Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20221206


Dossier : A-27-22

Référence : 2022 CAF 213

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

KAREN LYNNE TURNER-LIENAUX

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 6 décembre 2022.

Jugement rendu à l’audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 6 décembre 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20221206


Dossier : A-27-22

Référence : 2022 CAF 213

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

KAREN LYNNE TURNER-LIENAUX

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Jugement rendu à l’audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 6 décembre 2022.)

LE JUGE STRATAS

[1] L’appelante interjette appel du jugement rendu le 30 décembre 2021 par le juge Zinn de la Cour fédérale (2021 CF 1483), qui a rejeté la demande de contrôle judiciaire qu’elle avait présentée à l’encontre d’une décision du Conseil canadien de la magistrature.

[2] Durant sa plaidoirie, l’avocat de l’appelante a passé beaucoup de temps à nous exposer les faits qui ont donné lieu à l’instance judiciaire en Nouvelle-Écosse, ainsi que la procédure proprement dite qui a mené au dépôt par l’appelante d’une plainte auprès du Conseil canadien de la magistrature. Nous tenons à souligner que notre Cour doit uniquement trancher la question de savoir si la décision du Conseil canadien de la magistrature devrait être maintenue, et qu’elle n’a pas à se prononcer sur le bien-fondé de l’instance en Nouvelle-Écosse.

[3] De plus, contrairement à ce que prétend l’appelante, notre rôle dans le présent appel n’est pas de formuler des conclusions sur les questions en litige que l’appelante a soulevées dans sa plainte devant le Conseil canadien de la magistrature, ni d’évaluer si le juge présidant l’instance en question a fait preuve d’inconduite judiciaire; ce rôle incombe au Conseil canadien de la magistrature. Notre rôle consiste à nous « mettre à la place » de la Cour fédérale et à examiner la décision administrative du Conseil canadien de la magistrature en regard des principes du droit administratif, rien de plus : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559 aux para. 45 à 47; Office régional de la santé du Nord c. Horrocks, 2021 CSC 42, 462 D.L.R. (4th) 585aux para. 10 à 12.

[4] Nous ne voyons aucune raison de modifier la conclusion de la Cour fédérale. La Cour fédérale a choisi, à juste titre, la norme de la décision raisonnable comme norme de contrôle en regard de laquelle la décision du Conseil canadien de la magistrature devait être examinée : Girouard c. Canada (Procureur général), 2020 CAF 129, [2020] 4 R.C.F. 557. Aucune des exceptions reconnues quant au contrôle selon la norme de la décision raisonnable ne s’applique, et rien ne permet d’établir que les enquêtes et les décisions du Conseil canadien de la magistrature sur la conduite des juges, même si la conduite alléguée d’un juge est associée à de la fraude, constituent une exception quant au contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653.

[5] Selon l’appelante, l’arrêt Pfizer Canada Inc. c. Canada (Santé), 2011 CAF 215, corrobore la thèse voulant que, lorsqu’il y a fraude, la cour d’appel doive procéder à un examen complet de la question en regard de la norme de la décision correcte. Nous rejetons cette thèse. L’arrêt Pfizer porte sur une allégation selon laquelle l’ordonnance rendue par le tribunal de première instance a été obtenue par la fraude. Cet arrêt n’a aucune application en l’espèce.

[6] L’appelante soutient en outre qu’il s’agit de « questions de droit générales d’importance capitale pour le système juridique », qui doivent donc être examinées selon la norme de la décision correcte. Nous rejetons cette thèse pour les motifs énoncés par la Cour fédérale aux paragraphes 25 à 30.

[7] L’appelante soutient également que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, puisqu’il s’agit d’une question de compétence. Nous rejetons cette thèse. Auparavant, la règle voulait que les « questions de compétence et [...] certaines [...] questions de droit » soient examinées selon la norme de la décision correcte : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 au para. 50. L’arrêt ultérieur Vavilov, aux paragraphes 65 à 68, a mis fin à cette règle selon laquelle ces questions doivent faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte.

[8] Nous convenons avec la Cour fédérale que la décision du Conseil canadien de la magistrature était raisonnable. Le Conseil canadien de la magistrature a conclu que la plainte de l’appelante relevait du paragraphe 5b) des Procédures d’examen; il a appliqué les critères prescrits pour examiner la plainte et a jugé que la plainte ne justifiait pas un examen plus approfondi. Il a conclu que la plainte concernait la prise de décisions judiciaires et que le recours approprié, en pareil cas, était d’interjeter appel de la décision contestée du juge, et non de déposer une plainte auprès du Conseil canadien de la magistrature au sujet de la conduite du juge. Il s’agit d’une conclusion de droit et de fait où les faits prédominent et nous ne pouvons pas la modifier.

[9] Tout comme la Cour fédérale, et essentiellement pour les mêmes motifs qu’elle a énoncés, nous jugeons, au vu du dossier, que les conclusions du Conseil canadien de la magistrature reposent sur des fondements acceptables et valables.

[10] Par conséquent, nous rejetterons l’appel avec dépens fixés à la somme convenue de 1 500 $.

« David Stratas »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-27-22

APPEL DU JUGEMENT RENDU PAR LE JUGE ZINN LE 30 DÉCEMBRE 2021, DOSSIER NO T-505-21

INTITULÉ :

KAREN LYNNE TURNER-LIENAUX c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 décembre 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE STRATAS

COMPARUTIONS :

Charles D. Lienaux

 

Pour l’appelante

 

Mark Freeman

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lienaux Law

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

Pour l’appelante

 

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimé

 

 

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