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Date : 20241004


Dossiers : A-121-24 (dossier principal)

A-124-24

Référence : 2024 CAF 160

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE MONAGHAN

LA JUGE BIRINGER

 

 

Dossier : A-121-24

ENTRE :

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

appelante

et

LA MUNICIPALITÉ RÉGIONALE DE HALTON,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE MILTON,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE HALTON HILLS,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE BURLINGTON,

LA CORPORATION DE LA VILLE D’OAKVILLE et

L’OFFICE DE PROTECTION DE LA NATURE DE LA RÉGION DE HALTON

et

CANADA (MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT) et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimés


Dossier : A-124-24

ET ENTRE :

CANADA (MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT)

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

appelants

et

LA MUNICIPALITÉ RÉGIONALE DE HALTON,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE MILTON,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE HALTON HILLS,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE BURLINGTON,

LA CORPORATION DE LA VILLE D’OAKVILLE et

L’OFFICE DE PROTECTION DE LA NATURE DE LA RÉGION DE HALTON

intimés

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 25 juillet 2024.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 octobre 2024.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE BIRINGER

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE MONAGHAN

 


Date : 20241004


Dossiers : A-121-24 (dossier principal)

A-124-24

Référence : 2024 CAF 160

CORAM :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE MONAGHAN

LA JUGE BIRINGER

 

 

Dossier : A-121-24

 

 

ENTRE :

 

 

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

 

appelante

 

 

et

 

 

LA MUNICIPALITÉ RÉGIONALE DE HALTON,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE MILTON,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE HALTON HILLS,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE BURLINGTON,

LA CORPORATION DE LA VILLE D’OAKVILLE et

L’OFFICE DE PROTECTION DE LA NATURE DE LA RÉGION DE HALTON

 

 

et

 

 

CANADA (MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT) et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

intimés

 

 


Dossier : A-124-24

 

 

ET ENTRE :

 

 

CANADA (MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT)

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

 

appelants

 

 

et

 

 

LA MUNICIPALITÉ RÉGIONALE DE HALTON,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE MILTON,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE HALTON HILLS,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE BURLINGTON,

LA CORPORATION DE LA VILLE D’OAKVILLE et

L’OFFICE DE PROTECTION DE LA NATURE DE LA RÉGION DE HALTON

 

 

intimés

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE BIRINGER

[1] La Cour est saisie de deux appels réunis concernant la demande que la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) a présentée en vue d’obtenir l’autorisation de construire et d’exploiter un pôle logistique intermodal à Milton, en Ontario (le projet). Le projet a fait l’objet d’une évaluation environnementale en application de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), L.C. 2012, ch. 19, art. 52 (la LCÉE de 2012), désormais abrogée.

[2] Les appels concernent le jugement par lequel la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire menant à l’annulation de deux décisions prises en application de la LCÉE de 2012 à l’égard du projet, 2024 CF 348 (les motifs de la CF) :

  • la décision du 1er septembre 2020 par laquelle le ministre de l’Environnement et du Changement climatique (le ministre) a déclaré que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants (EENI), laquelle décision a ensuite été renvoyée au gouverneur en conseil pour qu’il détermine si les EENI sont « justifiables dans les circonstances »;

  • la décision du 20 janvier 2021 par laquelle le gouverneur en conseil a déclaré que les EENI que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner sont « justifiables dans les circonstances ».

[3] La Cour fédérale a conclu que les décisions étaient déraisonnables au motif qu’elles ne s’attaquaient pas [traduction] « de manière significative » aux effets « directs » que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air et qu’elles ne tenaient pas compte de la protection de la santé humaine, comme l’exige le paragraphe 4(2) de la LCÉE de 2012.

[4] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la Cour fédérale a commis une erreur. J’estime que les décisions sont raisonnables. J’accueillerais donc les appels.

I. Contexte

[5] Le CN a proposé de construire le pôle logistique intermodal sur un terrain de 160 hectares qu’il possède à Milton, dans la municipalité régionale de Halton, près de la ligne de chemin de fer principale du CN. Par la construction du pôle logistique, le CN souhaite faciliter le transfert des conteneurs d’expédition intermodaux entre les camions et les wagons afin de répondre à la demande croissante en matière de circulation de marchandises dans la région du Grand Toronto et de Hamilton. Le projet comprendrait une gare de triage dotée de plus de 20 kilomètres de nouvelles voies ferrées ainsi que de grandes grues pour le transfert des conteneurs d’expédition intermodaux. Selon le CN, 800 camions entreraient sur le site et en sortiraient, et ce, quotidiennement.

[6] Le pôle logistique permettrait d’intensifier la circulation des marchandises par chemin de fer et de réduire le nombre de camions lourds sur les routes canadiennes, ce qui se traduirait par certains avantages pour l’environnement, notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il y aurait toutefois des effets environnementaux négatifs sur les résidents et leur milieu, notamment en ce qui concerne la qualité de l’air, la santé humaine (en lien avec la qualité de l’air), la faune et son habitat ainsi que la disponibilité des terres agricoles.

A. L’évaluation environnementale

[7] Le CN a soumis en 2015 une description du projet à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (depuis 2019, l’Agence d’évaluation d’impact du Canada) (l’Agence), comme l’exige la LCÉE de 2012. Le ministre ayant conclu qu’une évaluation environnementale fédérale était nécessaire, le CN a présenté une étude d’impact environnemental précisant les effets possibles de la réalisation du projet sur l’environnement, ainsi que les mesures d’atténuation proposées.

[8] Puisque des approbations étaient requises aux termes de la LCÉE de 2012 et de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10, le ministre et le président de l’Office des transports du Canada ont convenu, en 2016, qu’il serait pertinent de mener un processus d’examen conjoint. Une commission indépendante a donc été mise sur pied aux fins de la réalisation de l’évaluation environnementale.

[9] La commission d’examen a réalisé l’évaluation environnementale conformément aux exigences énoncées dans la LCÉE de 2012. Les différents éléments à prendre en compte lors de l’évaluation sont énumérés au paragraphe 19(1) de cette loi. Entre autres éléments, mentionnons les effets environnementaux de la réalisation du projet, les effets cumulatifs, l’importance des effets environnementaux ainsi que les mesures d’atténuation des EENI associés à la réalisation du projet. Les effets environnementaux qui doivent être pris en considération sont pour leur part énoncés à l’article 5 de la LCÉE de 2012.

[10] La commission d’examen a recueilli de l’information pendant quatre ans et a tenu des audiences publiques qui se sont échelonnées sur plusieurs semaines. Lors de ces audiences, le CN et les intimés de la région de Halton ont fait témoigner des experts et ont présenté des observations. La commission d’examen a publié en janvier 2020 la version anglaise de son rapport (qui compte 294 pages, sans tenir compte des annexes) dans lequel elle exposait ses conclusions sur la possibilité que la réalisation du projet soit susceptible de causer des EENI.

[11] Selon la commission d’examen, avec la mise en place des mesures d’atténuation, certains des effets environnementaux de la réalisation du projet ne constitueraient pas des EENI au sens de la LCÉE de 2012. La commission d’examen a cependant également conclu que la réalisation du projet était susceptible d’entraîner, malgré l’application des mesures d’atténuation, « des effets environnementaux négatifs importants sur la qualité de l’air, et par le fait même sur la santé humaine » (non souligné dans l’original), ainsi que « des effets environnementaux cumulatifs négatifs importants sur la qualité de l’air, la santé humaine, l’habitat de la faune et la disponibilité des terres agricoles ». Seuls les effets sur la qualité de l’air et la santé humaine sont pertinents dans les présents appels.

[12] Le rapport de la commission d’examen a été remis au ministre. Après « avoir pris en compte le rapport d’évaluation environnementale de la commission », comme il était tenu de le faire aux termes du paragraphe 47(1) de la LCÉE de 2012, le ministre devait prendre les décisions prévues au paragraphe 52(1). Suivant ce paragraphe, le ministre devait décider si, compte tenu des mesures d’atténuation, la réalisation du projet était susceptible d’entraîner les EENI visés aux paragraphes 5(1) ou 5(2).

[13] Les effets environnementaux visés au paragraphe 5(1) concernent les matières de compétence fédérale, comme le territoire domanial, les pêches et les oiseaux migrateurs. Les effets environnementaux visés au paragraphe 5(2) sont associés à la réalisation du projet qui exige l’exercice d’une attribution par une autorité fédérale – en l’occurrence, l’approbation par l’Office des transports du Canada sous le régime de la Loi sur les transports au Canada – et comprennent les répercussions sur les plans sanitaire et socio-économique (sous‑alinéa 5(2)b)(i)).

