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Date : 20230323


Dossier : A-131-20

Référence : 2023 CAF 68

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LA JUGE GLEASON

LA JUGE WOODS

ENTRE :

 

TEVA CANADA LIMITED

 

appelante

 

et

 

JANSSEN INC. et

 

JANSSEN PHARMACEUTICA N.V.

 

intimées

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 14 septembre 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 mars 2023.

VERSION PUBLIQUE DES MOTIFS DU JUGEMENT :

LA COUR

 


Date : 20230323


Dossier : A-131-20

Référence : 2023 CAF 68

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LA JUGE GLEASON

LA JUGE WOODS

ENTRE :

 

TEVA CANADA LIMITED

 

appelante

 

et

 

JANSSEN INC. et

 

JANSSEN PHARMACEUTICA N.V.

 

intimées

 

VERSION PUBLIQUE DES MOTIFS DU JUGEMENT

Il s’agit d’une version publique des motifs confidentiels du jugement remis aux parties. Cette version ne comporte aucun caviardage de la version confidentielle des motifs du jugement.

LA COUR :

[1] L’appelante, Teva Canada Limited (Teva), interjette appel et les intimées, Janssen Inc. et Janssen Pharmaceutica N.V. (collectivement, Janssen), interjettent un appel incident à l’égard du jugement de la Cour fédérale (le juge Manson) dans la décision Janssen Inc. c. Teva Canada Ltd.., 2020 CF 593, 321 A.C.W.S. (3d) 539, qui a été rendue dans une action que Janssen a intentée en application du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement sur les MB(AC)).

[2] Dans le jugement dont il est interjeté appel, la Cour fédérale a conclu ce qui suit :

  • les revendications en cause dans l’action, à savoir les revendications 1 à 48 du brevet canadien no 2,655,335 (le brevet 335) de Janssen, n’étaient pas évidentes et étaient valides;

  • la fabrication, la construction, l’utilisation ou la vente de suspensions injectables à libération prolongée de palmitate de palipéridone par Teva, conformément à sa présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) no 210095 à Santé Canada, contreviendrait aux revendications 1 à 16 et 33 à 48 du brevet 335 qui, de l’avis de la Cour fédérale, étaient des revendications de produit;

  • Teva ne contreviendrait pas directement aux revendications 17 à 32 du brevet 335 qui, de l’avis de la Cour fédérale, étaient des revendications d’utilisation;

  • Teva n’inciterait à la contrefaçon d’aucune des revendications 1 à 48 du brevet 335.

[3] La Cour fédérale a accordé une injonction permanente, jusqu’à l’expiration du brevet 335, le 17 décembre 2028, interdisant à Teva, à ses filiales et sociétés affiliées, ainsi qu’à leurs dirigeants, administrateurs, employés, mandataires, licenciés, ayants cause, ayants droit et autres personnes sur lesquels Teva exerce une autorité légitime :

  • de fabriquer, de construire, d’utiliser ou de vendre son injection de palipéridone au Canada, conformément à la PADN no 210095;

  • de mettre en vente ou de commercialiser son injection de palipéridone au Canada, conformément à la PADN no 210095;

  • d’importer, d’exporter ou de distribuer son injection de palipéridone au Canada, conformément à la PADN no 210095.

[4] Dans le présent appel, Teva affirme que la Cour fédérale a commis des erreurs susceptibles de révision en concluant que les revendications 1 à 48 du brevet 335 n’étaient pas évidentes. Subsidiairement, elle allègue également que, même si la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en concluant que le brevet 335 n’était pas évident, elle a commis des erreurs susceptibles de révision en concluant que Teva contreviendrait directement aux revendications 1 à 16 et 33 à 48 du brevet 335.

[5] Janssen, dans son appel incident, soutient que la Cour fédérale a commis une erreur en refusant de conclure qu’elle inciterait à la contrefaçon des revendications 1 à 48 du brevet 335.

[6] Pour les motifs qui suivent, nous sommes d’accord avec Janssen et nous rejetterions donc le présent appel et accueillerions l’appel incident, avec dépens dans les deux cas.

I. Le brevet 335 et les motifs de la Cour fédérale

[7] Le brevet 335 décrit et revendique des seringues préremplies, l’emploi de formes médicamenteuses et un médicament connu sous le nom de préparation retard de la palipéridone, sous forme de palmitate de palipéridone, administré conformément aux schémas posologiques revendiqués dans le brevet 335, dans le traitement de la schizophrénie et de troubles connexes.

[8] Comme le mentionne la Cour fédérale, la schizophrénie « [...] est une maladie invalidante permanente, qui toucherait plus de 300 000 Canadiens » (paragraphe 4 des motifs de la Cour fédérale).

[9] La palipéridone est un antipsychotique de deuxième génération, dont la forme orale a été utilisée dans le traitement de la schizophrénie et de maladies connexes, avant la date de priorité du brevet 335.

[10] La Cour fédérale a établi que la schizophrénie nécessite une prise en charge permanente au moyen d’antipsychotiques et qu’une cause majeure de rechute chez les personnes souffrant de schizophrénie est la non-observance thérapeutique, c’est-à-dire qu’elles ne prennent pas les médicaments prescrits. Une stratégie permettant d’assurer le respect du traitement est l’emploi d’antipsychotiques sous forme de préparations à action prolongée. Il existe différents types de préparations à action prolongée, dont les injections intramusculaires de préparations retard injectables à action prolongée qui se libèrent lentement à partir du site d’injection pour fournir une dose prolongée du médicament.

[11] L’invention revendiquée dans le brevet 335 concerne les schémas posologiques associés à l’utilisation de palmitate de palipéridone en préparation injectable à action prolongée dans le traitement de la schizophrénie et de troubles connexes.

[12] La Cour fédérale a établi que l’objectif des inventeurs du brevet 335 était l’établissement d’un schéma posologique qui assure une courbe de concentration plasmatique optimale en fonction du temps chez les patients traités par palmitate de palipéridone. Pour atteindre cet objectif, le brevet 335 décrit un schéma composé de doses d’attaque administrées le jour 1 et le jour 8 dans le muscle deltoïde, suivi d’un schéma composé de doses d’entretien administrées tous les mois par la suite, dans le muscle deltoïde ou fessier. Le schéma posologique comprend des fenêtres posologiques de ± 2 jours pour la deuxième dose d’attaque et de ± 7 jours pour les doses d’entretien, afin d’assurer une certaine flexibilité, tout en maintenant l’effet thérapeutique souhaité.

[13] La quantité de palmitate de palipéridone, indiquée dans le brevet 335, pour les patients qui ne présentent pas d’insuffisance rénale est la suivante : une première dose d’attaque renfermant l’équivalent d’environ 150 mg de palmitate de palipéridone le jour 1 du traitement; une deuxième dose d’attaque renfermant l’équivalent d’environ 100 mg de palmitate de palipéridone le jour 8 ± 2 jours et des doses d’entretien renfermant l’équivalent d’environ 75 mg de palmitate de palipéridone tous les mois ± 7 jours après la deuxième injection. De plus petites quantités sont indiquées pour les patients atteints d’insuffisance rénale.

[14] Les revendications en cause sont jointes en annexe aux présents motifs. Aux fins du présent appel, seul un résumé de ces revendications est nécessaire.

[15] Les revendications 1 à 16 du brevet 335 concernent des seringues préremplies contenant du palmitate de palipéridone et qui sont adaptées à une administration conforme aux schémas posologiques revendiqués. La revendication 1 est une revendication indépendante relative aux seringues préremplies contenant du palmitate de palipéridone et adaptées à l’administration selon un schéma posologique destiné aux patients qui ne présentent pas d’insuffisance rénale et la revendication 2 est une revendication indépendante relative aux seringues préremplies contenant du palmitate de palipéridone et adaptées à l’administration selon un schéma posologique destiné aux patients atteints d’insuffisance rénale. Les revendications 3 à 16 dépendent de la revendication 1 ou 2.

[16] Les revendications 17 à 32 du brevet 335 concernent l’emploi d’une forme médicamenteuse contenant du palmitate de palipéridone conformément aux schémas posologiques revendiqués.

[17] Les revendications 33 à 48 du brevet 335 sont des revendications de type suisse liées à l’emploi de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone dans la fabrication ou préparation d’un médicament adapté à une administration selon les schémas posologiques revendiqués.

[18] La Cour fédérale a conclu que la personne versée dans l’art à qui le brevet 335 s’adresse est une équipe qualifiée comprenant un clinicien, un formulateur de produits pharmaceutiques, un pharmacométricien et un pharmacocinéticien. Selon la Cour fédérale, l’équipe qualifiée comprenant la personne versée dans l’art possède une expertise dans le traitement de la schizophrénie et de troubles connexes, dans la formulation de préparations retard, dans la mise au point de schémas posologiques de médicaments, de façon à maximiser l’effet du médicament tout en réduisant au minimum les effets secondaires et dans la modélisation pharmacodynamique, notamment la modélisation pharmacocinétique de population ou la modélisation employée dans plusieurs exemples dans le brevet 335.

[19] La Cour fédérale a en outre conclu, au paragraphe 123 de ses motifs, qu’à toutes les dates pertinentes, notamment à la date de priorité du brevet 335, la date d’analyse de l’évidence, la personne versée dans l’art aurait les connaissances générales courantes suivantes :

i. La schizophrénie est une maladie permanente incurable. La personne versée dans l’art aurait connu les antipsychotiques typiques et atypiques servant au traitement de la schizophrénie.

ii. Les préparations retard sont conçues pour l’injection intramusculaire d’une dose relativement importante d’un médicament à action prolongée. Dans le cas du palmitate de palipéridone, l’hydrolyse de l’ester palmitique fournit le composé actif, à savoir la palipéridone.

iii. Les préparations retard peuvent être à base d’huile ou à base aqueuse, et des seringues préremplies ont été conçues pour faciliter l’administration.

iv. La posologie des préparations retard varie d’un médicament à l’autre.

v. La modélisation pharmacocinétique de population peut servir à la conception de schémas posologiques.

vi. Les préparations retard posent un risque d’effets indésirables graves, en raison de leur durée d’action prolongée.

vii. Une préparation retard de rispéridone est déjà commercialisée.

viii. La palipéridone est un métabolite de la rispéridone.

ix. Une préparation orale à libération prolongée de palipéridone est déjà commercialisée.

x. Des suspensions aqueuses de nanoparticules de palmitate de palipéridone ont été mises au point.

[20] De plus, la Cour fédérale a conclu, au paragraphe 145 de ses motifs, que les éléments essentiels de la revendication 1 étaient les suivants :

Des seringues préremplies contenant une préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, formulée en tant que suspension aqueuse de nanoparticules;

Pour administration par injection intramusculaire à un patient psychiatrique ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie, du trouble schizo‑affectif ou du trouble schizophréniforme;

Ces seringues préremplies sont adaptées à l’administration conformément au schéma posologique suivant :

Une première dose d’attaque d’environ 150 mg éq. de palipéridone injectée dans le muscle deltoïde le jour 1 du traitement;

Une deuxième dose d’attaque d’environ 100 mg éq. de palipéridone injectée dans le muscle deltoïde le jour 8 du traitement ± 2 jours;

Des doses d’entretien continues de 75 mg éq. de palipéridone injectées dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier tous les mois ± 7 jours par la suite.

[21] En ce qui concerne le sens à attribuer à l’adjectif « continues », la Cour fédérale a établi que ce terme signifiait ou englobait des doses d’entretien régulières, et non pas simplement une dose unique.

[22] La Cour fédérale a conclu que les éléments essentiels de la revendication 2 étaient les mêmes que ceux de la revendication 1, « [...] sauf que le patient qui a besoin d’un traitement est atteint d’insuffisance rénale, et les doses revendiquées sont d’environ 100 mg éq., 75 mg éq. et 50 mg éq., respectivement » (paragraphe 146 des motifs de la Cour fédérale).

[23] Les revendications 17 à 32 correspondent aux revendications 1 à 16, sauf qu’elles visent l’utilisation d’une forme médicamenteuse de palmitate de palipéridone, plutôt que des seringues préremplies. Leurs éléments essentiels remplacent donc la référence à des seringues préremplies par l’« utilisation d’une forme médicamenteuse ».

[24] La Cour fédérale a conclu que la personne versée dans l’art comprendrait que l’expression « utilisation d’une forme médicamenteuse » « [...] signifie l’utilisation d’une seringue contenant une préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone pour administrer la préparation par injection intramusculaire selon la posologie et le calendrier d’administration des revendications » (paragraphe 152 des motifs de la Cour fédérale).

