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Date : 20241017


Dossier : A-7-23

Référence : 2024 CAF 171

CORAM :

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE

appelante

et

DENIS SAUVÉ

intimé

Audience tenue à Montréal (Québec), le 22 février 2024.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 17 octobre 2024.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE ROUSSEL

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

 


Date : 20241017


Dossier : A-7-23

Référence : 2024 CAF 171

CORAM :

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE

appelante

et

DENIS SAUVÉ

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE ROUSSEL

[1] La Cour est saisie d’un appel d’un jugement de la Cour fédérale (2022 CF 1758) rendu le 19 décembre 2022. Dans cette décision, la Cour fédérale rejette la demande de contrôle judiciaire logée par l’appelante à l’encontre d’une décision d’un arbitre de travail, qui accueille en partie la plainte de congédiement injuste présentée par l’intimé en vertu de l’article 240 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2.

[2] Au moment des faits pertinents en cause, l’intimé est à l’emploi de l’appelante pendant plus d’une trentaine d’années. Il est nouvellement directeur d’un département de l’appelante après avoir gravi les échelons de l’entreprise. Il est congédié le 21 juillet 2017, au terme d’une enquête interne, pour avoir violé la Politique sur la discrimination et le harcèlement de l’appelante (Politique sur le harcèlement) et la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (LCDP). On lui reproche d’avoir harcelé sexuellement une employée subalterne (plaignante).

[3] L’intimé est le supérieur immédiat de la plaignante. Au moment de son embauche en novembre 2016 à titre de superviseur dans le département qui relève de l’intimé, la plaignante ne connait pas le domaine du transport ferroviaire ni le fonctionnement de l’entreprise, malgré ses études antérieures et son expérience professionnelle. L’intimé est responsable de la former. Ils sont appelés à passer beaucoup de temps ensemble.

[4] Les évènements à l’origine du congédiement se déroulent entre le mois de février et le début du mois de juillet 2017. Après qu’un employé dans l’équipe de la plaignante subit un grave accident de travail, des rapprochements ont lieu entre l’intimé et la plaignante. Selon la plaignante, lorsqu’elle exprime des signes de refus ou lorsqu’elle lui mentionne qu’elle veut que les rapprochements cessent, l’intimé lui communique son mécontentement et leur capacité à travailler en équipe en est grandement affectée. En début juillet 2017, la plaignante rencontre les ressources humaines et se plaint de harcèlement sexuel au travail. En raison des informations obtenues, la direction entame une enquête et rencontre la plaignante, l’intimé et deux autres témoins.

[5] Dans son rapport d’enquête, l’enquêtrice note l’admission de l’intimé qu’il était inapproprié de sa part de nouer une relation personnelle avec la plaignante alors qu’il était son superviseur immédiat. Elle souligne également que les versions des parties diffèrent sur la question de savoir qui a commencé les interactions personnelles et précise qu’à l’égard de diverses interactions, il est question de la parole de l’un contre l’autre. Elle ajoute que la plaignante reconnaît ne pas avoir dit non à chaque occasion, mais qu’elle voyait l’intimé comme son protecteur et mentor. L’enquêtrice mentionne ensuite le lien hiérarchique de l’intimé à l’égard de la plaignante, sa subalterne, à une période où la plaignante est particulièrement vulnérable et explique les raisons qui ont poussé la plaignante à dénoncer la situation. L’enquêtrice recommande soit le congédiement de l’intimé pour avoir entretenu une relation inappropriée avec sa subalterne, alors qu’il était en position d’autorité, soit son retrait d’un poste de gestion avec un avertissement de dernière chance.