B. Les décisions prises en vertu de la LCÉE de 2012

[14] Le 1er septembre 2020, le ministre a décidé que, compte tenu des mesures d’atténuation, la réalisation du projet n’était pas susceptible d’entraîner les EENI visés au paragraphe 5(1), mais qu’elle était susceptible d’entraîner ceux visés au paragraphe 5(2). Le ministre a rendu cette décision en indiquant qu’il était d’accord avec la recommandation que l’Agence avait formulée dans son mémoire du 1er septembre 2020 et en signant ce mémoire (la décision du ministre) : motifs de la CF au para. 88.

[15] À la section [traduction] « Résumé » de la décision du ministre est décrite la conclusion de la commission d’examen selon laquelle la réalisation du projet était susceptible d’entraîner [traduction] « d’importants effets environnementaux négatifs directs sur la qualité de l’air local (généralement limités à la municipalité de Halton) ainsi que des effets cumulatifs négatifs importants sur la qualité de l’air, et par le fait même sur la santé humaine, la faune et son habitat, et la disponibilité des terres agricoles (annexe I) ».

[16] Selon le paragraphe 52(2) de la LCÉE de 2012, si le ministre décide que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner des EENI visés aux paragraphes 5(1) ou 5(2), il doit renvoyer au gouverneur en conseil « la question de savoir si ces effets sont justifiables dans les circonstances ». Ayant décidé que la réalisation du projet était susceptible d’entraîner des EENI visés au paragraphe 5(2), le ministre a renvoyé la question au gouverneur en conseil.

[17] Conformément au paragraphe 52(4), le gouverneur en conseil, lorsqu’il est saisi d’une telle question, décide si les EENI sont « justifiables dans les circonstances ». En l’espèce, suivant la recommandation du ministre, le gouverneur en conseil a décidé que les EENI sont justifiables. La décision du gouverneur en conseil est énoncée dans le décret 2021-0008, pris le 20 janvier 2021 (la décision du gouverneur en conseil).

[18] Suivant le paragraphe 54(1) de la LCÉE de 2012, le ministre doit remettre au promoteur du projet une déclaration dans laquelle il donne avis des décisions qu’il a prises et de celles que le gouverneur en conseil a prises, et dans laquelle il énonce toute condition fixée en vertu de l’article 53. Conformément à l’article 53, si le ministre décide que la réalisation du projet n’est pas susceptible d’entraîner des EENI visés aux paragraphes 5(1) ou 5(2), ou si le gouverneur en conseil décide que les EENI que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner sont justifiables dans les circonstances, le ministre doit fixer les conditions que le promoteur du projet est tenu de respecter.

[19] Le 21 janvier 2021, le ministre a remis au CN une déclaration dans laquelle il donne avis de sa décision et de la décision du gouverneur en conseil. Il fixe également, dans cette déclaration, les conditions que le CN est tenu de respecter (la déclaration). (La déclaration a par la suite été modifiée et remise de nouveau au CN le 26 juillet 2022, mais les modifications y apportées ne sont pas pertinentes pour les présents appels.)

[20] Dans un communiqué publié le 21 janvier 2021, le gouvernement du Canada a annoncé son approbation du projet, sous réserve de 325 conditions visant à « protéger l’environnement et la santé humaine », ce qui ferait de ce projet « le pôle logistique intermodal le plus rigoureusement réglementé au Canada ».

C. La décision de la Cour fédérale

[21] Les intimés de la région de Halton ont sollicité le contrôle judiciaire de la décision du ministre, de la décision du gouverneur en conseil ainsi que de la déclaration, après avoir obtenu l’autorisation de demander le contrôle judiciaire de ces trois décisions regroupées en une seule instance : motifs de la CF aux para. 1 et 16. La Cour fédérale a conclu que la décision du ministre et celle du gouverneur en conseil étaient déraisonnables, les a annulées et les a renvoyées pour nouvel examen.

[22] Avant d’examiner la décision du ministre et celle du gouverneur en conseil, la Cour fédérale a analysé la distinction entre les EENI « directs » et les EENI cumulatifs au regard des alinéas 19(1)a) et b) de la LCÉE de 2012 : motifs de la CF aux para. 37-44. La Cour fédérale a résumé le rapport de la commission d’examen, les divers mémoires au ministre rédigés par l’Agence (y compris celui du 1er septembre 2020, devenu par la suite la décision du ministre) ainsi que la décision du gouverneur en conseil, en s’attardant particulièrement au contenu portant sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air : motifs de la CF, au para. 57-107.

[23] La Cour fédérale s’est ensuite penchée sur le caractère raisonnable des deux décisions. D’abord, au sujet de la décision du ministre, la Cour a conclu que le ministre n’avait pas tenu compte de la conclusion de la commission d’examen selon laquelle la réalisation du projet était susceptible d’entraîner des EENI « directs » sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air, ou qu’il n’en avait pas fait mention, et donc qu’il ne s’était pas [traduction] « attaqué de manière significative » à ce qu’elle a qualifié de [traduction] « question centrale et importante » : motifs de la CF au para. 111, 113 et 134. La Cour a ensuite conclu que le ministre n’avait pas tenu compte des termes utilisés au paragraphe 4(2) de la LCÉE de 2012 ni de l’importance que revêt ce paragraphe, ou qu’il n’en avait pas fait mention, et donc qu’il n’avait pas tenu compte de la protection de la santé humaine : motifs de la CF aux para. 137 et 144. Par conséquent, la Cour fédérale a conclu que la décision du ministre était déraisonnable.

[24] Ensuite, au sujet de la décision du gouverneur en conseil, la Cour fédérale a conclu que le gouverneur en conseil s’était fondé sur la décision lacunaire du ministre et que, à l’instar du ministre, il ne s’était pas [traduction] « attaqué de manière significative » aux EENI « directs » sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air : motifs de la CF aux para. 160-162. La Cour a également conclu que le gouverneur en conseil n’avait pas tenu compte du paragraphe 4(2) de la LCÉE de 2012 et donc qu’il n’avait pas tenu compte de la protection de la santé humaine : motifs de la CF aux para. 168-169. Par conséquent, la Cour fédérale a conclu que la décision du gouverneur en conseil était déraisonnable.

[25] Ayant conclu que la décision du ministre et celle du gouverneur en conseil étaient toutes deux déraisonnables, la Cour fédérale a jugé inutile de se pencher sur les conditions énoncées dans la déclaration. Elle a toutefois formulé des remarques incidentes : motifs de la CF aux para. 171-183.

II. Question en litige

[26] La principale question à trancher en l’espèce porte sur le caractère raisonnable de la décision du ministre et de la décision du gouverneur en conseil.

III. Norme de contrôle applicable

[27] Notre Cour doit déterminer si la Cour fédérale a retenu la norme de contrôle appropriée et si elle l’a appliquée correctement : Office régional de la santé du Nord c. Horrocks, 2021 CSC 42 au para. 10 [Horrocks], citant Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 aux para. 45 et 47; Première Nation crie Mikisew c. Agence canadienne d’évaluation environnementale, 2023 CAF 191 au para. 72 [Mikisew]. En fait, notre Cour doit se « met[tre] à la place » de la Cour fédérale et examiner les décisions administratives de nouveau, sans devoir faire preuve de déférence à l’égard de la Cour fédérale : Horrocks au para. 10.

[28] Cela dit, lorsque « la Cour fédérale semble avoir répondu entièrement à tous les arguments avancés, l’appelante a le fardeau tactique d’établir en appel que le raisonnement de la Cour fédérale est erroné » (Banque de Montréal c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 189 au para. 4; Canada (Procureur général) c. Lloyd, 2022 CAF 127 au para. 27; Le-Vel Brands, LLC c. Canada (Procureur général), 2023 CAF 177 au para. 32.

[29] Pour les deux décisions, la Cour fédérale a retenu, à juste titre, la norme de la décision raisonnable : motifs de la CF au para. 25; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 au para. 16 [Vavilov]. Aucune des exceptions à la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable énoncées dans l’arrêt Vavilov ne s’applique en l’espèce.

[30] La décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » : Vavilov au para. 85. La norme n’est pas celle de la perfection. La cour de révision doit examiner les motifs en tenant compte du cadre institutionnel et à la lumière du dossier, et les interpréter de façon globale et contextuelle : Vavilov aux para. 91, 96-97. Toute lacune ou déficience doit être « suffisamment capitale ou importante » pour rendre la décision déraisonnable : Vavilov au para. 100.

[31] Les appelants ont démontré que la Cour fédérale n’avait pas appliqué ces principes de façon appropriée et que son contrôle du caractère raisonnable des décisions était entaché d’erreurs. Pour les motifs qui suivent, je conclurais que les deux décisions sont raisonnables.