[25] Les revendications 33 à 48 correspondent aussi aux revendications 1 à 16, sauf qu’elles visent l’utilisation de palmitate de palipéridone pour la préparation ou la fabrication d’un médicament. Au paragraphe 161 de ses motifs, la Cour fédérale a précisé que ce qui suit constitue les éléments essentiels des revendications 33 à 48 du brevet 335 :

[...] « utilisation de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone » pour la préparation (revendication 33) ou dans la fabrication (revendication 34) d’un médicament, lequel comprend des doses d’attaque et d’entretien. Cela dit, les revendications comprennent également, en tant qu’éléments essentiels, ce qui suit :

i. le calendrier d’administration aux jours 1 et 8 et tous les mois par la suite;

ii. des doses précises de 150, 100 et 75 mg éq. pour les patients qui ne présentent pas d’insuffisance rénale et de 100, 75 et 50 mg éq. pour les patients atteints d’insuffisance rénale;

iii. des sites d’injection dans le muscle deltoïde (doses d’attaque les jours 1 et 8) et dans le muscle deltoïde ou fessier (doses d’entretien).

[26] Pour son examen de l’évidence, la Cour fédérale a commencé sa discussion sur la question en énonçant, à juste titre, le cadre d’analyse de l’évidence qui s’applique et que la Cour suprême du Canada a établi dans l’arrêt Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, 298 D.L.R. (4th) 385, au para. 67 [arrêt Sanofi]. Ce cadre en quatre parties contient les étapes suivantes d’analyse d’une affirmation d’évidence :

  • identifier la personne versée dans l’art et déterminer les connaissances générales courantes et pertinentes de cette personne;

  • définir l’idée originale de la revendication en cause ou, si cela ne s’avère pas possible, la Cour suprême ordonne que le tribunal le fasse « par voie d’interprétation »;

  • recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de l’état de la technique et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

  • déterminer si, abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou si elles dénotent quelque inventivité.

[27] Dans les domaines de l’invention où les progrès sont souvent le fruit d’expérimentations, comme cela est le cas pour les travaux de développement de médicaments, la Cour suprême a déclaré, au paragraphe 68 de l’arrêt Sanofi, qu’un « essai allant de soi » pourrait être indiqué, compte tenu de la quatrième étape mentionnée précédemment.

[28] Dans l’affaire en instance, au paragraphe 167 de ses motifs, la Cour fédérale a, à juste titre, correctement décrit les facteurs pertinents à l’égard du critère de l’« essai allant de soi » :

i. Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

ii. Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

iii. L’antériorité fournit‑elle un motif de rechercher la solution au problème qui sous‑tend le brevet?

iv. Quelles sont les mesures concrètes ayant mené à l’invention?

[29] Aux paragraphes 187 et 188, la Cour fédérale a ainsi interprété le concept inventif des revendications en cause :

[...] un schéma posologique sûr et efficace qui, au moyen d’une préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, formulée en tant que nanosuspension aqueuse pour le traitement des patients atteints de schizophrénie, est conçu pour parvenir rapidement à l’intervalle de concentrations plasmatiques thérapeutiques et maintenir les patients dans cet intervalle. Pour les patients qui ne présentent pas d’insuffisance rénale, le schéma posologique est celui indiqué en détail dans les revendications 1, 17 et 33 :

[traduction]

150 mg éq. de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone injectée dans le muscle deltoïde le jour 1;

100 mg éq. de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone injectée dans le muscle deltoïde le jour 8 ± 2 jours;

75 mg éq. de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone injectée dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier tous les mois ± 7 jours par la suite.

Pour les patients atteints d’insuffisance rénale, les doses sont ajustées à la baisse, de sorte que les doses d’attaque sont de 100 mg éq. et de 75 mg éq. et les doses d’entretien, de 50 mg éq., comme l’indiquent les revendications 2, 18 et 34.

[30] Au paragraphe 197, la Cour fédérale a conclu que les différences entre l’état de la technique et le concept inventif des revendications en cause étaient les suivantes :

un schéma posologique d’antipsychotique retard conçu pour atteindre rapidement et de façon sécuritaire des concentrations plasmatiques thérapeutiques sans la nécessité d’une administration orale préalable, d’une supplémentation orale ou d’un ajustement posologique;

les quantités précises des doses comprises dans les schémas revendiqués;

une dose d’attaque administrée dans le muscle deltoïde;

une dose d’entretien administrée de façon interchangeable dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier;

des [périodes] posologiques de ± 2 jours (deuxième dose d’attaque) et de ± 7 jours (doses d’entretien);

un schéma posologique modifié pour les patients atteints d’insuffisance rénale.

[31] La Cour fédérale a conclu que les différences entre l’état de la technique et le concept inventif des revendications en cause n’auraient pas été évidentes pour la personne versée dans l’art, compte tenu des quatre facteurs tirés du critère de l’« essai allant de soi ».

[32] En ce qui concerne le premier de ces facteurs, la Cour fédérale a tiré plusieurs conclusions factuelles qui l’ont amenée à conclure qu’« […] il n’aurait pas été évident qu’une combinaison des doses, du calendrier d’administration et des sites d’injection divulgués mènerait rapidement et de façon sécuritaire à des concentrations plasmatiques thérapeutiques de palipéridone » (paragraphe 204). Ces conclusions comprenaient les faits suivants :

  • les données pharmacocinétiques nécessaires chez les humains n’avaient pas été divulguées dans l’art antérieur et, par conséquent, des essais sur des animaux et des humains auraient été nécessaires pour confirmer et ajuster la posologie;

  • l’art antérieur a révélé que les doses d’attaque pouvaient prendre la forme d’une forte dose initiale, de doses initiales plus fréquentes ou d’une combinaison des deux. Le seul élément d’art antérieur qui divulguait une posologie d’attaque pour la palipéridone, l’article rédigé par L. Citrome, intitulé « Paliperidone: quo vadis? » (2007) Int. J. Clin. Practice 61:4 at 653-662 (l’article du Dr Citrome), divulguait une posologie d’attaque utilisant des doses fixes, contrairement à la posologie revendiquée, qui utilise deux doses d’attaque différentes et une dose d’entretien continue plus faible;

  • l’article du Dr Citrome divulguait une gamme de doses jusqu’à concurrence de l’équivalent de 150 mg et un schéma de doses d’attaque comprenant les injections les jours 1 et 8, mais l’article ne divulguait pas si cette combinaison était sûre et efficace;

  • même si la personne versée dans l’art entendait adopter un schéma posologique d’attaque, il n’existait pas un nombre fixe de solutions discernables qui mèneraient au schéma revendiqué dans le brevet 335.

[33] En ce qui concerne le deuxième facteur du critère de l’« essai allant de soi », la Cour fédérale a souligné que le deuxième facteur était étroitement lié au quatrième facteur. Elle a conclu que la personne versée dans l’art aurait dû effectuer « [...] des expérimentations longues et ardues [pour trouver le schéma posologique revendiqué] au point que les essais ne seraient pas considérés comme routiniers » (paragraphe 218).

[34] En ce qui concerne le troisième facteur de motif, la Cour fédérale a conclu qu’« […] il y aurait eu une motivation générale à développer une préparation retard de palipéridone, mais pas nécessairement une motivation particulière à développer les schémas posologiques contenus dans le brevet 335 » (paragraphe 219).

[35] Étant donné que chacun des quatre facteurs permet de conclure que les revendications en cause n’étaient pas évidentes, la Cour fédérale a jugé que le brevet 335 n’était pas invalide pour cause d’évidence. Étant donné qu’il s’agissait du seul motif pour lequel sa validité était contestée, la Cour fédérale a conclu que le brevet 335 était valide.

[36] En ce qui concerne la contrefaçon, les parties se sont entendues pour dire à la Cour fédérale que Teva ne contreviendrait pas directement aux revendications 17 à 32 du brevet 335 quant à l’utilisation, puisqu’elle n’administrerait pas le médicament.

[37] La Cour fédérale a commencé sa discussion sur la contrefaçon en soulignant, à juste titre, que « [p]our déterminer si une revendication d’un brevet est violée, la Cour doit en donner une interprétation téléologique et en déterminer les éléments essentiels, puis déterminer si le produit qui emporterait contrefaçon est visé par les revendications du brevet [...] » (paragraphe 226). La Cour fédérale a poursuivi en faisant observer que les allégations d’absence de contrefaçon au titre du Règlement sur les MB(AC) exigent que l’on examine la question de savoir si la partie, qui cherche à obtenir une autorisation en soumettant une présentation abrégée de drogue nouvelle (appelée la seconde personne dans le Règlement sur les MB(AC)) – en l’espèce Teva – contreviendrait directement par incitation aux revendications du brevet en cause.

[38] La Cour fédérale a conclu que Teva contreviendrait directement aux revendications de produit dans les revendications 1 à 16 (qui concernent les seringues préremplies) et les revendications 33 à 48 (qui concernent le médicament). Plus précisément, la Cour fédérale a jugé que le produit Teva intègre tous les éléments des revendications 1 à 16 et 33 à 48 sur la préparation et la posologie et qu’il est notamment adapté à une administration conformément au schéma posologique revendiqué dans le brevet 335.

[39] En ce qui concerne la préparation, Teva a avancé un argument, que la Cour fédérale a qualifié de faible, selon lequel son produit ne contreviendrait pas aux revendications de produit, car ses seringues contenaient un peu plus de produit que les quantités indiquées dans les revendications en cause. La Cour fédérale a rejeté cette thèse en concluant que la dose mentionnée dans les revendications était celle donnée au patient et que la « […] MP [c’est-à-dire la monographie de produit] et […] l’emballage de Teva [...] indiqu[aient] que les doses de palmitate de palipéridone [étaient] de 150, 100, 75, 50 et 25 mg éq., et non les quantités accrues qui correspondent au sur-remplissage » (paragraphe 229).

[40] En ce qui concerne les éléments du produit qui ont trait à la posologie et les revendications sur le médicament, la Cour fédérale a conclu que le produit de Teva intègre tous les éléments essentiels des revendications 1 à 16 et 33 à 48 du brevet 335.

[41] La Cour fédérale a commencé son analyse de la contrefaçon du schéma posologique par une discussion sur la revendication 1 et elle a conclu que, si le produit de Teva était commercialisé, il contreviendrait à cette revendication, car il contenait chacun des éléments essentiels de la revendication. Plus précisément, la Cour fédérale a conclu ce qui suit relativement à chacun de ces éléments :

  • « Des seringues préremplies contenant une préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, formulée en tant que suspension aqueuse de nanoparticules : » la Cour fédérale a conclu que « [l]a MP et les étiquettes de produit de Teva indiquent que le produit de Teva se présente en seringues préremplies individuelles, contenant une suspension injectable à libération prolongée de palmitate de palipéridone » (paragraphe 241).

  • « Pour administration par injection intramusculaire à un patient psychiatrique ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie, du trouble schizo‑affectif ou du trouble schizophréniforme : » la Cour fédérale a conclu que l’étiquette de produit indique « destiné uniquement à l’administration intramusculaire », que la MP indique que la voie d’administration est une « injection intramusculaire », que selon le témoignage de l’un des experts de Teva, si le produit de Teva entrait sur le marché, il serait administré par voie intramusculaire, que les étiquettes du produit de Teva donnent des instructions posologiques pour les adultes atteints de schizophrénie et de troubles schizo-affectifs et que la MP de Teva informe les professionnels des soins de santé que le produit de Teva est destiné au traitement des deux troubles (paragraphes 242 et 243).

  • « Une première dose d’attaque d’environ 150 mg éq. de palipéridone injectée dans le muscle deltoïde le jour 1 du traitement : » la Cour fédérale a conclu que Teva vendra des seringues préremplies contenant une dose renfermant l’équivalent d’environ 150 mg de palmitate de palipéridone, que la MP de Teva définit comme la dose d’attaque à administrer le jour 1 dans le muscle deltoïde, et que l’étiquette de produit indique qu’elle doit être administrée le jour 1 dans le muscle deltoïde (paragraphes 244 et 245).

