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Date : 20240318


Dossier : A-34-23

Référence : 2024 CAF 50

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

 

ENTRE :

2093271 ONTARIO INC.,

2013674 ONTARIO INC.,

COLUMBIA HIGHRISE WINDOWS AND RAILINGS INC. et COLUMBIA HIGHRISE WINDOWS GROUP INC.

appelantes

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 18 mars 2024 avec la participation à distance d’un membre de la formation.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 18 mars 2024.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE LASKIN


Date : 20240318


Dossier : A-34-23

Référence : 2024 CAF 50

CORAM :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

 

ENTRE :

2093271 ONTARIO INC.,

2013674 ONTARIO INC.,

COLUMBIA HIGHRISE WINDOWS AND RAILINGS INC. et COLUMBIA HIGHRISE WINDOWS GROUP INC.

appelantes

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 18 mars 2024.)

LE JUGE LASKIN

[1] Les appelantes ont interjeté appel de la décision de la Cour canadienne de l’impôt (la juge Biringer, maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) dans les dossiers 2018-4898(IT)G, 2018-4899(IT)G, 2019‑24(IT)G et 2019-25(IT)G. Dans son jugement, la Cour canadienne de l’impôt a rejeté les appels que les appelantes ont interjetés à l’égard des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi).

[2] Ron Bonin a constitué les appelantes pour exploiter une entreprise de fabrication et d’installation de fenêtres et de balustrades. M. Bonin est président-directeur général et seul gestionnaire de chacune des appelantes.

[3] Suivant l’avis de leur conseiller fiscal, les appelantes ont demandé des déductions pour des dépenses de frais de gestion. La Cour canadienne de l’impôt a constaté l’absence de toute entente écrite ou orale concernant la prestation de services de gestion. Elle a également conclu que le conseiller fiscal avait fixé les montants facturés chaque année. Ceux-ci n’étaient pas fondés sur des facteurs mesurables, mais plutôt sur le revenu de l’entreprise qui payait pour les services. Dans presque tous les cas, la société a émis des factures le dernier jour de son année d’imposition. Les factures ne donnaient aucun détail sur les services fournis et ne mentionnaient pas non plus la personne qui les avait fournis. En réponse aux questions de M. Bonin, le conseiller fiscal des appelantes a qualifié les déductions demandées de [traduction] « correctes ».

[4] Les appels interjetés devant la Cour canadienne de l’impôt soulevaient trois questions, à savoir : (1) si les montants demandés pour les frais de gestion étaient déductibles dans le calcul du revenu selon l’alinéa 18(1)a) de la Loi, (2) si les appelantes étaient passibles, en application du paragraphe 163(2) de la Loi, de pénalités pour faute lourde du fait de leur aveuglement volontaire ou de leur négligence grossière concernant les faux énoncés qu’elles avaient faits en vue de déduire les frais de gestion, et (3) si le ministre pouvait, en vertu du sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi, établir de nouvelles cotisations pour certaines années d’imposition de certaines des appelantes – même si ces années étaient frappées de prescription puisque la période normale de nouvelle cotisation était expirée – étant donné que ces appelantes avaient fait une présentation erronée des faits « par négligence, inattention ou omission volontaire ».

[5] La Cour canadienne de l’impôt a conclu que (1) les montants demandés n’étaient pas déductibles, (2) les appelantes étaient passibles de pénalités pour faute lourde, et (3) le ministre était en droit d’établir de nouvelles cotisations pour les années d’imposition en cause. Les appelantes font valoir que la Cour canadienne de l’impôt a commis des erreurs en droit dans son examen de chacune de ces trois questions, mais, selon nous, aucune erreur susceptible de contrôle n’a été commise.

[6] Les appelantes font valoir que la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur dans son examen de la première question en omettant de tenir compte de l’ensemble des facteurs applicables et en prenant seulement en considération le témoignage de M. Bonin et certains états financiers. Or, il ressort des motifs que la Cour canadienne de l’impôt a exposés pour étayer sa décision qu’elle n’a pas commis de telle erreur. La Cour canadienne de l’impôt a expressément également tenu compte de l’absence de tout contrat de services de gestion, des factures que les appelantes ont produites et des éléments de preuve fournis par un commis comptable. En outre, il faut présumer que les tribunaux de première instance ont pris en considération et apprécié tous les éléments de preuve dont ils disposent : Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157 aux paras. 67 à 69.

