Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20230929


Dossier : A‐250‐21

Référence : 2023 CAF 200

CORAM :

LE JUGE WEBB

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LASKIN

 

ENTRE :

GOOGLE LLC

appelante

et

LE COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et LE PLAIGNANT

intimés

et

LA CLINIQUE D’INTÉRÊT PUBLIC ET DE POLITIQUE D’INTERNET DU CANADA SAMUELSON‐GLUSHKO, LA SOCIÉTÉ RADIO‐CANADA/CANADIAN BROADCASTING CORPORATION, CTV NEWS, UNE DIVISION DE BELL MÉDIA, POSTMEDIA NETWORK INC., THE GLOBE AND MAIL INC., TORSTAR CORPORATION, ROGERS MEDIA INC. et LA PRESSE INC.

intervenantes

Audience tenue à Toronto (Ontario), les 25 et 26 octobre 2022.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 septembre 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LASKIN

Y A SOUSCRIT :

LA JUGE GLEASON

MOTIFS DISSIDENTS :

LE JUGE WEBB

 


Date : 20230929


Dossier : A‐250‐21

Référence : 2023 CAF 200

CORAM :

LE JUGE WEBB

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LASKIN

 

ENTRE :

GOOGLE LLC

appelante

et

LE COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et LE PLAIGNANT

intimés

et

LA CLINIQUE D’INTÉRÊT PUBLIC ET DE POLITIQUE D’INTERNET DU CANADA SAMUELSON‐GLUSHKO, LA SOCIÉTÉ RADIO‐CANADA/CANADIAN BROADCASTING CORPORATION, CTV NEWS, UNE DIVISION DE BELL MÉDIA, POSTMEDIA NETWORK INC., THE GLOBE AND MAIL INC., TORSTAR CORPORATION, ROGERS MEDIA INC. et LA PRESSE INC.

intervenantes

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LASKIN

I. Introduction

[1] L’exploitation par Google LLC (Google) de son moteur de recherche, Google Search, est‐elle exclue du champ d’application de la partie 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5 (la LPRPDE ou la Loi), parce qu’elle comprend la collecte, l’utilisation ou la communication de renseignements personnels à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires et à aucune autre fin? Dans le cadre d’un renvoi présenté par le commissaire à la protection de la vie privée du Canada (le commissaire), la Cour fédérale (2021 CF 723, la juge en chef adjointe Gagné) a répondu à cette question par la négative.

[2] Google interjette maintenant appel devant notre Cour. Elle soutient qu’en répondant ainsi, la juge chargée du renvoi a commis deux erreurs principales.

[3] Premièrement, Google fait valoir que la juge chargée du renvoi aurait dû radier l’avis de demande de renvoi ou refuser de répondre à la question. Elle affirme que la Cour fédérale ne pouvait pas y répondre convenablement, et qu’elle n’aurait pas dû le faire, sans tenir compte de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), c’est‐à‐dire sans se demander si le fait d’assujettir le moteur de recherche de Google à la partie 1 de la LPRPDE porterait atteinte à la liberté d’expression garantie par la Charte, et sans examiner la question de savoir si le commissaire a compétence pour trancher des questions relatives à la Charte.

[4] Deuxièmement et subsidiairement, Google soutient que la juge chargée du renvoi a interprété de façon trop restrictive l’exception prévue à l’alinéa 4(2)c) de la LPRPDE. Cette exception s’applique lorsqu’une organisation recueille, utilise ou communique des renseignements personnels à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires et à aucune autre fin. Selon Google, la juge chargée du renvoi a commis une erreur dans son application de cette exception en concluant que seul un éditeur de nouvelles peut agir à des fins journalistiques, alors que les principes d’interprétation des lois favorisent une interprétation large du terme qui comprend la diffusion de nouvelles. Par conséquent, s’il faut répondre à la question du renvoi, Google soutient que cette Cour, rendant la décision que la juge chargée du renvoi aurait dû rendre, devrait annuler la réponse de la Cour fédérale et répondre à la question du renvoi par l’affirmative.

[5] Pour les motifs qui suivent, je ne souscrirais pas aux arguments de Google et je rejetterais le présent appel.

[6] Dans l’énoncé de ces motifs, je commencerai par examiner les éléments pertinents du cadre législatif. Je décrirai ensuite le contexte du renvoi, notamment de l’exploitation de Google Search et de la plainte à l’origine du renvoi. Par la suite, j’examinerai la décision de la Cour fédérale et les erreurs que cette cour aurait commises selon Google. Enfin, j’analyserai successivement chacune de ces erreurs alléguées.

II. Cadre législatif

[7] La partie 1 de la LPRPDE, intitulée « Protection des renseignements personnels dans le secteur privé », regroupe les dispositions fédérales canadiennes relatives à la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. (En l’espèce, la partie 2 de la LPRPDE, intitulée « Documents électroniques », n’est pas en cause.)

[8] L’objet de la partie 1, énoncé à l’article 3 de la Loi, est de fixer des règles qui établissent un équilibre entre le droit des individus à la vie privée à l’égard des renseignements personnels qui les concernent et le besoin des organisations de recueillir, d’utiliser ou de communiquer ces renseignements personnels :

3 La présente partie a pour objet de fixer, dans une ère où la technologie facilite de plus en plus la circulation et l’échange de renseignements, des règles régissant la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels d’une manière qui tient compte du droit des individus à la vie privée à l’égard des renseignements personnels qui les concernent et du besoin des organisations de recueillir, d’utiliser ou de communiquer des renseignements personnels à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.

3 The purpose of this Part is to establish, in an era in which technology increasingly facilitates the circulation and exchange of information, rules to govern the collection, use and disclosure of personal information in a manner that recognizes the right of privacy of individuals with respect to their personal information and the need of organizations to collect, use or disclose personal information for purposes that a reasonable person would consider appropriate in the circumstances.

[9] L’article 4 de la LPRPDE régit l’application de la partie 1. Lorsque la partie 1 s’applique à une organisation, cette dernière est assujettie à une série de principes dans sa collecte, son utilisation ou sa communication de renseignements personnels. Parmi ces principes figure celui énoncé à l’article 4.3 de l’annexe 1 de la Loi. Il prévoit que « [t]oute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire » / « the knowledge and consent of the individual are required for the collection, use, or disclosure of personal information, except where inappropriate ».

[10] Les parties pertinentes de l’article 4 prévoient ce qui suit (non souligné dans l’original) :

4 (1) La présente partie s’applique à toute organisation à l’égard des renseignements personnels :

4 (1) This Part applies to every organization in respect of personal information that

a) soit qu’elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d’activités commerciales; [...]

(a) the organization collects, uses or discloses in the course of commercial activities; [...]

(2) la présente partie ne s’applique pas : [...]

(2) This Part does not apply to: [...]

c) à une organisation à l’égard des renseignements personnels qu’elle recueille, utilise ou communique à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires et à aucune autre fin.

(c) any organization in respect of personal information that the organization collects, uses or discloses for journalistic, artistic or literary purposes and does not collect, use or disclose for any other purpose.

[11] Certaines définitions, énoncées à l’article 2 de la Loi, concernent la portée de ces dispositions :

organisation S’entend notamment des associations, sociétés de personnes, personnes et organisations syndicales.

organization includes an association, a partnership, a person and a trade union.

renseignement personnel Tout renseignement concernant un individu identifiable.

personal information means information about an identifiable individual.

[12] Toutefois, la LPRPDE ne contient aucune définition des termes « fins journalistiques » / « journalistic purpose » ou « journalisme » / « journalism ».

[13] Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada est un agent du Parlement qui a pour mandat de veiller au respect de la LPRPDE. L’article 11 de la Loi autorise tout intéressé à déposer auprès du commissaire une plainte écrite contre une organisation qui contrevient, entre autres, à l’une des dispositions de la section 1 de la partie 1 de la Loi, qui porte sur la protection des renseignements personnels. Le commissaire peut aussi lui‐même prendre l’initiative d’une plainte s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une enquête devrait être menée sur une question.

[14] Sous réserve de certaines exceptions qui ne s’appliquent pas en l’espèce, l’article 12 de la Loi oblige le commissaire à procéder à l’examen de toute plainte. L’article 12.1 de la Loi confère certains pouvoirs au commissaire ou à son délégué dans le cadre de l’examen des plaintes, notamment celui de contraindre des témoins à déposer verbalement ou par écrit ou à produire des documents et de visiter tout local autre qu’une maison d’habitation.

[15] Cependant, le commissaire n’a pas le pouvoir de forcer le règlement d’une plainte ou d’accorder une réparation au plaignant. La LPRPDE confère plutôt le pouvoir de réparation à la Cour fédérale. Comme le prévoit l’article 13, tout ce que le commissaire peut faire en réponse à une plainte est de déposer un rapport présentant ses conclusions et recommandations. Suivant l’article 14, il est alors loisible au plaignant — ou au commissaire lorsque c’est lui qui a pris l’initiative de la plainte et que certaines autres conditions préalables sont remplies — de demander que la Cour fédérale entende toute question qui a fait l’objet de la plainte. En vertu de l’article 15, le commissaire a également qualité pour comparaître, avec l’autorisation de la Cour, comme partie à toute audience demandée en vertu de l’article 14.