IV. Requête présentée après l’audience

[32] Après la tenue de l’audience, les intimés de la région de Halton ont déposé une requête afin que notre Cour [traduction] « prenne connaissance » (i) de l’ordonnance du 23 mai 2023 par laquelle la juge responsable de la gestion de l’instance, la juge Molgat de la Cour fédérale, les a autorisés à modifier leur avis de demande, ainsi que (ii) de l’avis de demande modifié. Selon l’avis de demande modifié, les intimés de la région de Halton sollicitaient le contrôle judiciaire de deux décisions du ministre prises en vertu de l’article 52. Les documents versés au dossier n’ont pas à faire l’objet d’une ordonnance pour que la Cour en prenne connaissance. J’ai néanmoins tenu compte des observations des parties à l’égard de la requête.

[33] Leur position ayant évolué au fil des appels, les intimés de la région de Halton font valoir que deux décisions du ministre sont consignées dans le mémoire du 1er septembre 2020 que l’Agence lui a présenté et auquel il a souscrit : la décision prise en vertu du paragraphe 52(1) selon laquelle la réalisation du projet est susceptible d’entraîner des EENI, et la décision de renvoyer au gouverneur en conseil, en vertu du paragraphe 52(2), la question de savoir si les EENI sont justifiables dans les circonstances. Le CN et le procureur général du Canada allèguent qu’une seule décision du ministre est associée au mémoire. Bien qu’ils ne semblent pas s’entendre quant au paragraphe en vertu duquel cette décision a été prise, tous deux soutiennent qu’il n’existe aucune différence substantielle entre la décision du ministre quant aux EENI que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner selon le paragraphe 52(1) et les EENI ayant fait l’objet du renvoi au gouverneur en conseil suivant le paragraphe 52(2).

[34] Le désaccord entre les parties est sans importance. Les parties conviennent, et je suis d’accord, qu’après avoir décidé, en vertu du paragraphe 52(1), que la réalisation du projet était susceptible d’entraîner des EENI, le ministre a renvoyé au gouverneur en conseil la question relative à ces EENI, conformément au paragraphe 52(2). Ce processus en deux étapes, y compris le caractère obligatoire de la deuxième étape, est prévu à l’article 52. S’il décide que la réalisation d’un projet est susceptible d’entraîner des EENI, le ministre renvoie au gouverneur en conseil la question de savoir si « ces effets » sont justifiables dans les circonstances. Aucun élément de preuve ne donne à penser que le ministre a agi autrement en l’espèce.

[35] Il importe peu que le mémoire du 1er septembre 2020 consigne à la fois la décision du ministre quant aux EENI que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner et le renvoi de la question relative à ces EENI, ou que ce renvoi soit consigné dans les observations confidentielles que le ministre a fait parvenir au gouverneur en conseil (une opinion à laquelle je serais portée à souscrire). Comme il en est question plus loin dans les présents motifs, le débat entourant la décision du ministre et le renvoi de la question porte sur leur incompatibilité alléguée avec les conclusions présentées dans le rapport de la commission d’examen sur les EENI que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner. Je me penche donc sur le mémoire au ministre daté du 1er septembre 2020 (ci‑après la décision du ministre) de manière à pouvoir évaluer ce que le ministre a décidé au sujet des EENI que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner ainsi que la question relative à ces EENI qu’il a renvoyée au gouverneur en conseil.

V. Analyse

[36] La Cour fédérale a conclu au caractère déraisonnable de la décision du ministre et de celle du gouverneur en conseil au motif 1) qu’elles avaient fait fi de la conclusion de la commission d’examen selon laquelle la réalisation du projet est susceptible d’entraîner des EENI « directs » sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air; et 2) qu’elles n’avaient pas tenu compte de la protection de la santé humaine, comme l’exige le paragraphe 4(2) de la LCÉE de 2012.

[37] Les appelants soutiennent que la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle les décisions sont déraisonnables est erronée. Ils affirment que la Cour fédérale a mal interprété le régime législatif établi par la LCÉE de 2012, qu’elle s’est lancée dans une chasse formaliste aux erreurs sans conséquence et qu’elle a conclu à tort que la décision du ministre ne tenait pas compte d’une conclusion importante formulée dans le rapport de la commission d’examen. Ils ajoutent que le ministre et le gouverneur en conseil ont tenu compte de la protection de la santé humaine, comme l’exige le paragraphe 4(2).

[38] Les arguments des intimés de la région de Halton en appel et l’analyse de la Cour fédérale portent essentiellement sur les lacunes alléguées de la décision du ministre, et renvoient au rapport de la commission d’examen. La Cour fédérale a conclu que la décision du gouverneur en conseil était déraisonnable au motif qu’elle n’était que [traduction] « le reflet de la décision lacunaire du ministre de renvoyer la question » au gouverneur en conseil : motifs de la CF au para. 162; voir aussi para. 168. Certes, les intimés de la région de Halton soulèvent également des arguments quant au caractère déraisonnable de la décision du gouverneur en conseil, toutefois, les présents appels portent essentiellement sur le caractère raisonnable de la décision du ministre ayant mené à la décision du gouverneur en conseil.

A. La décision du ministre

(1) Défaut allégué de s’attaquer « de manière significative » aux EENI « directs » sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air

[39] Selon la Cour fédérale, la principale pierre d’achoppement réside dans le fait que la commission d’examen avait relevé six groupes d’EENI susceptibles de découler de la réalisation du projet, notamment des EENI « directs » sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air, mais que la décision du ministre ne traite que de cinq des six groupes d’EENI (motifs de la CF aux para. 6 et 10.

[40] Bien que la LCÉE de 2012 n’utilise pas le mot « directs » pour qualifier les EENI, une distinction est faite dans la décision du ministre entre les effets environnementaux négatifs « directs » et les effets environnementaux cumulatifs. La Cour fédérale a fait sienne cette terminologie. Dans ce contexte, le terme « directs » signifie [traduction] « propres au projet » ou [traduction] « non cumulatifs » : motifs de la CF aux paras. 40-44.

[41] La décision du ministre ne traite pas des EENI « directs » de la réalisation du projet sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air. Selon la Cour fédérale, cette omission correspond à la décision implicite et inexpliquée du ministre de ne pas renvoyer au gouverneur en conseil la question relative à ces EENI en particulier : motifs de la CF aux para. 95 et 131.

[42] Les intimés de la région de Halton et la Cour fédérale renvoient à la section [traduction] « Résumé » de la décision du ministre, plus précisément au point où est décrite la conclusion de la commission d’examen selon laquelle la réalisation du projet est susceptible d’entraîner [traduction] « d’importants effets environnementaux négatifs directs sur la qualité de l’air local (généralement limités à la municipalité de Halton) ainsi que des effets cumulatifs négatifs importants sur la qualité de l’air, et par le fait même sur la santé humaine, la faune et son habitat, et la disponibilité des terres agricoles (annexe I) ». Ils font remarquer qu’il n’est aucunement fait mention, ni au point en question ni ailleurs dans la décision du ministre, du groupe des EENI « directs » (c.-à-d. non cumulatifs) sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air.

[43] Le CN et le procureur général du Canada font valoir, et je suis d’accord avec eux, que la Cour fédérale a adopté une approche indûment formaliste en se lançant à la recherche de six groupes d’EENI : deux « directs » (ou propres au projet) et quatre cumulatifs. Ayant établi que la décision du ministre ne faisait pas mention d’EENI « directs » sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air, la Cour fédérale a estimé qu’il n’y avait [traduction] « aucune raison » d’examiner la décision en détail : motifs de la CF au para. 97. C’était une erreur.

[44] L’arrêt Vavilov nous enseigne que le décideur qui se penche sur le caractère raisonnable d’une décision doit interpréter cette dernière de manière globale et contextuelle, à la lumière du dossier : aux para. 96-97. La cour de révision doit examiner les motifs avec une « attention respectueuse », chercher à comprendre la décision attaquée et déterminer si, dans son ensemble, elle est rationnelle et logique – et non pas s’attarder aux erreurs ou omissions sans conséquence : Vavilov aux para. 84-85, 99-100.

[45] Après avoir constaté qu’il n’était pas fait mention d’un des groupes d’EENI « directs » à l’un des points de la section [traduction] « Résumé » de la décision du ministre, la Cour fédérale aurait dû se demander si le ministre avait néanmoins tenu compte de l’essentiel des conclusions de la commission d’examen quant aux effets nocifs, tant propres au projet que cumulatifs, sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air. Après avoir examiné la décision du ministre dans son ensemble, à la lumière du rapport de la commission d’examen, j’estime que c’est exactement ce que le ministre a fait.

