Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20230209


Dossier : A-306-21

Référence : 2023 CAF 32

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LA JUGE MONAGHAN

 

ENTRE :

JOHN V. KURGAN

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA) et

PHILIP JAMES BAKER

intimés

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 9 février 2023.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 9 février 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE WEBB

 


Date : 20230209


Dossier : A-306-21

Référence : 2023 CAF 32

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LA JUGE MONAGHAN

 

ENTRE :

JOHN V. KURGAN

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA) et

PHILIP JAMES BAKER

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 9 février 2023.)

LE JUGE WEBB

[1] Notre Cour est saisie d’un appel interjeté à l’encontre d’un jugement de la Cour fédérale (2021 CF 1084, sous la plume du juge Pentney), qui a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Kurgan à l’égard de deux décisions rendues par la Commission des libérations conditionnelles du Canada (la Commission) relativement à la mise en liberté de Philip James Baker. M. Kurgan demandait l’annulation des décisions de la Commission des libérations conditionnelles et demandait également que soit rendue une ordonnance interdisant à M. Baker de formuler des observations au sujet de M. Kurgan. M. Kurgan n’interjette pas appel du jugement ayant rejeté sa demande d’ordonnance à l’égard de M. Baker.

[2] En 2011, M. Baker a plaidé coupable à un chef d’accusation de fraude électronique aux États-Unis, où il a été condamné à vingt ans d’emprisonnement. Il a par la suite été transféré dans une prison canadienne. Dans sa première décision, la Commission a accordé à M. Baker une libération en 2016, sous réserve de certaines conditions. La seconde décision a modifié les conditions de mise en liberté de M. Baker afin que celui-ci puisse se rendre en Allemagne pour témoigner au procès de son ex-conjointe pour blanchiment d’argent. Dans les deux décisions, la Commission a précisé que M. Baker ne devait [TRADUCTION] « se lier à aucune personne [qu’il sait ou a] des raisons de croire qu’elle participe à des activités criminelles, y compris [ses] coaccusés Thomas J. Church et John V. Kurgan » (motifs de la Cour fédérale, au para. 5).

[3] En novembre 2017, à la suite de la mise en liberté de M. Baker, deux journaux ont publié des articles dans lesquels il était indiqué que M. Kurgan avait été l’associé de M. Baker. Les articles mentionnaient en outre que M. Kurgan avait été impliqué dans certaines affaires liées à la fraude commise par M. Baker. Les allégations visant M. Kurgan ont été démenties par son avocat, ce dont les articles ont aussi fait mention. En février 2018, la Banque royale du Canada a licencié M. Kurgan de son poste de négociateur de marchandises.

[4] En avril 2019, M. Kurgan a présenté une demande de contrôle judiciaire des décisions de la Commission. Avant que cette demande ne soit entendue, la Commission avait modifié ses motifs dans les deux décisions afin d’y supprimer les mentions de [TRADUCTION] « coaccusés ».

[5] Dans sa demande de contrôle judiciaire, M. Kurgan faisait valoir que les décisions de la Commission devraient être annulées parce que la Commission a agi « en raison d’une fraude ou de faux témoignages » (alinéa 18.1(4)e) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), c. F-7). La Cour fédérale a jugé que les décisions qui faisaient l’objet de la demande de contrôle judiciaire étaient les décisions modifiées de la Commission, décisions desquelles les mentions [TRADUCTION] « coaccusés » avaient été supprimées. M. Kurgan ne met pas en doute, ni dans son avis d’appel ni dans son mémoire, la conclusion selon laquelle les décisions faisant l’objet du contrôle sont les décisions modifiées de la Commission.

[6] La Cour fédérale a conclu que M. Kurgan n’avait pas qualité pour présenter les demandes de contrôle judiciaire, car il n’a pu démontrer qu’il est directement touché par les décisions modifiées de la Commission. La Cour fédérale s’est fondé sur le paragraphe 21 de l’arrêt Friends of the Canadian Wheat Board c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 101, dans lequel notre Cour a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Pour qu’une personne soit directement touchée, « la décision en question doit être une décision qui doit toucher directement les droits de la partie, lui imposer des obligations juridiques ou lui porter directement préjudice » [...].

[7] La Cour fédérale a choisi le bon critère juridique pour établir si M. Kurgan avait été directement touché par les décisions modifiées de la Commission. Dans ses motifs détaillés, la Cour fédérale a appliqué ce critère et a conclu que M. Kurgan n’avait pas été directement touché par les décisions modifiées de la Commission. Malgré les observations présentées par M. Kurgan dans le présent appel, nous sommes d’avis que les conclusions de fait ou les conclusions mixtes de fait et de droit de la Cour fédérale ne sont entachées d’aucune erreur manifeste et dominante.