[16] L’audience visée à l’article 14 est « une procédure de novo ». Aux termes de l’article 17, le recours doit être entendu selon une procédure sommaire, à moins que la Cour ne l’estime contre‐indiqué. Ce qui est en question dans le cadre d’une audience visée à l’article 14, « ce n’est pas le rapport du commissaire, mais la conduite de la partie contre laquelle la plainte est déposée ». « [L]e rapport du commissaire, s’il est produit en preuve, peut être contesté ou contredit comme n’importe quel autre élément de la preuve documentaire » : Englander c. Telus Communications Inc., 2004 CAF 387, aux paras. 47‐48; Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Facebook, Inc., 2023 CF 533, au para. 49.

[17] L’article 16 de la LPRPDE confère à la Cour fédérale de vastes pouvoirs de réparation. Ces pouvoirs comprennent l’autorité de rendre des ordonnances de conformité et d’accorder au plaignant des dommages‐intérêts, notamment en réparation de l’humiliation subie.

III. Contexte du renvoi

A. L’exploitation de Google Search

[18] Google décrit sa mission comme étant celle « d’organiser les informations à l’échelle mondiale dans le but de les rendre accessibles et utiles à tous ». Google Search est le principal moteur de recherche Internet au monde. Selon certaines estimations, il servirait à effectuer 70 % à 75 % de l’ensemble des recherches mondiales sur Internet. Google estime que des millions de recherches à l’aide de Google Search sont effectuées chaque jour.

[19] Dans ses motifs, la juge chargée du renvoi a utilement résumé ainsi l’exploitation de Google Search :

[14] Google Search s’appuie sur trois fonctions de base : l’exploration, l’indexation et l’affichage des résultats de recherche. L’exploration est un processus automatisé qui nécessite l’utilisation d’un logiciel appelé « collecteur » qui accède continuellement aux pages Web publiques et transmet les renseignements de ces pages Web aux fins d’indexation ou de référencement. À mesure que les pages sont mises à jour, les collecteurs de Google accèdent à leur version actualisée. Les renseignements repérés par le collecteur sont ensuite ajoutés à un index permettant à Google de les organiser. Cet index affiche une entrée pour chaque mot sur chaque page Web indexée. L’index est actualisé si une nouvelle page Web apparaît ou si une page Web existante est modifiée ou supprimée.

[15] Lorsqu’une personne saisit une requête, le moteur de recherche Google utilise des algorithmes pour afficher les résultats de la recherche auxquels sont liées les pages Web pertinentes de l’index, classées par degré de pertinence. Le moteur de recherche Google affiche le titre des pages Web, les liens menant aux pages Web et génère automatiquement de courts [traduction] « extraits » textuels tirés de ces pages Web. Les renseignements affichés proviennent de la page Web elle‐même et sont assujettis aux directives des exploitants du site Web.

[16] Google affiche les réponses à une requête de recherche dans un ordre qui, selon elle, est susceptible d’intéresser l’utilisateur et qui est déterminé par des algorithmes dont elle assure la mise à jour, lesquels analysent de nombreux facteurs, dont le caractère récent du contenu et le nombre de fois que ce contenu est lié aux principaux sites Web.

[20] La juge chargée du renvoi a ensuite résumé le rôle des exploitants de sites Web dans le processus et la manière dont Google tire des revenus de son moteur de recherche :

[17] Les exploitants de sites Web contrôlent l’affichage de leur contenu par le moteur de recherche Google. Ils peuvent configurer leurs serveurs pour refuser de répondre aux demandes d’accès de l’un des collecteurs de Google, si bien que le contenu de cette URL ne peut être indexé ni affiché par le moteur de recherche Google. Les exploitants peuvent également donner à Google des directives plus détaillées quant à la façon de saisir ou de ne pas saisir un contenu particulier à l’aide de fichiers intitulés « robots.txt ».

[18] En ce qui concerne les articles de presse, comme le contenu en litige en l’espèce, il relève de la mission journalistique des agences de presse de contrôler ce qui est affiché dans les résultats de recherche de Google : d’abord en choisissant ce qu’elles publient sur leur site Web; ensuite, en décidant de supprimer ou de modifier des renseignements sur leur site Web; enfin, elles peuvent utiliser des fichiers robots.txt pour orienter Google vers des articles de leur site Web à inclure dans ses résultats de recherche. La preuve présentée à la Cour montre que toutes les agences de presse visées par la plainte ont autorisé Google à inclure leurs pages Web dans ses résultats de recherche.

[19] Google génère des revenus lorsqu’un utilisateur clique sur une annonce affichée dans un résultat de recherche. Les annonces ne sont pas affichées en réponse à toutes les requêtes; l’affichage d’une annonce dépendra des mots clés sélectionnés par l’annonceur et non des catégories de recherche que Google a choisi d’exempter de publicité. Un annonceur crée le texte de l’annonce et sélectionne les mots clés pour lesquels il souhaite que son annonce soit affichée. Cette annonce sera ensuite affichée en réponse à une requête portant sur ces mots clés. Dans un résultat de recherche où une annonce est affichée, on lui accole l’étiquette [traduction] « Annonce » et elle s’affiche avant les résultats de recherche.

B. La plainte

[21] En juin 2017, le plaignant, dont l’identité est protégée par une ordonnance de confidentialité, a déposé une plainte contre Google auprès du commissaire. Dans la plainte, il alléguait que, lorsque son nom faisait l’objet d’une recherche sur Internet à l’aide de Google Search, les résultats affichaient des liens vers des articles de presse qui contenaient des renseignements périmés, inexacts et sensibles à son sujet, et que la communication par Google de ces renseignements lui causait directement préjudice (par exemple, agression physique, discrimination dans l’emploi, grave réprobation sociale et crainte constante). Le plaignant a demandé l’aide du commissaire pour que les liens vers ses renseignements personnels sensibles soient retirés des résultats de recherche de Google.

[22] Le plaignant a suivi la suggestion du commissaire de communiquer avec Google et de lui demander de retirer les liens qui le préoccupaient. Google n’était pas disposée à le faire. Google lui a conseillé de régler tout différend directement avec le propriétaire du site Web et lui a fourni des directives sur la manière de demander une modification.

[23] Le commissaire a informé Google de la plainte et lui a demandé d’y répondre par écrit. Dans sa réponse, Google a fait valoir que le commissaire n’avait pas compétence, puisque la LPRPDE ne s’appliquait pas. Google était d’avis qu’elle n’exerce aucune activité commerciale lorsqu’elle présente des résultats de recherche, de sorte que l’alinéa 4(1)a) ne l’assujettit pas à la LPRPDE. Subsidiairement, Google a soutenu qu’elle agit à des fins journalistiques lorsqu’elle affiche des résultats de recherche menant à du contenu journalistique. Elle échappe donc à l’application de la LPRPDE en vertu de l’alinéa 4(2)c). Google a ajouté que toute interprétation de la LPRPDE qui l’empêcherait de présenter des résultats de recherche menant à du contenu journalistique contreviendrait à la Charte.

C. Le renvoi

[24] Avant le dépôt de la plainte, le commissaire avait commencé à examiner la question de la réputation en ligne et celle de savoir si et, le cas échéant, comment le « droit à l’oubli » pouvait s’appliquer au Canada. Il avait également lancé une consultation publique sur ces questions. Le « droit à l’oubli » est un principe qui a fait l’objet de discussions chez les universitaires, les législateurs et les professionnels du droit au Canada et à l’étranger. Essentiellement, il s’agit de savoir si les personnes ont le droit de faire retirer d’Internet des renseignements personnels les concernant qui sont accessibles au public. Les défenseurs de ce droit mettent souvent de l’avant les intérêts en matière de vie privée et d’autonomie qui, selon eux, le sous‐tendent et le justifient. Cependant, dans le cadre du présent appel, la Cour n’est pas saisie de la question de savoir s’il existe un droit à l’oubli. Les questions du renvoi sont beaucoup plus limitées.

[25] Alors que la plainte était en instance, le commissaire a publié un projet d’exposé de principe sur la réputation en ligne. Selon ce document, la LPRPDE s’applique aux moteurs de recherche en ligne comme Google Search et pourrait, dans certaines circonstances, exiger la suppression de liens contenant des renseignements personnels. Le commissaire a demandé des commentaires publics au sujet de ce document, qui demeure une ébauche, et en a reçu.

[26] Le paragraphe 18.3(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‐7, autorise les offices fédéraux à renvoyer des questions devant la Cour fédérale :

18.3 (1) Les offices fédéraux peuvent, à tout stade de leurs procédures, renvoyer devant la Cour fédérale pour audition et jugement toute question de droit, de compétence ou de pratique et procédure.

18.3 (1) A federal board, commission or other tribunal may at any stage of its proceedings refer any question or issue of law, of jurisdiction or of practice and procedure to the Federal Court for hearing and determination.

[27] Aux termes de l’alinéa 321c) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106, l’avis de demande concernant le renvoi contient la ou les questions qui sont l’objet du renvoi.

[28] Après avoir examiné la thèse de Google à l’égard de la plainte et les commentaires des membres du public sur le projet d’exposé de principe, le commissaire a décidé de renvoyer à la Cour fédérale deux des questions de compétence soulevées par Google :

  • (1)Dans l’exploitation de son service de moteur de recherche, Google recueille‐t‐elle, utilise‐t‐elle ou communique‐t‐elle des renseignements personnels dans le cadre d’activités commerciales au sens de l’alinéa 4(1)a) de la LPRPDE lorsqu’elle procède à l’indexation des pages Web et affiche des résultats de recherche portant sur le nom d’une personne?

  • (2)Est-ce que l’exploitation du service de moteur de recherche de Google est exclue du champ d’application de la partie 1 de la LPRPDE en vertu de l’alinéa 4(2)c) de cette loi, parce qu’elle implique la collecte, l’utilisation ou la communication de renseignements personnels à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires et à aucune autre fin?

