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Date : 20221014


Dossier : A-240-20

Référence : 2022 CAF 173

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE RIVOALEN

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

FRANÇOIS PARIS

demandeur

et

SYNDICAT DES EMPLOYÉS DE TRANSPORTS R.M.T. (UNIFOR-QUÉBEC)

ET

TRANSPORTS R.M.T. INC.

défendeurs

Audience tenue par vidéoconférence en ligne organisée par le greffe

le 11 octobre 2022.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE ROUSSEL

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE RIVOALEN

 


Date : 20221014


Dossier : A-240-20

Référence : 2022 CAF 173

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE RIVOALEN

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

FRANÇOIS PARIS

demandeur

et

SYNDICAT DES EMPLOYÉS DE TRANSPORTS R.M.T. (UNIFOR-QUÉBEC)

ET

TRANSPORTS R.M.T. INC.

défendeurs

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE ROUSSEL

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision du Conseil canadien des relations industrielles rendue le 3 juin 2020, rejetant la plainte déposée par François Paris en vertu de l’article 37 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, c. L-2. Dans sa plainte, M. Paris allègue que son agent négociateur, le Syndicat des employés de transports R.M.T. (Unifor-Québec) a manqué à son devoir de représentation juste dans le traitement de ses deux griefs contestant sa suspension d’une journée et son congédiement.

[2] Les parties conviennent que la décision du Conseil doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para. 83). En ce qui concerne les questions d’équité procédurale, le rôle de cette Cour est de déterminer si la procédure est équitable compte tenu de toutes les circonstances (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 aux para. 54-56).

[3] Devant cette Cour, M. Paris reproche au Conseil d’avoir manqué à son devoir d’équité procédurale en refusant de tenir une audience, malgré une demande à cet effet dans sa plainte initiale et dans ses représentations écrites subséquentes. Il soutient que cette décision l’a empêché de faire valoir l’ensemble de ses moyens et d’être pleinement entendu. À cet égard, il soulève plusieurs éléments dont l’appréciation ne pouvait se faire que par l’audition de témoins.

[4] Cet argument ne peut être retenu.

[5] L’article 16.1 du Code prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire à l’égard duquel la Cour doit faire preuve de beaucoup de retenue. Le fait que M. Paris en fasse la demande au motif de l’existence d’éléments de preuve contradictoires et de questions de crédibilité n’appelle pas automatiquement la tenue d’une audience. Il en est de même pour la volonté d’introduire une déclaration écrite d’un témoin ou d’autres éléments de preuve. M. Paris avait l’obligation d’exposer par écrit l’ensemble des faits et arguments qu’il entendait soumettre au Conseil (Ducharme c. Air Transat A.T. Inc., 2021 CAF 34 aux para. 19 et 21; Wsáneć School Board c. Colombie‑Britannique, 2017 CAF 210 au para. 33; Madrigga c. Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, 2016 CAF 151 aux para. 26-28; Dumont c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, section locale de Montréal, 2011 CAF 185 aux para. 8-9; Syndicat uni du transport, section locale 1624 c. Syndicat des travailleurs et travailleuses de Coach Canada – CSN, 2010 CAF 154 aux para. 17-18; Raymond c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2003 CAF 418 au para. 4).

[6] M. Paris avait le fardeau de démontrer au Conseil qu’une audience était nécessaire dans les circonstances de son dossier. Il n’a soulevé aucun argument valable au soutien de ses demandes d’audience, s’appuyant plutôt sur des affirmations vagues et générales. Or, il ne suffit pas d’alléguer un manquement à l’équité procédurale. Il faut également le démontrer. M. Paris ne m’a pas convaincu que le Conseil a manqué à ses obligations d’équité procédurale en ne tenant pas d’audience pour disposer de la plainte. Il a été en mesure de déposer de la preuve au soutien de sa plainte, de soumettre ses représentations écrites au Conseil et de répliquer à celles du Syndicat et de Transports R.M.T. inc., son ancien employeur. Je ne vois pas d’erreur.

[7] M. Paris soutient également que la décision du Conseil est déraisonnable. Il reproche d’abord au Conseil d’avoir refusé d’exercer sa compétence en limitant de façon restrictive son évaluation du comportement du Syndicat pendant la gestion de l’arbitrage de grief. Il soutient que le Conseil devait considérer, dans l’évaluation de la conduite du Syndicat, l’ensemble du contexte factuel démontrant sa relation avec les représentants syndicaux, notamment quant à la présence d’animosité, de conflits et d’hostilités à son égard. De plus, il fait valoir que le Conseil a erré dans son analyse du comportement du Syndicat relativement à la convocation de témoins, à l’admission de la vidéo en arbitrage et à la décision de ne pas demander la révision judiciaire de la décision de l’arbitre. De surcroît, il avance que le Conseil n’a pas examiné tous les éléments de preuve pertinents.

[8] Je ne peux souscrire aux arguments de M. Paris.