  • « Une deuxième dose d’attaque d’environ 100 mg éq. de palipéridone injectée dans le muscle deltoïde le jour 8 du traitement ± 2 jours : » la Cour fédérale a conclu que Teva vendra des seringues préremplies contenant une dose renfermant l’équivalent d’environ 100 mg de palmitate de palipéridone, que la MP de Teva mentionne de façon précise une dose de 100 mg le jour 8 administrée dans le muscle deltoïde dans le cadre du schéma d’instauration, que l’étiquette de produit indique « Jour 8 (une semaine plus tard) : 100 mg administrés dans le muscle deltoïde » et que la section « Doses manquées » de la MP de Teva indique que les patients peuvent recevoir la dose manquée jusqu’à quatre jours avant ou après le délai d’une semaine, mais qu’elle recommande que deux des quatre jours précédant ou suivant la dose recommandée se situent à l’intérieur du calendrier revendiqué. Ce calendrier comprend la période de ± 2 jours à partir du jour 8 qui est indiquée dans la revendication 1 du brevet 335 (paragraphes 246 et 247).

  • « Des doses d’entretien continues de 75 mg éq. de palipéridone injectées dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier tous les mois ± 7 jours par la suite : » la Cour fédérale a conclu que Teva vendra de nombreuses seringues préremplies, notamment celles contenant 75 mg éq. environ de palmitate de palipéridone et que la MP de Teva indique que ces seringues peuvent être utilisées comme des doses d’entretien mensuelles continues, administrées dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier (paragraphes 248 et 249).

[42] La Cour fédérale, au paragraphe 252, était d’accord avec Janssen pour dire que « l’utilisation possible, approuvée et voulue du produit de Teva précisée dans la MP de Teva intègre tous les éléments de la posologie et de l’administration » dans la revendication 1. La Cour fédérale a ensuite indiqué que « [l]a MP de Teva indique que les seringues préremplies qui seront vendues par Teva peuvent être administrées conformément au schéma posologique revendiqué » (paragraphe 253). La Cour fédérale a donc conclu que Teva contreviendrait directement à la revendication 1. Au paragraphe 254 de ses motifs, elle a souligné ce qui suit :

[...] Teva n’a pas besoin d’ordonner que le schéma posologique revendiqué soit le seul schéma, ou même le schéma recommandé, suivant lequel ses seringues devraient être administrées. La vente de seringues préremplies adaptées à l’administration conformément au schéma posologique revendiqué, comme indiqué dans la MP de Teva, privera Janssen de la pleine jouissance du monopole conféré par le brevet 335 (Monsanto, au para 34). L’utilisation réelle des seringues conformément au schéma posologique revendiqué n’est pas requise.

[43] En suivant le même raisonnement, la Cour fédérale a conclu que Teva contreviendra directement à la revendication 2 selon l’ajustement de la posologie pour les patients atteints d’insuffisance rénale et que, de même, elle contreviendrait directement aux revendications 33 et 34, les revendications indépendantes de « type suisse », en fabriquant et en vendant son produit de palmitate de palipéridone. Il s’ensuit donc qu’elle contreviendrait également aux revendications dépendantes des revendications indépendantes, c’est-à-dire les revendications 3 à 16 et 35 à 48 du brevet 335.

[44] Malgré les conclusions de fait qui précèdent, qui sous-tendent la conclusion de la Cour fédérale, selon laquelle Teva contreviendrait directement aux revendications 1 à 16 et 33 à 48, si son produit de palmitate de palipéridone devait entrer sur le marché, la Cour fédérale a conclu que Teva n’inciterait à la contrefaçon d’aucune des revendications en cause.

[45] En évaluant cette question, la Cour fédérale a conclu que l’arrêt Corlac Inc. c. Weatherford Canada Ltd., 2011 CAF 228, 95 C.P.R. (4th) 101 [arrêt Corlac] de notre Cour énonce un critère plus rigoureux que ce qui avait été exigé auparavant, de sorte qu’il ne sera désormais pas jugé qu’un intimé incite à la contrefaçon d’un brevet, sauf si le breveté établit que, « sans l’influence » des agissements de l’intimé, la contrefaçon ne s’est pas produite ou, dans le contexte d’une demande en application du Règlement sur les MB(AC), ne se serait pas produite.

[46] L’arrêt Corlac énonce un critère à trois volets applicable à l’incitation et aux situations où il est censé y avoir eu contrefaçon. Le critère à trois volets au paragraphe 162 de l’arrêt Corlac exige qu’un breveté établisse ce qui suit :

i. les actes de contrefaçon doivent avoir été exécutés par le contrefacteur direct;

ii. l’exécution des actes de contrefaçon a été influencée par les agissements du présumé incitateur de sorte que, sans cette influence, la contrefaçon directe n’aurait pas eu lieu;

iii. l’influence doit avoir été exercée sciemment par l’incitateur, autrement dit l’incitateur doit savoir que son influence entraînera l’exécution de l’acte de contrefaçon.

[47] Dans l’affaire en instance, qui portait sur une action intentée en application du Règlement sur les MB(AC), le produit de palmitate de palipéridone injectable de Teva n’était pas encore commercialisé. Il fallait donc que Janssen établisse que chacune des trois conditions préalables à une conclusion de contrefaçon se produirait si l’action était rejetée. La norme de preuve applicable était la norme habituelle de la prépondérance des probabilités en matière civile.

[48] La Cour fédérale a conclu que Janssen avait établi le premier volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac, mais pas le deuxième volet. Elle n’a pas examiné le troisième volet du critère.

[49] Plus précisément, en ce qui concerne le premier volet, la Cour fédérale a conclu qu’au moins certains médecins administreraient des doses de palmitate de palipéridone pour le traitement de la schizophrénie et de troubles connexes qui s’inscrivent dans le schéma posologique revendiqué par le brevet 335. La Cour fédérale a fondé sa décision sur les données d’IMS concernant le produit de palmitate de palipéridone injectable de Janssen qui était déjà sur le marché, ainsi que sur les témoignages des experts des parties quant à la façon dont les médecins administreraient probablement le produit de Teva. Bien qu’un grand nombre d’autres doses puissent être administrées, au moins quelques-unes d’entre elles seraient visées par les revendications. La Cour fédérale a donc conclu que Janssen avait établi qu’il y avait eu des actes de contrefaçon directe des revendications en cause.

[50] En ce qui concerne le deuxième volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac, la Cour fédérale a conclu que Janssen n’avait pas établi que « [...] la MP de Teva incite les médecins à prescrire les doses d’entretien revendiquées au point où, en l’absence de renseignements sur les doses dans la MP de Teva, aucune contrefaçon directe n’aurait lieu » (paragraphe 289). La Cour fédérale a rendu cette décision, car elle a conclu que ce sont les médecins qui, au bout du compte, choisiraient les doses d’entretien, en fonction de plusieurs facteurs autres que ceux énoncés dans la MP de Teva. La Cour fédérale a donc conclu que l’exigence du « sans cette influence » tirée de l’arrêt Corlac n’a pas été satisfaite. La Cour fédérale est parvenue à cette conclusion, bien qu’elle ait conclu ce qui suit :

  • la MP de Teva mentionne de façon précise la dose, le site d’injection et le moment d’administration des doses d’attaque revendiquées dans les revendications en cause;

  • la MP de Teva recommande notamment une dose d’entretien renfermant l’équivalent de 75 mg, pour les patients qui ne présentent pas d’insuffisance rénale, et une dose d’entretien renfermant l’équivalent de 50 mg, pour les patients atteints d’insuffisance rénale;

  • [traduction] « [l]a MP de Teva, de toute évidence, indique aux médecins que la dose d’entretien renfermant l’équivalent de 75 mg peut être utilisée pour traiter des patients atteints de schizophrénie, mais pas d’insuffisance rénale » (paragraphe 275);

  • [traduction] « [d]e même, pour les patients atteints d’insuffisance rénale, la MP de Teva donne comme instruction aux médecins de suivre le schéma posologique d’attaque, avec des injections mensuelles renfermant l’équivalent de 50 mg, qui sont ajustées sur l’intervalle renfermant l’équivalent de 25 à 100 mg, en fonction de la tolérabilité de chaque patient et de l’efficacité » (paragraphe 275).

[51] Ayant conclu que le brevet 335 est valide et que Teva contreferait directement celui-ci, la Cour fédérale a accordé une injonction permanente mentionnée précédemment.

II. Analyse

[52] La norme de contrôle habituelle applicable en appel s’applique au présent appel. Par conséquent, les erreurs de droit sont contrôlables suivant la norme de la décision correcte, tandis que les erreurs mixtes de fait et de droit, qui ne comportent pas une question de droit isolable, le sont selon la norme de l’erreur manifeste et dominante (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, 211 D.L.R. (4th) 577, aux para. 8, 10 et 36; Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, 420 D.L.R. (4th) 497, au para. 66).

[53] En l’espèce, Teva et Janssen affirment toutes les deux que la Cour fédérale n’a commis que des erreurs de droit. Cependant, comme nous le verrons plus en détail ci-dessous, au moins certaines des erreurs que la Cour fédérale aurait commises, selon les allégations de Teva, sont des erreurs de fait, et non des erreurs d’ordre juridique.

A. La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur quant à l’évidence?

[54] Nous examinerons d’abord la question de l’évidence.

[55] Teva fait valoir que la Cour fédérale a commis deux erreurs lors de son évaluation de l’évidence. Elle affirme d’abord que la Cour fédérale a commis une erreur en exigeant de Teva qu’elle démontre que les périodes posologiques du schéma posologique étaient évidentes. Elle soutient ensuite que la Cour fédérale a commis une erreur en ignorant ou en ne tenant pas compte des témoignages sur le point de départ pour établir des doses qui s’inscrivent dans le schéma posologique. Selon Teva, du fait de l’effet combiné de ces deux erreurs, elle était obligée d’établir plus que ce qu’elle était légalement tenue d’établir afin de prouver que les revendications en cause étaient invalides pour cause d’évidence.

[56] En ce qui concerne l’erreur précédente, Teva fait valoir que la Cour fédérale n’a pas conclu que la période posologique était un élément essentiel des revendications en cause et que la Cour fédérale a donc commis une erreur en exigeant que Teva démontre que chacune des périodes posologiques était non évidente. Teva prétend que cette erreur alléguée a eu pour effet de l’obliger à prouver que chaque réalisation visée par les revendications était évidente, au lieu de la contraindre à établir que simplement une réalisation était évidente, ce qui, selon elle, constitue une erreur de droit.

[57] Cet argument ne peut pas être retenu, car il est fondé sur une interprétation erronée des motifs de la Cour fédérale. Bien qu’il soit vrai que la Cour fédérale, au moment d’indiquer les éléments essentiels des revendications sur le médicament, n’ait pas mentionné les périodes posologiques au paragraphe 161 de ses motifs, il ressort clairement de la lecture de l’intégralité des motifs de la Cour fédérale qu’il s’agissait d’une omission accidentelle.

[58] Ailleurs dans ses motifs, la Cour fédérale a clairement indiqué que l’existence d’une période posologique, pour la première dose d’attaque et pour les doses d’entretien, constituait l’un des éléments essentiels des revendications en cause. Cela ressort en particulier des paragraphes 17, 126, 138, 141, 145 et 187 des motifs de la Cour fédérale où il est précisé clairement que les périodes sont des éléments essentiels des revendications.

[59] Ainsi, contrairement à ce que Teva soutient, la Cour fédérale a conclu que les périodes posologiques constituaient des éléments essentiels des revendications en cause. Compte tenu de l’interprétation téléologique donnée par la Cour fédérale aux revendications en cause, ainsi que des témoignages d’experts dont elle disposait, il lui était loisible de tirer cette conclusion.

[60] En outre, comme l’a, à juste titre, fait remarquer Janssen, les périodes posologiques ont eu un rôle minime dans l’analyse de l’évidence par la Cour fédérale. Elle s’est plutôt penchée sur les autres éléments essentiels des revendications en cause, dont l’évidence était plus facile à démontrer pour Teva. La Cour fédérale a conclu que Teva n’a pas réussi à démontrer leur évidence.

[61] Il s’ensuit qu’il n’y a aucun fondement au premier argument de Teva sur l’évidence, étant donné qu’il se fonde sur une interprétation erronée des motifs de la Cour fédérale.

[62] Selon le deuxième argument de Teva sur l’évidence, comme nous l’avons mentionné, la Cour fédérale a commis une erreur en ignorant ou en ne tenant pas compte des témoignages sur le point de départ de l’analyse de l’évidence. Cet argument repose sur la thèse de Teva, selon laquelle la Cour fédérale a omis de tenir compte du fait que des renseignements posologiques avaient déjà été divulgués dans l’art antérieur, puisque le profil pharmacocinétique de la palipéridone était déjà connu à la date de priorité. Compte tenu de cela, Teva affirme que seules des études de routine étaient nécessaires pour parvenir aux solutions enseignées par le brevet 335. Teva soutient que le fait que la Cour fédérale ait omis de mentionner cet art antérieur dans sa décision signifie qu’elle n’a pas tenu compte d’un élément de preuve essentiel, ce qui, de son avis, constitue une erreur de droit.