[29] Le commissaire a choisi de ne pas renvoyer la troisième question soulevée par Google, à savoir si toute interprétation de la LPRPDE qui empêcherait Google de présenter des résultats de recherche menant à du contenu journalistique contreviendrait à la liberté d’expression garantie par l’alinéa 2b) de la Charte.

D. Les tentatives de Google d’élargir le renvoi

[30] Google a présenté une requête en vue d’obtenir une ordonnance précisant que le renvoi contiendrait également la question relative à la Charte, laquelle est, selon Google, « inextricablement liée » aux questions formulées, et lui accordant l’autorisation de déposer un dossier sur la question. Subsidiairement, Google a sollicité une ordonnance de radiation de la demande de renvoi.

[31] La protonotaire (tel était alors son titre) Tabib a rejeté la requête (Renvoi relatif au titre du paragraphe 18.3(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, 2019 CF 261). Elle a conclu qu’il était clair qu’il appartient uniquement aux offices fédéraux procédant au renvoi de déterminer la portée de celui‐ci et que ni la Cour ni une partie au renvoi n’a le droit d’ajouter des éléments aux questions du renvoi ou de modifier ces questions, que ce soit lié ou non à des questions constitutionnelles. La protonotaire Tabib a déclaré qu’il était néanmoins loisible à Google de faire valoir, sur le fond de la demande de renvoi, que la Cour ne pouvait pas ou ne devrait pas répondre aux questions du renvoi telles qu’elles étaient formulées sans tenir compte des questions constitutionnelles et que, si la Cour était du même avis, elle pouvait refuser de répondre aux questions. Elle a également conclu qu’au vu du dossier dont elle disposait, rien ne justifiait la radiation de la demande de renvoi.

[32] Google a, par voie de requête, interjeté appel de l’ordonnance de la protonotaire devant la Cour fédérale. La juge en chef adjointe Gagné (qui est par la suite devenue la juge chargée du renvoi) a entendu, puis rejeté, la requête (Renvoi relatif au paragraphe 18.3(1) de la Loi sur les Cours fédérales, 2019 CF 957).

[33] Dans sa décision, elle s’est dite d’accord avec la protonotaire que la délimitation des questions du renvoi relève exclusivement de l’office fédéral qui procède au renvoi et que ce droit est préservé même si une partie cherche à soulever une question constitutionnelle. Elle a également conclu que la protonotaire avait eu raison de refuser d’adhérer à l’argument de Google selon lequel la question constitutionnelle était « inextricablement liée » aux questions du renvoi.

[34] La juge saisie de la requête a ensuite rejeté la position de Google selon laquelle la première étape pour trancher la question de la compétence conférée par la LPRPDE consiste à déterminer le caractère constitutionnel de cette loi. À son avis, cet argument obligerait la cour à évaluer la constitutionnalité d’une loi avant de savoir si la loi s’applique et, le cas échéant, comment elle s’applique et quelles sont ses répercussions sur un droit garanti par la Charte. Elle a ajouté que Google aurait une autre possibilité de faire valoir, à l’étape de l’examen au fond, que les questions du renvoi sont inappropriées et qu’on ne devrait pas y répondre. Enfin, la juge saisie de la requête a jugé que l’argument subsidiaire de Google selon lequel la demande de renvoi devrait être radiée en raison du fait qu’il n’était pas possible de répondre aux questions de renvoi était sans fondement.

IV. La décision sur le renvoi

[35] Avant de commencer son analyse des deux questions renvoyées par le commissaire (reproduites au paragraphe 28 ci‐dessus), la juge chargée du renvoi a souligné que Google avait proposé une troisième question, qu’elle a énoncée comme suit :

La Cour devrait‐elle simplement refuser de répondre aux questions soumises par renvoi ou rejeter le renvoi parce qu’elle ne peut ou ne doit pas répondre à ces questions sans trancher les questions constitutionnelles qui ont été soulevées ou parce qu’elle ne dispose pas d’un dossier de preuve suffisant?

[36] À son avis, cette question comportait une contradiction. Les tribunaux devraient s’abstenir de se prononcer sur des questions constitutionnelles sans disposer d’un dossier de preuve suffisant. Comme elle l’avait conclu en rejetant l’appel interjeté à l’égard de l’ordonnance de la protonotaire, il revient au commissaire de répondre à ces questions, car il bénéficiera d’un dossier de preuve complet et sera mieux placé pour déterminer si la LPRPDE peut être appliquée de la façon dont le plaignant souhaite qu’elle soit appliquée, sans contrevenir aux valeurs de la Charte. Elle ne répondrait donc qu’aux deux questions visées par le renvoi du commissaire.

A. Réponse à la première question

[37] La juge chargée du renvoi a commencé à répondre à la première question en qualifiant les questions dont elle était saisie comme étant des questions d’interprétation des lois qui exigeaient, comme l’a indiqué la Cour suprême au paragraphe 10 de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, de « lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur ». Elle a déclaré que la première question soulevait deux sous‐questions : 1) dans l’exploitation de son moteur de recherche, est ce que Google recueille, utilise ou communique des renseignements personnels? et 2) si cela produit dans le cadre d’ activités commerciales?

[38] En ce qui concerne la première sous‐question, la juge chargée du renvoi a conclu que Google recueille des renseignements personnels lorsque ses collecteurs accèdent au contenu des pages Web publiques et le copient, qu’elle utilise et communique les renseignements personnels des objets de la recherche et qu’elle collecte, utilise et communique les renseignements personnels de la personne qui fait la recherche (ce qu’elle a admis).

[39] Quant à la deuxième sous‐question, la juge chargée du renvoi a rejeté la prétention de Google selon laquelle l’exploitation de son moteur de recherche n’est pas une activité commerciale au sens traditionnel du terme. Elle a qualifié l’approche de Google à cette sous-question, qui se concentre en grande partie sur le fait qu'une recherche est gratuite pour l'utilisateur, comme étant « microscopique », et a considéré que l’approche de Google ne reconnaissait pas que les renseignements personnels sont eux-mêmes devenus en soi une marchandise, qui peut être exploitée et utilisée à des fins lucratives. Elle a fait référence, entre autres, au fait que Google est une société à but lucratif et qu’elle a confirmé que l’essentiel de ses revenus provient de la publicité et que ses recettes publicitaires sont en grande partie générées par son moteur de recherche et d’autres services en ligne. Elle a conclu que « chaque élément d[u] modèle d’affaires [de Google] est une activité commerciale au sens de la LPRPDE ». Par conséquent, elle a répondu par l’affirmative à la première question du renvoi.

[40] En appel, Google ne conteste pas cette conclusion, bien qu’elle soutienne, comme nous le verrons plus loin, que la juge chargée du renvoi a commis une erreur simplement en répondant aux questions.

B. Réponse à la deuxième question

[41] Dans sa réponse à la deuxième question, la juge chargée du renvoi a rejeté l’argument de Google, qu’appuyait la Société Radio‐Canada / Canadian Broadcasting Corporation (la SRC), intervenante, selon lequel la juge chargée du renvoi ne devrait s’en tenir qu’aux articles publiés par des médias d’information reconnus à l’origine de la plainte. Elle a souligné que, même si la Cour limitait son analyse aux recherches portant sur le nom d’une personne, une telle recherche pouvait mener non seulement à des articles de presse, mais également à divers autres types de contenu, notamment à des blogues et des sites Web personnels, à des sites Web de médias sociaux ainsi qu’à des sites Web d’entreprises, de gouvernements et d’organisations non gouvernementales. Les renseignements personnels affichés par suite d’une telle recherche pouvaient dépasser le contenu médiatique. Ils étaient « nombreux et variés ».

[42] La juge chargée du renvoi a ensuite examiné l’affirmation selon laquelle Google Search facilite l’accès à l’information, telle que l’information médiatique, et qu’elle devrait donc être réputée faire la diffusion de cette information, ce qui constitue un élément de journalisme. En refusant de retenir cette affirmation, la juge chargée du renvoi s’est appuyée par analogie sur les paragraphes 27 à 30 de l’arrêt Crookes c. Newton, 2011 CSC 47, où la Cour suprême a conclu que, dans un contexte de diffamation, l’utilisation d’hyperliens n’équivaut pas à la diffusion de l’information à laquelle ceux‐ci renvoient. Elle a expliqué que, tout comme les hyperliens, les recherches sur Internet ne donnent au moteur de recherche aucun contrôle sur le contenu, n’expriment aucune opinion et ne créent aucun contenu. Elle a déclaré que, « [s]uivant son sens ordinaire, le mot “journalisme” s’entend de la création de contenu et du contrôle sur le contenu ».

[43] La juge chargée du renvoi a appuyé sa déclaration sur la définition en trois parties du journalisme élaborée par le comité consultatif sur l’éthique de l’Association canadienne des journalistes (l’ACJ), proposée par le commissaire et reconnue par la Cour fédérale au paragraphe 68 de la décision A.T. c. Globe24h.com, 2017 CF 114. Suivant cette définition énoncée par la Cour dans la décision Globe24h.com,

une activité ne devrait être qualifiée de journalistique que lorsque son objectif est 1) d’informer la collectivité sur des questions qui l’intéressent, 2) lorsqu’elle concerne un élément de la production originale et 3) une « auto‐discipline visant à présenter une description exacte et juste des faits, des opinions et des débats d’une situation ».

