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Date : 20230228


Dossier : A-94-19

Référence : 2023 CAF 42

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LA JUGE MONAGHAN

LA JUGE GOYETTE

 

 

ENTRE :

BARBARA PUDNEY

appelante

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 23 février 2023.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 février 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MONAGHAN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LA JUGE GOYETTE

 


Date : 20230228


Dossier : A-94-19

Référence : 2023 CAF 42

CORAM :

LE JUGE WEBB

LA JUGE MONAGHAN

LA JUGE GOYETTE

 

 

ENTRE :

BARBARA PUDNEY

appelante

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE MONAGHAN

[1] En 1991, Barbara Pudney a souscrit une police d’assurance-vie. La police prévoyait des paiements de primes mensuelles de 64,89 $ pendant 22 ans, paiements que Mme Pudney semble avoir effectués rigoureusement. Outre la prestation de 100 000 $ payable au bénéficiaire désigné au décès de Mme Pudney, la police prévoyait une valeur de rachat payable à Mme Pudney. Selon les modalités de la police, Mme Pudney pouvait emprunter une somme ne dépassant pas la valeur de rachat ou elle pouvait annuler la police en échange d’une somme égale à la valeur de rachat.

[2] Mme Pudney a pris sa retraite de la fonction publique fédérale en janvier 2015. Il appert qu’elle a demandé à son employeur de transférer une partie de son indemnité de départ directement dans son régime de pension (pour l’achat de crédits de pension supplémentaires) ou son régime enregistré d’épargne-retraite, ou les deux. Mme Pudney fait valoir que cette demande, de même que la demande qu’elle a présentée à l’Agence du revenu du Canada (ARC) en vue d’être exemptée de la retenue à la source, ont eu pour effet de retarder le versement du solde de son indemnité. Comme Mme Pudney avait pris sa retraite, ce retard lui a causé des difficultés financières; au printemps 2015, Mme Pudney a donc annulé sa police d’assurance en échange de la valeur de rachat. La compagnie d’assurances lui a versé 32 859,18 $.

[3] En février 2016, la compagnie d’assurances a émis un feuillet T5 à Mme Pudney sur lequel il était déclaré qu’elle avait reçu 27 225,14 $ à titre d’« Autres revenus » durant son année d’imposition 2015. Lors de la production de sa déclaration de revenus pour l’année 2015, Mme Pudney a ajouté cette somme à son revenu, mais elle a également déduit le montant de 32 859 $ – la valeur de rachat qui lui avait été versée – à titre d’« autres déductions » dans le calcul de son revenu. L’ARC a refusé la déduction et a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition 2015 qui indiquait un impôt supplémentaire d’environ 11 415 $, plus les intérêts.

[4] Mme Pudney a demandé à la compagnie d’assurances de lui expliquer le T5 et la manière dont la prestation imposable avait été calculée. Dans une lettre datée du 14 décembre 2016, la compagnie d’assurances lui a expliqué que le gain imposable correspondait à la différence entre le produit de disposition – la valeur de rachat qui lui avait été versée – et le coût de base rajusté (CBR) de la police. La lettre précisait que le CBR était de 5 634 $, ce coût correspondant à la différence entre les primes totales que Mme Pudney avait versées (17 130,96 $) et le coût net de l’assurance pure (11 496,92 $). Mme Pudney n’a pas compris les termes que la compagnie d’assurances a utilisés dans cette lettre.

[5] Mme Pudney s’est opposée à la nouvelle cotisation établie par l’ARC et a joint la lettre de la compagnie d’assurances à son avis d’opposition; elle a aussi demandé à l’ARC de lui expliquer pourquoi le coût de la police ne correspondait pas à ce qu’elle avait payé, mais à un coût rajusté, et de lui expliquer ce que signifiait l’expression « coût net de l’assurance pure ».

[6] L’ARC a confirmé la nouvelle cotisation. Dans l’avis de confirmation, l’ARC a reconnu que Mme Pudney demandait des précisions sur certains termes utilisés dans la lettre de la compagnie d’assurances, mais n’a fourni aucune explication ou précision. Ainsi, Mme Pudney a interjeté appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt.

[7] La seule question que devait trancher la Cour de l’impôt était de savoir si l’ARC avait commis une erreur en refusant la déduction de 32 859 $ demandée par Mme Pudney. Devant la Cour de l’impôt, Mme Pudney a expliqué les circonstances qui l’avaient amenée à souscrire la police, puis à l’annuler en 2015. Elle a de nouveau fait valoir qu’elle ne comprenait pas pourquoi le coût de sa police avait été rajusté, ni pourquoi le T5 qu’elle avait reçu de la compagnie d’assurances n’indiquait pas la somme globale qui lui avait été versée. Elle a également fait valoir que, lorsqu’elle avait souscrit l’assurance, on lui avait dit que celle-ci n’était pas imposable. Mais elle n’a pu invoquer aucune disposition précise qui l’autorisait à déduire 32 859 $ dans le calcul de son revenu.

[8] Pour les motifs rendus oralement le 31 janvier 2019, la Cour canadienne de l’impôt (sous la plume du juge Pizzitelli, dossier de la Cour 2018-457(IT)I) a rejeté son appel. Mme Pudney interjette appel de cette décision auprès de notre Cour.