[63] Cependant, il ne s’agit pas du tout d’une question de droit, mais plutôt d’une question de fait.

[64] Il est bien établi qu’en l’absence d’une erreur de droit isolable au moment d’interpréter l’idée originale ou au moment d’établir ou d’appliquer le critère pour évaluer l’évidence, les conclusions sur l’évidence sont de nature factuelle, car elles reposent sur les conclusions d’un juge de première instance concernant les connaissances générales courantes et l’état de la technique, qui sont toutes les deux des questions de fait : voir, p. ex., les arrêts Tetra Tech EBA Inc. c. Georgetown Rail Equipment Company, 2019 CAF 203, 166 C.P.R. (4th) 1, au para. 133; Bell Helicopter Textron Canada Limitée c. Eurocopter, société par actions simplifiée, 2013 CAF 219, 120 C.P.R. (4th) 394, au para. 117 [arrêt Bell Helicopter Textron]; Cobalt Pharmaceuticals Company c. Bayer Inc., 2015 CAF 116, 131 C.P.R. (4th) 99, aux para. 47 à 49 (renvoyant à l’arrêt Sanofi, au para. 63); Newco Tank Corp. c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 47, 133 C.P.R. (4th) 85, aux para. 10 et 12; Halford c. Seed Hawk Inc., 2006 CAF 275, 275 D.L.R. (4th) 556, aux para. 10 et 39, et l’arrêt Corlac, au para. 24.

[65] En outre, comme la Cour suprême l’a mentionné dans l’arrêt Housen, au paragraphe 46 et comme notre Cour l’a mentionné dans l’arrêt Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, [2018] 2 R.C.F. 344, au para. 67, les juges de première instance jouissent d’une présomption selon laquelle ils ont pris en considération tous les éléments de preuve. Cette présomption n’est pas réfutée par le simple fait de ne pas mentionner un élément de preuve, surtout s’il n’était pas crucial, comme c’était le cas en l’espèce.

[66] Les éléments de preuve en question que la Cour fédérale n’a pas pris en considération, selon Teva, se rapportaient au profil pharmacocinétique de la palipéridone et non à celui du palmitate de palipéridone. Cependant, les deux ne désignent pas la même chose, comme l’ont admis les experts à la fois de Janssen et de Teva (voir, p. ex., le contre-interrogatoire mené auprès de l’expert de Teva, Richard F. Bergstrom, transcription de l’instruction de la Cour fédérale, vol. 3, en date du 6 février 2020, de la p. 390, ligne 21, à la p. 391, ligne 24 et l’interrogatoire principal mené auprès de l’expert de Janssen, Larry Ereshefsky, transcription de l’instruction de la Cour fédérale, vol. 10, en date du 17 février 2020, à la p. 1168, lignes 9 à 13). Les deux experts ont également déclaré que d’autres essais étaient nécessaires pour comprendre le profil pharmacocinétique du palmitate de palipéridone et son intervalle de concentrations thérapeutiques. Par conséquent, suffisamment d’éléments de preuve étayaient la conclusion de la Cour fédérale, selon laquelle la compréhension de ces questions exigeait plus que des essais de routine.

[67] Cette deuxième erreur relative à l’évaluation de l’évidence, que la Cour fédérale a commise, selon les allégations de Teva, n’est vraiment rien de plus qu’une demande à notre Cour d’effectuer de nouveau l’analyse de l’évidence et de pondérer différemment les éléments de preuve. Cependant, ce n’est pas quelque chose qu’un tribunal d’appel peut faire, comme l’a fait remarquer la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Housen, au paragraphe 3 (voir aussi les arrêts Dnow Canada ULC c. Grenke (Succession), 2020 CAF 61, 453 D.L.R. (4th) 676, au para. 19; Eli Lilly Canada Inc. c. Teva Canada Limitée, 2018 CAF 53, 292 A.C.W.S. (3d) 146, au para. 96, demande de pourvoi à la CSC rejetée [2018] 3 R.C.S. vi; Nova Chemicals Corporation c. Dow Chemical Company, 2016 CAF 216, 142 C.P.R. (4th) 339, au para. 14; Pfizer Canada inc. c. Apotex inc., 2014 CAF 54, 117 C.P.R. (4th) 401, au para. 13; arrêt Bell Helicopter Textron, au para. 71). Cet argument ne peut donc pas non plus être retenu.

[68] Par conséquent, la Cour n’a aucune raison de modifier les conclusions de la Cour fédérale en ce qui concerne l’évidence.

B. La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur quant à la contrefaçon?

[69] En ce qui concerne la contrefaçon, nous traiterons d’abord de la conclusion de contrefaçon directe tirée par la Cour fédérale.

(1) Contrefaçon directe

[70] Teva soutient que la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que le produit de Teva intégrera tous les éléments essentiels des revendications 1 et 33, car cette conclusion est incompatible avec sa conclusion selon laquelle un élément essentiel de toutes les revendications était qu’il existait une dose d’entretien fixe. Teva fait valoir qu’il s’agit d’une erreur de droit.

[71] Nous ne constatons pas cette incohérence dans les motifs de la Cour fédérale. En outre, même si elle existait, il ne s’agirait pas d’une erreur de droit.

[72] La contrefaçon est une question mixte de fait et de droit, assujettie à la norme de l’erreur manifeste et dominante, à moins qu’une erreur de droit isolable ou qu’une interprétation erronée des revendications existe : Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, 194 D.L.R. (4th) 193, au para. 76; Tensar Technologies, Limited c. Enviro-Pro Geosynthetics, Ltd., 2021 CAF 3, 330 A.C.W.S. (3d) 796, au para. 30; ABB Technology AG c. Hyundai Heavy Industries Co., Ltd., 2015 CAF 181, 132 C.P.R. (4th) 405, au para. 30.

[73] Teva n’allègue pas que la Cour fédérale a commis des erreurs dans son interprétation des revendications en cause.

[74] De plus, nous ne constatons aucune erreur de droit dans l’analyse par la Cour fédérale de la contrefaçon directe. Une contrefaçon directe peut être établie dans une action comme celle intentée en application de l’article 6 du Règlement sur les MB(AC), où le demandeur démontre que le défendeur propose d’utiliser, de fabriquer ou de vendre un produit qui intègre tous les éléments essentiels des revendications en cause : Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, 194 D.L.R. (4th) 232, au para. 31(f), 68; Apotex Inc. c. Janssen Inc., 2021 CAF 45, 182 C.P.R. (4th) 233, au para. 56; Zero Spill Systems (Int’l) Inc. c. Heide, 2015 CAF 115, 130 C.P.R. (4th) 291, au para. 56, autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada refusée, 36542 (14 janvier 2016); Hershkovitz c. Tyco Safety Products Canada Ltd., 2010 CAF 190, 89 C.P.R. (4th) 101, au para. 11.

[75] Il s’agit du critère que la Cour fédérale a appliqué à l’affaire en instance.

[76] En tenant compte des éléments de preuve, la Cour fédérale a conclu que tous les éléments essentiels des revendications 1 à 16 et 33 à 48 seraient présents dans le produit de Teva. En ce qui concerne les doses d’entretien plus précisément, la Cour fédérale a conclu que Teva vendra plusieurs seringues préremplies, y compris des seringues renfermant l’équivalent d’environ 75 mg de palmitate de palipéridone et que la MP de Teva indique que ces seringues peuvent être utilisées comme des doses d’entretien mensuelles continues, administrées dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier. Ces conclusions étaient suffisantes pour que la Cour fédérale conclue que, relativement à cet élément des revendications 1 à 16 et 33 à 48, « l’utilisation possible, approuvée et voulue » du produit de Teva intégrait l’élément des doses d’entretien continues.

[77] Dans le contexte des revendications de produit comme les revendications 1 à 16 du brevet 335 (c.-à-d. des revendications relatives à une préparation pharmaceutique destinée à être utilisée pour le traitement d’une maladie), les éléments de preuve selon lesquels un fabricant de produits génériques propose de fabriquer ou de vendre son produit pour l’usage breveté (même s’il ne s’agit que d’un usage parmi d’autres) sont suffisants pour établir une contrefaçon directe dans une action intentée en vertu de l’article 6 du Règlement sur les MB(AC) (AB Hassle et Astrazeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la santé nationale et du bien-être social), 2001 CFPI 1264, 16 C.P.R. (4th) 21, aux para. 6, 33, 35 et 36, conf. par 2002 CAF 421, demande de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée, 29533 (27 mars 2003) [décision AB Hassle]; Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2019 CF 884, 166 C.P.R. (4th) 191, aux para. 24 à 33).

[78] De même, dans le contexte des revendications de produit de type suisse, comme les revendications 33 à 48 du brevet 335 (c.-à-d. des revendications relatives à l’utilisation d’un médicament pour la préparation d’un médicament destiné à être utilisé pour traiter une maladie), les éléments de preuve selon lesquels un fabricant de produits génériques propose de fabriquer ou de vendre son produit pour l’usage breveté (même s’il ne s’agit que d’un usage parmi d’autres) sont suffisants pour établir une contrefaçon directe dans une action intentée en vertu de l’article 6 du Règlement sur les MB(AC) (décision AB Hassle (C.F. 1re inst.), aux para. 6, 33, 35 et 36; Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2018 CF 259, aux para. 152 et 153, 268 à 323, confirmé pour ce motif et infirmé en partie dans l’arrêt 2020 CAF 30, 316 A.C.W.S. (3d) 537, aux para. 16 à 18, demande de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée, 39099 (23 décembre 2020) [décision Hospira]).

[79] À certains égards, la présente affaire ressemble à l’affaire Hospira. Dans la décision Hospira, la Cour fédérale a conclu que le fabricant de génériques était à la fois coupable de contrefaçon directe et d’incitation à la contrefaçon du brevet qui revendiquait un produit pour une utilisation dans un traitement d’appoint. Dans cette affaire, le fabricant de génériques produisait le composé revendiqué dans le brevet en cause. Même si le traitement d’appoint contrefait n’était que l’un des multiples usages possibles mentionnés dans la MP du fabricant de génériques, la Cour fédérale a conclu que celui-ci était coupable de contrefaçon directe et d’incitation à la contrefaçon du brevet en cause dans cette affaire. La conduite du fabricant de génériques dans l’affaire Hospira est semblable à celle de Teva en l’espèce.

[80] Par conséquent, nous ne constatons aucune erreur dans l’analyse par la Cour fédérale de la contrefaçon directe.

(2) Incitation à la contrefaçon

[81] Nous examinerons enfin la question de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur dans son évaluation visant à savoir si Teva incitera à la contrefaçon des revendications d’utilisation 17 à 32 du brevet 335.

[82] Nous souscrivons à l’avis de Janssen, selon lequel la Cour fédérale a commis une erreur de droit en concluant que l’arrêt Corlac de notre Cour a modifié le droit en intégrant un degré de causalité plus élevé à la deuxième étape de l’analyse de l’incitation à la contrefaçon. Cette erreur a conduit la Cour fédérale à appliquer incorrectement une exigence indûment onéreuse, au deuxième volet de l’analyse de l’incitation, et à se concentrer, à tort, uniquement sur la compétence et le jugement des médecins prescripteurs, au détriment du rôle joué par Teva dans l’incitation à contrefaire les revendications d’utilisation en cause.

[83] Contrairement à ce que la Cour fédérale a conclu, l’arrêt Corlac intègre les mêmes principes d’incitation à contrefaire que ceux adoptés dans les arrêts précédents prononcés par notre Cour, comme le démontre l’examen de certains arrêts faisant autorité de notre Cour et de ses prédécesseures concernant l’incitation.

[84] L’incitation à contrefaire semble avoir d’abord été reconnue comme une forme de contrefaçon dans l’arrêt Copeland-Chatterson Co. v. Hatton (1906), 10 R.C. de l’É. 224, 1906 CarswellNat 10 (C. de l’É.), conf. par 37 R.C.S. 651 (C.S.C.). La Cour de l’Échiquier a conclu, au paragraphe 16, qu’il y a incitation lorsqu’un incitateur présumé fournit le matériel pour la contrefaçon et, qu’à ses propres fins et pour son propre avantage, il incite quelqu’un d’autre à contrefaire un brevet. La Cour de l’Échiquier a conclu que cela constitue une contrefaçon.