[44] La juge chargée du renvoi a conclu que l’exploitation du moteur de recherche de Google ne répondait pas au critère énoncé dans Globe24h.com, et ce, même si on ne tenait compte que des résultats de la recherche portant sur le nom du plaignant :

[J]e constate : premièrement, que Google fait en sorte que les renseignements soient mis à la disposition de tous, ce qui a une portée beaucoup plus grande que celle d’informer la collectivité sur des questions qui l’intéressent; deuxièmement, que Google ne crée ni ne produit rien – elle ne fait qu’afficher les résultats de recherche; et troisièmement, que Google ne fait aucun effort pour s’assurer que les résultats sont équitables et exacts. Les éditeurs seraient responsables de l’exactitude du contenu d’un résultat de recherche et non Google.

[45] Poursuivant son analyse de la deuxième question, la juge chargée du renvoi s’est penchée sur l’expression « et à aucune autre fin » de l’alinéa 4(2)c). Elle a souscrit à la proposition mise de l’avant par Google selon laquelle cette expression n’exclut pas les organisations qui exercent des activités commerciales, car, pour qu’une question relative à l’alinéa 4(2)c) se pose, l’organisation doit exercer des activités commerciales au sens du paragraphe 4(1).

[46] Toutefois, elle a déclaré, citant le principe d’interprétation des lois selon lequel le législateur ne parle pas pour ne rien dire ainsi que la présomption d’absence de tautologie, que cela ne signifiait pas que l’expression n’a aucun sens. L’exception prévue à l’alinéa 4(2)c) ne s’applique que lorsque les renseignements sont recueillis, utilisés ou communiqués exclusivement à des fins journalistiques, et la juge chargée du renvoi a estimé qu’il était clair que les objectifs de Google Search débordent le cadre du journalisme. La juge chargée du renvoi a considéré que le premier objectif de Google Search est d’indexer et de présenter des résultats de recherche. Selon la juge chargée du renvoi, ce n’était pas un objectif principalement journalistique, car la seule caractéristique essentielle du journalisme qu’il présentait était celle de faciliter l’accès à l’information.

[47] La juge chargée du renvoi a également rejeté l’argument de la SRC selon lequel la LPRPDE devrait être interprétée et appliquée d’une manière qui protège la liberté d’expression garantie par la Charte. Elle s’est appuyée sur l’arrêt de la Cour suprême Wilson c. Colombie‐Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), 2015 CSC 47, au para. 25, pour juger qu’il n’est pas nécessaire de recourir aux valeurs de la Charte pour interpréter une loi à moins qu’il n’y ait « ambiguïté véritable » dans son interprétation. Elle ne voyait aucune ambiguïté dans l’affaire dont elle était saisie : le législateur avait limité la LPRDPE à la protection de l’« activité journalistique » précisément, et non à la liberté d’expression en général; il protégeait la collecte, la communication et l’utilisation de renseignements personnels uniquement à des fins exclusivement journalistiques; et, suivant l’interprétation ordinaire, donnée par les journalistes eux‐mêmes, le terme « activité journalistique » n’englobe pas le travail du moteur de recherche de Google.

[48] Elle a exprimé ainsi sa conclusion générale concernant la question de l’exception prévue à l’alinéa 4(2)c) : « les fins visées par Google, lorsqu’elle collecte, utilise et communique des renseignements personnels [...] ne sont pas journalistiques et ne sont certainement pas exclusivement journalistiques ». Par conséquent, elle a répondu par la négative à la deuxième question du renvoi.

[49] Pour conclure ses motifs, la juge chargée du renvoi a souligné que ses réponses aux deux questions du renvoi « n[‘étaient] pas déterminantes quant à l’issue de la plainte du plaignant, au pouvoir du commissaire de recommander la désindexation, à la constitutionnalité de la LPRPDE, ou à toute autre question non soumise par renvoi qu’il vaut mieux laisser au commissaire ».

V. Norme de contrôle

[50] Google soutient que la norme de contrôle applicable en appel est celle de la décision correcte pour l’ensemble des questions en litige, car les questions du renvoi sont des questions de droit. Le commissaire est du même avis, mais pas le procureur général ne partage pas cet avis. Selon ce dernier, comme les questions du renvoi en litige dans le cadre du présent appel sont des questions de compétence, il s’agit nécessairement de questions de fait et de questions mixtes de fait et de droit. En conséquence, le procureur général soutient que la décision de la Cour fédérale est susceptible de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et dominante.

[51] Je ne suis pas de l’avis du procureur général. Les questions de compétence soulevées en vertu du paragraphe 18.3(1) de la Loi sur les Cours fédérales peuvent nécessiter un fondement factuel à l’appui (habituellement présenté par l’office fédéral qui demande l’examen des questions du renvoi) : Renvoi relatif au Comité externe d’examen des griefs militaires portant sur des questions de droit, 2018 CF 566, aux paras. 19 et 27. Cependant, en l’espèce, comme l’a déclaré la juge chargée du renvoi au paragraphe 6 de ses motifs, le renvoi était « factuellement lié » à la plainte de juin 2017 déposée par le plaignant auprès du commissaire. Aucune des parties ne conteste véritablement les autres faits qui sous‐tendent le renvoi, lequel porte sur Google Search. Les questions de fond en litige sont essentiellement des questions d’interprétation des lois. Ainsi, rien ne justifierait de s’écarter de la norme de la décision correcte en tant que norme applicable : voir, par exemple, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, au para. 33; Price c. Canada, 2012 CAF 332, au para. 14.

VI. Questions en litige

A. La juge chargée du renvoi a‐t‐elle commis une erreur en ce qui concerne les questions relatives à la Charte?

[52] Google oppose trois arguments à la manière dont la juge chargée du renvoi a traité les questions relatives à la Charte. Premièrement, Google soutient que la juge chargée du renvoi n’a pas tenu compte de son argument selon lequel elle ne devrait pas répondre aux questions du renvoi et que le renvoi devrait être rejeté, à moins que la Cour tranche les questions relatives à la Charte. Deuxièmement, Google fait valoir que la juge chargée du renvoi a supposé à tort que le commissaire a compétence pour trancher des questions relatives à la Charte. Troisièmement, Google soutient que la juge chargée du renvoi a commis une erreur de droit en répondant aux questions du renvoi sans tenir compte de la Charte. J’analyserai successivement chacun de ces arguments.

(1) La juge chargée du renvoi a‐t‐elle commis une erreur en n’examinant pas l’argument de Google selon lequel elle ne devrait pas répondre aux questions du renvoi sans tenir compte de la Charte?

[53] Cette question découle des déclarations figurant dans les motifs présentés par la protonotaire pour rejeter la requête de Google visant à élargir le renvoi, et des déclarations formulées par la juge saisie de la requête dans ses motifs de décision dans le cadre de l’appel de la décision de la protonotaire, selon lesquelles Google serait en mesure de faire valoir, à la reprise de l’instruction de la demande de renvoi, qu’on ne devrait pas répondre aux questions du renvoi. Google affirme que, malgré ces garanties, la juge chargée du renvoi n’a pas examiné la thèse de Google.

[54] J’estime que cette prétention n’a aucun fondement. Comme Google en convient au paragraphe 31 de son mémoire, Google a fait valoir ce point précis devant la juge chargée du renvoi. Comme nous l’avons résumé aux paragraphes 35 et 36 ci‐dessus, cette dernière a expressément traité de ce point, quoique brièvement, dans ses motifs et a rejeté la thèse de Google. Elle n’était pas obligée d’en faire davantage. Rien dans les déclarations de la protonotaire ni dans les déclarations formulées dans le cadre de l’appel de sa décision ne donnait à penser que le juge chargé du renvoi retiendrait nécessairement l’argument de Google selon lequel on ne devrait pas répondre aux questions du renvoi sans tenir compte de la Charte.

(2) La juge chargée du renvoi a‐t‐elle commis une erreur en supposant que le commissaire a compétence pour trancher des questions relatives à la Charte?

[55] Cette question découle de la déclaration faite par la juge chargée du renvoi au paragraphe 23 de ses motifs pour rejeter la demande de Google visant à ce qu’elle refuse de répondre aux questions soulevées par le commissaire à moins d’examiner les questions constitutionnelles. Comme l’a souligné la juge chargée du renvoi, il valait mieux de « laisser [ces questions constitutionnelles] au commissaire, qui bénéficiera d’un dossier de preuve complet et sera mieux placé pour déterminer si la LPRPDE peut être appliquée de la façon dont le plaignant souhaite qu’elle soit appliquée, sans contrevenir aux valeurs de la Charte ». Au paragraphe 97 de ses motifs (le dernier paragraphe), elle a fait observer en des termes semblables que ses réponses aux deux questions du renvoi « n[‘étaient] pas déterminantes quant à l’issue de la plainte du plaignant, au pouvoir du commissaire de recommander la désindexation, à la constitutionnalité de la LPRPDE, ou à toute autre question non soumise par renvoi qu’il vaut mieux laisser au commissaire ».

[56] Je ne relève aucune erreur dans ces déclarations. Pour les contester, Google se fonde en grande partie sur le principe, énoncé aux paragraphes 34 à 36 de Nouvelle‐Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin, 2003 CSC 54, rendu par la Cour suprême, selon lequel le tribunal administratif ne peut statuer sur des questions constitutionnelles que s’il a expressément ou implicitement compétence pour trancher des questions de droit. Or, en l’espèce, il n’est pas nécessaire d’examiner ce principe. Il est bien établi, sous le régime de la LPRPDE (dont il est question aux paragraphes 14 et 15 ci‐dessus), que le commissaire ne fait que formuler des conseils et des recommandations à l’égard des questions de droit et qu’il appartient à la Cour fédérale de trancher ces questions dans le cadre des procédures visées à l’article 14.

