyeglasses made at the pre-retail level, i.e. from manufacturing or distributor to the retailer. The proposes amendment has the effect of providing zero-rated status to a supply made in the absence of a written prescription from an eye-care professional issued to a customer. The eyeglasses must still be of the type that are supplied under a written order by an eye-care professional for the treatment or correction of vision of a customer named in the order, i.e. prescription eyeglasses. […]

[45] Ainsi, suivant l’appelante, l’élément déterminant dans l’établissement du caractère taxable ou détaxable d’une fourniture de lentilles cornéennes ne serait plus, depuis 1999, la façon dont les lentilles sont vendues, mais l’exigence qu’elles soient du même type que celles qui sont fournies à un consommateur en vertu d’une Prescription. Elle soutient que c’est là la compréhension qu’en ont tous ceux qui œuvrent dans le commerce de la vente en ligne de lentilles cornéennes et qui font des affaires au Canada. Toutefois, il n’y a pas de preuve à cet effet au dossier.

[46] Il est bien établi qu’une pratique administrative basée sur l’interprétation que fait un administrateur d’une disposition législative qu’il est chargé d’appliquer ne lie pas le tribunal, mais peut néanmoins constituer un « facteur important » à considérer en cas de doute sur le sens de cette disposition (Placer Dome au para. 40, citant Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, 83 D.T.C. 5041 à la p. 37).

[47] Ici, j’estime que l’appelante va trop loin et que l’ajout des mots « destinées à être fournies » a été fait au bénéfice des fabricants, grossistes et distributeurs, et non au profit des détaillants, c’est-à-dire, de ceux qui font affaire directement avec le consommateur payeur de taxes. C’est de cette façon, je pense, qu’il faut comprendre l’Opinion d’octobre 2000, laquelle visait clairement les ventes faites au « pre-retail level » et traduit le mieux, à mon avis, l’intention derrière cet amendement.

[48] Cette intention n’était pas, selon moi, de rendre la détaxation des fournitures de lentilles cornéennes inconditionnelle, une position qui me semble incompatible avec le texte de l’Article 9. Sinon, il y a lieu de se demander pourquoi le législateur n’a pas modifier le reste du texte de l’Article 9, qui a maintenu l’exigence selon laquelle, pour être détaxables, les lentilles doivent avoir été fournies sur Prescription pour le traitement ou la correction d’un trouble visuel du consommateur qui y est nommé établie par une personne autorisée par les lois de la province où elle exerce à prescrire des lentilles cornéennes pour le traitement ou la correction du trouble visuel du consommateur. Il me semble que si le Parlement avait voulu déconditionner la détaxation des lentilles cornéennes, il s’y serait pris autrement. Sur ce point, je suis d’accord avec le juge de la CCI que le terme « fournies » continue à avoir un sens et a conservé toute sa pertinence.

[49] Ceci dit, l’amendement de 1999 dénote par ailleurs sans contredit une volonté de la part du Parlement d’adopter une approche plus souple eu égard aux conditions de détaxation des lentilles cornéennes vendues aux fins de traiter ou corriger un trouble de la vue, et à ce qui est nécessaire en vue de démontrer que ces conditions ont été remplies.

[50] Il ne peut donc, à mon sens, avoir été l’intention du Parlement d’alléger à ce point le fardeau d’observation des fabricants et distributeurs tout en imposant aux détaillants un fardeau aussi strict que celui auquel l’interprétation retenue par le juge de la CCI les astreint. Il faut se rappeler que les détaillants interviennent à l’étape de la chaine d’approvisionnement qui a l’impact le plus direct sur le consommateur à qui la détaxation est censée profiter. Comme on l’a vu, une interprétation généreuse s’impose.

[51] En somme, je suis d’avis que l’Article 9, tant par son texte, tel qu’amendé en 1999, que par l’objectif qui le sous-tend et la structure interne de la Loi, n’imposait pas à l’appelante, comme condition sine qua none de la détaxation de ses fournitures canadiennes, le fardeau d’obtenir et conserver les Prescriptions de ses clients canadiens.

[52] Cela ne la libérait pas pour autant du fardeau de démontrer, par une preuve raisonnable ou « suffisante et crédible », que ses fournitures à sa clientèle canadienne se qualifient au titre de fournitures détaxées. Conclure autrement, à mon sens, viderait l’Article 9 de sa substance.