[6] Le rapport de l’enquêtrice est alors remis aux membres de la direction de l’appelante qui, au terme d’une rencontre avec l’enquêtrice, prennent la décision de congédier l’intimé. La lettre de congédiement confirme que la cause du congédiement est d’avoir eu un comportement de harcèlement sexuel à l’égard d’une employée subalterne, enfreignant ainsi la Politique sur le harcèlement et la LCDP. La lettre allègue également que les actes reprochés comprennent notamment des insinuations, des commentaires déplacés et des avances de nature sexuelle accompagnées de promesses explicites et implicites. Se croyant victime d’une injustice, l’intimé dépose une plainte de congédiement injuste contre l’appelante selon l’article 240 du Code.

[7] Un arbitre est nommé par le Service fédéral de médiation et de conciliation et une audience est tenue, laquelle se déroule sur une période de douze jours. L’appelante fait entendre huit témoins, dont la plaignante et l’intimé. Pour sa part, l’intimé fait entendre sept témoins incluant la plaignante, mais ne témoigne pas dans le cadre de sa preuve. Les parties déposent plusieurs éléments de preuve ainsi que des plaidoiries écrites très détaillées, appuyées par de nombreuses autorités.

[8] Dans sa décision rendue le 5 mars 2021, l’arbitre conclut que la relation entre la plaignante et l’intimé était de nature personnelle et consensuelle et que l’intimé n’a pas exercé de harcèlement sexuel envers la plaignante. Estimant que le congédiement n’est pas une mesure appropriée, mais que les actions de l’intimé constituent néanmoins une brèche sérieuse à la responsabilité d’un directeur de respecter les règlements et politiques de l’entreprise, l’arbitre considère qu’une suspension sans solde de quatre mois constitue une mesure disciplinaire suffisante, compte tenu de la durée de service de l’intimé et l’absence de précédent disciplinaire. L’arbitre rejette la demande de réintégration de l’intimé dans son emploi au motif que la relation de confiance de l’employeur envers l’intimé s’est détériorée au point de rendre la réintégration impossible.

[9] Le 19 décembre 2022, la Cour fédérale rejette la demande de contrôle judiciaire de l’appelante. Elle estime la décision de l’arbitre raisonnable, tant à l’égard de la conclusion que l’intimé n’a pas commis d’actes de harcèlement sexuel envers la plaignante, que du choix de sanction appropriée.

[10] Comme le présent appel porte sur une décision de la Cour fédérale visant une demande de contrôle judiciaire, cette Cour doit déterminer si la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée et si elle l’a appliquée correctement. En d’autres termes, lorsque la Cour conclut que la bonne norme de contrôle a été appliquée, elle doit se mettre à la place de la Cour fédérale et se concentrer sur la décision ayant fait l’objet du contrôle judiciaire. Cela dit, il appartient tout de même à l’appelante de démontrer qu’il existe une faille dans le raisonnement de la Cour fédérale (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 aux para. 45-47, réitérée dans Office régional de la santé du Nord c. Horrocks, 2021 CSC 42 aux para. 10-12; Banque de Montréal c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 189 au para. 4).

[11] Les parties conviennent, et je suis d’accord, que la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée, soit celle de la décision raisonnable. Leur différend porte sur l’application de cette norme aux faits de l’affaire.

[12] L’appelante reproche principalement à la Cour fédérale d’avoir complété de manière inadmissible l’analyse lacunaire de l’arbitre sur des questions centrales au litige. Elle allègue que, même lue de manière globale et contextuelle, il n’est pas possible de comprendre le raisonnement et la justification de l’arbitre à l’égard de sa conclusion que l’intimé n’a pas commis de harcèlement sexuel. Elle fait valoir notamment que les motifs de l’arbitre sont dénués de toute analyse du droit applicable et de la preuve. En l’absence d’une telle analyse qui aurait permis de comprendre le raisonnement de l’arbitre, il n’était pas loisible à la Cour fédérale d’élaborer ses propres motifs pour appuyer la décision de l’arbitre.