[9] Il est bien établi en jurisprudence que dans le cadre d’une plainte en vertu de l’article 37 du Code, le Conseil ne peut « s’immiscer à la légère » dans la qualité de la représentation syndicale devant l’arbitre, l’admissibilité de la preuve ou le choix de stratégies (Bomongo c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, 2010 CAF 126 au para. 15; Ducharme au para. 41).

[10] Dans ses motifs, le Conseil examine la nature de la plainte et considère les arguments de M. Paris, du Syndicat et de Transports R.M.T. inc. Il rappelle que son rôle dans le cadre d’une plainte alléguant un manquement au devoir de représentation juste est d’examiner la conduite du Syndicat et de s’assurer qu’il n’a pas agi de manière arbitraire, discriminatoire ou entachée de mauvaise foi dans la représentation d’un employé. Appliquant ce cadre d’analyse aux éléments factuels en preuve au dossier, le Conseil conclut que M. Paris n’a pas démontré que le Syndicat a manqué à son devoir de représentation juste dans le traitement des griefs avant qu’ils soient renvoyés à l’arbitrage.

[11] Le Conseil note ensuite que plusieurs des allégations de M. Paris portent essentiellement sur la qualité de la représentation faite par le Syndicat lors de la préparation de l’arbitrage et pendant son déroulement, celles-ci portant notamment sur le choix des personnes chargées de le représenter en arbitrage, sa gestion des témoins et de la preuve, et le fait que son représentant n’ait pas soulevé d’objection à l’admissibilité d’une preuve vidéo en temps opportun. Après un survol de la jurisprudence portant sur son rôle limité en matière d’examen de la qualité de la représentation syndicale, le Conseil conclut qu’en l’espèce, aucune circonstance n’a été démontrée justifiant de déroger à ces principes jurisprudentiels. Il juge également que le choix de contester en contrôle judiciaire la décision arbitrale rendue relevait du Syndicat.

[12] Après examen du dossier et ayant considéré les arguments de M. Paris, je suis d’avis que le Conseil a raisonnablement souligné les limites de son pouvoir dans le cadre de l’examen de la plainte. Il ne lui appartenait pas de revoir en détail toutes les décisions du Syndicat. M. Paris avait le fardeau de démontrer de manière convaincante que le Syndicat avait agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. En l’absence d’éléments de preuve à cet effet, le Conseil pouvait raisonnablement rejeter la plainte.

[13] Par ailleurs, le Conseil n’était pas dans l’obligation de faire référence à tous les éléments de preuve soumis ni de tirer une conclusion à l’égard de chaque élément menant à sa conclusion finale comme l’exige M. Paris. Le Conseil est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve (Vavilov au para. 128; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para. 16; Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82 au para. 10).

[14] Par conséquent, comme M. Paris ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve et considérant la jurisprudence bien établie en la matière, je ne suis pas convaincue que la décision du Conseil est déraisonnable.

[15] Enfin, concernant la lettre d’entente datée du 27 janvier 2017, M. Paris a confirmé à l’audience que celle-ci n’avait pas été déposée devant le Conseil. Or, il importe de rappeler le principe général interdisant à cette Cour d’admettre, sauf exception, de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’une instance en contrôle judiciaire (Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 aux para. 19-20). Puisqu’il n’a pas été démontré que ce document est visé par l’une des exceptions reconnues, je l’estime inadmissible.

[16] Je rejetterais donc la demande de contrôle judiciaire. Dans leurs mémoires, les défendeurs ont réclamé les dépens, mais ils ont indiqué à l’audience qu’ils laissaient le tout à la discrétion de la Cour. Compte tenu du contexte du dossier, je ne suis pas disposée à en ordonner.

« Sylvie E. Roussel »

j.c.a.

« Je suis d’accord

Johanne Gauthier j.c.a. »

« Je suis d’accord

Marianne Rivoalen j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-240-20

INTITULÉ :

FRANÇOIS PARIS c. SYNDICAT DES EMPLOYÉS DE TRANSPORTS R.M.T. (UNIFOR-QUÉBEC) ET TRANSPORTS R.M.T. INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDEOCONFÉRENCE EN LIGNE

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 octobre 2022

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE ROUSSEL

 

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE RIVOALEN

 

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 OCTOBRE 2022

 

 

COMPARUTIONS :

Bruno-Pierre Allard

 

Pour le demandeur

 

Claude Tardif

Catherine Massé-Lacoste

 

Pour le défendeur

SYNDICAT DES EMPLOYÉS DE TRANSPORTS R.M.T. (UNIFOR-QUÉBEC)

 

Marie-Gabrielle Bélanger

 

Pour la défenderesse

TRANSPORTS R.M.T. INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chabot, Médiateurs-Avocats

Laval (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Rivest Schmidt,

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

SYNDICAT DES EMPLOYÉS DE TRANSPORTS R.M.T. (UNIFOR-QUÉBEC)

 

Fasken Martineau DuMoulin, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

Pour lA DÉFENDERESSE

TRANSPORTS R.M.T. INC.

 

 

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