Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20230210


Dossier : A-479-19

Référence : 2023 CAF 33

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

GARY CURTIS

appelant

et

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

et

LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE

intimées

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 24 janvier 2023.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 10 février 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE RIVOALEN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

 


Date : 20230210


Dossier : A-479-19

Référence : 2023 CAF 33

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

GARY CURTIS

appelant

et

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

et

LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE RIVOALEN

[1] L’appelant, Gary Curtis, interjette appel de l’ordonnance rendue par la Cour fédérale le 25 novembre 2019 (le juge Gascon) : 2019 CF 1498 (ordonnance de la Cour fédérale).

[2] Dans l’ordonnance portée en appel, la Cour fédérale a confirmé l’ordonnance rendue le 29 mai 2019 par le protonotaire Aalto (aujourd’hui, juge adjoint), par laquelle celui-ci a accueilli une requête déposée par les intimées et a radié la demande de contrôle judiciaire de l’appelant en raison de son caractère théorique. Le juge adjoint Aalto a également rejeté la demande de contrôle judiciaire par laquelle l’appelant sollicitait une ordonnance de mandamus, pour le motif que la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) s’était acquittée de son obligation à l’égard de la plainte de M. Curtis lorsqu’elle a décidé de ne pas procéder à l’instruction de la plainte. Il a donc conclu que la demande de contrôle judiciaire était théorique. La Cour fédérale a examiné les faits et le droit et en est arrivée à la même conclusion que le protonotaire.

[3] Le protonotaire a adjugé des dépens de 1 500 $ à la Banque de Nouvelle-Écosse. La Cour fédérale a ordonné que des dépens de 1 250 $ soient payés à la Banque de la Nouvelle-Écosse et que des dépens de 750 $ soient versés à la Commission.

[4] Ainsi que je l’ai mentionné précédemment, la Cour fédérale a énoncé les faits ayant mené à l’ordonnance du protonotaire, a fait un examen assez détaillé de l’ordonnance et a appliqué la norme de contrôle définie dans l’arrêt Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, [2017] 1 R.C.F. 331. Cet arrêt prévoit que la norme de la décision correcte est celle qui doit s’appliquer aux questions de droit, ainsi qu’aux questions de droit et de fait mettant en cause une règle de droit isolable. Quant aux questions de fait et aux questions de droit et de fait, la norme applicable est celle de l’erreur manifeste et dominante. Pour obtenir gain de cause, l’appelant doit convaincre la Cour que la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante en tirant une conclusion de fait ou une conclusion de droit et de fait, ou qu’elle a commis une erreur en appliquant le droit.

[5] L’appelant invoque quatre arguments devant la Cour.

[6] Il allègue premièrement que le protonotaire a commis une erreur en fondant son ordonnance sur le mauvais avis de demande modifié.

[7] Deuxièmement, il soutient que la Cour fédérale a commis une erreur de droit et de fait, car la Commission n’a produit aucun « compte rendu de décision ». L’appelant affirme que la lettre de la Commission datée du 2 janvier 2019 n’est pas une décision, car elle ne respecte pas les exigences de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, c. H-6 (la LCDP).

[8] Troisièmement, l’appelant allègue que ni le protonotaire ni la Cour fédérale n’ont appliqué correctement le principe du caractère théorique. Il soutient que la Commission et la Banque de la Nouvelle-Écosse sont les intimées visées par l’avis de demande modifié visant la délivrance d’un bref de mandamus, qui est l’objet du présent contrôle judiciaire. La Banque de Nouvelle-Écosse est toutefois la seule intimée visée par l’avis de demande distinct dans lequel l’appelant sollicite l’examen de la décision que la Commission a communiquée dans sa lettre du 2 janvier 2019. L’appelant affirme donc qu’il est privé de la possibilité de contester les éléments de preuve qui auraient pu être déposés au nom de la Commission et qu’il ne pourra donc pas demander réparation contre la Commission. Selon l’appelant, il reste de réelles questions en litige entre lui et la Commission.

[9] Enfin, l’appelant affirme que la Cour fédérale a commis une erreur lorsqu’elle a confirmé l’ordonnance relative aux dépens rendue par le protonotaire et qu’elle a alloué des dépens à la Banque de la Nouvelle-Écosse et à la Commission.

[10] Je ne puis accepter aucun des arguments de l’appelant, et ce, pour les motifs suivants.

[11] Premièrement, l’avis de demande modifié qui est en litige en l’espèce visait la délivrance d’une ordonnance de la nature d’un bref de mandamus afin d’obliger la Commission à terminer son enquête sur la plainte déposée par l’appelant contre la Banque de la Nouvelle-Écosse dans le dossier de la CCDP no 20130462. Les autres mesures de réparation visées dans cette demande découlent toutes du dossier de la CCDP no 20130462. Cette demande a été présentée au protonotaire et elle a fait l’objet de son ordonnance. Le protonotaire n’a pas fondé son ordonnance sur le mauvais avis de demande modifié. Je ne constate aucune erreur.