[13] Pour sa part, l’intimé soutient que la Cour fédérale n’a pas suppléé à l’analyse de l’arbitre sur des questions centrales au litige. En interprétant de façon globale et contextuelle les motifs de la décision de l’arbitre, elle a « à bon droit, relié les points sur la page de la décision de l’[a]rbitre puisque les lignes et la direction qu’elles prenaient pouvaient être facilement discernées » (Mémoire de l’intimé, aux para. 26, 37, 42). L’intimé fait valoir que dans la mesure où la Cour est d’avis que l’arbitre a omis de justifier sa conclusion sur un élément essentiel, cette « justification est manifestement déduite du dossier d’instance dont l’[a]rbitre avait en sa possession » et « sa décision satisfait donc à la norme de justification, de transparence et d’intelligibilité » (Mémoire de l’intimé, au para. 50). Il ajoute que l’analyse de la Cour fédérale des motifs de la décision de l’arbitre démontre sans équivoque que le raisonnement de l’arbitre se tient (Mémoire de l’intimé, au para. 55).

[14] Dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, la Cour suprême du Canada s’est prononcée sur l’appréciation du caractère raisonnable d’une décision. Une décision raisonnable est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » (Vavilov au para. 85; Mason c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21 au para. 8). Les caractéristiques d’une telle décision sont « la justification, la transparence et l’intelligibilité », et elle doit être « justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‐ci » (Vavilov au para. 99).

[15] Au moment d’évaluer le caractère raisonnable de la décision, la cour de révision examine d’abord « les motifs donnés avec une ‘attention respectueuse’, et cherche[] à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion » (Vavilov au para. 84; Mason au para. 60). Les motifs écrits doivent être lus de façon globale, en tenant compte du contexte administratif dans lesquels ils ont été rendus, et à la lumière de l’ensemble du dossier (Vavilov aux para. 91, 94, 103; Mason au para. 61).

[16] Il n’est pas nécessaire qu’une décision administrative soit longuement ou parfaitement motivée pour être raisonnable. Toutefois, « les motifs écrits fournis par le décideur administratif servent à communiquer la justification de sa décision » (Vavilov au para. 84). Il ne suffit plus que la décision soit justifiable. Le décideur administratif doit justifier sa décision (Vavilov au para. 86). Comme l’énonçait la Cour suprême, les « motifs servent de bouclier contre l’arbitraire » (Vavilov au para. 79) et il n’appartient pas à la cour de révision d’élaborer ses propres motifs pour appuyer la décision lorsque les motifs fournis, même en tenant compte du contexte institutionnel et du dossier, comportent une lacune fondamentale ou révèlent une analyse déraisonnable (Vavilov au para. 96).

[17] En l’espèce, je suis d’avis, pour les raisons qui suivent, que la décision de l’arbitre ne satisfait pas aux exigences de justification prévues par l’arrêt Vavilov. Les motifs de l’arbitre ne sont pas appuyés par une analyse qui démontre qu’il s’est penché sur les contraintes factuelles et juridiques pertinentes pouvant avoir une incidence sur sa décision.

[18] Bien qu’il ne s’agisse pas d’une liste exhaustive, ces contraintes comprennent le régime juridique applicable, la preuve devant l’arbitre et l’impact potentiel de la décision sur les parties.

[19] En matière disciplinaire, le rôle de l’arbitre est de déterminer si la faute reprochée à l’employé a été prouvée par l’employeur, à qui revient le fardeau de preuve. Dans l’affirmative, l’arbitre évalue si le congédiement est la mesure appropriée dans les circonstances (McKinley c. BC Tel, 2001 CSC 38 au para. 49; Conseil de l'éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487 au para. 49).

[20] En l’espèce, l’appelante reproche à l’intimé d’avoir harcelé sexuellement une employée subalterne, contrevenant ainsi à la Politique sur le harcèlement.

[21] Au moment des évènements en question, l’article 247.1 du Code définissait le harcèlement sexuel ainsi :

247.1 Pour l’application de la présente section, harcèlement sexuel s’entend de tout comportement, propos, geste ou contact qui, sur le plan sexuel :

247.1 In this Division, sexual harassment means any conduct, comment, gesture or contact of a sexual nature:

a) soit est de nature à offenser ou humilier un employé;

(a) that is likely to cause offence or humiliation to any employee; or

b) soit peut, pour des motifs raisonnables, être interprété par celui-ci comme subordonnant son emploi ou une possibilité de formation ou d’avancement à des conditions à caractère sexuel.