[85] Ces principes ont été appliqués plusieurs années plus tard dans l’arrêt Windsurfing International Inc. c. Bic Sports Inc. (C.A.F.), [1985] A.C.F. no 1147 [arrêt Windsurfing]. L’appelante, Windsurfing International Inc., a allégué la contrefaçon de son brevet d’une planche à voile. L’une des questions en litige consistait à savoir si la défenderesse avait incité à la contrefaçon en vendant des planches à voile non assemblées, accompagnées d’un schéma de la planche assemblée. Il a été soutenu que la simple fabrication, utilisation ou vente d’éléments, qui font par la suite partie d’un ensemble, ne sont pas interdites si le brevet se limite à l’ensemble lui-même. Le juge Urie, s’exprimant au nom de la Cour, n’était pas d’accord et a indiqué ce qui suit au paragraphe 73 :

Cet argument, selon moi, doit être qualifié de spécieux. À mon sens, prétendre que l’acheteur de parties composantes dont la seule utilisation connue consiste dans leur assemblage pour donner ce que l’acheteur souhaite obtenir de toute évidence, à savoir une planche à voile, n’a pas été poussé à cet achat par la représentation que lui font à la fois le fabricant et le vendeur du résultat qu’il recherche, dépasse les limites tolérables de la crédulité. J’estime qu’il y a incitation même si les directives imprimées sont aussi restreintes que celles qui ont été mises en preuve en l’espèce. Je crois qu’il ne fait aucun doute que la seule conclusion qui puisse être tirée de la preuve volumineuse présentée en l’espèce est que l’intimée a su et entendu que l’acheteur ultime utiliserait les pièces de la planche à voile pour en faire une planche à voile utilisable qui, une fois assemblée, violerait le brevet des appelantes. À mon avis, elle a ainsi participé à cette contrefaçon.

[86] L’arrêt Slater Steel Industries Ltd. c. R. Payer Co. Ltd. (1968), 38 Fox Patent Cases 139, 55 C.P.R. 61 (C. de l’É.) [arrêt Slater Steel], semble être le premier jugement où le critère à trois volets applicable à l’incitation a été énoncé. Selon ce critère, la question était d’abord de savoir [traduction] « [...] s’il était allégué et prouvé que les défenderesses avaient a) sciemment, b) incité ou amené c) d’autres personnes à contrefaire le brevet des demanderesses » (arrêt Slater Steel, p. 158). En examinant s’il y avait eu incitation dans l’affaire Slater Steel, la Cour de l’Échiquier du Canada a appliqué le critère à trois volets aux faits comme suit (p. 159) :

a) est-ce que l’acheteur qui s’est procuré des tiges d’acier des défenderesses les a achetées pour contrefaire les brevets des demanderesses,

b) si cet acheteur a effectivement contrefait les brevets, a-t-il été incité ou amené à le faire par les défenderesses, et enfin,

c) si cet acheteur a été incité ou amené à le faire par les défenderesses, celles-ci l’ont-elles fait « sciemment »?

[87] Dans la décision Warner-Lambert Co. v. Wilkinson Sword Canada Inc. (1988), 19 C.P.R. (3d) 402, 19 F.T.R. 198 (C.F. 1re inst.) [décision Warner-Lambert], le juge en chef adjoint Jerome, au nom de la Cour fédérale, Section de première instance, a rejeté un appel interjeté contre la décision d’un protonotaire, en refusant d’annuler un octroi de signification hors du ressort judiciaire à une société anglaise, au motif qu’il se dégageait des déclarations faites par cette société des faits révélant une cause défendable pour établir une incitation à la contrefaçon de brevet. Ce faisant, au paragraphe 10, le juge en chef adjoint Jerome a renvoyé à un article rédigé par François Grenier et formulé le critère d’incitation à la contrefaçon actuel qui exige que la demanderesse prouve les faits suivants :

[TRADUCTION]

1) l’acte de contrefaçon a été exécuté par le contrefacteur direct [...];

2) l’exécution de l’acte de contrefaçon a été influencée par les agissements de l’incitateur. Sans cette influence, la contrefaçon n’aurait pas eu lieu [...];

3) l’influence doit être exercée sciemment par le vendeur, autrement dit le vendeur sait que son influence entraînera l’exécution de l’acte de contrefaçon.

[88] En examinant si les éléments de preuve résumés étayaient une cause défendable de contrefaçon, le juge en chef adjoint Jerome a écrit au paragraphe 11 ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] comme je l’ai mentionné précédemment, tout ce qui devait être démontré était une bonne cause défendable contre la défenderesse étrangère. [...] À mon avis, c’est le cas. Il existe un lien évident entre la vente de la forme particulière d’un rasoir qui constituerait une contrefaçon et les conditions exigées par la société mère dans l’entente de l’utilisateur inscrit. Les conditions de cette entente ont certainement fait en sorte qu’il puisse être soutenu que la vente (qui n’est pas contestée en l’espèce) est le résultat direct de l’influence de la [société mère]. [...]

[89] Dans l’arrêt Dableh c. Ontario Hydro, 1996 CanLII 4068 (CAF), 68 C.P.R. (3d) 129, 117 F.T.R. 160 (C.A.F.) [arrêt Dableh], la Cour a invoqué l’arrêt Copeland-Chatterson et a écrit ce qui suit :

Nous attaquons d’abord la question de l’incitation. Nous trouvons un ancien précédent canadien en cette matière dans l’affaire The Copeland-Chatterson Company v. Hatton (1906), 10 R.C. de l’É. 224 (C. de l’É.). La Cour de l’échiquier a dit ce qui suit, à la page 245 :

[traduction]… il me semble qu’on doit pouvoir formuler une déclaration visant le cas de la personne qui a fourni le matériel pour la contrefaçon et qui, à ses propres fins et avantage, a poussé ou incité une autre personne à contrefaire un brevet … Je ne vois pas pourquoi les contrefaçons de brevets à cet égard devraient être distinguées des autres délits…

Cet énoncé ancien a été à peine atténué au fil des ans et il énumère les éléments essentiels d’une action pour incitation à la contrefaçon. [...]

[Renvois omis.]

[90] La formulation du critère tiré de la décision Warner-Lambert précitée est ensuite mentionnée dans l’arrêt Dableh :

1) Que l’acte de contrefaçon a été exécuté par le contrefacteur direct…

2) Que l’exécution de l’acte de contrefaçon a été influencée par les agissements de l’incitateur. Sans cette influence, la contrefaçon n’aurait pas eu lieu…

3) L’influence doit être exercée sciemment par le vendeur, autrement dit le vendeur sait que son influence entraînera l’exécution de l’acte de contrefaçon.

[91] Dans l’arrêt Dableh, notre Cour n’a tenu compte que de l’application du premier volet du critère.

[92] La décision AB Hassle (C.F. 1re inst.) concernait une demande d’ordonnance d’interdiction aux termes du Règlement sur les MB(AC). Dans la décision de la Cour fédérale, au paragraphe 68, le juge O’Keefe a mentionné le critère d’incitation à la contrefaçon comme suit :

Le breveté qui désire invoquer la doctrine de l’incitation à la contrefaçon doit alléguer et prouver chacun des éléments suivants :

a) l’acte de contrefaçon a été exécuté par le contrefacteur directement;

b) l’exécution de l’acte de contrefaçon a été influencée par le vendeur, à un point tel que sans cette influence la contrefaçon n’aurait pas été commise par l’acheteur; et

c) l’influence a été sciemment exercée par le vendeur, c’est-à-dire que le vendeur savait que son influence entraînerait l’exécution de l’acte de contrefaçon.

[93] En résumant la décision de la Cour fédérale, le juge Sexton, de notre Cour, dans l’arrêt AB Hassle (C.A.F.), a exposé la détermination par la Cour fédérale du critère mentionné ci-dessus et ne l’a pas contestée. En rejetant l’appel, aux paragraphes 56 et 57, notre Cour a écrit ce qui suit :

[...] Je ne considère pas que l’arrêt Genpharm établisse que la simple vente par le fabricant d’un générique, sans plus, d’un médicament faisant l’objet d’un brevet d’utilisation suffit à constituer une contrefaçon aux termes du sous-alinéa 5(1)b)(iv).

Par conséquent, Apotex ne peut être empêchée d’obtenir un avis de conformité pour le seul motif qu’elle vendra de l’oméprazole. Affirmer le contraire soulèverait de graves questions de politique. S’il y avait une quelconque possibilité qu’un patient consomme un produit générique pour une utilisation brevetée, alors le produit générique ne serait pas approuvé. [...]

[94] Dans la décision AB Hassle c. Genpharm Inc., 2003 CF 1443, 243 F.T.R. 6, conf. par 2004 CAF 413 [décision Genpharm], une autre demande en vertu de l’ancien Règlement sur les MB(AC), l’une des questions soulevées était de savoir si la vente par Genpharm de son produit oméprazole contreferait deux brevets s’il était commercialisé. La juge saisie de la requête, la juge Layden-Stevenson, n’a pas présenté expressément cette analyse comme une analyse de l’incitation à contrefaire et a écrit ce qui suit au paragraphe 127 :

La contrefaçon d’un brevet d’utilisation, aux termes du Règlement, n’est pas le seul fait du fabricant de génériques; elle vise aussi la contrefaçon par les patients. Il y a contrefaçon dans le cas où les patients utilisent un médicament vendu par un fabricant de génériques même s’il n’y a pas d’incitation ou d’aide à la contrefaçon de la part du fabricant de génériques : Genpharm Inc. c. Le ministre de la Santé et al. (2002), 2002 CAF 290 (CanLII), 20 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.). La simple vente du produit par le fabricant de génériques, sans plus, ne suffit pas à créer la contrefaçon. La contrefaçon intervient quand des éléments de preuve permettent de conclure que les actes et les intentions de la seconde personne conduiraient inévitablement à une nouvelle utilisation du produit de la première personne si la seconde personne obtenait un avis de conformité. Il revient à la première personne d’établir, suivant la prépondérance de la preuve, qu’il se produira d’autres contrefaçons. Pour obtenir une ordonnance d’interdiction, la première personne doit établir que si un avis de conformité était délivré et que la seconde personne devait vendre son médicament générique, les patients ou d’autres tiers contreferaient le brevet d’utilisation de la première personne : AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2002), précité.

[95] La juge Layden-Stevenson a conclu que les références (dont certaines étaient subtiles) à l’usage breveté de l’oméprazole dans la MP de Genpharm étaient suffisantes pour établir que Genpharm contreferait le brevet d’AB Hassle, si la commercialisation de la drogue de Genpharm était autorisée, et cela, malgré le fait que l’étiquette du produit indiquait que les comprimés étaient destinés à d’autres usages non brevetés.

[96] Genpharm a interjeté appel de cette décision devant notre Cour. Le juge Rothstein, de notre Cour, a écrit dans l’arrêt Genpharm Inc. c. AB Hassle, 2004 CAF 413, 38 C.P.R. (4th) 17, au paragraphe 20, ce qui suit :

Genpharm conteste fortement la conclusion de la juge Layden-Stevenson au sujet de la monographie du produit. Genpharm affirme qu’aucune preuve produite par Astra n’établissait que la monographie du produit entraînerait la contrefaçon des brevets ’668 ou ’762. Toutefois, la monographie du produit avait été déposée en preuve et la juge Layden-Stevenson pouvait en tirer une conclusion défavorable.

[97] La décision Abbott Laboratories Limited c. Canada (Santé), 2006 CF 1411, conf. par 2007 CAF 251 [décision Novopharm], portait sur une autre demande présentée en vertu de l’ancien Règlement sur les MB(AC). Le fabricant de médicaments génériques, Novopharm Limited, sollicitait la délivrance d’un avis de conformité lui permettant de fabriquer une version générique d’un médicament pour une ancienne utilisation. Le juge saisi de la requête, le juge von Finckenstein, a examiné si la MP inciterait à la contrefaçon. En concluant à l’incitation, aux paragraphes 40 et 42, il a écrit ce qui suit :

À vrai dire, le Dr Graham souligne aussi les deux points suivants : a) il est rare que les médecins consultent une monographie de produit lorsqu’ils établissent une ordonnance; b) lorsqu’il exécute l’ordonnance, le pharmacien pourrait constater qu’il n’y a aucune indication pour l’utilisation du novo‑lansoprazole pour un traitement par trithérapie. Mais cela ne change rien au fait que la monographie de produit de Novopharm est rédigée de telle façon que, de l’aveu du témoin, elle peut être interprétée comme une indication du novo‑lansoprazole pour la trithérapie, ce qui encouragerait la contrefaçon de la revendication 16 du brevet 741.