[57] Comme l’ont fait valoir le procureur général et le commissaire, cela ne signifie pas que le commissaire n’a pas le droit de tenir compte de la Charte dans l’exercice des fonctions qui lui sont confiées, lesquelles ne comprennent pas celle de trancher des questions de droit. Le commissaire a plutôt pour fonctions d’examiner les plaintes et de dresser un rapport sur celles‐ci, de formuler des conseils et des recommandations et de préparer les observations qu’il est autorisé à présenter devant la Cour fédérale dans le cadre d’une audience visée à l’article 14.

[58] En effet, dans le cadre de leurs fonctions administratives, « les décideurs administratifs doivent agir de manière compatible avec les valeurs sous‐jacentes à l’octroi d’un pouvoir discrétionnaire, y compris les valeurs consacrées [par] la Charte » : Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, au para. 24. Compte tenu notamment du principe énoncé dans Doré, on ne saurait reprocher à la juge chargée du renvoi de reconnaître que ses réponses aux questions du renvoi laissent en suspens des questions relatives à la Charte ou aux valeurs qui y sont consacrées auxquelles le commissaire n’est pas tenu de répondre de façon catégorique, mais dont il doit tenir compte.

(3) La juge chargée du renvoi a‐t‐elle commis une erreur de droit en répondant aux questions du renvoi sans tenir compte de la Charte?

[59] Google soutient qu’en tranchant les questions du renvoi en faveur du commissaire sans tenir compte de la Charte, la juge chargée du renvoi a commis une erreur en accordant au commissaire le pouvoir d’entraver des activités expressives protégées par la Charte sans se demander si l’octroi de ce pouvoir est constitutionnel. Il en résulte, selon Google, une violation de la Charte qui perdure en l’absence d’une conclusion selon laquelle cette violation est justifiée.

[60] Je suis d’avis que cet argument méconnaît à la fois l’objet et l’effet du renvoi.

[61] Comme le souligne le procureur général, le processus permettant de déterminer le caractère constitutionnel de l’application à une activité donnée d’une loi établissant un régime administratif se divise habituellement en deux étapes : voir, par exemple, Deacon c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 265, aux paras. 1 et 26. La première étape consiste à déterminer si la loi s’applique à l’activité en cause, c’est‐à‐dire si l’organisme administratif a compétence en vertu de sa loi constitutive. Si la loi s’applique, il convient de passer à la deuxième étape, qui consiste à évaluer si, dans cette application, la loi porte atteinte à la Charte. Si la loi ne s’applique pas, de sorte que l’organisme administratif n’a pas compétence, il n’est pas nécessaire de passer à la deuxième étape, puisque la question constitutionnelle ne se pose pas.

[62] La décision de la Cour suprême dans l’affaire Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 401, 2013 CSC 62, au para. 17, donne un autre exemple, qui porte également sur une loi relative à la protection des renseignements personnels (celle de l’Alberta). Dans cette affaire, la Cour suprême a d’abord examiné si la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels qui étaient en cause étaient visées par la loi ou si des exceptions s’appliquaient. Après avoir souscrit à la conclusion de l’arbitre selon laquelle aucune exception ne s’appliquait, la Cour suprême a conclu qu’il y avait eu violation de la liberté d’expression.

[63] En revanche, aux paragraphes 13, 17, 106, 107 et 119 de la décision State Farm Mutual Automobile Insurance Company c. Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, 2010 CF 736, la Cour fédérale a refusé de passer à la deuxième étape et d’examiner le caractère constitutionnel de la LPRPDE, après avoir conclu à la première étape que, selon une interprétation juste, l’activité en cause n’était pas une activité commerciale au sens de la LPRPDE, de sorte qu’elle n’y était pas assujettie et qu’elle ne relevait pas de la compétence du commissaire.

[64] En l’espèce, les questions du renvoi n’avaient été conçues et formulées de manière à impliquer uniquement la première étape. Il était loisible au commissaire d’agir ainsi en vertu du pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 18.3(1) de la Loi sur les Cours fédérales qui permet au commissaire de « renvoyer devant la Cour fédérale pour audition et jugement toute question de droit, de compétence ou de pratique et procédure » / « refer any question or issue of law, of jurisdiction or of practice and procedure to the Federal Court for hearing and determination ».

[65] Si, à la première étape, la juge chargée du renvoi avait conclu que la loi ne s’appliquait pas à Google Search, il ne serait pas nécessaire de passer à la deuxième étape. Or, étant donné qu’à la première étape, elle a conclu que la LPRPDE s’applique, la deuxième question, celle du caractère constitutionnel, demeure en suspens. Le processus par lequel la question sera finalement tranchée reste incertain, bien que l’audience de novo visée à l’article 14 de la LPRPDE, après que le commissaire aura terminé son examen et publié son rapport, constitue une possibilité évidente. Il appert à tout le moins que, comme l’a souligné la juge chargée du renvoi, sa conclusion à la première étape ne tranche pas la question constitutionnelle.

(4) Conclusion sur les erreurs alléguées quant aux questions relatives à la Charte

[66] Je conclus que la juge chargée du renvoi n’a commis aucune des erreurs alléguées par Google quant aux questions relatives à la Charte.

B. La juge chargée du renvoi a‐t‐elle commis une erreur dans son interprétation et son application de l’exception relative aux « fins journalistiques »?

[67] Google fait valoir que, dans la mesure où la juge chargée du renvoi n’a pas commis d’erreur dans ses réponses aux questions du renvoi en l’absence de questions relatives à la Charte, elle a commis une erreur dans son analyse de la deuxième question du renvoi et dans sa conclusion selon laquelle l’exception relative aux « fins journalistiques » prévue à l’alinéa 4(2)c) ne s’applique pas.

[68] Cet argument comporte trois éléments. Premièrement, Google soutient que les principes d’interprétation des lois favorisent une interprétation large de l’expression « fins journalistiques », à savoir une interprétation qui comprend la diffusion des nouvelles. Deuxièmement, Google fait valoir que la juge chargée du renvoi a commis une erreur en retenant et en appliquant la définition du « journalisme » adoptée dans la décision Globe24h (reproduite au paragraphe 43 ci‐dessus). Troisièmement, Google soutient que la juge chargée du renvoi a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que l’alinéa 4(2)c) s’applique à l’égard de renseignements précis plutôt qu’à l’ensemble d’une organisation. J’examinerai successivement chacun de ces trois éléments.

(1) La juge chargée du renvoi a‐t‐elle commis une erreur en ne reconnaissant pas que les principes d’interprétation des lois favorisent une interprétation large de l’expression « fins journalistiques », à savoir une interprétation qui comprend la diffusion des nouvelles?

[69] Nul ne conteste les principes d’interprétation des lois applicables. L’interprétation doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique : Hypothèques Trustco (cité par la juge chargée du renvoi, comme il est indiqué plus haut, au paragraphe 38 de ses motifs) et Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), 1998 CanLII 837 (CSC), [1998] 1 RCS 27 (cité par Google dans son mémoire et par le procureur général dans le sien), entre autres nombreuses décisions.

[70] Google est d’avis que, suivant l’application de ces principes, la conclusion qui s’impose est que l’expression « fins journalistiques » comprend la diffusion de contenu journalistique et ce que Google décrit comme [traduction] « le processus journalistique complet », allant de la collecte des renseignements à leur publication et diffusion. Elle soutient que la LPRPDE ne vise pas uniquement la protection des renseignements personnels. Elle a plutôt pour objet d’établir un juste équilibre entre la protection de ces renseignements et d’autres intérêts légitimes, dont la liberté d’expression. S’appuyant sur l’historique législatif de la LPRPDE, Google fait valoir que l’intention du législateur était que l’alinéa 4(2)c) constitue [traduction] « une large exception qui exclut de la LPRPDE la liberté d’expression garantie par la Charte et protège la liberté de la presse ».

[71] Google soutient en outre que, bien que l’expression « à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires » ne soit pas définie, certaines définitions couramment utilisées des mots « journalisme » et « journaliste » englobent la diffusion du travail journalistique. Elle fait notamment référence aux définitions données dans l’encyclopédie Britannica (en anglais : « Journalism », Encyclopedia Britannica, Inc., en ligne : publié le 27 janvier 2021) et dans la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C‐5, art. 39.1. Dans l’encyclopédie, le mot [traduction] « journalisme » est défini comme [traduction] « la collecte, la préparation et la diffusion de nouvelles, d’éditoriaux et d’articles de fond connexes [...] ». Dans la loi, le mot « journaliste » désigne une « [p]ersonne dont l’occupation principale consiste à contribuer directement et moyennant rétribution, soit régulièrement ou occasionnellement, à la collecte, la rédaction ou la production d’informations en vue de leur diffusion par les médias [...] ». Google s’appuie également sur la reconnaissance, par la Cour suprême du Canada, que la liberté de la presse englobe « le droit de diffuser des nouvelles et d’autres informations » : Société Radio‐Canada c. Nouveau‐Brunswick (Procureur général), 1996 CanLII 184 (CSC), [1996] 3 RCS 480, au para. 24.

[72] Google souligne la présence quasi systématique d’un intermédiaire entre l’éditeur et le lecteur de nouvelles. Outre les moteurs de recherche, elle cite comme exemple d’intermédiaire les dépanneurs et les bibliothécaires. À son avis, exclure les intermédiaires dans l’interprétation de l’alinéa 4(2)c) rendrait inefficace l’exception visant le « journalisme ».