(b) that might, on reasonable grounds, be perceived by that employee as placing a condition of a sexual nature on employment or on any opportunity for training or promotion.

[22] De plus, le Code prévoyait l’obligation pour l’employeur de voir, dans la mesure du possible, à ce qu’aucun employé ne fasse l’objet de harcèlement sexuel (article 247.3 du Code). Selon l’article 65 de la LCDP, l’employeur peut être tenu solidairement responsable des actes commis par un employé (incluant un dirigeant) dans le cadre de son emploi qui constituent du harcèlement sexuel au sens du paragraphe 14(2) de la LCDP. Les articles 247.1 et suivants du Code ont depuis été abrogés et remplacés par de nouvelles dispositions prévues à la Partie II du Code et le Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail, DORS/2020-130, dont l’application n’est pas en cause en l’espèce.

[23] Conformément à l’obligation de fournir à ses employés un milieu de travail exempt de harcèlement sexuel (article 247.2 du Code), l’appelante s’est dotée de la Politique sur le harcèlement qui prévoyait, entre autres, que les actes de harcèlement, sexuel ou autre, étaient inacceptables et que pareille conduite ne saurait être tolérée, peu importe le niveau hiérarchique (Dossier d’appel, à la p. 1635). La Politique sur le harcèlement définissait le harcèlement sexuel comme suit :

Par harcèlement sexuel, on entend tout comportement, commentaire, geste ou contact de nature sexuelle, non sollicité ou importun, susceptible :

Sexual harassment may be defined as any unsolicited and unwelcome conduct, comment, gesture or contact of a sexual nature that:

a) d’offenser ou d’humilier un employé;

(a) is likely to cause offence or humiliation; or

b) de donner des motifs raisonnables de croire qu’une condition de nature sexuelle est liée à un emploi ou à une possibilité de formation ou de promotion.

(b) might, on reasonable grounds, be perceived as placing a condition of a sexual nature on conditions of employment, including any opportunity for training or promotion.

Dossier d’appel, à la p. 1637

Dossier d’appel, à la p. 1649

[24] La Politique sur le harcèlement précisait que le harcèlement sexuel pouvait avoir lieu sur les lieux de travail ou ailleurs et qu’il pouvait se manifester notamment par des remarques, des plaisanteries, des insinuations ou des commentaires suggestifs à caractère sexuel, des contacts physiques injustifiés, des regards concupiscents, et des invitations compromettantes (Dossier d’appel, à la p. 1638). Les principes énoncés dans la Politique sur le harcèlement étaient réitérés dans le Code d’éthique de l’appelante.

[25] Outre la définition que l’on retrouvait dans le Code, la Cour suprême du Canada s’exprimait ainsi dans l’arrêt Janzen c. Platy Enterprises Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1252 sur la notion du harcèlement sexuel en milieu de travail, après avoir examiné de nombreuses définitions adoptées par les tribunaux, les auteurs et les autorités législatives :

Sans chercher à fournir une définition exhaustive de cette expression, j'estime que le harcèlement sexuel en milieu de travail peut se définir de façon générale comme étant une conduite de nature sexuelle non sollicitée qui a un effet défavorable sur le milieu de travail ou qui a des conséquences préjudiciables en matière d'emploi pour les victimes du harcèlement. C'est un abus de pouvoir, comme l'a souligné l'arbitre Shime dans la décision Bell v. Ladas, […], et comme cela a été largement reconnu par d'autres arbitres et commentateurs. Le harcèlement sexuel en milieu de travail est un abus de pouvoir tant économique que sexuel. Le harcèlement sexuel est une pratique dégradante, qui inflige un grave affront à la dignité des employés forcés de le subir. En imposant à un employé de faire face à des gestes sexuels importuns ou à des demandes sexuelles explicites, le harcèlement sexuel sur le lieu de travail est une atteinte à la dignité de la victime et à son respect de soi, à la fois comme employé et comme être humain.