[46] Rappelons que le paragraphe 19(1) énonce les éléments à prendre en compte lors de l’évaluation environnementale réalisée en application de la LCÉE de 2012, en l’occurrence par la commission d’examen. Au nombre de ces éléments, mentionnons « les effets environnementaux du projet, y compris […] les effets cumulatifs que sa réalisation, combinée à celle d’autres activités concrètes, passées ou futures, est susceptible de causer à l’environnement » :

Éléments

Factors

19 (1) L’évaluation environnementale d’un projet désigné prend en compte les éléments suivants :

19 (1) The environmental assessment of a designated project must take into account the following factors:

a) les effets environnementaux du projet, y compris ceux causés par les accidents ou défaillances pouvant en résulter, et les effets cumulatifs que sa réalisation, combinée à celle d’autres activités concrètes, passées ou futures, est susceptible de causer à l’environnement;

(a) the environmental effects of the designated project, including the environmental effects of malfunctions or accidents that may occur in connection with the designated project and any cumulative environmental effects that are likely to result from the designated project in combination with other physical activities that have been or will be carried out;

b) l’importance des effets visés à l’alinéa a);

(b) the significance of the effects referred to in paragraph (a);

[…]

[47] Conformément aux exigences énoncées au paragraphe 19(1), la commission d’examen a tiré, dans son rapport, des conclusions distinctes quant aux EENI propres au projet (c.-à-d. « directs ») et aux EENI cumulatifs. Les « Lignes directrices pour la préparation de l’étude d’impact environnemental » du projet, publiées par l’Agence, confirment cette exigence à l’égard de l’évaluation environnementale et expliquent en détail le processus à suivre.

[48] Selon les lignes directrices, les conditions de référence constituent le point de départ aux fins de l’évaluation des effets environnementaux négatifs de la réalisation du projet. Les effets négatifs résiduels sont identifiés après l’application des mesures d’atténuation, et l’importance de ces effets est ensuite évaluée. Ainsi, les effets environnementaux négatifs « directs » ou non cumulatifs ne sont pas pris en compte isolément. En effet, les conditions de référence entrent en ligne de compte.

[49] Les effets cumulatifs sont pour leur part plus généraux et tiennent compte des effets du projet et « d’autres activités concrètes, passées ou futures » dans leur ensemble : LCÉE de 2012, al. 19(1)a). Ainsi, les effets cumulatifs du projet tiennent compte des conditions de référence, des contributions du projet ainsi que des contributions d’autres activités concrètes passées, existantes et raisonnablement prévisibles. Voir également le document de mars 2018 de l’Agence, intitulé « Orientations techniques pour l’Évaluation des effets environnementaux cumulatifs en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) ».

[50] Sur le plan fonctionnel, le rôle du ministre aux termes de la LCÉE de 2012 est différent de celui de la commission d’examen responsable de l’évaluation environnementale. Passons au régime législatif applicable à la décision du ministre, car il s’agit « probablement [de] l’aspect le plus important du contexte juridique d’une décision donnée » : Vavilov au para. 108. Les dispositions légales pertinentes établissent des garde-fous quant au processus décisionnel du ministre.

[51] Suivant les paragraphes 47(1) et 52(1) de la LCÉE de 2012, le ministre, après avoir « pris en compte » le rapport de la commission d’examen et l’application des mesures d’atténuation, le cas échéant, décide si la réalisation du projet est susceptible d’entraîner des EENI visés aux paragraphes 5(1) ou 5(2) :

Décisions du ministre

Minister’s decisions

47 (1) Après avoir pris en compte le rapport d’évaluation environnementale de la commission, le ministre prend les décisions prévues au paragraphe 52(1).

[…]

47 (1) The Minister, after taking into account the review panel’s report with respect to the environmental assessment, must make decisions under subsection 52(1).

Décisions du décideur

Decisions of decision maker

52 (1) Pour l’application des articles 27, 36, 47 et 51, le décideur visé à ces articles décide si, compte tenu de l’application des mesures d’atténuation qu’il estime indiquées, la réalisation du projet désigné est susceptible :

52 (1) For the purposes of sections 27, 36, 47 and 51, the decision maker referred to in those sections must decide if, taking into account the implementation of any mitigation measures that the decision maker considers appropriate, the designated project

a) d’une part, d’entraîner des effets environnementaux visés au paragraphe 5(1) qui sont négatifs et importants;

(a) is likely to cause significant adverse environmental effects referred to in subsection 5(1); and

b) d’autre part, d’entraîner des effets environnementaux visés au paragraphe 5(2) qui sont négatifs et importants.

(b) is likely to cause significant adverse environmental effects referred to in subsection 5(2).

[52] Selon le paragraphe 52(2), si le ministre décide que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner des EENI, il doit renvoyer au gouverneur en conseil la question de savoir si « ces effets » sont justifiables dans les circonstances.

Renvoi en cas d’effets environnementaux négatifs importants

Referral if significant adverse environmental effects

52 (2) S’il décide que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner des effets environnementaux visés aux paragraphes 5(1) ou (2) qui sont négatifs et importants, le décideur renvoie au gouverneur en conseil la question de savoir si ces effets sont justifiables dans les circonstances.

52 (2) If the decision maker decides that the designated project is likely to cause significant adverse environmental effects referred to in subsection 5(1) or (2), the decision maker must refer to the Governor in Council the matter of whether those effects are justified in the circumstances.

[53] La seule catégorisation que le ministre est appelé à faire dans sa décision de renvoyer la question au gouverneur en conseil consiste à identifier les EENI prévus au paragraphe 5(1) ou 5(2). Le ministre n’est pas tenu par la loi ou autrement de qualifier les effets de « directs » (ou propres au projet) et cumulatifs.

[54] Les appelants affirment, et je suis d’accord, que la Cour fédérale a commis une erreur en concluant, après s’être attardée au paragraphe 19(1), que [traduction] « la présente instance porte sur deux principaux types d’EENI » (c.-à-d. « directs » et cumulatifs) : motifs de la CF au para. 37. Cette erreur a imprégné l’examen qu’a mené la Cour fédérale. Ayant statué qu’il était essentiel de faire cette distinction, la Cour fédérale a recherché dans la décision du ministre et dans la décision du gouverneur en conseil les deux groupes d’EENI « directs » et les quatre groupes d’EENI cumulatifs que la commission d’examen avait relevés dans son rapport, et elle a déterminé que le groupe d’EENI « directs » sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air n’y figurait pas. Ainsi, la Cour fédérale a conclu à tort à une omission importante.

[55] Je reconnais qu’une distinction est faite, dans la décision du ministre, entre les EENI « directs » et cumulatifs sur la qualité de l’air, et que l’on peut donc se demander pourquoi la même distinction n’a pas été faite en ce qui concerne la santé humaine en lien avec la qualité de l’air. Cependant, la question la plus importante est celle de savoir si l’omission d’une référence aux EENI « directs » sur la santé humaine est « suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » : Vavilov au para. 100. Comme je l’explique plus en détail ci‑dessous, il n’en est rien – la décision du ministre ne s’écarte pas substantiellement du rapport de la commission d’examen.

[56] Avant d’examiner les passages pertinents de la décision du ministre, je résume les conclusions présentées dans le rapport de la commission d’examen quant aux effets négatifs du projet sur la qualité de l’air et à l’incidence sur la santé humaine, afin d’évaluer ce qui, de l’avis de la Cour fédérale et des intimés de la région de Halton, ne figure pas dans la décision du ministre.

[57] La commission d’examen a déterminé que la réalisation du projet était susceptible d’entraîner une réduction globale des émissions à l’échelle nationale et provinciale puisque le transport de conteneurs sur de longue distance se ferait non plus par camion, mais à l’aide de wagons offrant un meilleur rendement énergétique. Toutefois, le projet produirait des poussières diffuses à l’étape de la construction ainsi que de nouvelles sources de particules de diesel associées à la circulation des trains et des camions à l’étape de l’exploitation, ce qui entraînerait des concentrations accrues de polluants préoccupants dans les environs. La commission d’examen a conclu que la qualité de l’air dans le secteur s’était déjà détériorée en raison du développement urbain rapide et de la circulation automobile connexe. La réalisation du projet contribuerait donc aux émissions atmosphériques dans un milieu où la dégradation est déjà existante.

[58] La commission d’examen a relevé des contaminants particulaires préoccupants, notamment les matières particulaires 2,5 (PM2,5), les matières particulaires 10 (PM10), le benzène et le benzo(a)pyrène. Dans son rapport, la commission d’examen traite en détail de ces contaminants préoccupants à la section portant sur la qualité de l’air (sous-section 5.1, section 5 : environnement atmosphérique) et à la section portant sur les effets de la qualité de l’air sur la santé (sous-sous-section 11.1.1, section 11 : environnement humain). Selon la commission d’examen, pris isolément, les effets des émissions atmosphériques liés au projet seraient faibles, mais deviendraient importants lorsque combinés aux dépassements des niveaux de référence qui correspondent au niveau maximal acceptable ou qui sont proches de ce niveau (selon les normes fédérales et provinciales relatives à la qualité de l’air ambiant).

[59] La commission d’examen a noté qu’il n’y avait aucun seuil sécuritaire pour la santé humaine en lien avec l’exposition aux matières particulaires (PM2,5 et PM10), lesquelles peuvent causer des maladies cardiovasculaires et respiratoires, et que le benzène et le benzo(a)pyrène sont des agents cancérogènes pour les humains.