[53] Ainsi, l’interprétation que je privilégie n’affecte en rien, dans les limites qu’elle impose, le pouvoir de vérification dévolu à la Ministre aux termes de la Loi. Ce qu’elle implique, pour l’essentiel, c’est que la Ministre, lorsqu’elle procède à une vérification portant sur des fournitures visées par l’Article 9, ne peut décider de taxer de telles fournitures sur la seule base que le fournisseur ou détaillant n’a pas requis de ses clients, et n’a pas conserver, une copie des Prescriptions liées à ses fournitures.

[54] Maintenant, le paragraphe 286(1) de la Loi permet-il à la Ministre d’arriver aux mêmes fins ? J’estime que non.

e) Le paragraphe 286(1) de la Loi n’est d’aucun secours à la Ministre

[55] Le juge de la CCI a statué que s’il y avait un doute quant aux obligations qui s’imposent sur un détaillant inscrit pour qu’une fourniture soit détaxée aux termes de l’Article 9, y compris celle d’obtenir et de conserver une copie de la Prescription, ce doute était écarté par le paragraphe 286(1) de la Loi, lequel oblige toute personne tenue en vertu de la Loi de produire une déclaration, de maintenir des « registres ». Suivant une jurisprudence constante de la CCI, poursuit le juge de la CCI, cette obligation s’imposerait en contexte de fournitures détaxées (Décision aux paras. 64–65).

[56] L’appelante soutient, pour l’essentiel, que le paragraphe 286(1) de la Loi n’oblige qu’au maintien, dans un registre, de la documentation comptable et financière requise afin de déterminer le quantum de taxe à percevoir et à remettre et qu’en statuant que cette disposition oblige à l’obtention et à la conservation de Prescriptions, le juge de la CCI lui a donné une portée qu’elle n’a pas.

[57] Elle ajoute que les deux décisions invoquées par le juge de la CCI au soutien de son affirmation voulant que la CCI ait à maintes reprises appliqué le paragraphe 286(1) en lien avec des fournitures détaxées, soit les décisions rendues dans les affaires 1882320 Ontario inc. c. La Reine, 2019 CCI 81, 2019 D.T.C. 1077 (1882320 Ontario), et Nwaukoni c. La Reine, 2018 CCI 252, 300 A.C.W.S. (3d) 212 (Nwaukoni), n’appuient pas sa conclusion suivant laquelle l’obligation de maintenir des registres s’étend à des documents de nature autre que comptable ou financière, comme les Prescriptions visées par l’Article 9.

[58] La Ministre n’a pas abordé cette question dans son mémoire, étant d’avis qu’elle est superfétatoire, la preuve versée au dossier ne permettant pas de conclure, selon elle, même en tenant pour acquis qu’elle n’était pas tenue d’obtenir et de conserver une copie des Prescriptions liées aux fournitures en cause, que l’appelante rencontrait, pour les périodes de déclaration en cause, les conditions de fond ouvrant droit à la détaxation aux termes de l’Article 9.

[59] Le paragraphe 286(1) se trouve dans la sous-section C, intitulée « Généralités », de la section VIII de la Loi portant sur l’application et l’exécution de celle-ci. Il se lit comme suit :

Obligation de tenir des registres

Keeping books and records

286 (1) Toute personne qui exploite une entreprise au Canada ou y exerce une activité commerciale, toute personne qui est tenue, en application de la présente partie, de produire une déclaration ainsi que toute personne qui présente une demande de remboursement doit tenir les registres permettant d’établir ses obligations et responsabilités aux termes de la présente partie ou de déterminer le remboursement auquel elle a droit.

286 (1) Every person that carries on a business or is engaged in a commercial activity in Canada, every person that is required under this Part to file a return and every person that makes an application for a rebate or refund shall keep all records that are necessary to enable the determination of the person’s liabilities and obligations under this Part or the amount of any rebate or refund to which the person is entitled.

[60] Tel qu’il apparaît clairement de son libellé, cette disposition crée à l’égard de toute personne tenue, aux termes de la Partie IX de la Loi, portant sur la taxe sur les produits et services, une obligation de tenir des registres. Cette obligation est importante puisque le régime fiscal canadien, rappelons-le, est fondé sur des principes d’autocotisation et d’autodéclaration, d’où les pouvoirs étendus conférés à la Ministre pour en vérifier l’application (R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627, 90 D.T.C. 6243 à la p. 648).