(Janzen à la p. 1284)

[26] Bien que cette affaire concernait des plaintes déposées auprès de la Commission des droits de la personne du Manitoba pour discrimination fondée sur le sexe, cette définition a été reprise dans le contexte du droit du travail (Simpson v. Consumers’ Assn. of Canada, 2001 CanLII 23994 (ON CA) au para. 53; Bannister v. General Motors of Canada Ltd., [1998] O.J. No. 3402 au para. 1 (Q.L.), 1998 CanLII 7151 (ON CA); van Woerkens v. Marriott Hotels of Canada Ltd., 2009 BCSC 73 (CanLII) au para. 165; Fleming v. Ricoh Canada Inc., 2003 CanLII 2435 (ON SC) au para. 8; Leach v. Canadian Blood Services, 2001 ABQB 54 (CanLII) au para. 86; Syndicat des Travailleuses et Travailleurs de PJC Entrepôt c. Groupe Jean Coutu (P.J.C.) inc., 2016 CanLII 50736 (QC SAT) au para. 150; Marois c. Sleeman Brewing & Malting Co. Ltd, 2004 QCCRT 580 (CanLII) au para. 83).

[27] Il ressort de cette définition que le harcèlement sexuel en milieu de travail comporte trois éléments : (a) une conduite de nature sexuelle, (b) non sollicitée (« unwelcome »), et (c) qui a un effet défavorable sur le milieu de travail ou encore des conséquences préjudiciables en matière d’emploi pour les victimes du harcèlement (Janzen à la p. 1284).

[28] Dans l’évaluation de savoir si la conduite reprochée est non sollicitée (non désirée, non bienvenue ou non tolérée), l’inégalité d’un rapport de force entre la victime et la personne dont la conduite est en cause constitue un facteur pertinent (Payne c. Banque de Montréal, 2013 CAF 33 aux para. 64, 71; Simpson au para. 64; Dupuis v. British Columbia (Ministry of Forests), 1993 CanLII 16472 (BC HRT) aux para. 61, 62).

[29] Bien que les relations amoureuses et sexuelles dans le milieu de travail demeurent permises, même entre personnes en autorité et subalternes (Payne au para. 67; Dupuis au para. 38), la preuve du consentement et du caractère non désiré de la conduite pose des difficultés particulières lorsque le harcèlement sexuel est allégué dans le cadre d’une relation en apparence consensuelle (Simpson aux para. 62, 64; Mallioux v. N. Yanke Transfer Ltd., [1999] C.L.A.D. No. 40 au para. 74 (Q.L.), 1999 CanLII 19559 (CA LA); Dupuis aux para. 39-44).

[30] La question du harcèlement sexuel en milieu de travail est complexe et repose dans bien des cas sur la crédibilité des témoignages vu l’absence générale de témoins. Les critères permettant d’évaluer la crédibilité des témoignages comprennent notamment la vraisemblance d’une version, l’intérêt d’un témoin à rendre témoignage, l’absence de contradictions sur des éléments essentiels et la corroboration de faits (Leach au para. 70; Mornard c. Union des artistes, 2005 CanLII 92493 (QC CRT) au para. 90; Marois aux para. 88, 89).

[31] Bien que l’arbitre cite dans sa décision la Politique sur le harcèlement, il ne fait pas lui-même référence aux critères de harcèlement sexuel dans son analyse et ne se penche pas sur l’application de ces critères aux faits en cause.

