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Date : 20221208


Dossier : A-256-21

Référence : 2022 CAF 215

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE RIVOALEN

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

ANTONINA SENNIKOVA

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience par vidéoconférence organisée par le greffe, le 23 novembre 2022.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 décembre 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE ROUSSEL

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE RIVOALEN

 


Date : 20221208


Dossier : A-256-21

Référence : 2022 CAF 215

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE RIVOALEN

LA JUGE ROUSSEL

 

ENTRE :

ANTONINA SENNIKOVA

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE ROUSSEL

[1] Au début de l’année 2019, Mme Sennikova a été impliquée dans un accident de voiture qui l’a empêchée de retourner au travail. Elle a présenté une demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi (AE), et a reçu ces prestations. Environ au même moment, elle a demandé à être indemnisée par son fournisseur d’assurance‑automobile et a reçu 400 $ en indemnités hebdomadaires de remplacement du revenu. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a établi que les indemnités de remplacement du revenu étaient une rémunération au sens de l’alinéa 35(2)d) du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332 (Règlement sur l’AE) et qu’elles devraient être déduites des prestations d’AE de Mme Sennikova. Cela a donné lieu à un trop-payé de prestations de 2 440 $. Mme Sennikova a demandé à la Commission de réexaminer sa décision, mais la Commission a maintenu sa décision.

[2] N’étant pas satisfaite, Mme Sennikova a interjeté appel du réexamen de la décision auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Elle a affirmé essentiellement que la Commission avait commis une erreur en traitant ses indemnités de remplacement du revenu comme une rémunération et en concluant qu’elles étaient prévues par une loi provinciale ou aux termes d’une loi provinciale. Elle a soutenu que les indemnités de remplacement du revenu fournies par les compagnies d’assurance commerciales ne relevaient pas de l’alinéa 35(2)d) du Règlement sur l’AE.

[3] La division générale a confirmé la conclusion de la Commission et a rejeté l’appel. Elle a conclu ce qui suit : 1) les indemnités de remplacement du revenu versées à Mme Sennikova aux termes du régime d’assurance‑automobile étaient prévues par une loi provinciale, car elles étaient autorisées et réglementées par la Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, chap. I.8 et par l’Annexe sur les indemnités d’accident légales, Règl. de l’Ont. 34/10 (Annexe); 2) les indemnités de remplacement du revenu étaient versées pour indemniser la perte de revenu d’emploi de Mme Sennikova; 3) le fournisseur d’assurance n’avait pas réduit les indemnités de remplacement du revenu pour tenir compte des prestations d’AE qu’elle recevait.

[4] Mme Sennikova a ensuite demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale. La division d’appel a refusé d’accorder cette autorisation aux termes du paragraphe 58(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34 (LMEDS), après avoir déterminé que les différents arguments avancés par Mme Sennikova n’avaient aucune chance raisonnable de succès en appel.

[5] La division d’appel a conclu que Mme Sennikova n’avait pas démontré qu’il était défendable de soutenir que la division générale avait commis une erreur de droit ou de fait lorsqu’elle avait conclu que les indemnités de remplacement du revenu versées en application du régime d’assurance‑automobile de Mme Sennikova étaient une rémunération au sens de l’alinéa 35(2)d) et n’étaient pas assujetties à l’alinéa 35(7)b) du Règlement sur l’AE.

[6] Mme Sennikova a ultérieurement saisi la Cour fédérale d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de la division d’appel. Dans les motifs répertoriés sous la référence 2021 CF 982, la Cour fédérale a rejeté la demande, après avoir conclu que la division d’appel pouvait raisonnablement conclure qu’aucun des motifs soulevés par Mme Sennikova n’avait une chance raisonnable d’obtenir gain de cause.

[7] Comme le jugement faisant l’objet du présent appel concerne une demande de contrôle judiciaire, le rôle de notre Cour se limite à déterminer si la Cour fédérale a identifié la norme de contrôle appropriée et si elle l’a appliquée correctement. Autrement dit, je dois me mettre à la place de la Cour fédérale et me concentrer sur la décision de la division d’appel comme telle (Office régional de la santé du Nord c. Horrocks, 2021 CSC 42, par. 10 à 12; Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, par. 45 à 47).

[8] Je suis convaincue que la Cour fédérale a, à juste titre, choisi la norme de la décision raisonnable en rejetant la demande de contrôle judiciaire de Mme Sennikova.

[9] En outre, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en concluant que la décision de la division d’appel était raisonnable. Lors d’un contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable, la Cour « doit s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, (arrêt Vavilov) par. 83). Elle doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (arrêt Vavilov, par. 99). Il « incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (arrêt Vavilov, par. 100).

[10] Afin d’accorder l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la division générale, la division d’appel devait conclure que l’appel de Mme Sennikova avait une chance raisonnable de succès pour au moins un des trois motifs énoncés au paragraphe 58(1) de la LMEDS.

