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Date : 20221004


Dossier : A-36-20

Référence : 2022 CAF 165

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

PETER BONDE

appelant

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

Appel jugé sur dossier sans comparution des parties.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 octobre 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE RIVOALEN

 


Date : 20221004


Dossier : A-36-20

Référence : 2022 CAF 165

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

PETER BONDE

appelant

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RENNIE

[1] L’appelant interjette appel d’une ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt (dossier 2017-1630(IT)G, le juge Ouimet) (motifs prononcés de vive voix) rejetant une requête en radiation de parties de la réponse de l’intimé à son avis d’appel. La requête a été présentée dans le cadre d’un appel à l’encontre de la cotisation établie par le ministre à l’égard du revenu d’entreprise non déclaré de l’appelant.

[2] Il s’agit de la deuxième de deux requêtes présentées par l’appelant. Les deux requêtes visaient à radier de la réponse de l’intimé des déclarations qui, selon l’appelant, étaient des conclusions de droit ou des conclusions mixtes de fait et de droit.

[3] Concernant la première requête, l’appelant a eu partiellement gain de cause. Le juge Ouimet a ordonné à l’intimé de déposer une nouvelle réponse conforme aux directives données à l’audience. Tout au long de l’audience, le juge a demandé à l’appelant si les modifications ordonnées répondaient à ses préoccupations; il a répondu par l’affirmative pour la plupart. Néanmoins, à la réception de la nouvelle réponse de l’intimé, l’appelant a déposé une seconde requête en radiation, qui a aussi été entendue par le juge Ouimet. Ce dernier a rejeté cette requête, ce qui a donné lieu au présent appel.

[4] Pour les motifs qui suivent, je rejetterais l’appel.

[5] Le juge a examiné les motifs de radiation d’un acte de procédure énoncés à la règle 53(1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a (les Règles), soulignant qu’il n’y a lieu de radier que dans les « circonstances les plus exceptionnelles » (Gramiak c. La Reine, 2013 CCI 383 au para. 35, conf. par 2015 CAF 40, [2015] D.T.C. 5042). Après un examen approfondi des actes de procédure et une appréciation de ceux-ci par rapport aux lacunes alléguées, le juge a conclu que la nouvelle réponse de l’intimé tenait compte des directives données dans la première requête et que la thèse de l’intimé était énoncée de manière [traduction] « claire et exacte » dans la nouvelle réponse (motifs prononcés de vive voix à la p. 4). Dans des motifs prononcés à l’audience, le juge a déclaré que l’intimé avait clairement exprimé les hypothèses du ministre dans la nouvelle réponse et que l’appelant était bien informé de l’affaire à laquelle il devait faire face (motifs prononcés de vive voix à la p. 5).

[6] L’essentiel de l’argument de l’appelant repose sur le fait que la réponse de l’intimé contenait des conclusions de droit ou des conclusions mixtes de fait et de droit, allant à l’encontre de la règle 49 des Règles. Le juge a traité chaque violation alléguée spécifique de la règle :

[TRADUCTION]

  • 1)« revenu », « services », « paiement », « entreprise » et « unique exploitant » : Le juge a rejeté l’argument selon lequel l’utilisation de ces mots dans la réponse constituait des conclusions de droit. Au contraire, il a conclu que ces termes étaient des hypothèses de fait et que leur utilisation n’était pas scandaleuse et ne constituait pas un abus de procédure. Renvoyant à la décision Xu c. La Reine, 2006 CCI 695, [2007] 2 C.T.C. 2309 [Xu], le juge a conclu que l’utilisation du mot [traduction] « revenu » dans les actes de procédure ne constitue pas une conclusion de droit, mais une affirmation selon laquelle il existe des éléments de preuve démontrant que les fonds se rapportent au sens juridique du terme. Le même raisonnement s’applique aux quatre autres termes.

  • 2)[traduction] « Ainsi » : Le juge a conclu que l’utilisation de ce mot par l’intimé n’indiquait pas une conclusion, comme l’a soutenu l’appelant. C’était un adverbe reliant un fait supposé à un autre d’une manière logique.

  • 3)[traduction] « Omettre » : Le juge a conclu que ce terme ne constituait pas une conclusion de droit ou une conclusion mixte de fait et de droit. L’intimé était en droit de présumer que l’appelant avait négligé ou omis de déclarer ses revenus.

[7] En appel, l’appelant affirme que l’utilisation des termes définis dans la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR) leur donne une qualification juridique et commerciale et les définissent comme des conclusions de droit. Je ne suis pas de cet avis.

[8] La décision de la Cour de l’impôt de rejeter la requête en radiation de l’appelant était discrétionnaire. Les normes de contrôle en appel établies dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 s’appliquent donc au présent appel (Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, [2017] 1 R.C.F. 331, au para. 79). Par conséquent, l’intervention de notre Cour n’est justifiée qu’en cas d’erreur de droit ou d’erreur manifeste et dominante concernant une question de fait ou une question mixte de fait et de droit. Je ne relève pas d’erreur de la sorte.