[73] Le dernier facteur contextuel invoqué par Google est le régime de la LPRPDE, et plus particulièrement le lien entre l’inclusion à l’alinéa 4(1)a) et l’exclusion à l’alinéa 4(2)c). Elle fait valoir que l’alinéa 4(2)c) s’applique uniquement aux renseignements qui sont déjà visés par l’alinéa 4(1)a), car ils sont recueillis, utilisés ou communiqués dans le cadre d’activités commerciales. Par conséquent, selon Google, le fait que les renseignements soient utilisés à des fins commerciales ne peut empêcher l’application de l’exception prévue à l’alinéa 4(2)c), et l’exception doit s’appliquer aux renseignements utilisés à des fins commerciales et journalistiques.

[74] Suivant les principes d’interprétation des lois, je ne suis pas convaincu par les arguments de Google. Je juge qu’ils sont problématiques à plusieurs égards.

[75] Premièrement, dans la mesure où Google s’appuie, comme elle semble le faire, sur les valeurs liées à la liberté d’expression et à la liberté de la presse garanties par la Charte, ses arguments sont contraires à la règle selon laquelle, en l’absence d’une « ambiguïté véritable », les valeurs de la Charte « ne constituent [...] pas un outil d’interprétation » : Wilson c. Colombie‐Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), au para. 25. Comme la Cour suprême l’a déclaré dans R. c. Rodgers, 2006 CSC 15, au para. 19 (citations omises) :

Si le recours à la Charte comme outil d’interprétation n’était pas ainsi restreint, l’application des principes qu’elle consacre, comme règle générale d’interprétation législative, pourrait bien contrecarrer l’intention du législateur. En outre, elle priverait la Charte de sa raison d’être plus fondamentale — la détermination de la constitutionnalité de la loi.

[76] Une « ambiguïté véritable » n’existe que si, après avoir appliqué la « méthode moderne » d’interprétation législative — l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique mentionnée ci-dessus — nous nous trouvons en présence de « deux ou plusieurs interprétations plausibles, qui s’harmonisent chacune également avec l’intention du législateur » : R. c. Jarvis, 2019 CSC 10, au para. 105; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, aux paras. 29 et 62. Je partage l’avis du procureur général et du commissaire que la preuve d’une « ambiguïté véritable » dans ce sens n’a pas été établie.

[77] Deuxièmement, bien que Google reconnaisse que l’objet de la LPRPDE est d’établir un équilibre entre la protection des renseignements personnels et d’autres intérêts légitimes et qu’elle cite des déclarations tirées de l’historique législatif décrivant la liberté d’expression et les droits à la vie privée des personnes comme étant [traduction] « sacrés », elle affirme que l’intention du législateur est que l’alinéa 4(2)c) constitue [traduction] « une large exception qui exclut de la LPRPDE la liberté d’expression garantie par la Charte [...] » (mémoire de Google, au para. 64). Ces affirmations sont inconciliables : il ne peut être question d’équilibre si la LPRPDE prévoit des exceptions pour toutes les formes d’expression garanties par la Charte. C’est l’énoncé exprès de l’objet à l’article 3 de la LPRPDE qui constitue l’indicateur le plus significatif, fiable et digne de foi de l’objet législatif : R. c. Sharma, 2022 CSC 39, au para. 88; Conseil canadien pour les réfugiés c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 17, au para. 130. Cet énoncé d’objet, exposé ci‐dessus au paragraphe 8, commande l’équilibre.

[78] Troisièmement, Google semble accorder peu ou pas d’importance au mot « fins » dans l’expression « fins journalistiques » et ne donne aucun sens à ce mot dans l’interprétation de l’exception prévue à l’alinéa 4(2)c). Google se concentre plutôt sur le fait de la diffusion des nouvelles, et non sur les fins de cette diffusion. J’expliquerai plus en détail ci‐après l’importance du mot « fins » au moment d’interpréter l’exception prévue à l’alinéa 4(2)c).

[79] Quatrièmement, l’argument de Google fondé sur le lien entre l’alinéa 4(1)a) et l’alinéa 4(2)c) n’a aucun fondement. Comme la juge chargée du renvoi l’a reconnu au paragraphe 87 de ses motifs et que le procureur général l’a fait remarquer dans les observations qu’il a présentées à la Cour, retenir l’argument de Google aurait pour effet de retrancher de la Loi l’expression « et à aucune autre fin », ce qui serait contraire au principe selon lequel le législateur ne parle pas pour ne rien dire et qu’il n’aurait pas ajouté une exception dont les conditions ne pourraient jamais être respectées : Canada c. Loblaw Financial Holdings Inc., 2021 CSC 51, au para. 64. À cet égard, je souligne de nouveau que l’objet de l’alinéa 4(2)c) est différent de celui de l’alinéa 4(1)a) : la disposition d’inclusion concerne la collecte, l’utilisation ou la communication de renseignements personnels dans le cadre des activités de l’organisation, alors que la disposition d’exclusion porte sur la collecte, l’utilisation ou la communication de renseignements personnels en fonction de la fin ayant motivé cette collecte, utilisation ou communication.

[80] Suivant les principes d’interprétation des lois, je ne retiendrais pas les arguments de Google.

(2) La juge chargée du renvoi a‐t‐elle commis une erreur en retenant la définition du terme « journalisme » adoptée dans la décision Globe24h?

[81] Google soutient que la juge chargée du renvoi a commis une erreur en adoptant la définition, qu’elle qualifie de restrictive, du terme « journalisme » retenue par la Cour fédérale dans la décision Globe24h. Google souligne que la décision Globe24h portait sur ce qui était essentiellement un stratagème d’extorsion, dans lequel un site web publiait des décisions judiciaires contenant des renseignements personnels sensibles et le propriétaire du site web exigeait ensuite un paiement pour les supprimer. Selon Google, il n’y était pas question des intermédiaires diffusant les nouvelles. Cependant, Google ne semble pas proposer d’autres critères, outre l’application des principes d’interprétation des lois.

[82] Le procureur général, pour sa part, soutient que le critère établi dans la décision Globe24h est approprié aux fins de l’alinéa 4(2)c). Il affirme que le critère est reconnu par les autorités de protection des données à l’échelle du Canada, correspond largement à la définition utilisée par les associations de journalistes du Canada et à l’étranger et est conforme à la jurisprudence canadienne, au libellé d’autres lois fédérales et aux décisions judiciaires étrangères. Par exemple, des arbitres provinciaux ont appliqué le critère énoncé dans la décision Globe24h pour interpréter des exceptions relatives aux « fins journalistiques » formulées de façon semblable et prévues dans les lois sur la protection des renseignements personnels de l’Alberta et de la Colombie‐Britannique : Luminos Consulting & Production Inc. (Re), 2021 CanLII 88596 (AB OIPC), au para. 23, interprétant la Personal Information Protection Act, S.A. 2003, ch. P‐6.5, al. 4(3)c); Surrey Creep Catcher (Re), 2020 BCIPC 33, au para. 19, interprétant la Personal Information Protection Act, S.B.C. 2003, ch. 63, al. 3(2)b). Je souligne toutefois que ces décisions provinciales ne présentent aucune explication justifiant l’adoption de ce critère autre que son adoption par la Cour fédérale en l’espèce.

[83] Le commissaire décrit le critère énoncé dans la décision Globe24h comme fournissant [traduction] « un aide pour identifier ce qu’englobe le journalisme » (mémoire du commissaire, au para. 79). Comme la juge chargée du renvoi, le commissaire estime pertinent le fait que le critère a été proposé par l’ACJ et que la SRC (à titre d’intervenante devant la Cour fédérale) a convenu dans ses observations sur le renvoi que le critère est adéquat. Le plaignant conteste la thèse de Google selon laquelle le critère énoncé dans la décision Globe24h ne devrait pas s’appliquer à elle en tant qu’intermédiaire et soutient qu’en substance, les actes de Google ne peuvent être distingués de ceux de Globe24h.

[84] Quant aux intervenantes, la Clinique d’intérêt public et de politique d’Internet du Canada Samuelson‐Glushko (la CIPPIC) considère le critère énoncé dans la décision Globe24h comme un [traduction] « point de départ utile » à l’analyse de ce qu’est une fin journalistique. Elle fait valoir que la mesure dans laquelle la conduite d’une organisation est conforme aux normes d’éthique journalistique constitue un [traduction] « indicateur clair » d’une fin exclusivement journalistique (mémoire de la CIPPIC, aux paras. 27 et 33).

[85] L’autre intervenante, la coalition des médias, propose un critère à deux volets. Elle soutient que le produit du travail de « médias d’information reconnus » devrait toujours être considéré comme du journalisme, sans autre analyse. Elle ajoute que, lorsque les renseignements ne sont pas le produit de médias d’information reconnus, il est nécessaire de déterminer s’ils devraient être considérés comme du journalisme et que la définition de l’ACJ est [traduction] « une définition adéquate permettant d’entamer l’analyse » (mémoire de la coalition des médias, aux paras. 30 à 35 et 47).

[86] Fait étonnant peut‐être, aucun des participants à l’appel n’a porté à l’attention de la Cour le fait que la définition du journalisme adoptée par l’ACJ, proposée par le commissaire dans la décision Globe24h et retenue par la Cour fédérale dans ce litige, a été remplacée par une définition mise à jour en octobre 2021 et approuvée par le conseil d’administration de l’ACJ en décembre 2021 : voir le document « What is journalism » rédigé par le comité consultatif sur l’éthique de l’ACJ, en ligne : CAJ ≤https://caj.ca/wp‐content/uploads/caj_whatisjournalism_dec_2021.pdf≥ . Bien que cette définition ressemble beaucoup à celle adoptée dans la décision Globe24h, il existe des différences dans la formulation et les éléments mis de l’avant. Selon cette définition mise à jour, le journalisme est une activité qui comporte trois critères, lesquels doivent tous être remplis : 1) la recherche de la vérité pour ses auditoires, 2) un acte de création et de diffusion, et 3) un ensemble particulier de méthodes.