[12] Deuxièmement, en ce qui concerne la question de savoir si la lettre du 2 janvier 2019 de la Commission constituait réellement une décision, la Cour fédérale a conclu que la LCDP ne prescrit pas la forme que doivent prendre les décisions de la Commission et que la lettre satisfait aux exigences de la LCDP. Il est vrai que, lorsque la Commission a précédemment statué sur la plainte de l’appelant, elle a énoncé sa décision dans un compte rendu de décision dont la forme a un aspect plus officiel qu’une simple lettre. Cela dit, la forme n’a aucune incidence sur les conséquences juridiques de la décision énoncée dans la lettre du 2 janvier 2019 de la Commission. Les parties pertinentes de la lettre de la Commission ont été reproduites dans les motifs (ordonnance de la Cour fédérale au para. 20). La lettre précise que la Commission a rejeté la plainte déposée par l’appelant contre la Banque de la Nouvelle-Écosse dans le dossier no 20130462, en application de l’alinéa 41(1)e) et du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la LCDP. La Commission a jugé que la poursuite de l’enquête n’était pas justifiée et que le dossier relatif à l’affaire était clos.

[13] La Cour fédérale a conclu que l’appelant n’avait pu relever aucune erreur de droit, ni aucune erreur manifeste et dominante de fait ou de droit et de fait dans la conclusion du protonotaire selon laquelle la lettre du 2 janvier 2019 de la Commission constituait sa décision (ordonnance de la Cour fédérale au para. 27). Je ne vois aucune erreur susceptible de révision.

[14] Sur la question du caractère théorique, la Cour fédérale n’a relevé aucune erreur dans la manière dont le protonotaire a appliqué l’arrêt de principe (Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, 57 D.L.R. (4th) 231). Je me rangerais à l’avis de la Cour fédérale. Toutes les questions en litige soulevées dans l’avis de demande modifié portent sur la demande de l’appelant visant à obtenir une ordonnance de mandamus afin de contraindre la Commission à s’acquitter de son obligation de traiter la plainte déposée contre la Banque de la Nouvelle-Écosse dans le dossier de la Commission no 20130462. La Commission s’est acquittée de ses obligations lorsqu’elle a évalué la plainte de l’appelant conformément aux articles 40 et 41 de la LCDP, et qu’elle l’a rejetée pour les motifs qu’elle a exposés dans sa lettre datée du 2 janvier 2019. Le 29 janvier 2019, l’appelant a déposé une demande de contrôle judiciaire distincte à l’encontre de la décision de la Commission. Pour les motifs énoncés par la Cour fédérale, la demande de bref de mandamus qui est à l’origine de la présente instance a un caractère théorique.

[15] Enfin, en ce qui concerne l’adjudication des dépens, le juge de la Cour fédérale n’a commis aucune erreur lorsqu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire et décidé de ne pas intervenir pour modifier les dépens adjugés par le protonotaire, pas plus qu’il n’a commis d’erreur en exerçant son pouvoir discrétionnaire et en ordonnant à l’appelant de payer les dépens (ordonnance de la Cour fédérale aux para. 36 à 38). Je ne suis pas d’avis que l’adjudication de dépens contre l’appelant et leur répartition comportent quelque erreur manifeste et dominante de fait ou de droit et de fait. Je ne vois aucune raison de modifier les dépens alloués à l’une ou à l’autre intimée.

[16] En résumé, j’ai examiné tous les arguments de l’appelant et je suis d’avis que la Cour fédérale n’a commis aucune erreur en rendant son ordonnance. De fait, je souscris dans une large mesure aux conclusions de droit et aux conclusions de droit et de fait énoncées par la Cour fédérale.

[17] Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens de 500 $ en faveur de chacune des intimées.

« Marianne Rivoalen »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-479-19

INTITULÉ :

GARY CURTIS c. LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE ET LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 24 janvier 2023

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE RIVOALEN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

DATE DES MOTIFS :

Le 10 février 2023

COMPARUTIONS :

Gary Curtis

 

Pour l’appelant

Pour son propre compte

Caroline Carrasco

 

Pour l’intimée

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

Bonnie Roberts Jones

 

Pour l’intimée

LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

La Commission canadienne des droits de la personne

Ottawa (Ontario)

Pour l’intimée

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

Hicks Morley Hamilton Stewart Storie S.E.N.C.R.L.

Toronto (Ontario)

Pour l’intimée

LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE

 

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