[60] Passons à la décision du ministre, qui résume ainsi les conclusions de la commission d’examen sur les EENI que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air :

[traduction]

La commission d’examen a estimé que les effets des émissions atmosphériques sur la santé humaine liés au projet lui‑même seraient faibles, mais qu’ils deviendraient importants lorsque combinés aux dépassements existants et anticipés des niveaux de référence. Santé Canada a recommandé que le CN réduise les émissions de contaminants des gaz d’échappement des moteurs diesel qui peuvent entraîner des effets sur la santé, même à un faible niveau (c.-à-d. contaminants sans seuil d’exposition dans les matières particulaires diesel, les PM2,5 et le dioxyde d’azote). La commission d’examen a précisé que, s’agissant des effets sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air, l’évitement par la lutte contre les émissions constitue la mesure d’atténuation la plus efficace.

(Décision du ministre, p. 6, dossier d’appel, p. 2075.)

[61] Ce résumé reprend, presque textuellement, la conclusion de la commission d’examen selon laquelle [traduction] « l’effet résiduel des émissions atmosphériques du projet lui-même sur la santé humaine serait faible, mais cet effet deviendrait important lorsque combiné aux dépassements existants des niveaux de référence et aux ratios d’exposition existants qui sont déjà proches du niveau maximal acceptable ». Il correspond également aux autres conclusions de la commission d’examen sur ces EENI, qui sont ainsi formulées :

[traduction]

La commission estime que, même si les mesures d’atténuation recommandées sont mises en place, la réalisation du projet est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air du fait qu’elle contribuerait au dépassement des normes d’exposition relatives à la santé.

La commission juge que les effets des émissions atmosphériques du projet lui‑même sur la santé humaine seraient faibles, mais qu’ils deviendraient importants lorsque combinés aux dépassements existants des niveaux de référence et aux ratios d’exposition existants qui correspondent au niveau maximal acceptable ou qui sont proches de ce niveau, si l’on tient compte de l’absence de limite sécuritaire quant à l’exposition aux contaminants atmosphériques sans seuil d’exposition et du fait que certains dépassements anticipés constituent des agents cancérogènes pour les humains.

(Rapport de la commission d’examen, p. 182, dossier d’appel, p. 1781.)

[…]

La commission conclut que, même si les mesures d’atténuation recommandées sont mises en place, la réalisation du projet, combinée à celles d’autres projets et activités, passés ou futurs, est susceptible d’entraîner des effets environnementaux cumulatifs négatifs importants sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air du fait qu’elle contribuerait à la dégradation de la qualité de l’air et à l’accroissement des risques connexes pour la santé humaine.

(Rapport de la commission d’examen, p. 193, dossier d’appel, p. 1792.)

[62] Les intimés de la région de Halton ont d’abord soutenu que la décision du ministre correspondait au rejet de la conclusion de la commission d’examen quant aux EENI « directs » sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air, puisqu’il n’y est fait mention que des effets cumulatifs. Toutefois, à l’audience, ils ont reconnu que la décision du ministre visait les deux types d’effets. Il convenait de reconnaître ce fait à la lumière des nombreux passages de la décision du ministre sur les effets négatifs du projet sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air, dont il est fait mention plus haut et ci-dessous, qui portent à la fois sur les « effets directs » (c.-à-d. les conditions de référence et les effets propres au projet) et sur les effets cumulatifs du projet.

[63] Je retiens la position des intimés de la région de Halton qui font valoir que, ainsi que la commission d’examen l’a conclu, l’importance des EENI « directs » du projet sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air est essentiellement tributaire : 1) de la combinaison des émissions atmosphériques du projet aux dépassements des niveaux de référence et aux ratios d’exposition existants qui correspondent au niveau maximal acceptable ou qui sont proches de ce niveau; et 2) de l’absence de limite sécuritaire quant à l’exposition aux contaminants sans seuil d’exposition et à certains agents cancérogènes pour les humains découlant de dépassements anticipés. Le ministre traite de ces préoccupations à différentes occasions dans sa décision, notamment comme il est mentionné au paragraphe 60 des présents motifs.

[64] En outre, la décision du ministre tient également compte, à juste titre, des conclusions de la commission d’examen relatives aux EENI « directs » sur la qualité de l’air. Évidemment, ces conclusions concordent pour l’essentiel aux conclusions relatives aux EENI « directs » sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air puisque les EENI « directs » sur la santé humaine découlent exclusivement des effets négatifs sur la qualité de l’air. Le rapport de la commission d’examen comporte des sections distinctes sur la qualité de l’air (sous-section 5.1) et sur les effets sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air (sous-sous-section 11.1.1), mais les renvois faits dans chacune des sections vers l’autre illustrent le chevauchement entre les deux.

[65] Les polluants préoccupants pour la qualité de l’air sont les mêmes que ceux pour la santé humaine en lien avec la qualité de l’air. Les mesures d’atténuation sont également les mêmes. La commission d’examen a par ailleurs mentionné qu’aucune mesure d’atténuation propre à la santé humaine en lien avec la qualité de l’air n’était proposée, mais que des mesures étaient proposées pour la qualité de l’air en général. Le ministre a conclu que [traduction] « les conditions relatives à la qualité de l’air serviront également à atténuer les effets sur la santé humaine et ont donc été prises en compte » : décision du ministre, p. 7, dossier d’appel, p. 2076.

[66] L’on peut déduire de ce chevauchement que le résumé, dans la décision du ministre, des conclusions de la commission d’examen quant aux EENI « directs » sur la qualité de l’air doit également être pris en compte. L’on en déduit en outre que les conclusions de la commission d’examen quant aux effets sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air ont, pour l’essentiel, été prises en compte. Dans la décision du ministre, le passage du résumé portant sur la qualité de l’air est ainsi rédigé :

[traduction]

La contribution du projet à la dégradation de la qualité de l’air est certes relativement faible par rapport à celle d’autres activités humaines. Toutefois, combinés aux effets d’autres activités, en cours ou prévisibles, ses effets négatifs directs et cumulatifs se traduiront vraisemblablement par des effets environnementaux négatifs importants sur la qualité de l’air. Dans son rapport, la commission souligne que la qualité de l’air dans la région où le projet prendra forme s’est déjà détériorée en raison des activités humaines, en particulier les émissions de la circulation automobile, et que le projet contribuerait encore davantage aux émissions de polluants atmosphériques, notamment le benzo(a)pyrène et le benzène, et causerait le dépassement des normes relatives aux matières particulaires (PM). Par ailleurs, selon les analyses que le promoteur a entreprises, certains scénarios prévoient le dépassement des Normes canadiennes de la qualité de l’air ambiant (NCQAA) pour le dioxyde d’azote et les particules fines. Selon les scénarios visant les effets cumulatifs, les concentrations de ces matières particulaires aux points de réception devraient dépasser les NCQAA pour ce qui est des concentrations de dioxyde d’azote quotidiennes maximums sur une heure et pour une année en 2031.

[…]

(Décision du ministre, p. 4 et 5, dossier d’appel, p. 2073 et 2074.)

[67] Le résumé présenté dans la décision du ministre rejoint en tout point les conclusions de la commission d’examen, que cette dernière résume ainsi dans son rapport :

[traduction]

La commission estime que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants sur la qualité de l’air local du fait qu’elle contribuerait à la dégradation des conditions de référence relatives à la qualité de l’air.

La commission est d’avis que, malgré l’application de mesures d’atténuation, la réalisation du projet contribuerait à l’accroissement des dépassements prévus des niveaux de référence des normes relatives à la qualité de l’air ambiant pour le benzène et le benzo(a)pyrène, et entraînerait de nouveaux dépassements des normes de PM10 et PM2,5, ce qui se traduirait par des effets de grande importance qui, à défaut d’améliorations aux technologies à émissions générales, perdureraient dans le temps.

[…]

La commission conclut que la réalisation du projet, en combinaison avec d’autres projets et activités, passés ou futurs, est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs cumulatifs importants sur la qualité de l’air.

La commission estime que les dépassements des niveaux de référence des normes relatives à la qualité de l’air et les émissions découlant du projet, combinés aux émissions des activités de développement prévues dans la région entraîneraient à tout le moins, et de façon cumulative, le maintien des dépassements prévus des normes relatives à la qualité de l’air pour le benzène et le benzo(a)pyrène ainsi que de nouveaux dépassements des normes de PM10 et PM2,5.

(Rapport de la commission d’examen, p. 53 et 54, dossier d’appel, p. 1652 et 1653.)

[68] En outre, l’annexe I de la décision du ministre, intitulée [traduction] « Principales conclusions de la commission sur les effets environnementaux négatifs », résume en plus amples détails les conclusions de la commission d’examen, notamment sur la santé humaine et la qualité de l’air. Il y est expressément question des effets sur la santé de la population locale des gaz d’échappement des moteurs diesel découlant du projet.