[8] M. Kurgan prétend que la Cour fédérale n’a pas tenu compte de ses observations concernant les activités menées par M. Baker après sa mise en liberté lorsqu’elle a conclu que M. Kurgan n’était pas directement touché par les décisions modifiées. Nous sommes d’avis que tout préjudice causé par ces activités est trop éloigné pour influer sur la question de savoir si M. Kurgan était directement touché par les décisions modifiées de la Commission.

[9] En conséquence, nous souscrivons à la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle M. Kurgan n’était pas directement touché par les décisions modifiées de la Commission, et ce, essentiellement pour les mêmes motifs. M. Kurgan n’avait donc pas qualité pour présenter la demande de contrôle judiciaire.

[10] Dans le présent appel, M. Kurgan soulève une nouvelle question. Il prétend être une victime au sens de la Charte canadienne des droits des victimes, L.C. 2015, c. 13, art. 2 (la CCDV). Il invoque cet argument en lien avec certains droits que la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992 c. 20, reconnaît aux victimes, ainsi qu’en lien avec ses allégations selon lesquelles la Commission n’a pas respecté ses droits en tant que « victime ».

[11] M. Kurgan n’a pas soulevé cet argument dans la demande de contrôle judiciaire présentée à la Cour fédérale. Sa demande était fondée uniquement sur ses arguments selon lesquels la Commission avait agi « en raison d’une fraude ou de faux témoignages ». Il n’est généralement pas permis d’invoquer de nouveaux fondements dans un appel visant une demande de contrôle judiciaire, et nous n’observons en l’espèce aucune circonstance qui permettrait à M. Kurgan de le faire (Quan c. Cusson, 2009 CSC 62, [2009] 3 R.C.S. 712).

[12] Dans la mesure où M. Kurgan invoque la CCDV pour étayer son argument selon lequel il est directement touché par les décisions modifiées de la Commission, cet argument doit reposer sur le fait qu’il est effectivement une victime au sens de la CCDV. M. Baker a été déclaré coupable de fraude électronique aux États-Unis. M. Kurgan ne prétend pas être une victime directe de la fraude électronique, mais déclare plutôt, au paragraphe 64 de son mémoire, ce qui suit:

[traduction]

[...] De plus, John Kurgan a informé la Commission, dans une lettre de son avocat datée du 30 mai 2018, qu’il a été victime de la fraude par fonds spéculatifs de M. Baker, car il était l’une des personnes dont M. Baker a frauduleusement associé le nom à l’entreprise Lake Shore.

[13] La note de bas de page renvoyant à cette lettre en reproduit le passage pertinent :

[traduction]

De surcroît, vous verrez, au paragraphe 12 de l’acte d’accusation, que la façon de faire de M. Baker consistait notamment à utiliser les noms et identités d’autres personnes et à indiquer que ces personnes « participaient activement » aux activités de l’entreprise Lake Shore, alors que c’était faux. Mon client était l’une de ces personnes.

[14] La date de cette lettre est postérieure à la date à laquelle les décisions initiales de la Commission ont été rendues. Rien n’indique que M. Kurgan a soulevé le fait qu’il était une « victime » avant la date de cette lettre. Rien n’indique non plus que la Commission des libérations conditionnelles a conclu que M. Kurgan est une victime au sens de la CCDV. Comme M. Kurgan allègue que la Commission aurait dû respecter ses droits en tant que « victime » et qu’il est directement touché par les décisions de la Commission parce que ses droits n’ont pas été respectés, c’est d’abord auprès de la Commission qu’il aurait dû faire valoir qu’il est une victime au sens de la CCDV. Il est maintenant trop tard pour soulever ce point et demander à notre Cour de conclure que M. Kurgan est une victime au sens de la CCDV.

[15] Dans son mémoire, le procureur général demande les dépens relatifs au présent appel et à l’instance à la Cour fédérale. Dans son jugement, la Cour fédérale n’a accordé aucuns dépens. Le procureur général n’a pas interjeté d’appel incident contre ce jugement; nous n’avons donc pas compétence pour accueillir sa demande de dépens relatifs à l’instance à la Cour fédérale.

[16] L’appel est donc rejeté avec dépens.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-306-21

 

INTITULÉ :

JOHN V. KURGAN c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ORGANISÉE PAR LE GREFFE

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 février 2023

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LA JUGE MONAGHAN

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE WEBB

COMPARUTIONS :

Michael Meredith

Pour l’appelant

Eric Peterson

Pour l’intimé

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Meredith, avocat

Toronto (Ontario)

Pour l’appelant

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimé

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA)

 

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