[...]

Par conséquent, m’appuyant sur le témoignage de l’expert le plus renommé de Novopharm, je conclus que, suivant la prépondérance de la preuve, la monographie de produit de Novopharm inciterait un médecin à prescrire le novo‑lansoprazole pour une trithérapie visant à combattre des infections causées par H. pylori.

[98] Le juge saisi de la requête a également conclu que l’étiquette du produit inciterait à la contrefaçon (paragraphe 47) :

La Cour en arrive à la conclusion que l’indication, sur l’étiquette du novo‑lansoprazole, de la quantité à administrer, de la fréquence et de la durée de la posologie indiquée pour la trithérapie sous la rubrique « Posologie adulte » et l’absence de toute autre indication clinique pour cette même posologie, auront, selon la prépondérance de la preuve, pour effet d’inciter ou d’encourager les médecins à prescrire le novo‑lansoprazole pour la trithérapie.

[99] La décision Novopharm a été confirmée en appel. Lors de l’examen de la conclusion du juge saisi de la requête au sujet de l’incitation émanant de la MP dans l’arrêt Novopharm Ltd c. Abbott Laboratories Limited, 2007 CAF 251, 61 C.P.R. (4th) 97, le juge Nadon, de notre Cour, a mentionné plusieurs des paragraphes précités et a conclu que, vu la preuve, le juge saisi de la requête pouvait conclure comme il l’a fait et qu’il n’a pas commis une erreur manifeste et dominante. De même, notre Cour a confirmé la conclusion d’incitation à la contrefaçon fondée sur l’étiquette du produit tirée par le juge saisi de la requête.

[100] Le litige MacLennan c. Produits Gilbert Inc., 2008 CAF 35, 67 C.P.R. (4th) 161, portait sur un appel dirigé à l’encontre d’une décision rendue par la Cour fédérale, qui a conclu que le détenteur du brevet n’avait pas réussi à démontrer l’existence du premier critère nécessaire pour établir une contrefaçon par incitation, soit la contrefaçon directe par le tiers. Le juge Noël, de notre Cour, (plus tard juge en chef), a souligné le recours de la Cour fédérale aux trois facteurs pour établir une incitation à la contrefaçon (que notre Cour a qualifiée de « contrefaçon contributoire ») au paragraphe 13 :

Dans un court jugement, le juge Beaudry a d’abord souligné que pour qu’il y ait contrefaçon contributoire, trois facteurs doivent être établis. Dans un premier temps, il doit y avoir acte de contrefaçon par le contrefacteur direct. Deuxièmement, cet acte doit être influencé par le vendeur, à un point tel que sans cette influence, la contrefaçon n’aurait pas été commise par le contrefacteur direct. Finalement, l’influence doit être sciemment exercée par le vendeur, c’est-à-dire que le vendeur savait que son influence entraînerait l’exécution de l’acte de contrefaçon (voir Dableh c. Ontario Hydro (1996), 68 C.P.R. (3d) 129 aux pp. 148 et 149 (C.A.F.) ainsi que Halford c. Seed Hawk Inc. (2004), 31 C.P.R. (4th) 434 aux pp. 559 et 560 (C.F. 1re inst.); et AB Hassle c. Canada (Minister of National Health and Welfare) (2001), 16 C.P.R. (4th) 21 à la p. 42 (C.F. 1re inst.); conf. (2002), 22 C.P.R. (4th) 1 au para. 17 (C.A.F.) [...]).

[101] Notre Cour a examiné le deuxième critère nécessaire pour établir l’incitation à la contrefaçon. Aux paragraphes 33 et 34, elle a écrit ce qui suit :

Au Canada, une jurisprudence constante confirme que le fait de vendre un élément destiné à être incorporé dans une combinaison (ou un procédé) brevetée sans plus ne constitue pas une incitation à la contrefaçon, même si cet élément ne peut servir à d’autres fins; (Copeland-Chatterson Company, Limited c. Hatton (1906), 10 Ex. C.R. 224, conf. 1906, 37 R.C.S. 651 (« Copeland-Chatterson ») est la première décision canadienne en la matière qui adopte la jurisprudence anglaise à l’origine de cette règle; on retrouve dans Slater Steel [Industries Ltd. c. R. Payer Co. Ltd. (1968) 55 C.P.R. 61 (C. de l’É.)], un tracé complet de l’évolution jurisprudentielle jusqu’en 1964; l’article de François Grenier « Contributory and/or Induced Patent Infringement » (1987) 4 C.I.P.R. 26 fournit un survol des décisions rendues jusqu’en date de sa publication; parmi les décisions plus récentes, il y a lieu de mentionner Valmet Oy et al. v. Beloit Canada Ltd., (1988) 20 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.) à la p. 15; Permacon Quebec Inc. et al. v. Les Entreprises Arsenault & Freres Inc. et al., (1987) 19 C.P.R. (3d) 378 (C.F.) aux pp. 384 et 385; AB Hassle et al. v. Minister of National Health and Welfare et al., (2002) 22 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.) au para. 18).

Cette règle qui peut sembler discutable à première vue, s’explique par le fait que dans toutes les décisions qui l’ont appliquée, seule une combinaison (ou un procédé) était protégée par le brevet en cause; les éléments constitutifs (notamment la dent dans le cas qui nous occupe) ne l’étaient pas. Il serait pour le moins incongru que la vente d’un objet qui ne bénéficie en soi d’aucune protection, et qui est donc tout à fait légale, soit rendue illégale sans qu’aucun autre geste ne soit posé par le vendeur. C’est ce qui explique pourquoi les tribunaux ont traditionnellement refusé de reconnaître que la contrefaçon par incitation puisse s’établir par les seules caractéristiques de l’objet vendu.

[102] Notre Cour a examiné la jurisprudence anglaise, puis l’a résumée au paragraphe 38 comme suit :

Tel que dit précédemment, le droit anglais fut suivi au Canada à compter de 1906 (voir Copeland-Chatterson, supra). C’est ainsi qu’au Canada, où la Loi sur les brevets demeure inchangée, la vente d’un élément constitutif d’une combinaison brevetée, même si cet élément ne peut être utilisé autrement que pour contrefaire l’invention, ne suffit pas à établir l’élément d’incitation. Au-delà de l’existence de contrefaçon directe, la preuve doit établir que l’influence de l’incitateur allégué constitue un sine qua non de la contrefaçon directe, et cette influence doit être exercée sciemment, c’est-à-dire dans des circonstances où l’incitateur allégué savait que son influence entraînerait l’acte de contrefaçon (AB Hassle, supra, au para. 17).

[103] Notre Cour a ensuite appliqué le droit aux faits, aux paragraphes 39 à 42 :

Dans le cas à l’étude, la preuve révèle que les dents Gilbert n’ont aucune autre vocation que celle de pratiquer l’invention brevetée ce qui en soi ne suffit pas à établir contrefaçon par incitation. Cependant, la preuve révèle aussi que Produits Gilbert remet à ses clients une liste de prix qui identifie par leur numéro de pièce les dents Quadco qui se jumellent avec les dents Gilbert et qui sont destinées à être remplacées par les dents Gilbert.

Autant, pour les raisons que nous avons vues, il est vrai que la vente d’une composante d’une combinaison brevetée, même si elle n’a aucune utilité autre que celle de pratiquer une combinaison brevetée ne suffit pas à établir l’existence de contrefaçon par incitation, autant cet état de fait devient inculpable lorsque le vendeur indique à ses clients l’utilisation qui doit en être faite. On ne parle plus ici du simple fait que le vendeur sait ou devrait savoir, de par la nature de l’objet vendu, qu’il sera utilisé pour contrefaire une combinaison brevetée (voir Innes, supra, Townsend, supra et Dunlop, supra). Le vendeur porte à l’attention de ses clients le fait que son produit est destiné à pratiquer l’invention brevetée, ce qui constitue l’unique raison pour laquelle ils sont susceptibles d’en faire l’achat.

Comme en fait foi sa liste de prix, Produits Gilbert croit nécessaire d’indiquer l’usage auquel ses dents sont destinées pour effectuer ses ventes. Le fait que les opérateurs forestiers sont par la suite en mesure d’assembler les combinaisons sans autre explication, n’atténue ceci en rien (Interrogatoire au préalable du représentant de Gilbert lut au procès, Dossier d’appel, vol. 6, aux pp. 1893, 1894).

Dans ces circonstances, je dois conclure que Produits Gilbert a, par son influence, entraîné la contrefaçon du brevet Quadco. Force est aussi de conclure que Produits Gilbert savait que sans cette influence, il n’y aurait pas eu contrefaçon.

[104] La cause intitulée Corlac portait sur un appel interjeté à l’encontre d’une décision selon laquelle il y avait eu contrefaçon de brevet. La juge Layden-Stevenson, s’exprimant pour notre Cour, a renvoyé la question d’incitation à la contrefaçon au juge de première instance pour réexamen, car il avait conclu à la contrefaçon d’une revendication qui n’était pas directement violée par l’intimé et il avait omis de se pencher sur la question de savoir si les intimés avaient incité à la contrefaçon. Ce faisant, notre Cour a ainsi décrit le critère applicable à l’incitation à la contrefaçon, au paragraphe 162 :

Il est bien établi en droit que celui qui incite ou amène un autre à contrefaire un brevet se rend coupable de contrefaçon du brevet. Une conclusion d’incitation requiert l’application d’un critère à trois volets. Premièrement, l’acte de contrefaçon doit avoir été exécuté par le contrefacteur direct. Deuxièmement, l’exécution de l’acte de contrefaçon doit avoir été influencée par les agissements du présumé incitateur de sorte que, sans cette influence, la contrefaçon directe n’aurait pas eu lieu. Troisièmement, l’influence doit avoir été exercée sciemment par le vendeur, autrement dit le vendeur doit savoir que son influence entraînera l’exécution de l’acte de contrefaçon : Dableh c. Ontario Hydro, [1996] 3 C.F. 751, paragraphes 42 et 43 (C.A.), autorisation de pourvoi refusée, [1996] C.S.C.R. no 441; AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé et du Bien‑être social), 2002 CAF 421, 22 C.P.R. (4th) 1, paragraphe 17 (C.A.), autorisation de pourvoi refusée, [2002] C.S.C.R. no 531; MacLennan c. Produits Gilbert Inc., 2008 CAF 35, 67 C.P.R. (4th) 161, paragraphe 13. Le critère [est] difficile à satisfaire.

[105] Notre Cour n’a indiqué nulle part que le critère applicable à l’incitation à contrefaire était quelque chose d’autre que ce qui avait été reconnu dans la jurisprudence avant cette date.

[106] Dans la décision Hospira (C.F.), l’une des nombreuses questions soulevées consistait à savoir si la monographie du produit du fabricant de génériques incitait à la contrefaçon. Le juge Phelan, s’exprimant au nom de la Cour fédérale, a décrit le critère pour qualifier l’incitation à la contrefaçon, aux paragraphes 326 et 327, comme suit :

Il existe un critère à trois volets pour qualifier l’incitation à la contrefaçon, qui est défini dans l’arrêt Corlac Inc c Weatherford Canada Inc, 2011 CAF 228, au paragraphe 162, 95 CPR (4th) 101 :

Premièrement, l’acte de contrefaçon doit avoir été exécuté par le contrefacteur direct. Deuxièmement, l’exécution de l’acte de contrefaçon doit avoir été influencée par les agissements du présumé incitateur de sorte que, sans cette influence, la contrefaçon directe n’aurait pas eu lieu. Troisièmement, l’influence doit avoir été exercée sciemment par le vendeur, autrement dit le vendeur doit savoir que son influence entraînera l’exécution de l’acte de contrefaçon [.]

L’incitation à la contrefaçon par autrui d’une revendication visant une utilisation nouvelle d’un médicament a été examinée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Novopharm Ltd c Sanofi-Aventis Canada Inc, 2007 CAF 167, 59 CPR (4th) 24 :

[11] Il est possible cependant qu’un fabricant de médicaments génériques soit impliqué dans la contrefaçon par des tiers de revendications concernant une nouvelle utilisation d’un médicament, s’il les y a incités. On peut par exemple démontrer qu’il y a eu contrefaçon par incitation au moyen d’éléments de preuve se rapportant à la posologie du médicament générique ou à son étiquetage ou sa mise en marché ou en établissant que la nouvelle utilisation s’infère raisonnablement de la monographie du médicament générique. Toutefois, il n’est généralement pas possible de conclure qu’il y a eu incitation à la contrefaçon à partir d’une simple mention de la nouvelle utilisation dans la monographie, par exemple, dans des explications relatives aux contre-indications ou à l’interaction médicamenteuse ou dans une bibliographie scientifique.