[69] À l’annexe I, il est question des dépassements des niveaux de polluants et du fait que, malgré la conclusion de la commission d’examen selon laquelle la contribution du projet en matière de contaminants atmosphériques serait limitée, [traduction] « l’augmentation potentielle des niveaux de benzène et de benzo(a)pyrène et les nouveaux dépassements possibles des normes de matières particulaires10 et de matières particulaires2,5 associés au projet seraient vraisemblablement susceptibles d’entraîner des effets environnementaux négatifs directs importants ». Les risques pour la santé y sont également énumérés : [TRADUCTION] « L’exposition aux gaz d’échappement des moteurs diesel peut causer le cancer du poumon et des effets respiratoires nocifs, et elle est probablement à l’origine d’effets cardiovasculaires et immunologiques nocifs. » Il y est en outre précisé que la commission d’examen n’a formulé aucune recommandation quant à la prise de mesures d’atténuation propres à la santé humaine en lien avec la qualité de l’air, puisque [traduction] « les recommandations visant la qualité de l’air s’appliqueraient également à la santé humaine (les conditions propres à la santé humaine ne concernent que le bruit et les aliments prélevés dans la nature) ». Il est réitéré, à l’annexe I, que la décision du ministre rejoint en tout point les conclusions de la commission d’examen quant aux EENI sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air.

[70] J’estime que la décision du ministre ne souffre d’aucune « lacune fondamentale » justifiant qu’elle soit qualifiée de déraisonnable : Vavilov au para. 96. Certes, il n’est pas expressément fait mention, à l’un des points de la section [traduction] « Résumé » de la décision du ministre, d’EENI « directs » ou propres au projet sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air, mais cette omission n’est pas « capitale ou importante » : Vavilov au para 100. En lisant attentivement la décision dans son intégralité, l’on constate que le ministre n’a fait fi d’aucun des éléments fondamentaux des conclusions de la commission d’examen quant aux EENI, propres au projet ou cumulatifs, sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air.

[71] Cependant, au lieu de prendre en compte l’intégralité de la décision, la Cour fédérale et les intimés de la région de Halton se concentrent sur le fait que le premier point de la section [traduction] « Résumé » de la décision du ministre ne renvoie pas à un groupe d’EENI « directs ». Comme les appelants le font remarquer, il est fait mention, quelques lignes plus bas dans la même section, d’une recommandation (de l’Agence) selon laquelle le ministre devrait conclure, [traduction] « à l’instar de la commission », que le projet entraînerait des EENI sur la qualité de l’air, sur la santé humaine (en lien avec la qualité de l’air), sur la faune et son habitat, ainsi que sur la disponibilité de terres agricoles – c.-à-d. quatre groupes d’EENI qui ne sont pas qualifiés de « directs » ni de cumulatifs. Dans le même ordre d’idées, il est précisé, dans la lettre du 21 janvier 2021 que le ministre a adressée au CN, que le ministre avait renvoyé au gouverneur en conseil la question de savoir si quatre groupes d’EENI (sans modification) étaient justifiables dans les circonstances. À titre comparatif, dans le mémoire du 10 février 2020 par lequel l’Agence a avisé le ministre des principales conclusions formulées dans le rapport de la commission d’examen, il est question d’une conclusion concernant six groupes d’EENI, deux « directs » et quatre cumulatifs.

[72] Ces incohérences, je les mets en lumière non pas pour sanctionner « une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » dans la décision du ministre, qui est contraire au contrôle effectué selon la norme de la décision raisonnable de façon globale, mais plutôt pour mettre en évidence le danger d’accorder une importance injustifiée aux étiquettes ou à la terminologie, particulièrement dans un résumé qui tient sur une ligne : Vavilov au para. 102, renvoyant à Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34 au para. 54. S’agissant des EENI « directs » et cumulatifs, l’incohérence de l’Agence et du ministre au sujet des EENI dans différents documents confirme le caractère non déterminant de cette distinction dans la décision du ministre, laquelle traite manifestement et exhaustivement des conclusions de la commission d’examen quant aux EENI du projet sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air.

[73] Enfin, j’estime que la décision du ministre tient compte des conclusions formulées dans le rapport de la commission d’examen au sujet des EENI « directs » sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air. La décision est raisonnable.

(2) Défaut allégué d’appliquer le paragraphe 4(2) de la LCÉE de 2012

[74] L’autre élément fondamental sur lequel la Cour fédérale appuie son raisonnement est que le ministre n’aurait pas appliqué le paragraphe 4(2) de la LCÉE de 2012. Conformément à ce paragraphe, les décideurs doivent, pour l’application de cette loi, « exercer leurs pouvoirs de manière à protéger l’environnement et la santé humaine ». Pour que la décision soit jugée raisonnable, elle doit être justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques qui ont une incidence sur elle : Vavilov au para. 99. Le paragraphe 4(2) constitue une telle contrainte.

[75] La Cour fédérale a jugé, et je suis d’accord, que le paragraphe 4(2) n’agit pas comme un obstacle à la réalisation de tout projet susceptible d’entraîner un effet négatif sur l’environnement et la santé humaine. Selon la LCÉE de 2012, le ministre décide si la réalisation du projet est susceptible d’entraîner des EENI, notamment sur la santé, auquel cas il renvoie au gouverneur en conseil la question de savoir si ces effets sont justifiables dans les circonstances. Il revient au gouverneur en conseil de soupeser les avantages et les inconvénients du projet sur le plan de l’environnement, de la santé, de l’économie ou autre.

[76] Ayant déterminé que la décision du ministre ne tenait pas compte ou ne faisait pas mention du paragraphe 4(2) ou de son essence, la Cour fédérale a conclu que cette décision n’était pas [traduction] « valable » : motifs de la CF aux para. 137, 142, 145 et 168. Certes, il n’est pas fait référence au paragraphe 4(2) dans la décision du ministre, mais cette absence ne rend pas la décision déraisonnable, pas plus qu’elle n’illustre le défaut du ministre d’exercer ses pouvoirs de manière à protéger la santé humaine.

[77] À lui seul, le simple fait que le décideur ne renvoie pas dans ses motifs « à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire » ne rend pas la décision déraisonnable : Vavilov au para. 91. En l’espèce, l’absence d’une référence au paragraphe 4(2) est particulièrement anodine puisque cette disposition donne une « orientation ». En effet, ainsi que la Cour fédérale l’a reconnu, le paragraphe 4(2) n’exige pas l’obtention d’un résultat : motifs de la CF aux para. 140 et 167.

[78] Plus important encore, la décision du ministre traite explicitement des EENI du projet sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air. Comme je le mentionne aux paragraphes 60 à 70 des présents motifs, la décision du ministre traite des polluants préoccupants découlant des émissions atmosphériques du projet, des conséquences néfastes de ces polluants pour la santé ainsi que des mesures d’atténuation. Il y est également fait mention de la possible réduction des émissions de gaz à effet de serre grâce au transport des marchandises qui se ferait par train et non plus par camion, ce qui se traduirait par des avantages sur le plan de la qualité de l’air. Je suis d’avis, comme la Cour fédérale l’a reconnu, que l’exigence formulée au paragraphe 4(2) concernant l’exercice des pouvoirs décisionnels de manière à protéger la santé humaine correspond à [traduction] « l’obligation de tenir compte » de la protection de la santé humaine : motifs de la CF aux para. 141, 144 et 167. Le ministre s’est acquitté de cette obligation.

[79] L’on ne saurait trop dire comment le ministre aurait pu tenir davantage compte de la santé humaine. Plus particulièrement, les conditions que le ministre a imposées dans la déclaration, dont une version provisoire était jointe à la décision du ministre (annexe III) et qui ont été prises en compte en tant que mesures d’atténuation aux fins de l’application du paragraphe 52(1), illustrent que le ministre était bien au fait de l’incidence possible du projet sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air et qu’il a défini les meilleurs moyens pour protéger la santé humaine. Au nombre des conditions recommandées figurent plusieurs mesures d’atténuation visant la réduction de l’incidence du projet sur la qualité de l’air qui vont au‑delà des recommandations de la commission d’examen.

[80] Au final, les conditions imposées comprennent une limite quant au nombre de camions porte‑conteneurs entrant dans le secteur où le projet sera mis à exécution (limite quotidienne de 800, selon une moyenne mensuelle) ainsi que l’élaboration d’un plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre faisant intervenir l’électrification des véhicules, une obligation redditionnelle ainsi qu’un programme de suivi aux fins de l’évaluation de l’efficacité des mesures d’atténuation visant la qualité de l’air.

[81] Je ne suis pas convaincue que le ministre n’a pas appliqué le paragraphe 4(2) de la LCÉE de 2012. Au contraire, la décision du ministre démontre que ce dernier, en tenant dûment compte de la santé humaine, a exercé ses pouvoirs de manière à protéger la santé humaine, conformément à la LCÉE de 2012.