[9] J’éprouve de la sympathie pour Mme Pudney. Les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), qui régissent les assurances sont complexes. Il ne fait aucun doute que Mme Pudney a compris certaines modalités de sa police. Elle a compris que la police comportait un élément d’investissement et elle a expliqué à notre Cour que c’était l’une des raisons pour lesquelles elle avait souscrit ce type de police. Elle a compris que la police avait une valeur de rachat. Ce que Mme Pudney n’a pas compris, c’est pourquoi le CBR de la police ne correspondait pas à ce qu’elle avait payé et ce que l’expression « coût net de l’assurance pure » signifiait.

[10] La police d’assurance n’a fourni aucune réponse à ces questions. Le document de la police précise qu’il s’agit d’une police exonérée – un terme, est-il expliqué dans la police, qui figure dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Le document explique que, puisqu’il s’agit d’une police exonérée, son titulaire (en l’espèce, Mme Pudney) n’est pas tenu d’ajouter à son revenu les sommes liées à l’accumulation périodique de revenu au sein de la police. Comme le reconnaît Mme Pudney, la police comporte donc un volet d’investissement. La police signale également le fait que, bien qu’il s’agisse d’une police exonérée, si le titulaire annule la police pour en toucher la valeur de rachat ou emprunte à hauteur de cette dernière, il pourrait être nécessaire d’ajouter une certaine somme à son revenu. Malheureusement, le document n’explique pas le calcul qui détermine la somme ajoutée.

[11] Aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu, dans le cas où le titulaire d’une police d’assurance-vie dispose de sa police en la remettant à la compagnie d’assurance, comme l’a fait Mme Pudney, alors la différence entre la somme reçue de la compagnie d’assurance et le CBR de la police est imposable : paragraphe 148(1) et alinéa 56(1)j) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[12] Le CBR d’une police d’assurance est défini au paragraphe 148(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu et est calculé selon une formule. Cette formule présente plusieurs additions et soustractions servant à déterminer le CBR. Mme Pudney a raison lorsqu’elle dit que les primes qu’elle a payées sont ajoutées au CBR – c’est ce que prévoit l’élément B de cette formule. Cependant, aux termes du paragraphe a) de l’élément L de cette formule, elle doit déduire le coût net de l’assurance pure « défini par règlement et déterminé par l’émetteur de la police conformément au règlement ».

[13] Le coût net de l’assurance pure est défini à l’article 308 du Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945, qui prévoit une autre formule. Bien qu’il soit inutile d’en expliquer les détails pour trancher en l’espèce, il est peut-être utile de mentionner que le coût net de l’assurance pure est déterminé en partie en fonction de la probabilité qu’une personne présentant les mêmes caractéristiques pertinentes que la personne dont la vie est assurée (en l’espèce, Mme Pudney) décède au cours d’une année donnée.

[14] En ce qui concerne Mme Pudney, sa compagnie d’assurances a calculé, en se fondant sur la définition du CBR prévue dans la Loi de l’impôt sur le revenu, que le coût net de l’assurance pure de sa police s’établissait à 11 534 $ en 2015. Comme l’exige la Loi de l’impôt sur le revenu, pour déterminer le CBR de la police, il fallait déduire ce coût net des primes totales que Mme Pudney avait payées.

[15] Mme Pudney devait ajouter à son revenu la différence entre la somme reçue lors de l’annulation de sa police et le CBR. Elle l’a fait. Cependant, la Loi de l’impôt sur le revenu ne l’autorise pas à déduire les 32 859 $ qu’elle a reçus. Le CBR est la seule déduction autorisée. La compagnie d’assurances a déduit le CBR des 32 859 $ qu’elle a reçus pour déterminer la somme à ajouter à son revenu, et c’est cette somme qui est indiquée sur le T5. Par conséquent, je ne relève aucune erreur dans la décision de la Cour de l’impôt, qui a rejeté l’appel formé à l’encontre de la nouvelle cotisation.

[16] Je reconnais que, devant la Cour canadienne de l’impôt et notre Cour, Mme Pudney a soulevé plusieurs autres questions qui la préoccupaient, notamment le fait que son employeur a omis d’ajuster son T4 ou de lui verser des sommes auxquelles, selon ses allégations, elle aurait eu droit après sa retraite (notamment un paiement forfaitaire à la suite de la signature d’une nouvelle convention collective). Cependant, la Cour canadienne de l’impôt a expliqué, à bon droit, qu’elle n’avait pas compétence pour examiner ces questions. Elle ne pouvait statuer que sur le bien-fondé de la nouvelle cotisation.

[17] De même, dans l’appel d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt, nous ne pouvons pas examiner ces questions. Nous sommes appelés à nous prononcer uniquement sur le bien-fondé de la décision de la Cour de l’impôt. Toute autre revendication que Mme Pudney souhaiterait faire valoir devra être portée devant un autre tribunal.

[18] Pour les motifs qui précèdent, je rejetterais l’appel. Comme l’intimé ne demande pas de dépens, je n’en adjugerais aucun.

« K.A. Siobhan Monaghan »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Nathalie Goyette j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR LE JUGE PIZZITELLI LE 31 JANVIER 2019, DOSSIER NO 2018-457(IT)I

DOSSIER :

A-94-19

 

INTITULÉ :

BARBARA PUDNEY c. SA MAJESTÉ LE ROI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 février 2023

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MONAGHAN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LA JUGE GOYETTE

DATE DES MOTIFS :

Le 28 février 2023

 

COMPARUTIONS :

Barbara Pudney

 

Pour l’appelante

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Linsey Rains

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

SA MAJESTÉ LE ROI

 

 

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