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Date : 20230308


Dossier : A-74-22

Référence : 2023 CAF 51

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

JOHN CALVIN PETTINGER

défendeur

Audience tenue par visioconférence organisée par le greffe, le 7 mars 2023.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 mars 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MONAGHAN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 


Date : 20230308


Dossier : A-74-22

Référence : 2023 CAF 51

CORAM :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

JOHN CALVIN PETTINGER

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE MONAGHAN

[1] Peu de temps avant le premier anniversaire de son enfant, John Calvin Pettinger a pris un congé parental de 15 semaines de son emploi et a présenté une demande de 15 semaines de prestations parentales en application de la Loi sur l'assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23.

[2] La Loi sur l'assurance‑emploi dispose que le prestataire de prestations parentales « choisit » le nombre maximal de semaines de prestations, et que le choix est irrévocable dès lors que des prestations sont versées : paragraphes 23(1.1) et 23(1.2).

[3] Dans sa demande, M. Pettinger a choisi de recevoir des prestations parentales standard. Comme les prestations parentales standard ne sont offertes que durant les 52 semaines suivant la naissance de l'enfant, M. Pettinger n'a reçu que deux semaines de prestations.

[4] M. Pettinger a communiqué avec la Commission de l'assurance‑emploi du Canada (la Commission) et a demandé de changer son choix pour des prestations parentales prolongées. La Commission a rejeté sa demande, en l'informant qu'une fois les prestations versées, le choix est irrévocable. M. Pettinger a demandé à la Commission de réexaminer sa décision, mais la Commission l'a maintenue.

[5] M. Pettinger a interjeté appel avec succès de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. M. Pettinger n'a pas affirmé qu'il n'avait pas choisi les prestations parentales standard, et la division générale a conclu que « son choix était clair ». M. Pettinger a plutôt expliqué que lorsqu'il avait fait son choix, il n'avait pas compris que les prestations parentales standard ne pouvaient être versées que durant les 52 semaines suivant la naissance de son enfant.

[6] La division générale a estimé que M. Pettinger n'avait pas fait de choix valide, parce que le formulaire de demande ne lui avait pas fourni toutes les informations nécessaires pour faire un choix valide. Puisque son premier choix n'était pas valide, la division générale a conclu qu'il pouvait faire un nouveau choix et demander des prestations parentales prolongées.

[7] La Commission a interjeté appel de cette décision devant la division d'appel du Tribunal de la sécurité sociale, alléguant que la division générale avait commis des erreurs de droit et outrepassé sa compétence en modifiant le choix fait par M. Pettinger après que des prestations eurent été versées et en tirant une conclusion sur la validité de son choix. La division d'appel a rejeté ces allégations et a par conséquent rejeté l'appel de la Commission, dans une décision du 8 mars 2022 (dossier numéro AD‑21‑349).

[8] Le procureur général du Canada demande maintenant le contrôle judiciaire de cette décision. La question dont nous sommes saisis est de savoir si la décision de la division d'appel, selon laquelle la division générale n'a pas commis d'erreur, est raisonnable : Stavropoulos c. Canada (Procureur général), 2020 CAF 109 au para. 11, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653 aux para. 83 et 86 [Vavilov], et Stojanovic c. Canada (Procureur général), 2020 CAF 6 au para. 34. Si la décision est raisonnable, nous devons alors rejeter la demande de contrôle judiciaire.

[9] Même si l'avis de demande et les autres documents ont été signifiés à M. Pettinger conformément aux Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, il n'a pas déposé d'avis de comparution ni participé à l'audience relative au contrôle judiciaire.

[10] Pour être raisonnable, une décision doit « se justifier au regard des faits et du droit »; le « régime législatif applicable servira toujours à circonscrire les actes ainsi que les pouvoirs des décideurs administratifs » : Vavilov aux para. 86 et 68.

[11] Notre Cour a affirmé que les paragraphes 23(1.1) et 23(1.2) de la Loi sur l'assurance‑emploi ne permettent qu'une seule interprétation. Le « mot ‟choisit” s'entend du choix que la prestataire indique dans le formulaire de demande »; aussitôt que « les prestations commencent à être versées, il est impossible pour la prestataire, la Commission, la division générale ou la division d'appel de révoquer, de modifier ou de changer ce choix » : Canada (Procureur général) c. Hull, 2022 CAF 82 aux para. 62 à 64 [Hull].

[12] Même si la division d'appel a rendu sa décision avant que notre Cour ne rende la sienne dans l'arrêt Hull, cette décision est déraisonnable pour les motifs énoncés dans l'arrêt Hull. Dès lors que M. Pettinger avait fait son choix et que des prestations avaient été versées, son choix ne pouvait être modifié par lui-même, par la Commission ou par le Tribunal de la sécurité sociale.

[13] Par conséquent, j'accueillerais la présente demande de contrôle judiciaire. Même s'il est vrai que les cours de justice devraient en général respecter l'intention du législateur de confier des questions à des décideurs administratifs, la décision de ne pas renvoyer une affaire au décideur administratif peut également être appropriée lorsqu'il devient évident pour la Cour qu'une issue précise est inévitable : Canada (Procureur général) c. Burke, 2022 CAF 44 aux para. 115 à 117.

[14] À mon avis, compte tenu du droit et des conclusions de fait en l'espèce, il ne serait d'aucune utilité de renvoyer l'affaire à la division d'appel du Tribunal de la sécurité sociale pour un nouvel examen, parce qu'elle ne pourrait tirer qu'une seule conclusion raisonnable. L'avocat du demandeur est du même avis. Par conséquent, j'annulerais la décision de la division d'appel du Tribunal de la sécurité sociale du 8 mars 2022 et, rendant l'ordonnance qu'elle aurait dû rendre, j'accueillerais l'appel interjeté par la Commission de la décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, sans dépens.

« K.A. Siobhan Monaghan »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

J.B. Laskin j.c.a. »

« Je suis d'accord.

Anne L. Mactavish j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE DE LA DÉCISION DE LA DIVISION D'APPEL DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE SUR L'AUTORISATION D'INTERJETER APPEL DU 1ER OCTOBRE 2021, NO AD-21-349

DOSSIER :

A-74-22

 

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. JOHN CALVIN PETTINGER

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VISIOCONFÉRENCE ORGANISÉE PAR LE GREFFE

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 7 mars 2023

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MONAGHAN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 8 mars 2023

COMPARUTIONS :

Marcus Dirnberger

 

Pour le demandeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le demandeur

 

 

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