[87] Je considère que la définition du journalisme énoncée dans la décision Globe24h (et la définition mise à jour, que je n’analyserai pas davantage) n’est pas très descriptive et représente plutôt un idéal. J’entends par là que la définition établit des normes vers lesquelles ceux qui créent du contenu journalistique devraient tendre, selon l’ACJ, même si une grande partie de ce qui est communément considéré comme du contenu journalistique peut parfois ne pas répondre à ces normes. Ainsi, bien que la définition puisse s’avérer utile pour analyser ce qu’est une « fin journalistique », je ne suis pas convaincu qu’elle est concluante.

[88] Quoi qu’il en soit, je suis d’avis qu’il est finalement inutile, pour répondre à la deuxième question du renvoi, de déterminer si la juge chargée du renvoi a commis une erreur en adoptant le critère énoncé dans la décision Globe24h. Peu importe le critère adopté, Google Search ne recueille pas, n’utilise pas ou ne communique pas des renseignements personnels à des fins journalistiques et, même si c’était le cas, elle ne le fait pas exclusivement à ces fins.

[89] Le sens ordinaire du mot « purpose » (l’équivalent en anglais du mot « fin » utilisé à l’article 4 de la LPRPDE) est la raison pour laquelle une chose est faite ou réalisée, ou pour laquelle elle existe, ou « un objectif, un but ou une fin »: Katherine Barber, Concise Canadian Oxford Dictionary (Oxford, R.U., Oxford University Press, 2005), sous l’entrée « purpose »; Black’s Law Dictionary, 11e éd., sous l’entrée « purpose ». Le sens ordinaire du mot « fin » est « [c]hose qu’on veut réaliser, à laquelle on tend volontairement. but, objectif »; « [c]e qui est à la fois terme et but; ce pour quoi [quelque chose] se fait ou existe » : Le nouveau petit Robert, 1993, sous l’entrée « fin ». Il s’agit d’un cas où « le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, [de sorte que] le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation » : Hypothèques Trustco, au para. 10. Une fin suppose donc une intention, un but souhaité.

[90] Comme la juge chargée du renvoi l’a expliqué dans son résumé de l’exploitation de Google Search, cité ci‐dessus au paragraphe 19, Google affiche les réponses à une requête de recherche dans un ordre qui, selon elle, est susceptible d’intéresser l’utilisateur et qui est déterminé par des algorithmes dont elle assure la mise à jour. Il s’agit de la fin visée par Google Search. Pour réaliser cet objectif, Google est neutre à l’égard de la nature de ce contenu : rien ne dépend du caractère journalistique ou non du contenu, et encore moins du respect de certaines normes de journalisme auxquelles il faudrait tendre. Même si la recherche devait afficher des extraits contenant des liens vers du contenu journalistique, on ne peut affirmer qu’il s’agit de son objectif, alors que Google est indifférente au fait que ce soit du contenu journalistique ou non. À tout le moins, on ne peut dire qu’il s’agit de sa seule fin.

[91] Par conséquent, je suis d’avis que la juge chargée du renvoi a eu raison de conclure que l’exception prévue à l’alinéa 4(2)c) de la LPRPDE ne s’applique pas.

(3) La juge chargée du renvoi a‐t‐elle commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que l’alinéa 4(2)c) s’applique à l’égard de renseignements précis?

[92] Google soutient que la juge chargée du renvoi a commis une erreur en ne tenant pas compte de la nature des renseignements personnels dont elle disposait. Google fait valoir que la LPRPDE et ses exceptions s’appliquent au cas par cas en fonction des renseignements personnels en cause et de la manière dont ils sont utilisés. Elle souligne que le libellé des alinéas 4(1)a) et 4(2)c) (reproduits ci‐dessus au paragraphe 10) comporte l’expression « à l’égard des renseignements personnels » et affirme qu’il s’agissait d’un choix délibéré du législateur.

[93] Je ne constate aucune erreur de la part de la juge chargée du renvoi à cet égard. Le dossier dont elle disposait justifiait amplement qu’elle réponde à la deuxième question du renvoi. Même s’il est vrai que le bon niveau d’analyse fondée sur l’alinéa 4(2)c) repose sur le fait que des renseignements personnels précis sont recueillis, utilisés ou communiqués, et non sur les objectifs généraux de l’organisation qui les recueille, les utilise ou les communique, je ne comprends pas pourquoi la juge chargée du renvoi n’a pas tenu compte de cette distinction. Rien dans le dossier ne donnait à penser que Google Search fonctionne différemment en fonction des renseignements personnels qu’il affiche.

[94] Je conclus que la juge chargée du renvoi n’a commis aucune erreur dans son traitement de l’exception relative aux « fins journalistiques ».

VII. Dispositif proposé

[95] Je rejetterais l’appel. Le procureur général est le seul à solliciter des dépens. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, je n’adjugerais aucuns dépens.

« J.B. Laskin »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »

LE JUGE WEBB (motifs dissidents)

[96] J’ai lu les motifs de mon collègue. Je suis d’accord aux conclusions tirées sur les questions relatives à la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). Toutefois, je ne souscris pas aux conclusions portant sur l’interprétation de l’exception relative aux fins journalistiques. À mon avis, dans la mesure où le moteur de recherche de Google recueille et communique des articles journalistiques, il est exclu du champ d’application de la partie 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5 (la LPRPDE). Par conséquent, j’accueillerais l’appel.

[97] La question que la Cour doit trancher en l’espèce est la suivante :

(2) L’exploitation du service de moteur de recherche de Google est-elle exclue du champ d’application de la partie 1 de la LPRPDE par le jeu de l’alinéa 4(2)c) de cette loi, parce qu’elle implique la collecte, l’utilisation ou la communication de renseignements personnels à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires et à aucune autre fin?

[98] Il ressort implicitement de cette question que le service de moteur de recherche de Google doit avoir conduit, en quelque sorte, à l’application de la partie 1 de la LPRPDE. À défaut, il serait inutile d’examiner si l’exclusion prévue à l’alinéa 4(2)c) de la LPRPDE s’applique.

[99] L’article 4 de la LPRPDE énonce les actes auxquels la Loi s’applique. Pour les besoins du présent appel, les dispositions pertinentes sont les suivantes :

4 (1) La présente partie s’applique à toute organisation à l’égard des renseignements personnels :

4 (1) This Part applies to every organization in respect of personal information that

a) soit qu’elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d’activités commerciales; [...]

(a) the organization collects, uses or discloses in the course of commercial activities; [...]

(2) la présente partie ne s’applique pas : [...]

(2) This Part does not apply to: [...]

c) à une organisation à l’égard des renseignements personnels qu’elle recueille, utilise ou communique à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires et à aucune autre fin.

(c) any organization in respect of personal information that the organization collects, uses or discloses for journalistic, artistic or literary purposes and does not collect, use or disclose for any other purpose.

[100] Au paragraphe 85 de son mémoire, le commissaire à la protection de la vie privée du Canada soutient que [traduction] « [r]ien en droit ou dans le libellé de la LPRPDE ne permet d’étayer l’affirmation de Google selon laquelle la Loi s’applique en fonction des “renseignements personnels en cause” dont il est précisément question ». Je ne suis pas de cet avis.

[101] Aux termes de l’alinéa 4(1)a) de la LPRPDE, « [c]ette partie de la Loi s’applique à toute organisation à l’égard des renseignements personnels [...] qu’elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d’activités commerciales ». Cette alinéa limite l’application de cette partie de la LPRPDE aux renseignements personnels que l’organisation recueille, utilise ou communique dans le cadre d’activités commerciales. Par conséquent, une organisation doit avoir recueilli, utilisé ou communiqué des renseignements personnels pour que la LPRPDE s’applique, et elle ne s’applique qu’à ces renseignements.

[102] En l’espèce, le moteur de recherche de Google a recueilli et communiqué des renseignements personnels contenus dans des articles de journaux. Les journaux ont été publiés il y a un certain temps et les articles ont été affichés sur les sites Web administrés par les éditeurs des journaux. Il ne fait aucun doute que les articles sont qualifiés de journalistiques.

[103] Même si le commissaire à la protection de la vie privée et la juge de la Cour fédérale ont fait référence à des renseignements personnels concernant des tiers que le moteur de recherche de Google pourrait recueillir sur des blogues personnels ou d’autres sites puis communiquer, en l’espèce, les seuls renseignements personnels recueillis et communiqués sont ceux contenus dans des articles de journaux. La Cour n’est pas saisie de la question de savoir si la LPRPDE s’appliquera à d’autres renseignements personnels concernant des tiers que Google pourrait recueillir ou communiquer. La Cour doit répondre à la question qui lui est posée en fonction des faits qui lui sont présentés.

[104] Le moteur de recherche de Google a recueilli des extraits d’articles de journaux lorsqu’il a navigué sur l’Internet afin d’organiser et d’indexer le contenu de la multitude de sites Web disponibles. Dans le présent appel, les résultats pertinents sont les extraits d’articles de journaux et les liens menant aux sites Web où se trouvent les articles complets.

