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Date : 20230119


Dossier : A-46-22

Référence : 2023 CAF 14

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE WOODS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

NILESH SHREEDHAR

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 19 janvier 2023.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 19 janvier 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE LASKIN

 


Date : 20230119


Dossier : A-46-22

Référence : 2023 CAF 14

CORAM :

LA JUGE WOODS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

NILESH SHREEDHAR

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 19 janvier 2023.)

LE JUGE LASKIN

[1] Le demandeur, M. Shreedhar, demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue par une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (répertoriée sous la référence Shreedhar c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2022 CRTESPF 3). Après une audience de 14 jours, la Commission s’est prononcée sur plusieurs griefs déposés par M. Shreedhar contre son employeur, l’ASFC. M. Shreedhar ne conteste qu’un seul élément de la décision à l’égard de l’un de ses griefs. Il s’agit de la partie de la décision dans laquelle la Commission, après avoir déterminé qu’en rétrogradant M. Shreedhar, l’ASFC avait fait preuve de discrimination à l’endroit de ce dernier pour cause d’invalidité, a ordonné que sa réintégration devienne effective seulement à partir du 11 février 2020, soit le premier jour de l’audience devant la Commission.

[2] M. Shreedhar avance deux motifs dans sa demande. Tout d’abord, il soutient que cet élément de la décision de la Commission constitue un manquement à l’équité procédurale. M. Shreedhar allègue que, bien qu’il ait soutenu devant la Commission qu’il devrait être réintégré à son ancien poste rétroactivement en août 2012 ou en juillet 2013, l’employeur n’a présenté aucune observation sur la date de réintégration appropriée, et la Commission n’a pas signifié aux parties qu’elle envisageait une date de réintégration postérieure à juillet 2013. Il soutient que ce silence de la part de la Commission l’a empêché de connaître la preuve qu’il devait réfuter.

[3] Ensuite et subsidiairement, M. Shreedhar soutient que la décision de la Commission était déraisonnable. Il estime que la Commission n’a pas appliqué une approche fondée sur des principes dans sa mesure de redressement, ce qui a engendré une décision arbitraire qui n’a pas tenu compte des difficultés financières que son ordonnance entraînerait pour M. Shreedhar, et n’a pas expliqué sur quoi reposait cette ordonnance.

[4] Nous sommes tous d’avis qu’aucun de ces motifs de contrôle n’a été établi.

[5] Premièrement, nous ne constatons aucun manquement à l’équité procédurale quant à la façon dont la Commission a abordé la date de réintégration. Il s’agissait clairement de la question en litige dont la Commission était saisie; il incombait donc aux parties de présenter les observations qu’elles souhaitaient faire à ce sujet. M. Shreedhar avait le droit, et a exercé ce droit, d’aborder la question en litige concernant la date de sa réintégration dans ses observations. Le fait que l’employeur n’ait pas souhaité le faire ne signifie pas que la Commission était tenue de solliciter à nouveau les parties afin de recueillir leur avis sur la question avant de rendre sa décision. La Commission avait pleinement le droit d’élaborer une réparation sans la soumettre au préalable à l’approbation des parties : Canada (Procureur général) c. Association des pilotes fédéraux du Canada, 2017 CAF 100 au para. 8.

[6] De plus, nous ne voyons aucun motif de conclure que la décision de la Commission était déraisonnable.

[7] Conformément au cadre relatif au contrôle judiciaire exposé dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 au para. 85, « une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti ». Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable, et la conclusion doit montrer que la décision contient une lacune importante : Vavilov au para. 100. Les cours de révision doivent également s’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur » : Vavilov au para. 125 (citations internes omises). Les cours de révision doivent normalement s’abstenir de trancher la question en litige qui a été présentée au décideur et doivent en respecter les fonctions et l’expertise spécialisée : Vavilov aux para. 75 et 83.

[8] La Commission, en l’espèce, avait le plein pouvoir de prendre une mesure de réparation – soit le pouvoir de rendre l’ordonnance qu’elle a jugée « indiquée » : paragraphe 228(2) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, L.C. 2003, c. 22, art. 2.

[9] Dans ses motifs, la Commission a établi de façon cohérente et rationnelle les bases de sa décision concernant la réparation. Elle a expliqué que les difficultés de M. Shreedhar ont commencé il y a très longtemps – 14 ans environ – et qu’il avait été difficile de déterminer la réparation la mieux indiquée. Les particularités de l’emploi peuvent avoir changé, tout comme les aptitudes de M. Shreedhar, étant donné son diagnostic et le fait qu’il n’a accompli aucune des tâches liées à l’emploi depuis près de 10 ans. La Commission a souligné que les éléments de preuve démontraient que M. Shreedhar était dépourvu d’un bon nombre d’aptitudes et de compétences requises pour occuper ses anciennes fonctions, et qu’elle n’avait pas pu établir que, même si des mesures d’adaptation étaient prises, M. Shreedhar pourrait s’acquitter desdites fonctions. La Commission craignait également que M. Shreedhar et son agent négociateur aient été de « connivence » avec l’employeur de façon à ne pas participer correctement au processus d’adaptation malgré les directives de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, 1992 CanLII 81 (CSC), [1992] R.C.S. 970.

[10] Dans ses motifs, la Commission a ainsi pris en compte un ensemble de facteurs pertinents pour parvenir à ses conclusions. À notre avis, M. Shreedhar n’a pas démontré que la décision de la Commission concernant la date de sa réintégration était déraisonnable.

[11] Pour ces motifs, la demande est rejetée. Conformément à l’entente des parties, nous n’adjugeons aucuns dépens.

« J.B. Laskin »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-46-22

 

INTITULÉ :

NILESH SHREEDHAR c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 janvier 2023

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE WOODS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MONAGHAN

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE LASKIN

COMPARUTIONS :

Aaron Lemkow

Mariah Griffin-Angus

Pour lE DEMANDEUR

Kétia Calix

Pour lE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Alliance de la Fonction publique du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour lE DÉFENDEUR

 

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