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Date : 20230621


Dossier : A-47-22

Référence : 2023 CAF 145

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE WOODS

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

 

ENTRE :

BONNYBROOK PARK INDUSTRIAL DEVELOPMENT CO. LTD.

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 21 juin 2023.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 21 juin 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE WOODS

 


Date : 20230621


Dossier : A-47-22

Référence : 2023 CAF 145

CORAM :

LA JUGE WOODS

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

 

ENTRE :

BONNYBROOK PARK INDUSTRIAL DEVELOPMENT CO. LTD.

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 21 juin 2023.)

LA JUGE WOODS

[1] Bonnybrook Park Industrial Development Co. Ltd. (Bonnybrook) interjette appel du jugement publié sous la référence 2022 CF 103 et rédigé par la juge Sadrehashemi au nom de la Cour fédérale.

[2] Le jugement faisant l’objet de l’appel tranche la demande de contrôle judiciaire déposée par Bonnybrook relativement à une décision du ministre du Revenu national (le ministre). Dans celle‐ci, le ministre avait refusé d’accorder les mesures que sollicitait Bonnybrook en vertu des dispositions d’allègement pour les contribuables de la Loi de l’impôt sur le revenu. La Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire. Pour situer l’affaire dans son contexte, rappelons que la décision du ministre découlait du réexamen de la demande, que notre Cour avait ordonné après avoir annulé la décision initiale du ministre du 12 octobre 2016 pour les motifs donnés dans le jugement portant la référence 2018 CAF 136.

[3] Comme je l’explique ci-dessous, nous sommes d’avis que l’appel devrait être rejeté.

[4] Bonnybrook est une société privée qui touche des revenus locatifs. L’impôt que doit payer Bonnybrook sur ce type de revenu est partiellement remboursé lorsque la société verse des dividendes. L’objectif du législateur est la réalisation de l’intégration et l’évitement de la double imposition.

[5] Pour avoir droit à un remboursement au titre de dividendes, la société doit produire une déclaration de revenus dans les trois ans suivant la fin de l’année durant laquelle les dividendes ont été versés.

[6] Pendant de nombreuses années, Bonnybrook a omis de produire ses déclarations de revenus. Elle n’avait donc pas droit aux remboursements au titre de dividendes. Bonnybrook demande à être exemptée de l’obligation de produire les déclarations de revenus pour obtenir les remboursements au titre de dividendes. Elle demande également à être exemptée des pénalités et intérêts.

[7] La demande d’allègement de Bonnybrook a été envoyée au ministre le 6 mai 2016. La société faisait valoir à l’appui de sa demande que son unique administratrice éprouvait de graves problèmes de santé depuis de nombreuses années. Elle ajoutait que puisque l’administratrice avait précédemment respecté les obligations de production, le changement était attribuable aux problèmes de santé de cette dernière. Elle soutenait également que le ministre devait tenir compte des graves conséquences de la non-production des déclarations de revenus, qui entraîne une double imposition punitive. Selon elle, il s’agissait d’un facteur dont le ministre devait tenir compte au regard des problèmes de santé.

[8] En 2019, le ministre a demandé à Bonnybrook de fournir des détails concernant les problèmes de santé de son administratrice et la documentation à l’appui. Une réponse détaillée a été fournie en temps opportun.

[9] Dans la décision de réexamen en cause, le ministre semble avoir soigneusement examiné l’information fournie par Bonnybrook. Il a reconnu que les problèmes de santé étaient graves. Il a toutefois conclu que l’allègement n’était pas justifié parce que l’administratrice pouvait demander de l’aide pour la production des déclarations et aurait dû le faire si elle n’était pas en mesure de s’acquitter elle-même de cette tâche.

[10] La Cour fédérale a conclu que cette décision était raisonnable et a rejeté la demande de contrôle judiciaire.

[11] Dans le présent appel, la Cour doit se mettre à la place de la Cour fédérale et donc procéder à un examen de novo (Office régional de la santé du Nord c. Horrocks, 2021 CSC 42, au para. 10). Dans le cadre de cet examen, la Cour doit répondre à une question fondamentale : la décision du ministre est-elle raisonnable? La Cour suprême du Canada a donné des directives concernant le contrôle selon la norme de la décision raisonnable dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov). Bonnybrook soulève également des questions d’équité procédurale.

[12] Pour que la décision du ministre soit considérée comme raisonnable, la Cour doit examiner son résultat eu égard au raisonnement qui a mené à la décision pour s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov, au para. 15). À notre avis, la décision satisfait à ces exigences et rien ne justifie une intervention de notre Cour.