[105] L’exception prévue à l’alinéa 4(2)c) est fondée sur les fins visées par l’organisation lorsqu’elle recueille, utilise ou communique les renseignements personnels précis en cause. Par conséquent, la question pertinente à trancher en l’espèce consiste à savoir pourquoi Google a recueilli et communiqué les renseignements personnels contenus dans les articles de journaux.

[106] Google a pour mission [traduction] « d’organiser les informations à l’échelle mondiale dans le but de les rendre accessibles et utiles à tous » (paragraphe 56 du mémoire de Google). Google recueille des informations contenues dans des articles de journaux pour les indexer afin qu’il soit plus facile pour une personne de les trouver à l’aide du moteur de recherche de Google. Son seul but lorsqu’il recueille des informations est de les rendre plus accessibles.

[107] En réponse à une requête de recherche donnée, Google affiche des extraits d’articles de journaux ainsi que les liens menant aux sites Web où se trouvent les articles complets. Lorsqu’elle communique cette information, son seul but est de fournir l’accès aux articles de journaux que la personne qui effectue la recherche aurait pu trouver si elle avait fait des recherches sur les sites Web administrés par les éditeurs de ces articles au lieu d’utiliser le moteur de recherche Google. Google a simplement facilité l’accès aux articles de journaux.

[108] Le but de Google était donc de faire le lien entre la personne qui cherche de l’information et la source où l’information se trouve sur Internet. Google aide la personne qui effectue la recherche à trouver des articles de journaux pertinents et aide les éditeurs à diffuser ces articles.

[109] Le rôle de Google peut se comparer à celui d’un détaillant qui a vendu les journaux en cause lors de leur première publication. Le détaillant a recueilli des renseignements personnels lorsqu’il a reçu les journaux des éditeurs. Il a communiqué les renseignements lorsqu’il a vendu les journaux. Il n’exercerait pas normalement d’autres fonctions journalistiques. À mon avis, la LPRPDE ne serait pas destinée à s’appliquer à un détaillant qui vend des journaux.

[110] J’utiliserai un autre exemple pour démontrer pourquoi, à mon avis, la LPRPDE ne s’applique pas au moteur de recherche de Google lorsqu’il recueille, utilise et communique des articles journalistiques publiés par un journal. Supposons qu’en se préparant à un bulletin de nouvelles ou à une autre émission de télévision ou de radio, une personne trouve les mêmes articles dont il est question dans le présent appel en lisant des journaux en format papier. Si les renseignements personnels contenus dans les articles sont diffusés pendant l’émission (avec une mention de la source des renseignements), à mon avis, la LPRPDE ne s’appliquerait pas à la collecte, à l’utilisation ou à la communication de ces renseignements dans le cadre de l’émission de télévision ou de radio. La personne qui cite l’article diffuse simplement les nouvelles qui ont déjà été publiées par le journal.

[111] De même, si la personne trouve les mêmes articles en effectuant une recherche sur le site Web du journal plutôt qu’en les lisant dans un journal en format papier et communique ensuite les renseignements personnels (en mentionnant la source), à mon avis, la LPRPDE ne s’appliquerait pas à la collecte, à l’utilisation ou à la communication de ces renseignements dans le cadre d’une émission de télévision ou de radio. Selon moi, le résultat serait également le même si la personne utilisait le moteur de recherche de Google pour trouver les articles de journaux.

[112] Dans chaque scénario, l’exploitant d’une station de télévision ou de radio trouve simplement des articles de journaux et rapporte ce qui a été publié dans le journal. Les seules fonctions que l’exploitant d’une station de télévision ou de radio exerce sont la collecte d’articles de journaux (en lisant les journaux ou en recherchant des articles) ainsi que l’utilisation et la communication des renseignements ainsi recueillis dans le cadre de l’émission de télévision ou de radio. L’exploitant n’exerce aucune autre fonction journalistique, car il se fie aux journalistes qui ont rédigé les articles en ce qui a trait à la véracité des renseignements.

[113] Les activités de l’exploitant d’une station de télévision et de radio sont pour l’essentiel les mêmes que celles exercées par Google. L’exploitant et Google recherchent des renseignements et les communiquent au public. L’exploitant d’une station de télévision ou de radio recherche dans les journaux et d’autres sources des articles susceptibles d’intéresser ses téléspectateurs ou ses auditeurs. Il décide du moment où l’article sera divulgué au cours de l’émission de télévision ou de radio. Google effectue des recherches sur Internet et organise les renseignements trouvés par l’intermédiaire de son moteur de recherche. Celui-ci affiche les résultats de la recherche en fonction des renseignements qu’il juge pertinents pour la personne qui effectue la recherche à l’aide d’algorithmes gérés par Google. Dans le cas de l’exploitant d’une station de télévision ou de radio, les renseignements sont communiqués à toute personne qui regarde ou écoute l’émission. Dans le cas de Google, les renseignements sont communiqués à toute personne qui les recherche.

[114] Si la LPRPDE s’applique à Google lorsque son moteur de recherche trouve et communique un article de journal, s’appliquerait-elle à un exploitant d’une station de télévision ou de radio qui recherche des articles de journaux susceptibles d’intéresser ses téléspectateurs ou auditeurs et les communique ensuite? À mon avis, la LPRPDE ne devrait s’appliquer ni à Google, lorsque son moteur de recherche trouve un article de journal (qui est un article journalistique) et le communique, ni à l’exploitant d’une station de télévision ou de radio, lorsque celui-ci trouve un article de journal (qui est un article journalistique) et le communique à ses téléspectateurs ou auditeurs.

[115] Par conséquent, j’accueillerais l’appel.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A‐250‐21

 

INTITULÉ :

GOOGLE LLC c. LE COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et LE PLAIGNANT et LA CLINIQUE D’INTÉRÊT PUBLIC ET DE POLITIQUE D’INTERNET DU CANADA SAMUELSON‐GLUSHKO et LA SOCIÉTÉ RADIO‐CANADA/CANADIAN BROADCASTING CORPORATION, CTV NEWS, UNE DIVISION DE BELL MÉDIA, POSTMEDIA NETWORK INC., THE GLOBE AND MAIL INC., TORSTAR CORPORATION, ROGERS MEDIA INC. et LA PRESSE INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 25 et 26 octobre 2022

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LASKIN

Y A SOUSCRIT :

LA JUGE GLEASON

MOTIFS DISSIDENTS :

LE JUGE WEBB

DATE DES MOTIFS :

Le 29 SEPTEMBRE 2023

COMPARUTIONS :

James D. Bunting

Anisah Hassan

Anna White

David T.S. Fraser

Pour l’appelante

Jennifer Poirier

Kelly Stephens

Peter Engelman

Colleen Bauman

POUR L’INTIMÉ, LE COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA

Christopher Rupar

Kirk Shannon

POUR L’INTIMÉ, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Michael Fenwick

Mark Phillips

POUR L’INTIMÉ, LE PLAIGNANT

Tamir Israel

Alexandra Gill

POUR L’INTERVENANTE, LA CLINIQUE D’INTÉRÊT PUBLIC ET DE POLITIQUE D’INTERNET DU CANADA SAMUELSON‐GLUSHKO

Christian LeBlanc

Sean Moreman

POUR LES INTERVENANTES, LA SOCIÉTÉ RADIO‐CANADA/CANADIAN BROADCASTING CORPORATION, CTV NEWS, UNE DIVISION DE BELL MÉDIA, POSTMEDIA NETWORK INC., THE GLOBE AND MAIL INC., TORSTAR CORPORATION, ROGERS MEDIA INC. et LA PRESSE INC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

TYR LLP

Toronto (Ontario)

Pour l’appelante

McInnes Cooper

Halifax (Nouvelle‐Écosse)

Pour l’appelante

Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada

Gatineau (Québec)

POUR L’INTIMÉ, LE COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA

Goldblatt Partners

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ, LE COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA

François Daigle

Sous‐procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Paliare Roland Rosenberg Rothstein LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉ, LE PLAIGNANT

Mark Phillips Avocat

Montréal (Québec)

POUR L’INTIMÉ, LE PLAIGNANT

LA CLINIQUE D’INTÉRÊT PUBLIC ET DE POLITIQUE D’INTERNET DU CANADA SAMUELSON‐GLUSHKO

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTERVENANTE, LA CLINIQUE D’INTÉRÊT PUBLIC ET DE POLITIQUE D’INTERNET DU CANADA SAMUELSON‐GLUSHKO

Trudel Johnston & Lespérance

Montréal (Québec)

POUR L’INTERVENANTE, LA CLINIQUE D’INTÉRÊT PUBLIC ET DE POLITIQUE D’INTERNET DU CANADA SAMUELSON‐GLUSHKO

Fasken Martineau DuMoulin, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

POUR LES INTERVENANTES, LA SOCIÉTÉ RADIO‐CANADA/CANADIAN BROADCASTING CORPORATION, CTV NEWS, UNE DIVISION DE BELL MÉDIA, POSTMEDIA NETWORK INC., THE GLOBE AND MAIL INC., TORSTAR CORPORATION, ROGERS MEDIA INC. et LA PRESSE INC.

Services juridiques ‐ Société Radio‐Canada

Toronto (Ontario)

POUR LES INTERVENANTES, LA SOCIÉTÉ RADIO‐CANADA/CANADIAN BROADCASTING CORPORATION, CTV NEWS, UNE DIVISION DE BELL MÉDIA, POSTMEDIA NETWORK INC., THE GLOBE AND MAIL INC., TORSTAR CORPORATION, ROGERS MEDIA INC. et LA PRESSE INC.

 

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