[9] Le juge n’a pas commis d’erreur en concluant que les mots contestés n’étaient ni des conclusions de droit ni des conclusions mixtes de fait et de droit. L’utilisation de mots ordinaires ayant un sens ordinaire dans les actes de procédure n’est pas inappropriée. L’utilisation du terme [traduction] « revenu » pour décrire des fonds provenant d’une source ne signifie pas que les fonds entrent dans le champ d’application juridique du mot. Il appartient au juge de le déterminer après avoir entendu la preuve et les arguments. De même, les mots [traduction] « services » et [traduction] « entreprise » sont des hypothèses factuelles, bien qu’ils puissent avoir des effets juridiques (Teelucksingh v. The Queen, 2010 TCC 94, [2010] D.T.C. 1085 au para. 11).

[10] L’argument selon lequel le [traduction] « revenu » est défini dans la LIR et que son utilisation dans un acte de procédure constitue par conséquent une conclusion de droit a été rejeté à juste titre par le juge. Dans la décision Xu, la Cour de l’impôt a conclu que cet argument doit être rejeté pour trois raisons :

[8] [...] Premièrement, le mot « revenu » n’est pas défini à l’article 248 de la Loi, qui est la disposition générale renfermant les définitions. Deuxièmement, les articles 3, 4, 5 et 9 de la Loi énoncent certaines règles fondamentales permettant de déterminer le revenu tiré de différentes sources sans tenter de définir ce qui constitue un « revenu ». L’article 9 prévoit que le revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien est le bénéfice qui en découle, mais les tribunaux judiciaires ont statué que, sous réserve de la Loi, le revenu est déterminé selon les principes comptables et les pratiques commerciales.

[9] Troisièmement, même si le revenu était défini dans la Loi, le fait d’alléguer qu’un montant particulier tiré d’une source particulière est un revenu ne constitue pas une conclusion de droit. La personne qui fait l’allégation affirme simplement qu’il existe ou existera une preuve tendant à inclure le montant particulier dans le terme défini (hypothétique).

[11] J’abonde dans ce sens. J’ajouterais que toute autre conclusion rendrait la plaidoirie devant la Cour de l’impôt presque impossible.

[12] Le juge a également conclu que l’intimé était en droit de formuler une hypothèse de fait selon laquelle l’appelant avait une entreprise. J’abonde encore une fois dans ce sens. Bien que les faits ont des effets juridiques et que certaines affirmations factuelles puissent nécessairement refléter les mots utilisés dans la LIR, de telles déclarations sont néanmoins des hypothèses factuelles réfutables jusqu’à ce que la Cour de l’impôt en décide autrement (Banque canadienne impériale de commerce c. Canada, 2021 CAF 96, 2021 D.T.C. 5059 au para. 65).

[13] L’appelant affirme que la Cour de l’impôt a commis une erreur en rejetant son argument selon lequel la réponse ne contenait pas les faits substantiels nécessaires pour étayer les hypothèses du ministre concernant l’activité commerciale alléguée de l’appelant.

[14] C’est au juge des requêtes qu’il appartient d’examiner la question de savoir si les actes de procédure contiennent suffisamment de faits substantiels. C’est à lui d’apprécier les actes de procédure dans leur ensemble pour « voir à ce que les actes de procédure cernent les questions en litige avec une précision suffisante pour assurer la saine gestion et l’équité de l’instruction et des phases préparatoires à l’instruction » (Mancuso c. Canada (Santé nationale et Bien-être social), 2015 CAF 227, 476 N.R. 219 au para. 18). Comme je l’ai mentionné précédemment, le juge a conclu que la réponse contenait toutes les hypothèses factuelles sur lesquelles le ministre avait fondé son appréciation; la nouvelle réponse indiquait que l’appelant avait fourni des services de finition du béton, qu’il avait fourni ces services en tant qu’entreprise et qu’il avait reçu un paiement pour ces services. Le juge a conclu que la thèse du ministre était énoncée de manière [traduction] « claire et précise ». Le juge des requêtes a droit à la déférence quant à son appréciation de la suffisance des faits substantiels dans la nouvelle réponse.

[15] Enfin, le juge n’a pas commis d’erreur en rejetant l’argument selon lequel la nouvelle réponse de l’intimé constituait un abus de procédure. Au contraire, même si le juge s’est abstenu de qualifier la deuxième requête de l’appelant de vexatoire, il lui aurait été loisible de conclure ainsi.

[16] Pour les motifs énoncés ci-dessus, je rejetterais le présent appel avec dépens.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Marianne Rivoalen, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-36-20

 

INTITULÉ :

PETER BONDE c. SA MAJESTÉ LE ROI

 

 

APPEL JUGÉ SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES :

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE RIVOALEN

DATE DES MOTIFS :

LE 4 OCTOBRE 2022

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Peter Bonde

POUR SON PROPRE COMPTE

Christa Akey

Patrick Cashman

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

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