[7] Pour ce qui est de la deuxième question, les appelantes reconnaissent que la Cour canadienne de l’impôt a sélectionné le bon critère pour évaluer l’aveuglement volontaire, mais elles soutiennent qu’elle ne l’a pas appliqué. Ce critère, comme la Cour canadienne de l’impôt l’a indiqué (à la page 13 de ses motifs), est de nature subjective et l’autorise à imputer une connaissance au contribuable « lorsqu’il prend conscience de la nécessité de se renseigner, mais refuse de le faire parce qu’il ne veut pas connaître la vérité ou qu’il évite soigneusement de la connaître » : Wynter c. Canada, 2017 CAF 195 (Wynter) aux paras. 13 et 16; Canada c. Paletta, 2022 CAF 86 (Paletta) au para. 66. La Cour canadienne de l’impôt a conclu (aux pages 16 et 17 de ses motifs) que les appelantes avaient fait peu d’efforts pour se renseigner à ce sujet, et ce, malgré [TRADUCTION] « les nombreux signaux d’alarme qui auraient dû susciter chez elles d’autres interrogations et les inciter à se renseigner davantage ».

[8] Les appelantes avancent que la Cour canadienne de l’impôt aurait dû conclure, en appliquant le bon critère, à l’absence de tout aveuglement volontaire [TRADUCTION] « étant donné qu’aucun élément de preuve ne démontre que M. Bonin soupçonnait que la demande relative aux dépenses de frais de gestion constituait un faux énoncé » (mémoire des appelantes, à la p. 11). Les appelantes soutiennent en outre que la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en se fondant sur sa conclusion (à la page 15 de ses motifs) selon laquelle [TRADUCTION] « [u]n homme d’affaires comme M. Bonin aurait dû s’interroger davantage », bien qu’elle n’ait pas conclu que ce dernier avait effectivement des soupçons. Cependant, ce passage et la déclaration selon laquelle les [TRADUCTION] « signaux d’alarme […] auraient dû susciter chez elles d’autres interrogations » (non souligné dans l’original) démontrent que la Cour canadienne de l’impôt a bel et bien conclu que M. Bonin avait des soupçons. Par ailleurs, bien que les appelantes semblent également contester la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt sur le plan de l’importance qu’elle a accordée aux divers éléments de preuve, le rôle de notre Cour n’est pas de les soupeser de nouveau en appel.

[9] Même si, comme l’a noté la Cour canadienne de l’impôt, sa conclusion selon laquelle les appelantes avaient fait preuve d’aveuglement volontaire permettait au ministre d’établir de nouvelles cotisations pour des années d’imposition qui sinon seraient frappées de prescription, la Cour canadienne de l’impôt a tout de même examiné la troisième question, à savoir celle de la faute lourde.

[10] À ce sujet, les appelantes soutiennent que la Cour canadienne de l’impôt a omis d’appliquer le bon critère pour déterminer si elles avaient commis une faute grave. Elles se fondent en particulier sur la description de ce critère dans la décision Venne c. La Reine, [1984] A.C.F. no 314 (QL) (C.F. 1re inst.). Cependant, la Cour canadienne de l’impôt a expressément fait référence à cette décision, et sa description du critère n’est pas incompatible avec cette décision et va dans le sens de déclarations plus récentes de notre Cour; voir, par exemple, les arrêts Wynter aux paras. 18 à 21, et Paletta aux paras. 65 à 68. En effet, dans le passage précis des motifs de la Cour canadienne de l’impôt où cette dernière décrit le critère et que les appelantes contestent, soit à la page 18 de ses motifs, la Cour canadienne de l’impôt reprend textuellement la description du critère que notre Cour a fournie dans un autre arrêt récent, à savoir Deyab c. Canada, 2020 CAF 222, au paragraphe 62. Selon nous, la façon dont la Cour canadienne de l’impôt a décrit le critère relatif à la faute lourde ne contient aucune erreur susceptible de contrôle.

[11] Pour les motifs qui précèdent, nous rejetterons l’appel avec dépens.

« J.B. Laskin »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

A-34-23

INTITULÉ :

2093271 ONTARIO INC., 2013674 ONTARIO INC., COLUMBIA HIGHRISE WINDOWS AND RAILINGS INC. et COLUMBIA HIGHRISE WINDOWS GROUP INC. c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 MARS 2024

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

RENDUS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE LASKIN

DATE DES MOTIFS :

LE 18 MARS 2024

COMPARUTIONS :

John D. Buote

POUR LES APPELANTES

Kanga Kalisa

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BRS Tax Lawyers LLP

POUR LES APPELANTES

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

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