[107] Dans la décision Hospira (C.F.), le juge Phelan a appliqué le droit aux faits au deuxième volet de l’analyse en déclarant ce qui suit :

b) Influence de la part d’Hospira

[333] Dans la décision Glaston Services Ltd c Horizon Glass & Mirror Ltd, 2010 CF 1191, 378 FTR 228, le juge Mandamin avait retenu ce qui suit :

[89] On a conclu à l’incitation dans des affaires où un article qui contrefait un brevet est vendu à un client avec des instructions d’utilisation emportant contrefaçon. On a conclu également à l’incitation lorsqu’un vendeur fournit à l’acheteur des instructions concernant l’utilisation d’une méthode entraînant la contrefaçon : Windsurfing International Inc. c. Triatlantic Corporation (maintenant Bic Sports Inc.), [1984] 63 N.R. 218, 8 C.P.R. (3d) 241, aux pages 264 à 266 (C.A.F.), Baker Petrolite Corp. et al. c. Canwell Enviro-Industries Ltd. et al., 2001 FCT 889, [2002] 2 C.F. 3, aux par. 135 à 139 (C.F. 1re inst.), décision infirmée pour d’autres motifs, 2002 CAF 148, [2002] 17 C.P.R. (4th) 478.

[334] Dans le présent dossier, je conclus que la monographie équivaut à une directive ou un mode d’emploi pour réaliser la contrefaçon. Comme il a été examiné plus en détail ci-dessus, la monographie indique clairement que l’Inflectra doit être utilisé en polythérapie avec le MTX pour traiter la PR. La monographie n’est pas conjecturale – elle n’indique pas simplement que la polythérapie avec le MTX est une option offerte aux patients souffrant de PR, mais indique plutôt qu’il s’agit du seul moyen de traiter la PR. Mme Kron a témoigné que les médecins recevaient des directives selon l’étiquetage, ce qui signifie qu’ils n’inciteraient pas à agir de manière non-contrefactrice (c.-à-d., monothérapie) dans l’administration de l’Inflectra pour traiter la PR.

[108] Dans l’arrêt Hospira (C.A.F.), le juge Locke, de notre Cour, a examiné le raisonnement du juge de première instance et a conclu qu’aucune erreur n’avait été commise concernant l’incitation à la contrefaçon.

[109] Il ressort clairement de cette recension de la jurisprudence que l’arrêt Corlac ne changeait pas le droit concernant l’élément requis permettant d’établir une incitation à la contrefaçon. À la deuxième étape de l’analyse, il faut démontrer que la personne qui est alléguée avoir participé à la contrefaçon a influencé la partie qui contrefait directement de sorte que, sans cette incitation, la contrefaçon n’aurait pas eu lieu (ou, dans le contexte d’une demande en application du Règlement sur les MB(AC), ne se produirait pas).

[110] Dans le cas d’un médicament générique, l’insertion, dans la MP du médicament, comme l’un des usages recommandés, de l’utilisation constituant une contrefaçon alléguée, entre autres, a été jugée suffisante pour constituer l’incitation requise pour satisfaire au deuxième volet du critère applicable à l’incitation dans les jugements Hospira, AB Hassle et Novopharm. Dans ces circonstances, l’utilisation constituant une contrefaçon est l’un des fondements sur lesquels repose l’approbation par Santé Canada du médicament générique et l’une des utilisations recommandées par les médecins. Le fait que les médecins utilisent leurs propres compétence et jugement pour prescrire le médicament, ou qu’ils doivent décider activement d’utiliser le médicament pour que cette utilisation constitue une contrefaçon n’a pas d’importance, étant donné que les médecins exercent toujours leurs compétences et leur jugement lorsqu’ils prescrivent un médicament à un patient.

[111] En l’espèce, les faits sont, ainsi que nous l’avons mentionné, semblables à ceux de l’affaire Hospira, où l’utilisation constituant une contrefaçon n’était qu’un des éléments indiqués dans la MP du fabricant de médicaments génériques et sur l’étiquette du produit. En réalité, les faits en l’espèce militent en outre plus fortement en faveur d’une incitation à la contrefaçon que ceux dans les affaires Genpharm et Novopharm, où les références à l’utilisation constituant une contrefaçon dans la MP étaient plus subtiles que celles dans l’affaire qui nous occupe ici.

[112] En l’espèce, la Cour fédérale a conclu que l’utilisation possible, approuvée et voulue du produit de Teva intégrait tous les éléments de la posologie et de l’administration des revendications du produit, notamment l’utilisation des doses d’entretien continues revendiquées dans le brevet 335. Cela mène inévitablement à la conclusion que Teva inciterait à la contrefaçon des revendications d’utilisation. Si la Cour fédérale avait correctement compris et appliqué le critère permettant d’établir une incitation à la contrefaçon, aucune autre conclusion n’aurait été possible.

[113] Par conséquent, nous concluons que la Cour fédérale a commis une erreur susceptible de révision à la deuxième étape de l’analyse de l’incitation à la contrefaçon et qu’elle aurait dû conclure que le critère avait été satisfait à cette étape.

[114] Nous devons donc examiner la troisième étape de l’analyse de l’incitation à la contrefaçon que la Cour fédérale n’a pas examinée. Comme nous le mentionnons plus haut, à cette étape, la demanderesse doit établir que l’influence a été exercée sciemment (ou qu’elle le serait dans le contexte d’une demande en application du Règlement sur les MB(AC)) par l’incitateur, de sorte que ce dernier sait que l’influence entraînera l’exécution de l’acte de contrefaçon. Comme l’a conclu notre Cour dans l’arrêt Hospira (C.A.F.), au paragraphe 45, « la connaissance en question dans le troisième volet du critère est la connaissance de l’incitation plutôt que la connaissance que l’activité en découlant constituera une contrefaçon ». En l’espèce, comme dans l’arrêt Hospira, le troisième volet du critère permettant d’établir une incitation à la contrefaçon est facilement satisfait, étant donné qu’il faut présumer que Teva avait pris connaissance du contenu de sa MP et de ses recommandations.

[115] Par conséquent, si la Cour fédérale avait appliqué correctement le critère concernant l’incitation à la contrefaçon, elle aurait conclu que Teva avait incité à contrefaire les revendications d’utilisation dans les revendications 17 à 32 du brevet 335, tous les éléments du critère d’incitation à la contrefaçon ayant été réunis.

[116] Par conséquent, nous accueillerons l’appel incident et, outre les déclarations prononcées par la Cour fédérale, nous déclarons aussi que la fabrication, la construction, l’utilisation ou la vente de suspensions injectables à libération prolongée de palmitate de palipéridone par Teva, conformément à la PADN no 210095, inciterait à la contrefaçon des revendications 17 à 32 du brevet 335.

III. Règlement proposé

[117] Compte tenu de ce qui précède, nous rejetterons l’appel et accueillerons l’appel incident, avec dépens dans les deux cas, et nous modifierons le paragraphe 2 du jugement de la Cour fédérale afin de prononcer la déclaration indiquée au paragraphe 116 des présents motifs.

« David Stratas »

j.c.a.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

« Judith Woods »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste

Annexe

Les revendications du brevet 335 en cause sont les suivantes :

[traduction]

REVENDICATIONS :

1. Seringues préremplies contenant une préparation de retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, formulée en tant que suspension aqueuse de nanoparticules pour administration par injection intramusculaire à un patient psychiatrique ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie, du trouble schizo-affectif ou du trouble schizophréniforme. Sont comprises dans ces seringues préremplies :

a) une première seringue préremplie contenant une première dose d’attaque de la préparation retard, renfermant l’équivalent d’environ 150 mg de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, cette première seringue préremplie étant adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde du patient psychiatrique un premier jour du traitement;

b) une deuxième seringue préremplie contenant une deuxième dose de la préparation retard, renfermant l’équivalent d’environ 100 mg de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, cette deuxième seringue préremplie étant adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde du patient psychiatrique une semaine ~ 2 jours après la première dose d’attaque;

c) une seringue préremplie contenant une dose d’entretien de la préparation retard, renfermant l’équivalent d’environ 75 mg de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, cette seringue préremplie étant adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde ou un muscle fessier du patient psychiatrique selon un calendrier continu comprenant un intervalle posologique d’un mois ~ 7 jours après la deuxième dose d’attaque.

2. Seringues préremplies contenant une préparation de retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, formulée en tant que suspension aqueuse de nanoparticules pour administration par injection intramusculaire à un patient psychiatrique atteint d’insuffisance rénale ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie, du trouble schizo-affectif ou du trouble schizophréniforme. Sont comprises dans ces seringues préremplies :

a) une première seringue préremplie contenant une première dose d’attaque de la préparation retard, renfermant l’équivalent d’environ 100 mg de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, cette première seringue préremplie étant adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde du patient psychiatrique un premier jour du traitement;

b) une deuxième seringue préremplie contenant une deuxième dose de la préparation retard, renfermant l’équivalent d’environ 75 mg de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, cette deuxième seringue préremplie étant adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde du patient psychiatrique une semaine ~ 2 jours après la première dose d’attaque;

c) une seringue préremplie contenant une dose d’entretien de la préparation retard, renfermant l’équivalent d’environ 50 mg de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, cette seringue préremplie étant adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde ou un muscle fessier du patient psychiatrique, conformément à un calendrier continu dont l’intervalle posologique est d’un mois ~ 7 jours après la deuxième dose d’attaque.

3. Seringues préremplies de la revendication 1 ou 2, dans lesquelles les nanoparticules ont une taille moyenne de 1 600 nm à 400 nm, avec une distribution granulométrique de 50.

4. Seringues préremplies de la revendication 1 ou 2, dans lesquelles la préparation retard est composée essentiellement

a) de 3 à 20 % p/v des nanoparticules de palmitate de palipéridone d’une taille moyenne de 1 600 nm à 900 nm, avec une distribution granulométrique de 50;

b) de 0,5 à 3 % p/v d’un surfactant ou d’un agent mouillant;

c) d’un ou de plusieurs tampons, en une quantité suffisante pour fournir une préparation retard dont le pH est compris entre une valeur neutre et 8,5;

d) de 0,5 à 3 % p/v d’un agent dispersant;

e) jusqu’à 2 % p/v d’agents de conservation;

f) d’eau en quantité suffisante pour obtenir 100 %.

5. Seringues préremplies de la revendication 4, dans lesquelles le surfactant ou l’agent mouillant est le polysorbate 20.

6. Seringues préremplies des revendications 4 ou 5, dans lesquelles l’agent dispersant est le polyéthylèneglycol 4000.

7. Seringues préremplies de la revendication 1 ou 2, dans lesquelles la préparation retard est composée :

a) de 156 mg/mL environ des nanoparticules de palmitate de palipéridone d’une taille moyenne de 1 600 nm à 900 nm, avec une distribution granulométrique de 50;

b) de 12 mg/mL environ d’un surfactant ou d’un agent mouillant;

c) d’un ou de plusieurs tampons, en une quantité suffisante pour fournir une préparation retard dont le pH est compris entre une valeur neutre et 8,5;

d) d’un agent dispersant;

e) d’eau en quantité suffisante pour obtenir 100 %.

8. Seringues préremplies de la revendication 7, dans lesquelles le surfactant ou l’agent mouillant est le polysorbate 20.

9. Seringues préremplies de la revendication 7 ou 8, dans lesquelles l’agent dispersant est le polyéthylèneglycol 4000.

10. Seringues préremplies des revendications 1 ou 2, dans lesquelles la préparation retard est composée essentiellement :

a) de 156 mg/mL environ des nanoparticules de palmitate de palipéridone d’une taille moyenne de 1 600 nm à 900 nm, avec une distribution granulométrique de 50;

b) de 12 mg/mL environ d’un surfactant ou d’un agent mouillant;

c) d’un ou de plusieurs tampons, en une quantité suffisante pour fournir une préparation retard dont le pH est compris entre une valeur neutre et 8,5;

d) de 30 mg/mL environ d’un agent dispersant;

e) d’eau en quantité suffisante pour obtenir 100 %.

