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Date : 20230605


Dossier : A-77-22

Référence : 2023 CAF 127

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LEBLANC

LA JUGE GOYETTE

 

ENTRE :

 

 

IRIS TECHNOLOGIES INC.

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LE ROI

 

 

intimé

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 5 juin 2023.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 5 juin 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GOYETTE

 


Date : 20230605


Dossier : A-77-22

Référence : 2023 CAF 127

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LEBLANC

LA JUGE GOYETTE

 

ENTRE :

 

 

IRIS TECHNOLOGIES INC.

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LE ROI

 

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 5 juin 2023.)

LA JUGE GOYETTE

[1] Notre Cour est saisie d’un appel de la décision (dossier no 2021-226(GST)G) rendue de vive voix par la Cour canadienne de l’impôt le 29 mars 2022 dans laquelle elle rejette la requête en jugement présentée par Iris Technologies Inc. (Iris) en vertu de l’article 170.1 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90‐688a.

[2] Le contexte dans lequel la requête a été déposée est le suivant.

[3] En mars 2020, Iris a demandé à la Cour fédérale de rendre une ordonnance enjoignant à la ministre du Revenu national (la ministre) d’établir une cotisation et de lui verser les remboursements de taxe nette conformément à la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E‐15 (la Loi). À la Cour fédérale, le procureur général du Canada a déposé les affidavits d’un employé de l’Agence du revenu du Canada (le déposant), qui a ensuite été contre-interrogé par Iris. Le lendemain du premier contre-interrogatoire, la ministre a établi des avis de cotisation par lesquels elle a notamment rejeté les crédits de taxe sur les intrants demandés par Iris et a par conséquent refusé de lui verser les remboursements de taxe nette demandés.

[4] Iris a interjeté appel des cotisations devant la Cour canadienne de l’impôt et a demandé, par voie de requête, qu’un jugement faisant droit à son appel soit rendu en vertu de l’article 170.1 des Règles. L’alinéa 170.1a) prévoit qu’une partie peut, « sans attendre qu’il soit statué sur tout autre point litigieux entre les parties, demander qu’il soit rendu jugement sur toute question, par suite d’un aveu fait dans les actes de procédure ou d’autres documents déposés à la Cour, ou fait au cours de l’interrogatoire d’une autre partie ».

[5] Iris a déposé sa requête et a interjeté appel devant notre Cour au motif que, lors du contre-interrogatoire devant la Cour fédérale, le déposant a déclaré que la ministre n’avait pas terminé la vérification lorsqu’elle a établi les avis de cotisation. Ce faisant, le déposant a avoué que la ministre n’avait tiré aucune conclusion de fait à l’appui de ses cotisations. Iris affirme que, sans fondement factuel, les cotisations sont [traduction] « contraires à la loi » (mémoire des faits et du droit de l’appelante, au para. 14).

[6] La Cour canadienne de l’impôt a examiné la preuve et a conclu qu’il n’y avait eu aucun aveu clair, à supposer qu’il ait eu aveu, qui éliminerait tout point litigieux entre les parties pour l’application de l’article 170.1 des Règles. À cet égard, elle a fait remarquer que le contre-interrogatoire du déposant ne devrait pas être considéré comme un interrogatoire d’une autre partie aux termes de l’alinéa 170.1a) des Règles, puisque le déposant n’avait pas témoigné au nom de la ministre dans le cadre de l’appel dont la Cour canadienne de l’impôt était saisie. En ce qui concerne l’argument selon lequel les cotisations ne reposaient sur aucun fondement factuel et étaient donc contraires à la loi, la Cour canadienne de l’impôt a affirmé qu’il arrive souvent que la ministre ne dispose pas de l’ensemble des faits lorsqu’elle établit une cotisation. La Cour a ajouté que le paragraphe 299(3) de la Loi indique que, sous réserve d’une annulation prononcée par suite d’une opposition ou d’un appel, une cotisation est réputée valide et exécutoire. Pour ce motif, et s’appuyant sur l’arrêt Canada c. Lux Operating Limited Partnership, 2020 CAF 162, de notre Cour, la Cour canadienne de l’impôt a conclu que la question de la validité des cotisations devrait être examinée sur le fond dans le cadre d’un procès.