B. La décision du gouverneur en conseil

(1) Caractère lacunaire allégué de la décision du gouverneur en conseil du fait qu’elle est fondée sur la décision lacunaire du ministre

[82] Selon la Cour fédérale, la décision du gouverneur en conseil est déraisonnable au motif qu’elle n’était [traduction] « que le reflet » de la décision lacunaire du ministre – c’est‑à‑dire que la décision du gouverneur en conseil, à l’instar de celle du ministre, est déraisonnable parce qu’elle fait référence à « seulement » cinq groupes d’EENI et non aux EENI « directs » sur la santé humaine (en lien avec la qualité de l’air) : motifs de la CF aux para. 7 et 162. Dans la décision du gouverneur en conseil, les cinq groupes d’EENI sont énumérés dans les attendus décrivant la décision du ministre.

[83] Les intimés de la région de Halton soumettent le même argument à notre Cour. Ils allèguent que le gouverneur en conseil, à qui le ministre n’a pas renvoyé la question des EENI « directs » sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air, a été privé de renseignements essentiels à son processus décisionnel, et que sa décision est donc déraisonnable. Je ne saurais souscrire à cette interprétation ou conclusion.

[84] Je reconnais que si elle était fondée sur une décision fondamentalement lacunaire du ministre, la décision du gouverneur en conseil pourrait être jugée déraisonnable pour ce motif. Il n’en est cependant rien en l’espèce. Comme je l’explique plus haut, j’estime que la décision du ministre ne souffre d’aucune lacune fondamentale; la décision du ministre au sujet des EENI que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner, et le renvoi subséquent de cette question au gouverneur en conseil tiennent compte, pour l’essentiel, des conclusions de la commission d’examen quant aux EENI du projet sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air.

[85] J’estime que le simple fait qu’elle repose sur la décision du ministre ne rend pas la décision du gouverneur en conseil déraisonnable.

(2) Défaut allégué d’appliquer le paragraphe 4(2) de la LCÉE de 2012

[86] La Cour fédérale a également conclu que la décision du gouverneur en conseil ne tenait pas compte ou ne faisait pas mention du paragraphe 4(2) ou de son essence, et donc qu’elle n’était pas [traduction] « valable » : motifs de la CF aux para. 168-169. À l’instar de la décision du ministre, celle du gouverneur en conseil ne fait pas référence au paragraphe 4(2), mais cette absence ne rend pas la décision déraisonnable, pas plus qu’elle n’illustre le défaut du gouverneur en conseil d’exercer ses pouvoirs de manière à protéger la santé humaine.

[87] Plus important encore, la décision du gouverneur en conseil tient compte des effets du projet sur la santé humaine, notamment ceux en lien avec la qualité de l’air. Il est fait référence, dans les attendus de la décision du gouverneur en conseil, à la décision du ministre au sujet des EENI sur la qualité de l’air et la santé humaine. Le gouverneur en conseil estime que ces EENI sont « justifiables dans les circonstances »; les incidences négatives ont été prises en compte. À mon avis, [traduction] « l’obligation de tenir compte » de la protection de la santé humaine conformément au paragraphe 4(2) s’en trouve satisfaite.

[88] Il est également fait mention, dans la décision du gouverneur en conseil, des mesures d’atténuation proposées par le CN ainsi que des mesures d’atténuation supplémentaires ciblées par le ministre. Rappelons qu’il s’agit notamment de l’imposition d’une limite quant au nombre de camions qui entrent dans le secteur et qui en sortent, de mesures de lutte contre les émissions ainsi que d’autres mesures d’atténuation relatives aux effets négatifs du projet sur la qualité de l’air et sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air. Faisant ainsi référence aux mesures d’atténuation, le gouverneur en conseil a démontré qu’il était au fait des EENI du projet sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air et qu’il a tenu compte des meilleurs moyens pour protéger la santé humaine.

[89] Je ne suis pas convaincue que le gouverneur en conseil n’a pas appliqué le paragraphe 4(2) de la LCÉE de 2012. Au contraire, la décision du gouverneur en conseil démontre que ce dernier, en tenant dûment compte de la santé humaine, a exercé ses pouvoirs de manière à protéger la santé humaine, conformément à la LCÉE de 2012.

(3) Défaut allégué d’expliquer en quoi les EENI sont « justifiables dans les circonstances »

[90] Les intimés de la région de Halton allèguent également que la décision du gouverneur en conseil n’est pas raisonnable du fait que le gouverneur en conseil était tenu, conformément au paragraphe 4(2), d’expliquer [traduction] « comment il s’y est pris pour exercer son pouvoir […] de manière à protéger la santé humaine ». Ils affirment que le gouverneur en conseil aurait dû expliquer davantage en quoi les EENI sur la santé humaine sont « justifiables dans les circonstances ». Je ne suis pas d’accord.

[91] L’élément clé à prendre en compte lors de l’examen du caractère raisonnable d’une décision est le libellé des dispositions légales qui définissent le pouvoir décisionnel : Vavilov au para. 108; Médicaments Novateurs Canada c. Canada (Procureur général), 2022 CAF 210 au para. 40 [Médicaments Novateurs]. Lorsque le législateur utilise des « termes généraux, non limitatifs ou nettement qualitatifs », comme l’expression « dans l’intérêt public », pour décrire les pouvoirs du décideur, il envisage que ce dernier jouisse d’une souplesse accrue dans l’interprétation de la disposition pertinente : Vavilov au para. 110; Nation Gitxaala c. Canada, 2016 CAF 187 au para. 144 [Gitxaala].

[92] En l’occurrence, le législateur a rédigé le paragraphe 52(4) – en application duquel le gouverneur en conseil doit déterminer si les EENI relevés par le ministre sont « justifiables dans les circonstances » – de telle sorte que le gouverneur en conseil jouit d’un large pouvoir discrétionnaire quant à son processus décisionnel :

Décision du gouverneur en conseil

Governor in Council’s decision

52 (4) Saisi d’une question au titre du paragraphe (2), le gouverneur en conseil peut décider :

52 (4) When a matter has been referred to the Governor in Council, the Governor in Council may decide

a) soit que les effets environnementaux négatifs importants sont justifiables dans les circonstances;

(a) that the significant adverse environmental effects that the designated project is likely to cause are justified in the circumstances; or

b) soit que ceux-ci ne sont pas justifiables dans les circonstances.

(b) that the significant adverse environmental effects that the designated project is likely to cause are not justified in the circumstances.

Aucun facteur pouvant ou devant être pris en compte n’est énuméré dans la loi : Renvoi relatif à la Loi sur l’évaluation d’impact, 2023 CSC 23 au para. 26.

[93] Les décisions du gouverneur en conseil, comme celle en litige en l’occurrence, peuvent faire intervenir des [traduction] « décisions prises dans l’intérêt public fondées sur des considérations de politique et d’intérêt public très larges, appréciées en fonction de “critères polycentriques, subjectifs ou vagues, et sont influencées par leurs opinions sur les considérations d’ordre économique et culturel, et l’intérêt public au sens large” » : Mikisew au para. 118; Première Nation Roseau River c. Canada (Procureur général), 2023 CAF 163 au para. 13 [Roseau River]; Raincoast Conservation Foundation c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 224 aux para. 18-19 [Raincoast]; Gitxaala au para. 150. Lors du contrôle judiciaire d’une telle décision, la « marge d’appréciation la plus large possible » doit être accordée au décideur : Raincoast aux para. 18-19; Mikisew au para. 119.

[94] Comme l’affirme la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov, le contexte, notamment le cadre institutionnel et les contraintes applicables, est pris en compte lors du contrôle selon la norme de la décision raisonnable : aux para. 88-98. Pour des considérations d’ordre pratique et juridique, y compris le principe de la confidentialité des délibérations du Cabinet, les explications que le gouverneur en conseil peut fournir à l’égard de ses décisions sont limitées. Le principe de la confidentialité des délibérations du Cabinet s’applique évidemment aux procès‑verbaux des délibérations du Cabinet, mais également aux documents faisant état de la teneur de ces délibérations : Colombie‑Britannique (Procureur général) c. Provincial Court Judges’ Association of British Columbia, 2020 CSC 20 au para. 97; Babcock c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 57 au para. 18.