[32] Contrairement à ce que la Cour fédérale affirme au paragraphe 34 de sa décision, il n’est pas approprié de présumer que l’arbitre « ne pouvait ignorer l’existence des critères en matière de harcèlement sexuel auxquels réfère [l’appelante], puisque ceux-ci ont été au cœur du débat entre les parties », alors même qu’elle reconnait que l’arbitre ne fait référence ni aux critères en matière de harcèlement sexuel ni à la jurisprudence pertinente. D’ailleurs, la Cour fédérale ainsi que l’intimé concèdent que la décision de l’arbitre « n’est pas un chef-d’œuvre de clarté rédactionnelle, et même que l’[a]rbitre a vraisemblablement fait preuve d’une certaine paresse intellectuelle » (Décision de la CF, aux para. 34, 59).

[33] En effet, l’arbitre consacre dans ses motifs une cinquantaine de paragraphes à reproduire ce qu’il considère comme étant les allégations pertinentes de la plainte. Il s’agit en grande partie de passages copiés-collés de la déclaration faite par la plaignante le 12 juillet 2017 lors de l’enquête interne de l’appelante (Dossier d’appel, aux pp. 1716-1724). À plusieurs endroits, l’arbitre ne prend ni le soin de signaler qu’il s’agit d’extraits de cette déclaration ni le soin de remplacer le pronom « je » pour « elle » ou pour les initiales de la plaignante (Décision de l’arbitre, aux para. 24-78).

[34] Plus encore, l’arbitre n’expose que la version de la plaignante et ne fait aucunement état de celle de l’intimé, hormis la mention que l’intimé n’a pas nié pour l’essentiel avoir entretenu une relation avec la plaignante et qu’il s’agissait d’une relation personnelle et consensuelle. Son analyse sur le harcèlement sexuel se résume aux conclusions suivantes :

[87] Le Tribunal, après avoir entendu [la plaignante] témoigner, tant en interrogatoire principal qu’en contre‑interrogatoire, ne peut adhérer à la thèse du procureur de [l’appelante] à l’effet qu’il s’agit d’une personne vulnérable.

[88] De ces témoignages, il ressort qu’il s’agissait plutôt d’une relation personnelle et consensuelle entre elle et [l’intimé]. D’ailleurs, plusieurs comportements et affirmations le laissent croire au Tribunal.

[89] [L’intimé], tant lors de son témoignage que lors de l’enquête, n’a pas nié, pour l’essentiel, avoir entretenu cette relation avec [la plaignante]. Il n’a pas cherché à dissimuler celle-ci. Il a même reconnu que ce qu’il avait fait, soit d’entretenir une relation avoir [sic] une personne qui lui est subornée [sic] était une erreur.

[90] Pour le Tribunal, [l’intimé] n’a pas exercé de harcèlement sexuel envers [la plaignante]. Il s’agit plutôt d’une relation entre un directeur et une subordonnée qui s’est mal terminée et pour laquelle la direction de l’entreprise n’a pas suivi sa propre procédure et qui aurait pu avoir un autre dénouement que le congédiement d’un cadre de [plusieurs années] de service sans dossier disciplinaire.

[35] L’arbitre ne précise pas dans ses motifs quels « comportements et affirmations » lui laissent croire qu’il s’agissait d’une relation personnelle et consensuelle entre l’intimé et la plaignante. Pourtant, la déclaration de la plaignante relatée par l’arbitre comporte plusieurs extraits où elle indique être en désaccord avec certains gestes posés par l’intimé (voir à titre d’exemple, les paragraphes 21, 27, 30, 31, 32, 43, 52 de la Décision de l’arbitre; voir aussi sa déclaration de suivi à l’enquêtrice à la p. 1774 du Dossier d’appel). Sa déclaration démontre également qu’elle était, à tout le moins, confuse quant à ses sentiments envers l’intimé puisqu’il était son soutien moral au travail et mentor (voir à titre d’exemple, les paragraphes 30, 38, 73 de la Décision de l’arbitre). Les motifs ne font aucunement référence au témoignage de l’intimé devant l’arbitre et ne démontrent pas quels faits ou incidents allégués par la plaignante sont niés ou reconnus par l’intimé. Puisque l’arbitre ne relate que la version de la plaignante, il n’est pas possible de comprendre sur quels faits l’arbitre s’appuie pour conclure comme il l’a fait.

