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Date : 20230329


Dossier : A-367-21

Référence : 2023 CAF 72

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

ENTRE :

JEFFREY HULL

appelant

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 29 mars 2023.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 29 mars 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE WEBB

 


Date : 20230329


Dossier : A-367-21

Référence : 2023 CAF 72

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

ENTRE :

 

JEFFREY HULL

 

appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LE ROI

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 29 mars 2023.)

LE JUGE WEBB

[1] Les parties ont consenti à un jugement disposant de l’appel interjeté par l’appelant devant la Cour canadienne de l’impôt avant que cet appel ne soit entendu. Un jugement par consentement a été rendu le 20 octobre 2020, lequel tenait compte des modalités de l’accord de règlement. L’appelant a ensuite présenté une requête en vertu de l’article 147 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a, demandant des dépens de 260 413,27 $ aux termes de l’article 147(3.1) des Règles. D’après l’appelant, il aurait eu droit à des dépens majorés parce que le jugement par consentement lui était plus favorable que l’offre de règlement qu’il avait faite le 17 mars 2017. La requête de l’appelant a été rejetée par la Cour canadienne de l’impôt (2021 CCI 87, sous la plume du juge D’Arcy). L’appelant s’est plutôt vu attribuer des dépens de 4 096,25 $ plus des débours de 10 403,56 $ (desquels ont été déduits les dépens accordés à l’intimé, fixés à 2 500 $).

[2] En l’espèce, l’appelant interjette appel de l’ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt concernant les dépens.

[3] Comme l’a noté notre Cour dans l’arrêt Marzen Artistic Aluminum Ltd. c. Canada, 2016 CAF 34 :

[59] Pour ce qui est de la troisième question concernant l’adjudication des dépens à l’intimée, selon un principe bien établi, les ordonnances d’adjudication des dépens sont discrétionnaires et commandent la déférence. L’article 147 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a, énonce les facteurs qu’un juge doit prendre en considération au moment d’adjuger les dépens. Une cour d’appel peut intervenir uniquement si le juge a pris en considération des facteurs non pertinents, n’a pas tenu compte de facteurs pertinents ou a atteint une conclusion déraisonnable (voir Guibord c. Canada, 2011 CAF 346).

[4] Ce pouvoir discrétionnaire dans l’attribution des dépens est affirmé au paragraphe 147(3.1) des Règles. Le paragraphe 147(3.1) des Règles prévoit une majoration des dépens lorsque l’appelant fait une offre de règlement et obtient un jugement au moins aussi favorable que cette offre. Le pouvoir discrétionnaire de ne pas appliquer cette règle est confirmé par les premiers mots du paragraphe 147(3.1) des Règles : « [s]auf directive contraire de la Cour ».

[5] En l’espèce, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a décidé de ne pas appliquer le paragraphe 147(3.1) des Règles et il était en droit de le faire. L’argument de l’appelant selon lequel il avait nécessairement droit à des [traduction] « dépens majorés » en raison du jugement plus favorable que son offre de règlement n’est pas fondé. Cet argument ne tient pas compte des premiers mots du paragraphe 147(3.1) des Règles, qui accordent clairement au juge de la Cour canadienne de l’impôt le pouvoir discrétionnaire d’adjuger des dépens qui ne sont pas les dépens majorés prévus par cette disposition des Règles.

[6] Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a choisi d’exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas accorder des dépens majorés aux termes du paragraphe 147(3.1) des Règles en raison du manquement de l’appelant à l’ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt datée du 8 mai 2017; il note plus précisément au paragraphe 64 de ses motifs :

La partie qui ne se conforme pas à une ordonnance de la Cour ne doit pas se voir accorder des dépens majorés. L’appelant a quand même [de] la chance de se voir accorder des dépens.

[7] L’ordonnance en question prévoyait que les étapes du litige auraient dû être achevées au plus tard le 29 septembre 2017. L’appelant n’a rempli ses engagements que le 19 août 2020 (affidavit de Leonard S. Puterman daté du 9 avril 2021, au paragraphe 23). L’appelant n’a pas établi que le juge de la Cour canadienne de l’impôt avait commis une erreur manifeste et dominante lorsqu’il a constaté le manquement à l’ordonnance.

[8] Nous ne souscrivons pas à l’argument de l’appelant selon lequel les ordonnances judiciaires doivent être exécutées par la partie adverse avant que la Cour ne puisse constater un manquement. La Cour peut constater un manquement à une ordonnance judiciaire à tout moment et de sa propre initiative, à condition de respecter l’équité procédurale.

[9] Après avoir établi que le manquement de l’appelant à l’ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt constituait un fondement suffisant pour ne pas adjuger de dépens aux termes du paragraphe 147(3.1) des Règles, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a ensuite déterminé le montant adéquat des dépens.

[10] Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a de nouveau constaté le manquement à l’ordonnance de la Cour et a également noté le retard important mis par l’appelant à répondre aux engagements, retard qui a empêché le règlement de l’affaire en temps opportun.

[11] La complexité du litige et la somme en jeu ont également été prises en compte. Il ne s’agissait pas d’une affaire complexe, la question en litige étant de savoir si certaines dépenses avaient été engagées et, dans l’affirmative, si elles l’avaient été dans le but de gagner un revenu. L’impôt fédéral en litige s’élevait à 64 135 $, alors que les dépens réclamés étaient d’environ quatre fois ce montant (260 413,27 $).

[12] Le juge de la Cour canadienne de l’impôt n’a pas commis d’erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de ne pas appliquer le paragraphe 147(3.1) des Règles en raison du manquement, par l’appelant, à l’ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt ni dans la détermination du montant des dépens. Nous convenons que le défaut de l’appelant de se conformer à une ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt peut justifier l’exercice du pouvoir discrétionnaire de ne pas adjuger de dépens aux termes de l’article 147(3.1) des Règles et peut également, dans certaines situations, faire en sorte qu’une partie ayant gain de cause ne se voit accorder aucuns dépens (Asghar c. Canada, 2023 CAF 62).

[13] Bien qu’il ait estimé que le paragraphe 147(3.1) des Règles ne s’applique que lorsque la Cour canadienne de l’impôt instruit un appel et en détermine l’issue, le juge de la Cour canadienne de l’impôt n’a pas rejeté la requête de l’appelant sur ce fondement. La question de savoir si un juge de la Cour canadienne de l’impôt peut, si les circonstances le justifient, accorder une majoration des dépens à un appelant en vertu de cette règle, même si un règlement est conclu avant l’audience de l’appel interjeté par l’appelant, n’a toujours pas été tranchée.

[14] Par conséquent, le présent appel sera rejeté avec dépens, établis à 2 500 $, tout compris.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Nathalie Ayotte, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-367-21

APPEL D’UNE ORDONNANCE RENDUE PAR LE JUGE D’ARCY DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DATÉE DU 26 NOVEMBRE 2021, DOSSIER NO 2015-2187(IT)G

INTITULÉ :

JEFFREY HULL c. SA MAJESTÉ LE ROI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 mars 2023

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE WEBB

COMPARUTIONS :

A. Christina Tari

Pour l’appelant

Christian Cheong

Craig Maw

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Tari Law – Tax Dispute Resolution

Toronto (Ontario)

Pour l’appelant

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

 

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