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Date : 20230228


Dossier : A-58-22

Référence : 2023 CAF 43

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

BMO NESBITT BURNS INC.

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 28 février 2023.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 28 février 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20230228


Dossier : A-58-22

Référence : 2023 CAF 43

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

 

ENTRE :

 

BMO NESBITT BURNS INC.

 

appelante

 

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 28 février 2023.)

LE JUGE LOCKE

[1] L’appelante, BMO Nesbitt Burns Inc. (NBI), interjette appel de la décision de la Cour fédérale (sous la plume de la juge Catherine M. Kane, 2022 CF 157) ayant accueilli la demande présentée par l’intimé, le ministre du Revenu national, en application du paragraphe 231.7(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi), en vue d’obtenir une ordonnance enjoignant à NBI de lui fournir une version non caviardée d’un document appelé modèle-maître de tarification sommaire ou feuille de calcul. Le ministre avait présenté cette demande après que NBI eut omis de produire la feuille de calcul non caviardée malgré la demande présentée aux termes de l’article 231.1 (ou peut-être 231.2) de la Loi.

[2] NBI affirme que la décision de la Cour fédérale devrait être annulée, car la production de la feuille de calcul non caviardée entraînerait la divulgation de conseils juridiques protégés par le secret professionnel de l’avocat. NBI affirme en outre qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances, de rendre une ordonnance en application du paragraphe 231.7(1) de la Loi, (i) parce qu’une telle ordonnance doit être liée à une vérification et que toutes les étapes de la vérification en cause en l’espèce avaient été achevées avant que la Cour fédérale ne rende son ordonnance et (ii) que l’ordonnance de la Cour fédérale équivaut à exiger de NBI qu’elle réalise une autovérification, ce qui est inopportun.

[3] Les observations de NBI ne nous convainquent pas, et nous ne relevons aucune erreur susceptible de révision de la part de la Cour fédérale.

[4] L’argument invoqué par NBI au sujet du secret professionnel de l’avocat n’est autre qu’un désaccord sur la manière dont la Cour fédérale a soupesé la preuve. Les parties conviennent que NBI a reçu les conseils juridiques en cause, que ces conseils sont protégés par le secret professionnel de l’avocat et que NBI ne devrait pas être obligée de révéler la teneur de ces conseils. Les parties conviennent également qu’il incombait à NBI de prouver que la production de la feuille de calcul non caviardée entraînerait la divulgation de conseils juridiques protégés. En réalité, la question en litige en l’espèce est de savoir si NBI s’est acquittée de ce fardeau. NBI invoque à l’appui des témoignages par affidavit de deux de ses employés et affirme que la Cour fédérale a commis une erreur en refusant, sans se fonder sur la preuve, de reconnaître la divulgation de renseignements protégés qu’aurait entraînée la production de la feuille de calcul non caviardée.

[5] La Cour fédérale a examiné les éléments de preuve de NBI, mais a conclu qu’ils étaient vagues et qu’ils ne suffisaient pas à établir que la production de la feuille de calcul non caviardée révélerait la teneur de conseils juridiques protégés (voir les paragraphes 93 à 108 des motifs de la Cour fédérale). NBI affirme que la Cour fédérale a commis une erreur en la plaçant dans la position intenable de devoir, pour étayer suffisamment la preuve, révéler des renseignements protégés pour convaincre la Cour fédérale que des renseignements protégés seront révélés.

[6] NBI ne nous a pas convaincus que la Cour fédérale a commis une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante de fait ou mixte de fait et de droit en rendant sa décision sur cette question. Il était loisible à la Cour fédérale de juger que la preuve de NBI était insuffisante. De même, NBI ne nous a pas convaincus qu’elle aurait pu corriger cette lacune en invoquant des renseignements protégés. Nous rejetons également l’argument selon lequel il était impossible pour NBI de répondre pleinement à la demande du ministre sans être tenue de révéler des renseignements protégés. NBI tente devant notre Cour de se défiler en ayant recours à la même imprécision que celle au sujet de laquelle la Cour fédérale a exprimé des réserves.

[7] L’autre argument de NBI, selon lequel la demande du ministre n’aurait pas dû être accueillie en l’absence d’une vérification en cours, doit lui aussi être rejeté. En premier lieu, au paragraphe 125 de ses motifs, la Cour fédérale a conclu que la vérification de NBI en cause (concernant l’année d’imposition 2016) n’était pas encore terminée lorsqu’elle a rendu sa décision. Cette conclusion repose sur une abondance de faits, et NBI ne nous a pas convaincus qu’elle est entachée d’une erreur manifeste et dominante. NBI elle-même a simplement fait valoir, dans ses observations orales, que la vérification était bien avancée, non pas terminée. Qui plus est, il ne fait aucun doute que la vérification était en cours la première fois que le ministre a demandé la production de la feuille de calcul non caviardée. La nouvelle cotisation qui, selon NBI, a mis fin à la vérification a été établie plus tard par le ministre. Nous souscrivons à l’argument du ministre selon lequel il est impossible que l’intention du législateur ait été de permettre au contribuable faisant l’objet d’une vérification d’éviter qu’une ordonnance soit rendue à son égard en application du paragraphe 231.7(1) de la Loi, parce qu’il aurait tardé à se conformer à une demande de documents jusqu’à l’établissement d’un avis de nouvelle cotisation. Ces avis doivent respecter des délais précis et leur établissement n’indique pas nécessairement que le ministre a obtenu des réponses satisfaisantes aux questions qui ont donné lieu à la vérification et à la demande de documents. Conclure autrement encouragerait le non-respect des demandes de documents légitimes présentées par le ministre.

[8] Enfin, nous ne relevons aucune erreur justifiant l’infirmation de la décision de la Cour fédérale d’écarter l’argument de NBI selon lequel ordonner la production de la feuille de calcul non caviardée équivaut à obliger NBI à effectuer une autovérification ou à révéler ses « points faibles ». Bien que NBI affirme le contraire, nous sommes d’avis qu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit. NBI ne nous a pas convaincus que la Cour fédérale a commis, à cet égard, une erreur manifeste et dominante qui justifie notre intervention. Par conséquent, nous jugeons qu’il convient d’établir une distinction avec l’arrêt de notre Cour dans l’affaire BP Canada Energy Company c. Canada (Revenu national), 2017 CAF 61.

[9] Pour les motifs que nous avons exposés, le présent appel sera rejeté avec dépens.

« George R. Locke »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-58-22

 

 

INTITULÉ :

BMO NESBITT BURNS INC. c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 février 2023

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE LOCKE

COMPARUTIONS :

Martha MacDonald

Patrick Reynaud

 

Pour l’appelante

 

Nancy Arnold

Kaitlin Coward

Sarah Mackenzie

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Société d’avocats Torys S.E.N.C.R.L.

Toronto (Ontario)

 

Pour l’appelante

 

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

 

 

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