[61] La Loi définit, à son paragraphe 2(1), les documents et renseignements qui « sont compris dans les registres ». Suivant le paragraphe 286(1.1), la Ministre peut toujours en préciser la forme et les renseignements devant s’y trouver. En 2013, elle a publié un guide visant à expliquer « les exigences de base en matière de conservation de registres, dans un langage accessible » (Agence du revenu du Canada, Conservation de registres (Guide), RC4409, Ottawa, ARC, 2013 à la p. 2 (Guide sur la conservation de registres)).

[62] Suivant ce guide, les registres se veulent « des documents comptables et d’autres documents financiers qui doivent être conservés de façon organisée » et qui sont « généralement appuyés par des pièces justificatives », soit des documents fournissant « une preuve de transaction ». Ils se veulent, ultimement, un « résumé des renseignements qui apparaissent sur les pièces justificatives » (Guide sur la conservation de registres à la p. 4).

[63] Il est vrai, comme le souligne l’appelante, que les documents énumérés au Guide sur la conservation des registres au titre d’exemples de pièces justificatives ont une connotation comptable ou financière et que, contrairement à ce qui est le cas des prescriptions délivrées par un professionnel de la santé à ses patients, ils reflètent généralement des transactions auxquelles est partie le contribuable visé. Toutefois, il s’agit là d’exemples dont la liste, comme le précise d’ailleurs ce guide, n’est pas exhaustive (Guide sur la conservation de registres à la p. 4). Cela reflète le fait que la liste de documents et renseignements que l’on retrouve à la définition du terme « registre » dans la Loi n’est elle-même pas exhaustive, tel qu’en fait foi les mots introductifs de ladite définition : « registre Sont compris parmi les registres… » / « record includes … ». Il faut donc se garder de tirer du Guide sur la conservation de registres des conclusions fermes sur le sens précis à donner au terme « registres ».

[64] Quoi qu’il en soit, là où le bât blesse, à mon sens, avec la position prise par le juge de la CCI à l’égard du paragraphe 286(1) de la Loi, c’est qu’il est admis depuis longtemps que la notion de « registres » et celle de leur suffisance, lorsqu’il est question de déterminer si un contribuable s’est conformé à cette disposition, sont vagues et subjectives et se veulent davantage, sous réserve d’exigences statutaires expresses auxquelles le contribuable doit satisfaire, une question de fait qu’une question de droit. Ainsi, chaque cas doit être apprécié à son mérite, y compris au moyen d’une preuve testimoniale, pourvu qu’elle soit crédible (David M. Sherman, « Division VIII: 286 – Keeping Books and Records » in Canada GST Service: Analysis/Commentary, Toronto, Thomson Reuters, 1990 aux pp. 286-103-104, 108.2-111; Chandan c. R., 2005 CCI 685, D.T.C. 1563 au para. 34, 59; Rotondi c. R., 2010 CCI 378, 192 A.C.W.S. (3d) 668 aux paras. 16–17).

[65] Ultimement, les registres, pour satisfaire à l’obligation créée par le paragraphe 286(1), doivent être « convenables » (P.R. Investments inc. c. La Reine, 2006 CCI 686, [2006] G.S.T.C. 160 au para. 4) et le fait qu’on n’y retrouve pas tout ce que la Ministre aurait souhaité y retrouver n’est pas nécessairement fatal (Atlantic Mini & Modular Homes (Truro) c. La Reine, [1999] A.C.I. no 431 (QL), 7 G.T.C. 3197 (CCI) au para. 25).

[66] Les affaires 1882320 Ontario et Nwaukoni, citées par le juge de la CCI au soutien de son interprétation du paragraphe 286(1) ne disent d’ailleurs pas le contraire. Si elles soulignent l’importance de tenir des registres aux termes du paragraphe 286(1) de la Loi, c’est ultimement, notent-elles, le test de la preuve suffisante et fiable, laquelle peut comprendre une preuve testimoniale, qui s’impose au contribuable qui se défend à l’encontre d’un avis de cotisation émis par la Ministre (Nwaukoni au para. 14; 1882320 Ontario au para. 28).

