Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20230208


Dossier : A-242-21

Référence : 2023 CAF 31

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

ALLIANCE POUR L’ÉGALITÉ DES PERSONNES AVEUGLES DU CANADA

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

et

SOCIÉTÉ DE SOUTIEN À L’ENFANCE ET À LA FAMILLE DES PREMIÈRES NATIONS DU CANADA

intervenante

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 8 février 2023.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 8 février 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE MONAGHAN

 


Date : 20230208


Dossier : A-242-21

Référence : 2023 CAF 31

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

ALLIANCE POUR L’ÉGALITÉ DES PERSONNES AVEUGLES DU CANADA

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

et

SOCIÉTÉ DE SOUTIEN À L’ENFANCE ET À LA FAMILLE DES PREMIÈRES NATIONS DU CANADA

intervenante

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 8 février 2023.)

LA JUGE MONAGHAN

[1] L’Alliance pour l’égalité des personnes aveugles du Canada (l’Alliance) interjette appel d’une décision de la Cour fédérale (2021 CF 860, le juge Little), qui a rejeté la demande de contrôle judiciaire qu’elle avait présentée. Par cette demande, l’Alliance cherchait à faire annuler une décision rendue le 8 juillet 2020 par la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) de ne pas traiter une plainte déposée contre Emploi et Développement social Canada (EDSC). La plainte portait sur le processus de subvention inaccessible d’EDSC et, plus précisément, sur l’inaccessibilité du site Web d’EDSC utilisé pour la présentation des demandes de financement.

[2] L’article 41 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la Loi), dispose que la Commission doit statuer sur toute plainte dont elle est saisie « à moins qu’elle estime » qu’un des motifs énoncés aux alinéas 41(1)a) à e) s’applique. L’alinéa 41(1)c) porte sur les plaintes qui ne relèvent pas de la compétence de la Commission.

[3] En l’espèce, la Commission a expressément reconnu la gravité des questions liées aux droits de la personne qui étaient soulevées dans la plainte, ainsi que l’important aspect d’intérêt public qu’il y a de veiller à ce que les services et les programmes offerts par le gouvernement soient accessibles, notamment ceux dont l’objectif est de venir en aide à des personnes vivant avec un handicap. La Commission a toutefois déterminé que la plainte avait été déposée par l’Alliance, et non par un individu. Or, comme la Loi canadienne sur les droits de la personne protège les individus, et non les sociétés, la Commission a jugé que la plainte ne relevait pas de sa compétence.

[4] La Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par l’Alliance à l’encontre de cette décision, car elle a jugé que la décision de la Commission était raisonnable eu égard aux principes énoncés dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653. L’Alliance interjette maintenant appel auprès de la Cour. La Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada s’est vu accorder le statut d’intervenante.

[5] Lorsqu’une décision de la Cour fédérale visant un contrôle judiciaire est portée en appel, la Cour doit déterminer si la Cour fédérale a employé la norme de contrôle appropriée et si elle l’a appliquée correctement : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559 au para. 45. La Cour doit effectivement « se mettre à la place » de la Cour fédérale et se concentrer sur la décision administrative.

[6] Dans cette optique, après avoir de nouveau évalué la question à la lumière des observations présentées par l’Alliance et l’intervenante, tant oralement que par écrit, nous concluons, en l’espèce, que la Cour fédérale a employé la norme de contrôle appropriée et qu’elle l’a appliquée correctement.

[7] Au paragraphe 51 de ses motifs, la Cour fédérale a déclaré que « [l]a qualification de la plainte a [...] été une tâche tributaire des faits qui a nécessité l’expertise de la Commission » et que cette qualification commande une déférence considérable. Nous sommes du même avis. Nous convenons également, pour les motifs énoncés par la Cour fédérale, que la Commission n’a commis aucune erreur susceptible de révision en qualifiant la plainte comme elle l’a fait ou en jugeant que l’Alliance n’avait pas qualité pour déposer la plainte.

[8] L’intervenante affirme que la décision de la Commission va à l’encontre de la jurisprudence qui montre que la Commission a déjà examiné des plaintes déposées par des organismes, la plus notable étant la décision rendue par la Commission en 2016 au sujet d’une plainte qui avait été déposée par l’intervenante et dans laquelle celle-ci alléguait que le Canada faisait preuve de discrimination envers les enfants et les familles des Premières Nations.

[9] En l’espèce, la Commission ne fonde pas sa décision sur son défaut de compétence à l’égard d’une plainte de discrimination formulée par un organisme. Au contraire, dans le rapport de l’agent des droits de la personne qui a été approuvé par la Commission, il est expressément reconnu qu’un organisme peut déposer une plainte de discrimination au nom d’un individu si cet individu est la victime alléguée de la discrimination. La Commission a toutefois déterminé que la plainte en l’espèce avait été déposée au nom de l’Alliance, et non d’un individu. Comme nous l’avons déclaré précédemment, nous convenons avec la Cour fédérale que cette qualification de la plainte était raisonnable.

[10] Dans sa plaidoirie, l’Alliance a insisté à maintes reprises sur le fait que la Commission a fait abstraction de certains éléments de sa plainte. Nous rejetons cette thèse. La Commission a examiné l’ensemble de la plainte, y compris les éléments susceptibles d’étayer la manière dont l’Alliance a qualifié la plainte, mais elle a déterminé que la plainte avait été déposée par l’Alliance, une entité qui n’est pas un « individu » au sens de la Loi. Comme l’a conclu la Cour fédérale, il s’agit d’une qualification où les faits prédominent, qui ne peut être qualifiée de déraisonnable.

[11] Par conséquent, l’appel sera rejeté. Puisque le défendeur ne réclame pas les dépens, la Cour n’en adjugera pas.

« K.A. Siobhan Monaghan »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL DE L’ORDONNANCE RENDUE PAR MONSIEUR LE JUGE LITTLE LE 23 AOÛT 2021, DOSSIER NO T-938-20

DOSSIER :

A-242-21

 

INTITULÉ :

ALLIANCE POUR L’ÉGALITÉ DES PERSONNES AVEUGLES DU CANADA c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET SOCIÉTÉ DE SOUTIEN À L’ENFANCE ET À LA FAMILLE DES PREMIÈRES NATIONS DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 février 2023

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LA JUGE MONAGHAN

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE MONAGHAN

COMPARUTIONS :

Anne Levesque

Pour l’appelante

Mathew Johnson

Monika Rahman

 

Pour l’intimé

M. Alyssa Holland

Pour l’intervenante

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Université d’Ottawa

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’appelante

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

 

Pour l’intimé

Conway Baxter Wilson LLP/s.r.l.

Ottawa (Ontario)

Pour l’intervenante

 

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