11. Seringues préremplies de la revendication 10, dans lesquelles le surfactant ou l’agent mouillant est le polysorbate 20.

12. Seringues préremplies de la revendication 10 ou 11, dans lesquelles l’agent dispersant est le polyéthylèneglycol 4000.

13. Seringues préremplies de l’une des revendications 4 à 12, dans lesquelles un ou plusieurs tampons sont choisis dans le groupe composé d’acide citrique monohydraté, d’hydrogénophosphate disodique anhydre, de sodium dihydrogénophosphate monohydraté et d’hydroxyde de sodium.

14. Seringues préremplies de l’une des revendications 4 à 13, dans lesquelles le pH de la préparation retard est de l’ordre de 7 à 7,5.

15. Seringues préremplies de l’une des revendications 1 à 14 pour administration à un patient psychiatrique ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie.

16. Seringues préremplies de l’une des revendications 1 à 14 pour administration à un patient psychiatrique ayant besoin d’un traitement du trouble schizo-affectif.

17. Utilisation d’une forme médicamenteuse de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, formulée en tant que préparation retard d’une suspension aqueuse de nanoparticules pour administration par injection intramusculaire à un patient psychiatrique ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie, du trouble schizo-affectif ou du trouble schizophréniforme. Sont comprises dans la forme médicamenteuse :

a) une première dose d’attaque renfermant l’équivalent d’environ 150 mg de la préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde du patient psychiatrique un premier jour du traitement;

b) une deuxième dose d’attaque renfermant l’équivalent d’environ 100 mg de la préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, sous une forme médicamenteuse adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde du patient psychiatrique une semaine ~ 2 jours après la première dose d’attaque;

c) une dose d’entretien renfermant l’équivalent d’environ 75 mg de la préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde ou un muscle fessier du patient psychiatrique, conformément à un calendrier continu dont l’intervalle posologique est d’un mois ~ 7 jours après la deuxième dose d’attaque.

18. Utilisation d’une forme médicamenteuse de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, formulée en tant que préparation retard d’une suspension aqueuse de nanoparticules pour administration par injection intramusculaire à un patient psychiatrique atteint d’insuffisance rénale ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie, du trouble schizo-affectif ou du trouble schizophréniforme. Sont comprises dans la forme médicamenteuse :

a) une première dose d’attaque renfermant l’équivalent d’environ 100 mg de la préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, sous une forme médicamenteuse adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde du patient psychiatrique un premier jour du traitement;

b) une deuxième dose d’attaque renfermant l’équivalent d’environ 75 mg de la préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, sous une forme médicamenteuse adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde du patient psychiatrique une semaine ~ 2 jours après la première dose d’attaque;

c) une dose d’entretien renfermant l’équivalent d’environ 50 mg de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, sous une forme médicamenteuse adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde ou un muscle fessier du patient psychiatrique, conformément à un calendrier continu dont l’intervalle posologique est d’un mois ~ 7 jours après la deuxième dose d’attaque.

19. Utilisation de la revendication 17 ou 18, où les nanoparticules ont une taille moyenne de 1 600 nm à 400 nm, avec une distribution granulométrique de 50.

20. Utilisation de la revendication 17 ou 18, où la préparation retard est une suspension aqueuse de nanoparticules constituée essentiellement

a) de 3 à 20 % p/v des nanoparticules de palmitate de palipéridone d’une taille moyenne de 1 600 nm à 900 nm, avec une distribution granulométrique de 50;

b) de 0,5 à 3 % p/v d’un surfactant ou d’un agent mouillant;

c) d’un ou de plusieurs tampons, en une quantité suffisante pour fournir une préparation retard dont le pH est compris entre une valeur neutre et 8,5;

d) de 0,5 à 3 % p/v d’un agent dispersant;

e) jusqu’à 2 % p/v d’agents de conservation;

f) d’eau en quantité suffisante pour obtenir 100 %.

21. Utilisation de la revendication 20, où le surfactant ou l’agent mouillant est le polysorbate 20.

22. Utilisation de la revendication 20 ou 21, où l’agent dispersant est le polyéthylèneglycol 4000.

23. Utilisation de la revendication 17 ou 18, où la préparation retard est constituée essentiellement :

a) de 156 mg/mL environ des nanoparticules de palmitate de palipéridone d’une taille moyenne de 1 600 nm à 900 nm, avec une distribution granulométrique de 50;

b) de 12 mg/mL environ d’un surfactant ou d’un agent mouillant;

c) d’un ou de plusieurs tampons, en une quantité suffisante pour fournir une préparation retard dont le pH est compris entre une valeur neutre et 8,5;

d) d’un agent dispersant;

e) d’eau en quantité suffisante pour obtenir 100 %.

24. Utilisation de la revendication 23, où le surfactant ou l’agent mouillant est le polysorbate 20.

25. Utilisation de la revendication 23 ou 24, où l’agent dispersant est le polyéthylèneglycol 4000.

26. Utilisation de la revendication 17 ou 18, où la préparation retard est constituée essentiellement :

a) de 156 mg/mL environ des nanoparticules de palmitate de palipéridone d’une taille moyenne de 1 600 nm à 900 nm, avec une distribution granulométrique de 50;

b) de 12 mg/mL environ d’un surfactant ou d’un agent mouillant;

c) d’un ou de plusieurs tampons, en une quantité suffisante pour fournir une préparation retard dont le pH est compris entre une valeur neutre et 8,5;

d) de 30 mg/mL environ d’un agent dispersant;

e) d’eau en quantité suffisante pour obtenir 100 %.

27. Utilisation de la revendication 26, où le surfactant ou l’agent mouillant est le polysorbate 20.

28. Utilisation de la revendication 26 ou 27, où l’agent dispersant est le polyéthylèneglycol 4000.

29. Utilisation de l’une des revendications 20 à 28, où le tampon est choisi dans le groupe composé d’acide citrique monohydraté, d’hydrogénophosphate disodique anhydre, de sodium dihydrogénophosphate monohydraté et d’hydroxyde de sodium.

30. Utilisation de l’une des revendications 20 à 29, où le pH de la préparation retard est de l’ordre de 7 à 7,5.

31. Utilisation de l’une des revendications 17 à 30, où le patient psychiatrique a besoin d’un traitement de la schizophrénie.

32. Utilisation de l’une des revendications 17 à 30, où le patient psychiatrique a besoin d’un traitement du trouble schizo-affectif.

33. Utilisation de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone pour la préparation d’un médicament formulé en tant que préparation retard d’une suspension aqueuse de nanoparticules pour administration par injection intramusculaire à un patient psychiatrique ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie, du trouble schizo-affectif ou du trouble schizophréniforme. Sont comprises dans le médicament :

a) une première dose d’attaque renfermant l’équivalent d’environ 150 mg de la préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, sous une forme médicamenteuse adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde du patient psychiatrique un premier jour du traitement;

b) une deuxième dose d’attaque renfermant l’équivalent d’environ 100 mg de la préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, sous une forme médicamenteuse adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde du patient psychiatrique une semaine ~ 2 jours après la première dose d’attaque;

c) une dose d’entretien renfermant l’équivalent d’environ 75 mg de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, sous une forme médicamenteuse adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde ou un muscle fessier du patient psychiatrique, conformément à un calendrier continu dont l’intervalle posologique est d’un mois ~ 7 jours après la deuxième dose d’attaque.

34. Utilisation de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone pour la fabrication d’un médicament formulé en tant que préparation retard d’une suspension aqueuse de nanoparticules pour administration par injection intramusculaire à un patient psychiatrique atteint d’insuffisance rénale ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie, du trouble schizo-affectif ou du trouble schizophréniforme. Sont comprises dans le médicament :

a) une première dose d’attaque renfermant l’équivalent d’environ 100 mg de la préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, sous une forme médicamenteuse adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde du patient psychiatrique un premier jour du traitement;

b) une deuxième dose d’attaque renfermant l’équivalent d’environ 75 mg de la préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, sous une forme médicamenteuse adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde du patient psychiatrique une semaine ~ 2 jours après la première dose d’attaque;

c) une dose d’entretien renfermant l’équivalent d’environ 50 mg de la préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, sous une forme médicamenteuse adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde ou un muscle fessier du patient psychiatrique, conformément à un calendrier continu dont l’intervalle posologique est d’un mois ~ 7 jours après la deuxième dose d’attaque.

35. Utilisation de la revendication 33 ou 34, où les nanoparticules ont une taille moyenne de 1 600 nm à 400 nm, avec une distribution granulométrique de 50.

36. Utilisation de la revendication 33 ou 34, où la préparation retard est une suspension aqueuse de nanoparticules constituée essentiellement

a) de 3 à 20 % p/v des nanoparticules de palmitate de palipéridone d’une taille moyenne de 1 600 nm à 900 nm, avec une distribution granulométrique de 50;

b) de 0,5 à 3 % p/v d’un surfactant ou d’un agent mouillant;

c) d’un ou de plusieurs tampons, en une quantité suffisante pour fournir une préparation retard dont le pH est compris entre une valeur neutre et 8,5;

d) de 0,5 à 3 % p/v d’un agent dispersant;

e) jusqu’à 2 % p/v d’agents de conservation;

f) d’eau en quantité suffisante pour obtenir 100 %.

37. Utilisation de la revendication 36, où le surfactant ou l’agent mouillant est le polysorbate 20.

38. Utilisation de la revendication 36 ou 37, où l’agent dispersant est le polyéthylèneglycol 4000.

39. Utilisation de la revendication 33 ou 34, où la préparation retard est constituée essentiellement :

a) de 156 mg/mL environ des nanoparticules de palmitate de palipéridone d’une taille moyenne de 1 600 nm à 900 nm, avec une distribution granulométrique de 50;

b) de 12 mg/mL environ d’un surfactant ou d’un agent mouillant;

c) d’un ou de plusieurs tampons, en une quantité suffisante pour fournir une préparation retard dont le pH est compris entre une valeur neutre et 8,5;

d) d’un agent dispersant;

e) d’eau en quantité suffisante pour obtenir 100 %.

40. Utilisation de la revendication 39, où le surfactant ou l’agent mouillant est le polysorbate 20.

41. Utilisation de la revendication 39 ou 40, où l’agent dispersant est le polyéthylèneglycol 4000.

42. Utilisation de la revendication 33 ou 34, où la préparation retard est constituée essentiellement :

a) de 156 mg/mL environ des nanoparticules de palmitate de palipéridone d’une taille moyenne de 1 600 nm à 900 nm, avec une distribution granulométrique de 50;

b) de 12 mg/mL environ d’un surfactant ou d’un agent mouillant;

c) d’un ou de plusieurs tampons, en une quantité suffisante pour fournir une préparation retard dont le pH est compris entre une valeur neutre et 8,5;

d) de 30 mg/mL environ d’un agent dispersant;

e) d’eau en quantité suffisante pour obtenir 100 %.

43. Utilisation de la revendication 42, où le surfactant ou l’agent mouillant est le polysorbate 20.

44. Utilisation de la revendication 42 ou 43, où l’agent dispersant est le polyéthylèneglycol 4000.

45. Utilisation de l’une des revendications 36 à 44, où le tampon est choisi dans le groupe composé d’acide citrique monohydraté, d’hydrogénophosphate disodique anhydre, de sodium dihydrogénophosphate monohydraté et d’hydroxyde de sodium.

46. Utilisation de l’une des revendications 36 à 45, où le pH de la préparation retard est de l’ordre de 7 à 7,5.

47. Utilisation de l’une des revendications 33 à 46 pour administration du médicament à un patient psychiatrique ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie.

48. Utilisation de l’une des revendications 33 à 46 pour administration du médicament à un patient psychiatrique ayant besoin d’un traitement du trouble schizo-affectif.

[…]

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-131-20

 

INTITULÉ :

TEVA CANADA LIMITED c. JANSSEN INC. et JANSSEN PHARMACEUTICA N.V.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 septembre 2021

VERSION PUBLIQUE DES MOTIFS DU JUGEMENT :

LA COUR

DATE DES MOTIFS :

Le 23 mars 2023

COMPARUTIONS :

Jonathan Stainsby

Michael D. Crinson

Pour l’appelante, par vidéoconférence

Peter Wilcox

Marian Wolanski

Nikolas Purcell

Pour les intimées, en personne

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aitken Klee LLP

Toronto (Ontario)

Pour l’appelante

Belmore Neidrauer LLP

Toronto (Ontario)

Pour les intimées

 

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