[67] Dans ces deux cas, il s’agissait de contribuables qui soutenaient que les fournitures en cause—des véhicules automobiles—étaient des fournitures détaxées parce qu’elles étaient vendues à l’étranger et, donc, destinées à l’exportation. Il importe de souligner que ces contribuables étaient expressément tenus, en vertu due à l’alinéa 1e) de la Partie V de l’Annexe VI de la Loi de posséder « des preuves, que l[a] ministre juge acceptables » de l’exportation des fournitures en cause. Comme on l’a vu, l’Article 9 ne contient aucune telle exigence. En ce sens, ces deux affaires n’ont certes pas l’effet escompté par le juge de la CCI.

[68] En somme, la Loi ne dicte pas le contenu précis des registres auxquels le paragraphe 286(1) réfère. La question de savoir si une personne visée par cette disposition a tenu des registres convenables est une question de fait. En soi, un registre incomplet aux yeux de la Ministre n’est pas fatal, puisque le contribuable peut, ultimement, au moyen d’une preuve suffisante et crédible, établir le bien-fondé de ses prétentions à l’encontre de l’avis de cotisation qu’il conteste. Cela comprend une preuve testimoniale.

[69] En conséquence, dans la mesure où il est venu greffer au paragraphe 286(1) de la Loi une exigence qui n’y apparaît pas, soit celle qui aurait obligé l’appelante à obtenir et conserver dans les registres qu’elle maintient par ailleurs aux termes dudit paragraphe, une copie des Prescriptions délivrées à sa clientèle canadienne par des professionnels de la santé, le juge de la CCI a, à mon avis, erré en droit. Ces registres, si importants soient-ils, étaient un moyen, mais non pas le seul moyen possible, permettant de déterminer le statut fiscal des fournitures en cause pendant les périodes de déclaration visées par les avis de cotisation émis par la Ministre.

[70] Ayant déterminé que l’Article 9 n’impose pas une telle exigence, j’estime que le juge de la CCI ne pouvait, sans errer, se servir du paragraphe 286(1) pour pallier ce silence. La question qu’il devait se poser, dans les circonstances, est celle de savoir si l’appelante avait présenté une preuve suffisante et crédible, ou raisonnable, permettant de conclure que les fournitures en cause en l’espèce, sont des fournitures détaxées au sens de l’Article 9; une question que le juge de la CCI s’est posé, à titre subsidiaire.

[71] Ceci m’amène au second volet du présent appel.

B. Le juge de la CCI n’a commis aucune erreur justifiant l’intervention de la Cour en concluant que l’appelante n’avait pas fourni une preuve raisonnable du caractère détaxé des fournitures en cause

[72] La preuve au dossier est plutôt succincte. Dans son sommaire des faits, consigné aux paragraphes 11 à 15 de la Décision, le juge de la CCI réfère à deux extraits du Site transactionnel et résume à grands traits le témoignage du principal représentant de l’appelante, M. Gad. Les extraits en question soulignent, pour l’essentiel :

a) Qu’il est important, pour les résidents américains, de faire vérifier la validité de la prescription à laquelle fait référence une commande;

b) Que les commandes provenant de l’extérieur des États-Unis ne font l’objet d’aucune vérification; et

c) Que les clients qui n’ont pas en main une Prescription, peuvent toujours « [j]ete[r] un coup d’œil à l’une des boîtes de [leurs] lentilles cornéennes » pour y voir « le nom de la marque et les paramètres de l’ordonnance indiqués sur la boîte » ;

[73] Du témoignage de M. Gad, qu’il a jugé « candide et honnête », le juge de la CCI retient que (i) les consommateurs canadiens ne sont pas tenus de fournir une Prescription et que (ii) il est pris pour acquis qu’ils sont en possession d’une Prescription valide, et que les informations entrées au bon de commande sont bien celles apparaissant à la Prescription.