[7] Nous jugeons que la Cour canadienne de l’impôt n’a commis aucune erreur manifeste et dominante en concluant qu’il n’y avait pas eu d’aveu clair, ni aucune erreur de droit dans son examen de la question de la validité des cotisations (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 aux para. 6, 8, 10, 25, 36–37).

[8] Nous ajouterions que l’arrêt Western Minerals Ltd. v. Minister of National Revenue, [1962] S.C.R. 592, 1962 CanLII 70 (CSC) [Western], de la Cour suprême du Canada, appuie la conclusion selon laquelle la cotisation demeure valide même si la ministre n’a pas terminé, ni même commencé, sa vérification. En concluant ainsi, la Cour suprême a souscrit aux observations suivantes :

[traduction]
Ni la [Loi de l’impôt sur le revenu] ni aucun autre instrument ne fixe, de façon expresse ou tacite, les exigences essentielles de l’établissement d’une cotisation. Il appartient exclusivement [à la] ministre de décider de la façon dont [elle] évaluera et établira l’obligation fiscale du contribuable dans un cas donné. Il lui revient de déterminer la portée de l’enquête qu’[elle] doit faire, si enquête il doit y avoir.

(Western, à la p. 596.)

[9] Bien que l’arrêt Western ait été rendu dans le contexte de la Loi de l’impôt sur le revenu, le raisonnement de la Cour suprême s’applique également à la Loi sur la taxe d’accise. Selon nous, l’arrêt Western n’est pas incompatible avec l’arrêt J.P. Morgan Asset Management (Canada) Inc. c. Canada (Revenu national), 2013 CAF 250, [2014] 2 R.C.F. 557.

[10] Même s’il était clairement admis que la ministre n’a tiré aucune conclusion de fait au moment d’établir les cotisations, il incomberait à cette dernière de prouver au procès les faits à l’appui de ces cotisations : Canada c. Loewen, 2004 CAF 146, [2004] 4 R.C.F. 3 au para. 11. L’aveu en soi n’a aucune incidence sur les crédits de taxe sur les intrants auxquels Iris a droit, le cas échéant. L’élément déterminant en l’espèce est le calcul des crédits de taxe sur les intrants, et non le raisonnement de la ministre : R. v. Riendeau, [1991] 2 C.T.C. 64, 1991 CanLII 14206 (CAF) au para. 4. Cet examen doit se faire dans le cadre d’un procès.

[11] Suivant la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt, il y a [traduction] « controverse quant aux faits substantiels, quant à la loi applicable et quant à l’application de la loi aux faits substantiels ». Cette conclusion est susceptible d’être infirmée en cas d’erreur manifeste et dominante, mais il n’y en a aucune. Dans de telles circonstances, le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé : Georgeson Shareholder Communications Canada Inc. c. Canada, 2020 CAF 139 au para. 9.

[12] Enfin, il n’est pas nécessaire de donner une interprétation définitive du sens et de la portée de l’alinéa 170.1a) des Règles dans le cas qui nous occupe. Cela dit, nous serions étonnés que cette disposition soit interprétée de manière à permettre que des déclarations faites devant un autre tribunal, sur différentes questions d’une clarté et d’une importance discutables, soient considérées comme des aveux contraignants devant la Cour canadienne de l’impôt.

[13] Par conséquent, nous rejetterons l’appel avec dépens.

« Nathalie Goyette »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-77-22

INTITULÉ :

IRIS TECHNOLOGIES INC. c. SA MAJESTÉ LE ROI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 juin 2023

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LEBLANC

LA JUGE GOYETTE

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE GOYETTE

COMPARUTIONS :

Leigh Somerville Taylor

Mireille Dahab

Pour l’appelante

Michael Ezri

Katie Beahen

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Leigh Somerville Taylor Professional Corporation

Dahab Law

Pour l’appelante

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

 

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