[95] Le principe de la confidentialité des délibérations du Cabinet a été invoqué au sujet des documents que le ministre a transmis au gouverneur en conseil, conformément à l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5. Ainsi, et cette pratique n’a rien d’exceptionnel, les seules « raisons » à l’égard de la décision du gouverneur en conseil sont celles qui figurent dans le décret. Je souscris néanmoins à la décision de la Cour fédérale de ne pas tirer d’inférence défavorable de la non‑communication : motifs de la CF aux para. 146-150 et 170. Je refuse de conclure que la décision du gouverneur en conseil était sans fondement ou fondée sur un dossier incomplet : voir, p. ex., Parker c. Canada (Procureur général), 2023 CF 1419 au para. 222; Canadian Frontline Nurses c. Canada (Procureur général), 2024 CF 42 au para. 218. En effet, selon l’attestation en application de l’article 39, au nombre des documents que le ministre a transmis au gouverneur en conseil se trouvent une lettre du ministre adressée au président du Conseil du Trésor, une recommandation ministérielle signée, une version provisoire du décret ainsi que d’autres documents datant de septembre et de décembre 2020.

[96] J’estime en outre que le recours au principe de la confidentialité des délibérations du Cabinet n’entrave pas le contrôle de la décision du gouverneur en conseil. Lorsque les renseignements sur le fondement de la décision sont limités, la cour de révision peut tout de même se pencher sur le caractère raisonnable du résultat auquel en est arrivé le décideur, en se fondant sur les « documents à l’appui, les circonstances et tout élément de raisonnement, s’il y en a, dont elle dispose » : Portnov c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 171 au para. 54 [Portnov], renvoyant à Vavilov aux para. 136-138. Le contrôle mené de cette manière peut malgré tout être valable et efficace : Portnov au para. 54.

[97] Notre Cour peut procéder au contrôle valable et efficace de la décision du gouverneur en conseil en se penchant sur le libellé du décret et sur le résultat auquel en est arrivé le gouverneur en conseil, à la lumière du processus ayant mené à la décision. Bien que brève, la décision du gouverneur en conseil permet à notre Cour de « discerner une explication raisonnée de la décision », ainsi que le commande l’arrêt Vavilov : Médicaments Novateurs au para. 48. Elle permet également à notre Cour de comprendre comment le gouverneur en conseil en est venu à la conclusion selon laquelle les EENI que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner sont « justifiables dans les circonstances ».

[98] Au début du décret, il est mentionné que le projet a fait l’objet d’une évaluation environnementale réalisée par la commission d’examen sous le régime de la LCÉE de 2012. Y sont ensuite énumérés, à la lumière de la décision du ministre et au renvoi de la question au gouverneur en conseil, les EENI que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner, notamment les EENI sur la qualité de l’air et les EENI cumulatifs sur la qualité de l’air et la santé humaine. Il y est précisé que le ministre a pris cette décision « après avoir pris en compte le rapport d’évaluation environnementale de la commission d’examen […] compte tenu de l’application des mesures d’atténuation qu’il estime indiquées ». Il convient de souligner qu’il est ensuite précisé, dans le décret, que le gouverneur en conseil a « examiné les mesures d’atténuation propres au projet proposées par [le CN] » et s’est dit convaincu « que des mesures supplémentaires seront mises en œuvre pour atténuer les [EENI] indiqués par le ministre ».

[99] Ces attendus confirment que la décision du gouverneur en conseil s’appuie sur la décision du ministre ainsi que sur le rapport de la commission d’examen, et qu’elle n’a pas été prise de manière inconsidérée. Cette décision est l’aboutissement d’un processus prévu par la loi en application duquel chaque décision se fonde sur la précédente : la décision du ministre se fonde sur le rapport de la commission d’examen, et la décision du gouverneur en conseil se fonde quant à elle sur la décision du ministre et sur la question qui lui a été renvoyée. Les attendus confirment également que le gouverneur en conseil a lui‑même pris connaissance des mesures d’atténuation et s’est par la suite penché sur la question de la protection de la santé humaine ainsi que sur les autres aspects de l’environnement visés par les EENI que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner.

[100] Il est également fait référence, dans le décret, à des considérations politiques et d’intérêt public, comme les préoccupations et intérêts des peuples autochtones, notamment les effets potentiels du projet sur les droits des Autochtones; la prospérité économique; l’activité économique régionale, y compris la création d’emplois pour les Canadiens; ainsi que le commerce et la navigation maritime durables sur le plan environnemental. Les considérations favorables au projet, qui sont énumérées dans le décret, nous en disent davantage sur le raisonnement ayant mené le gouverneur en conseil à conclure que les EENI du projet, y compris ceux sur la santé humaine, sont justifiables dans les circonstances.

[101] La diversité des éléments pris en compte, dont certains sont concurrents, traduit une décision de nature fondamentalement exécutive : Roseau River au para. 13; Vavilov au para. 88. Si l’on tient compte des « termes généraux, non limitatifs et nettement qualitatifs » du libellé du paragraphe 52(4), de la marge d’appréciation la plus large possible devant être accordée au décideur qui rend une telle décision faisant intervenir les politiques, et du fait que le décret fournit une « explication raisonnée » de la conclusion selon laquelle les EENI sont « justifiables dans les circonstances », la décision du gouverneur en conseil est raisonnable.

[102] Dans ce contexte – la décision ayant été prise « à la cime du pouvoir exécutif » –, il ne saurait convenir de poursuivre la quête, dans la décision du gouverneur en conseil, d’explications plus exhaustives démontrant qu’elle s’est « attaquée » aux EENI que la réalisation du projet est susceptible d’entraîner sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air, ou que ces effets sont « justifiables dans les circonstances » : Vavilov aux para. 88 et 90; Médicaments Novateurs aux para. 40 et 48; Portnov au para. 54. De brèves explications peuvent s’avérer suffisantes : Portnov au para. 34.

[103] Je ne suis pas convaincue que la décision du gouverneur en conseil ne possède pas les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité : Vavilov au para. 99. Au contraire, les motifs de cette décision sont suffisants, à l’égard tant du paragraphe 4(2) que des autres exigences.

C. La prise en compte des enjeux dans les décisions

[104] Avant de conclure, je souhaite donner suite à une observation que les intimés de la région de Halton ont formulée au sujet de la décision du ministre et de celle du gouverneur en conseil.

[105] Les intimés de la région de Halton allèguent, et la Cour fédérale leur a donné raison, que la décision du ministre et celle du gouverneur en conseil [traduction] « ne reflètent pas les enjeux » de manière adéquate : motifs de la CF aux para. 10, 126 et 133. Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême renvoie à la responsabilité accrue qui échoit aux décideurs quant aux motifs à fournir lorsque la décision a de graves conséquences sur les droits des personnes concernées, notamment des conséquences qui menacent la vie, la liberté, la dignité ou les moyens de subsistance de ces personnes : aux para. 133-135. Même si la décision du ministre ou celle du gouverneur en conseil correspondent aux décisions dont il est question dans l’arrêt Vavilov, je ne suis pas convaincue qu’il a été dérogé au principe de la justification adaptée aux questions et préoccupations soulevées, sur lequel repose le passage de l’arrêt Vavilov auquel il est fait référence.

[106] Comme je l’explique en détail plus haut, le ministre et le gouverneur en conseil étaient bien au fait des EENI du projet sur la santé humaine en lien avec la qualité de l’air, notamment du risque de maladies graves sur lequel ont insisté la Cour fédérale et les intimés de la région de Halton. Les deux décisions reflètent la prise en compte des conséquences du projet à cet égard, et la décision du gouverneur en conseil explique, conformément à la LCÉE de 2012, en quoi les effets négatifs sont « justifiables dans les circonstances ».

VI. Conclusion

[107] Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis que la décision du ministre et celle du gouverneur en conseil sont raisonnables. J’accueillerais les appels avec dépens, annulerais le jugement de la Cour fédérale, y compris l’adjudication des dépens, et rejetterais la demande de contrôle judiciaire des décisions au principal avec dépens. Les parties ont indiqué qu’elles étaient parvenues à un accord sur les dépens que les intimés de la région de Halton doivent payer, et qu’aucune ordonnance à cet égard n’était nécessaire.

« Monica Biringer »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

K. A. Siobhan Monaghan, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Karyne St-Onge, jurilinguiste principale


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-121-24

 

 

INTITULÉ :

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA c. LA MUNICIPALITÉ RÉGIONALE DE HALTON ET AUTRES

 

 

ET DOSSIER :

A-124-24

 

 

INTITULÉ :

CANADA (MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT) ET AUTRES c. LA MUNICIPALITÉ RÉGIONALE DE HALTON ET AUTRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 JUILLET 2024

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE BIRINGER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE MONAGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 OCTOBRE 2024

 

COMPARUTIONS :

Andrew Bernstein

Yael Bienenstock

Jonathan Silver

 

POUR L’APPELANTE LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU canada

 

Joseph Cheng

Margaret Cormack

POUR LES APPELANTS canada (ministRE DE L’ENVIRONNEMENT) ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Richard G. Dearden

Jenny Hepditch

Rodney Northey

 

POUR LES INTIMÉS DE LA RÉGION DE HALTON

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Torys S.E.N.C.R.L.

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU canada

 

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

POUR L’APPELANT LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES INTIMÉS DE LA RÉGION DE halton

 

 

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