Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20230321


Dossier : A-108-21

Référence : 2023 CAF 64

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

TIMOTHY E. LEAHY

appelant

et

LE MINISTRE DE LA JUSTICE

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 14 mars 2023.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 mars 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20230321


Dossier : A-108-21

Référence : 2023 CAF 64

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

TIMOTHY E. LEAHY

appelant

et

LE MINISTRE DE LA JUSTICE

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RENNIE

[1] La Cour est saisie de l'appel d'une ordonnance rendue par la juge Furlanetto de la Cour fédérale (2021 CF 302). Dans cette décision, la juge Furlanetto a accueilli la requête de l'intimé en radiation de la demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision du registraire de la Cour suprême du Canada (le registraire). En application du paragraphe 73(4) des Règles de la Cour suprême du Canada, DORS/2002‑156 (les Règles), le registraire avait refusé la requête en réexamen présentée par l'appelant à l'égard de la décision de la Cour suprême rejetant sa demande d'autorisation d'appel d'un arrêt de notre Cour.

[2] Le suivi procédural qui a donné lieu au présent appel est le suivant.

[3] L'appelant a demandé à la Cour fédérale de déclarer qu'il était autorisé à comparaître en tant qu'avocat devant les Cours fédérales, malgré le fait qu'il n'était pas membre du Barreau de l'Ontario. Le ministre de la Justice a présenté avec succès une requête en radiation de la demande (Leahy c. Ministre de la Justice, 2019 CF 973). L'appelant n'a pas déposé d'avis d'appel à l'égard du jugement radiant sa demande dans le délai de 30 jours prévu à l'alinéa 27(2)b) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, et a subséquemment présenté une requête en prorogation du délai pour le faire. Le juge Stratas, siégeant seul à titre de juge de notre Cour, a rejeté la requête et refusé de proroger le délai au cours duquel l'appelant pouvait interjeter appel. L'appelant a ensuite demandé l'autorisation d'interjeter appel de la décision du juge Stratas devant la Cour suprême. La Cour suprême a rejeté la demande de l'appelant le 15 octobre 2020 (no 39254, 2020 CanLII 76217).

[4] L'appelant a ensuite déposé une requête en réexamen du refus de la Cour suprême d'accorder l'autorisation d'interjeter appel.

[5] Le registraire, en soulignant les critères prescrits à l'article 73 des Règles, a refusé la requête en réexamen du fait que l'affidavit déposé n'exposait pas les circonstances extrêmement rares exigées pour le dépôt d'une telle requête. Cela a amené l'appelant à déposer sa demande de contrôle judiciaire, qui a été radiée par la Cour fédérale.

[6] Je ne vois aucune erreur dans les motifs de la Cour fédérale. La juge Furlanetto a correctement exposé le critère juridique applicable à la radiation d'un avis de demande de contrôle judiciaire, c'est‑à‑dire que la demande ne peut être radiée que si elle est manifestement irrégulière au point de n'avoir aucune chance d'être accueillie (motifs au para. 17, renvoyant à la décision David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588, 1994 CanLII 3529 (C.A.F.)). La juge a souligné qu'en présence d'une jurisprudence claire et contraignante qui contredit directement la thèse sur laquelle la demande est fondée, cette dernière satisfait au critère voulant qu'elle n'ait « aucune chance d'être accueillie » et qu'il convient donc de la radier dès le départ (motifs au para 18). C'est le cas en l'espèce.

[7] La jurisprudence établie — plus précisément l'arrêt de la Cour suprême Stubicar c. Canada, 2014 CSC 38, [2014] 2 R.C.S. 104, l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Scheuneman c. Procureur général du Canada, 2003 CAF 194, [2003] A.C.F. no 686 (QL) [Scheuneman], et la décision de la Cour fédérale Sydel c. Procureur général du Canada, 2013 CF 1116 [Sydel] — confirme qu'on ne peut enjoindre à la Cour suprême d'examiner une requête en réexamen.

[8] La Cour suprême n'est pas un office fédéral au sens de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Affirmer que la Cour fédérale peut contraindre la Cour suprême à entendre une requête en réexamen irait à l'encontre du principe selon lequel les tribunaux contrôlent leurs propres procédures, ce qui constitue un élément du principe constitutionnel non écrit de l'indépendance judiciaire. En outre, si la Cour fédérale pouvait contrôler un arrêt ou une ordonnance de la Cour suprême du Canada, la décision qu'elle rendrait pourrait elle‑même être portée en appel à la Cour suprême (Scheuneman au para. 11, Sydel aux para. 56 à 58). Il est évident en soi que cette thèse est absurde.

[9] L'appelant affirme que le registraire n'est pas un juge, et qu'il ne peut donc pas trancher des questions portant sur des appels à la Cour suprême. Il fait valoir également que, comme les demandes d'autorisation d'interjeter appel sont examinées par une formation de trois juges de la Cour suprême, la même procédure doit s'appliquer à sa requête en réexamen. Je suis en désaccord avec les deux arguments.

[10] L'article 18 de la Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, c. S‑26, autorise le registraire à exercer la compétence d'un juge en chambre selon les pouvoirs qui lui sont conférés par les ordonnances ou règles générales édictées aux termes de cette loi, et le paragraphe 73(4) des Règles permet expressément au registraire de refuser une requête en réexamen. Afin d'éliminer tout doute sur ce point, l'article 12 des Règles dispose que l'ordonnance du registraire lie toutes les parties intéressées « comme si elle émanait d'un juge ».

[11] Je constate aussi que, bien que le paragraphe 43(3) de la Loi sur la Cour suprême dispose que trois juges constituent le quorum pour une demande d'autorisation d'appel, il n'y a pas d'exigence équivalente au sujet du quorum lorsque la Cour suprême décide si elle devrait accepter une requête en réexamen. La requête en réexamen diffère de la requête en autorisation d'interjeter appel. La première commande un examen de considérations étrangères à la décision de la Cour suprême elle-même, tandis que, dans la seconde, les questions en litige dans la décision susceptible d'être portée en appel sont évaluées selon des critères prévus par la loi, soit l'importance nationale et l'intérêt public. De plus, les requêtes en réexamen ne découlent que des Règles. Elles ne sont pas régies par la Loi sur la Cour suprême, contrairement aux demandes d'autorisation d'interjeter appel.

[12] Je rejetterais l'appel avec dépens, que je fixerais à 500 $.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

Le juge Webb, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

Le juge Locke, j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-108-21

INTITULÉ :

TIMOTHY E. LEAHY c. LE MINISTRE DE LA JUSTICE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 14 mars 2023

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE LOCKE

DATE DES MOTIFS :

LE 21 mars 2023

COMPARUTIONS :

Timothy E. Leahy

POUR SON PROPRE COMPTE

James Schneider

Pour l'intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureur général du Canada

Pour l'intimé

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.