[74] Dans son analyse, le juge de la CCI affirme que dans la mesure où il a tort de conclure que l’Article 9 exige que la copie d’une Prescription valide soit obtenue et conservée comme condition essentielle de détaxation, la « preuve testimoniale ne permet pas de confirmer que l’appelante avait une " preuve raisonnable " qu’une ordonnance avait été émise » (Décision au para. 62). J’en comprends que cette affirmation découle des explications de M. Gad voulant qu’il soit tenu pour acquis que le client canadien, lorsqu’il passe une commande, est en possession d’une Prescription valide et que les informations qu’il consigne au bon de commande reflètent celles apparaissant à la Prescription.

[75] C’est ce qui fait dire à la Ministre que l’appelante n’a pas rencontré son fardeau de démontrer, par une preuve raisonnable, que les fournitures en cause en l’espèce rencontraient les conditions de l’Article 9, la preuve de l’appelante étant lacunaire et basée sur des hypothèses et déduction, sans quelconque vérification.

[76] Je rappelle que l’erreur est manifeste si elle est évidente et qu’elle est dominante si elle conduit par ailleurs à un résultat erroné (Housen aux paras. 4–5). Cette norme m’impose, en tant que juge d’appel, un degré de retenue élevé à l’égard des conclusions et inférences de fait tirées par le juge de la CCI (Housen aux paras. 10–21), et des conclusions mixtes de fait et de droit auxquelles il a pu en arriver (Housen au para. 36).

[77] Tel que j’en ai déjà fait état, l’appelante soutient que compte tenu de la nature spécifique et pointue de certains des renseignements requis pour passer une commande, la clientèle canadienne doit nécessairement être en possession d’une Prescription puisque ces informations ne peuvent raisonnablement être connues du consommateur en l’absence d’un tel document. L’appelante en donne pour preuve la liste de ces renseignements, que l’on retrouve sur la page transactionnelle du site internet de l’appelante (Dossier d’appel à la p. 83).

[78] L’appelante soutient également que le juge de la CCI aurait dû tenir compte du cadre législatif régissant la pratique des optométristes et opticiens. Il aurait ainsi constaté, plaide-t-elle, qu’au Québec, par exemple, ces professionnels de la santé doivent, pour chacun de leur patient, tenir et conserver un dossier là où ils exercent leur profession; qu’une date d’expiration n’est pas une information devant être consignée aux dossiers des patients (Règlement sur la tenue du dossier optométrique, R.L.R.Q. c. O-7, r. 20, art. 2.02); qu’un optométriste est autorisé à communiquer verbalement une ordonnance (Règlement sur les ordonnances verbales ou écrites d’un optométriste, R.L.R.Q. c. O-7, r. 15, art. 5); et qu’une telle ordonnance n’a à prévoir une période de validité que si la condition du patient le justifie (R.L.R.Q. c. O-7, r. 15, para. 1(6°)).

[79] À la lumière de la preuve au dossier et de ce cadre législatif, la seule conclusion qui s’imposait au juge de la CCI, selon l’appelante, est que cette preuve « atteste de l’existence, pour chaque consommateur ayant acquis des lentilles cornéennes de l’appelante, d’une ordonnance écrite ou d’un dossier d’évaluation tenu par une personne autorisée à prescrire, par les lois de la province où elle exerce, des lentilles cornéennes aux fins de traiter ou corriger le trouble visuel de tout tel consommateur.» (Mémoire des faits et du droit de l’appelante au para. 76). Cette preuve était suffisante, à son avis, pour écarter, selon la prépondérance des probabilités, la présomption de validité des avis de cotisation en cause en l’espèce.

[80] Le fait que le juge de la CCI n’ait pas retenu ces arguments relève-t-il de l’erreur manifeste et dominante ? J’estime que non.

[81] Le juge de la CCI était invité à tirer des inférences de faits connus (l’information qui doit accompagner un bon de commande), sur fond du cadre règlementaire régissant la pratique des optométristes et opticiens au Québec, vers des faits inconnus (l’existence d’une Prescription). Il était invité à le faire alors qu’il avait aussi devant lui le témoignage candide de M. Gad, à l’effet que l’appelante ne procède à aucune vérification de la validité de la Prescription dont l’existence est présumée ou encore des informations consignées au bon de commande. Ce témoignage mettait en perspective les informations contenues au Site transactionnel en ce qui a trait aux fournitures effectuées au Canada par l’appelante.