[13] Bonnybrook soulève de nombreux arguments dans le présent appel. Nous traitons de quatre d’entre eux. Il convient de souligner que la preuve présentée à l’appui de bon nombre de ces arguments n’est pas suffisante. Par exemple, dans ses observations, Bonnybrook a mentionné que l’administratrice avait demandé de l’aide pour la production des déclarations. Toutefois, à l’audience, Bonnybrook a admis que la documentation ne permettait pas d’établir la chronologie de cette demande d’aide. Or, cette chronologie est importante parce qu’il n’y a pas eu production de déclarations de revenus pendant très longtemps, soit de 2003 à 2015.

[14] À l’audience, Bonnybrook a fait valoir que le ministre s’était contenté de conclure que l’administratrice avait éprouvé des problèmes de santé, sans vraiment tenir compte de la documentation démontrant que les problèmes de santé de l’administratrice étaient très graves. Nous ne sommes pas d’accord pour dire que le ministre n’a pas tenu compte de la documentation. Dans la décision, le ministre a conclu que l’administratrice [traduction] « était aux prises avec de multiples et, par moment, graves problèmes de santé ». Il a également conclu que, [traduction] « jusqu’à tout récemment, [l’administratrice] était l’unique personne assurant la gestion d’une société s’occupant de divers biens de location », ce qui appuie sa conclusion selon laquelle l’administratrice aurait pu prendre des dispositions pour la production des déclarations de revenus.

[15] Deuxièmement, Bonnybrook soutient que la décision du ministre est déraisonnable parce que la question de l’imposition punitive n’a pas été examinée. Nous ne sommes pas d’accord. Les observations de Bonnybrook concernant la sévérité de la loi n’ont pas été présentées en tant que motif distinct justifiant l’octroi d’un allègement. Bonnybrook avançait plutôt qu’il s’agissait d’un facteur dont il fallait tenir compte au regard des problèmes de santé de l’administratrice. L’omission du ministre de traiter de la sévérité du résultat fiscal dans sa décision ne signifie pas qu’il n’a pas examiné la question et ne rend pas la décision déraisonnable.

[16] Troisièmement, Bonnybrook fait valoir qu’elle a subi un préjudice du fait que le ministre a trop tardé à demander des renseignements supplémentaires sur les problèmes de santé de l’administratrice et des documents à l’appui. Bonnybrook soutient qu’en raison du temps écoulé, il n’était pas possible d’obtenir tous les dossiers médicaux nécessaires. Il s’agit d’une question d’équité procédurale qui doit être contrôlée selon la norme de la décision correcte (Law Society of Saskatchewan c. Abrametz, 2022 CSC 29, au para. 28).

[17] À notre avis, Bonnybrook n’a pas démontré qu’il y avait réellement eu préjudice. Elle a affirmé que les renseignements médicaux fournis appuyaient sa prétention même s’ils n’étaient pas complets. Fait important, dans la décision en cause, le ministre a accepté la preuve selon laquelle les problèmes de santé étaient graves. L’existence d’un préjudice n’a pas été établie.

[18] Enfin, Bonnybrook fait valoir que le ministre a manqué à l’obligation d’équité procédurale parce qu’il ne l’a pas autorisée à déposer des observations supplémentaires. À notre avis, il ne s’agit pas d’un manquement à l’équité procédurale parce que Bonnybrook aurait pu se faire entendre à différentes occasions. Elle a eu la possibilité de présenter sa preuve en 2016 avec sa demande d’allègement, et elle l’a fait. Ensuite, en 2019, le ministre l’a invitée à apporter des précisions sur la question des problèmes de santé et à fournir des documents à l’appui. En réponse, Bonnybrook a présenté des observations détaillées. Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale.

[19] En conclusion, nous sommes d’avis qu’il n’y a aucun motif raisonnable d’intervenir à l’égard de la décision du ministre. Par conséquent, l’appel de la décision de la Cour fédérale sera rejeté avec dépens.

« Judith Woods »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-47-22

 

INTITULÉ :

BONNYBROOK PARK INDUSTRIAL DEVELOPMENT CO. LTD. c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 juin 2023

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE WOODS

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE WOODS

COMPARUTIONS :

Salvatore Mirandola

Thang Trieu

Pour l’appelante

Craig Maw

Kaitlin Coward

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

KPMG cabinet juridique s.r.l./S.E.N.C.R.L.

Toronto (Ontario)

Pour l’appelante

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

 

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