[11] La division d’appel a examiné et pris en compte l’argument principal de Mme Sennikova selon lequel les indemnités de remplacement du revenu qu’elle avait reçues de la part de son fournisseur d’assurance‑automobile ne constituaient pas une rémunération aux termes de l’alinéa 35(2)d) du Règlement sur l’AE puisque les indemnités qu’elle avait reçues n’étaient pas versées aux termes d’« une loi provinciale », mais par sa compagnie d’assurance commerciale du secteur privé. Comme la division générale, la division d’appel a établi les parties clés de cette disposition, à savoir que les indemnités reçues dans le cadre d’un régime d’assurance‑automobile auront valeur de rémunération si : 1) les indemnités sont versées en vertu d’une loi provinciale; 2) elles correspondent à la perte du revenu d’un emploi par suite de blessures corporelles; 3) les prestations d’assurance‑emploi n’ont pas été déduites des indemnités d’assurance‑automobile. La division d’appel a examiné l’objet de la disposition selon l’interprétation dégagée par notre Cour dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Lalonde, [1996] A.C.F. no 1295 (QL), (1996) 142 DLR (4th) 572, et elle a accepté l’interprétation de la division générale selon laquelle les indemnités versées aux termes du régime ont seulement besoin d’être versées dans le cadre d’un régime sous réglementation provinciale. La division d’appel a ensuite examiné et accepté les motifs du verdict de la division générale selon lesquels les indemnités de remplacement du revenu de Mme Sennikova étaient versées dans le cadre d’un régime sous réglementation provinciale. Enfin, la division d’appel a traité et rejeté les autres allégations de Mme Sennikova en ce qui concerne la partialité, les motifs insuffisants et le défaut de se fonder sur le Guide de la détermination de l’admissibilité. La division d’appel n’était pas convaincue que Mme Sennikova avait démontré une cause défendable selon laquelle la division générale avait commis une erreur de droit ou de fait et, par conséquent, elle a conclu que l’appel qu’elle proposait n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[12] Il était loisible à la division générale, en se fondant sur le dossier dont elle avait été saisie, de conclure que les indemnités que Mme Sennikova avait reçues aux termes du régime d’assurance-automobile étaient régies par une loi provinciale et avaient pour but d’indemniser sa perte de revenu d’un emploi par suite de blessures corporelles. Les documents d’assurance que Mme Sennikova a déposés à titre d’élément de preuve faisaient précisément référence à la Loi sur les assurances et à l’Annexe sur les indemnités d’accident légales. Ses observations à la division générale faisaient référence à l’article 2 de l’Annexe sur les indemnités d’accident légales, qui prévoit que, sauf disposition contraire, les indemnités énoncées à l’Annexe doivent être offertes par chaque contrat dont fait foi une police de responsabilité automobile à l’égard des accidents qui surviennent le 1er septembre 2010 ou après ce jour. Les indemnités de remplacement du revenu figurent à la Partie II de l’Annexe, intitulée « Indemnités de remplacement du revenu, de personne sans revenu d’emploi et de soignant » et ces dispositions expliquent comment le montant de l’indemnité de remplacement du revenu est calculé. Dans le cas de Mme Sennikova, le calcul comportait l’évaluation de son revenu brut d’emploi, comme le démontre le calculateur de réclamations se trouvant au dossier.

[13] En général, l’objet du paragraphe 35(2) du Règlement sur l’AE est de tenir compte des autres sources de revenus ayant pour but d’indemniser la personne de la perte de rémunération d’un emploi. Il énonce plusieurs formes de revenu étant considérées comme une rémunération aux fins de l’indemnité. D’autres types de revenus prévus au paragraphe 35(2) comprennent, par exemple, les indemnités d’accident du travail (al. 35(2)b)), les indemnités pour une maladie et les indemnités connexes (al. 35(2)c)), et les sommes payées par versements périodiques au titre ou au lieu d’une pension (al. 35(2)e)). En ce qui concerne l’alinéa 35(2)d), l’objet de la disposition est d’éviter une double indemnisation lorsque le demandeur reçoit également, ou est en droit de recevoir, des indemnités fournies en vertu d’un régime d’assurance-automobile régi par une loi provinciale, et que ces indemnités sont censées être une indemnisation pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi par suite de blessures corporelles résultant d’un accident de voiture.

[14] J’ai soigneusement examiné les observations de Mme Sennikova, qui sont sensiblement les mêmes que celles qu’elle a faites devant les instances inférieures. Bien que Mme Sennikova puisse ne pas être d’accord avec l’interprétation et l’application de l’alinéa 35(2)d) du Règlement sur l’AE à sa situation, elle ne m’a pas convaincue que la décision de la division d’appel est déraisonnable sur le plan du droit ou des faits. Pour les motifs énoncés par la Cour fédérale, que je fais miens, je conclus qu’il n’y a simplement aucune erreur susceptible de révision dans la décision de la division d’appel qui pourrait justifier l’intervention de la Cour.

[15] Par conséquent, je rejetterais l’appel, le tout avec dépens.

« Sylvie E. Roussel »

j.c.a.

« Je souscris à ces motifs.

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

« Je souscris à ces motifs.

Marianne Rivoalen, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-256-21

 

INTITULÉ :

ANTONINA SENNIKOVA c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 novembre 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE ROUSSEL

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE RIVOALEN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 8 décembre 2022

 

COMPARUTIONS :

Antonina Sennikova

 

Pour l’appelante

(pour son propre compte)

 

Suzette Bernard

 

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimé

 

 

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