[82] Je rappelle que même si elle n’était pas tenue d’obtenir et conserver une copie des Prescriptions pertinentes, l’appelante se devait tout de même, afin d’établir son droit à la détaxation, de présenter une preuve « suffisante et crédible » de leur existence.

[83] Or, la tâche de tirer ou non des inférences ou présomptions de fait est une fonction centrale du juge des faits. Les conclusions qui en découlent, comme on l’a vu, ne peuvent être renversées par une cour d’appel qu’en présence d’une erreur manifeste et dominante (Housen au para. 21; voir aussi Tiger-Vac International inc. c. Mambro, 2021 QCCA 53, [2021] J.Q. no 129 au para. 18). En outre, une cour d’appel, aussi tentant soit-il, « ne doit pas juger l’affaire de nouveau, ni substituer son opinion à celle du juge de première instance en fonction de ce qu’elle pense que la preuve démontre, selon son opinion de la prépondérance des probabilités » (Housen au para. 3, citant l’arrêt Underwood c. Brown (1987), 12 B.C.L.R. (2d) 199, [1987] B.C.J. no 470 (BCCA) à la p. 204).

[84] Pour reprendre la métaphore bien connue, il ne suffit pas, pour conclure à l’erreur manifeste et dominante, de « se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l'arbre debout. On doit faire tomber l'arbre tout entier » (Canada c. South Yukon Forest Corp., 2012 CAF 165, [2012] A.C.F. no 669 (QL) au para. 46).

[85] Ici, j’en suis incapable, d’autant plus que l’on sait, de la preuve au dossier, que l’appelante peut en faire davantage pour rencontrer le fardeau qui est le sien de satisfaire aux conditions d’application de l’Article 9. En effet, M. Gad a témoigné que depuis ses démêlées avec la Ministre au sujet des avis de cotisation en cause en l’espèce, l’appelante exige désormais de ses clients canadiens qui passent une commande auprès d’elle, qu’ils attestent être en possession d’une Prescription. Cette exigence n’existait pas au moment des faits de la présente affaire et il n’appartient pas à cette Cour, dans ce contexte-ci, d’en mesurer l’impact sur le fardeau qui s’impose à l’appelante. La question se posera sûrement, éventuellement.

[86] Il n’y a aucune preuve non plus que l’appelante procède à des vérifications aléatoires ou encore qu’elle invite ceux de ses clients qui sont disposés à le faire, mais sans les y obliger, à lui transmettre une copie de leur Prescription. Si elle n’est pas tenue de les fournir à la Ministre, rien n’interdit qu’elle le fasse de son propre gré au nom du principe de la meilleure preuve.

[87] C’est cette absence totale d’effort, même minimal, qui, je pense, a amené le juge de la CCI à conclure, à titre subsidiaire, que l’appelante n’avait pas rencontré son fardeau d’établir, par une preuve suffisante et crédible, l’existence des Prescriptions liées aux fournitures taxées par la Ministre. Compte tenu du peu de marge de manœuvre dont je dispose, je ne peux reprocher au juge de la CCI, à la lumière de la preuve au dossier, d’avoir conclu comme il l’a fait puisqu’il existe des éléments de preuve qui étaye sa décision sur ce point (Housen au para. 1).

[88] Je rejetterais donc l’appel, mais comme le succès est ultimement partagé, je le ferais sans dépens devant cette Cour.

[89] Conformément à la Directive à la pratique émise par le juge en Chef de cette Cour le 9 septembre 2022 à l’intention des membres de la communauté juridique et de toutes les parties aux instances devant la Cour, la désignation de l’intimé dans le présent appel a été changée pour « Sa Majesté le Roi ».

« René LeBlanc »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Richard Boivin j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Mary J. L. Gleason j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-233-20

 

INTITULÉ :

CONTACT LENS KING INC. c. SA MAJESTÉ LE ROI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 juin 2022

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LEBLANC

 

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 SEPTEMBRE 2022

 

 

COMPARUTIONS :

Guillaume Rochon

Marie Arcand

Pour l'appelante

CONTACT LENS KING INC.

 

Pavol Janura

Charles Junior Jean

Pour l'intimé

SA MAJESTÉ LE ROI

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ravinsky Ryan Lemoine s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

Pour l'appelante

CONTACT LENS KING INC.

 

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour l'intimé

SA MAJESTÉ LE ROI

 

 

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