[36] Il est vrai que certains des évènements décrits suggèrent une relation entre adultes consentants. De toute évidence, celle-ci n’était pas simple. Toutefois, le caractère bienvenu ou toléré de comportements et de paroles de nature sexuelle peut varier au fil du temps (Groupe Jean Coutu aux para. 146-148; Marois aux para. 103, 104; Mallioux aux para. 60, 61, 64, 71; Dupuis aux para. 62, 65). Les motifs de l’arbitre ne démontrent pas qu’il a tenu compte de la possibilité que du harcèlement sexuel puisse survenir à différents moments.

[37] Or, la déclaration de la plaignante démontre que la relation se divise en trois périodes distinctes : le moment où elle intègre l’équipe dirigée par l’intimé jusqu’à l’accident de travail de l’employé supervisé par la plaignante; celle après l’accident de travail jusqu’aux vacances de l’intimé; et celle après celles-ci, lorsque la plaignante signale son désir que la relation soit de nature strictement professionnelle. Les motifs de l’arbitre n’adressent pas le changement de comportement observé chez l’intimé après que la plaignante lui signale qu’elle veut que la relation demeure strictement professionnelle (voir à titre d’exemple, les paragraphes 56, 61, 62, 73, 78 de la Décision de l’arbitre). La Cour fédérale reconnait d’ailleurs que la fin de la relation entre les parties « a eu un impact important sur leur relation professionnelle » (Décision de la CF, au para. 8). Elle reconnait aussi l’existence d’une « longue liste de situations où la plaignante s’était sentie exclue ou abandonnée par [l’intimé], avant, mais surtout après la fin de leur liaison » (Décision de la CF, au para. 9).

[38] Les motifs de l’arbitre ne démontrent pas non plus qu’il a considéré si le lien hiérarchique et le rapport de force entre l’intimé et la plaignante étaient susceptibles d’affecter le consentement de cette dernière et le caractère non désiré des gestes reprochés. Dans sa déclaration relatée par l’arbitre, la plaignante mentionne qu’après l’accident de l’employé sous sa supervision, l’intimé a commencé à lui dire « qu’il allait tout [lui] montrer et [qu’elle aurait] son poste dans 4 ans » (Décision de l’arbitre, au para. 24). Elle indique aussi qu’elle avait peur que si elle disait non aux avances de l’intimé, il pouvait y avoir un impact négatif sur son emploi (Décision de l’arbitre, au para. 73). Bien qu’il reconnaisse aux paragraphes 4 à 6 de sa décision que l’intimé voyait la plaignante, sans lui avoir promis quoi que ce soit, comme sa remplaçante potentielle après sa retraite, et qu’elle avait besoin de plus de soutien que les autres employés, l’arbitre rejette sans explication l’argument de l’appelante selon lequel la plaignante était une personne vulnérable, estimant plutôt que la relation était personnelle et consensuelle (Décision de l’arbitre, aux para. 87, 88). Puisque l’existence d’un lien hiérarchique et d’un rapport de force inégale rend l’évaluation de l’expression d’un désaccord face à des avances non sollicitées ou non désirées plus difficile, il n’était pas suffisant pour l’arbitre de conclure qu’il s’agissait « plutôt d’une relation entre un directeur et une subordonnée qui s’est mal terminée », sans plus.

[39] Enfin, les motifs de l’arbitre ne font que très peu référence à la preuve et ne contiennent aucune analyse de crédibilité. En fait, l’analyse de l’arbitre est d’une brièveté surprenante après une audience de douze jours. À mon avis, une analyse des témoignages s’imposait, étant donné qu’à plusieurs égards, il était question de la parole de l’un contre celle de l’autre (Bannister au para. 24).

[40] Malgré la retenue dont doivent faire preuve les cours de révision dans le contrôle de décisions administratives, je suis d’avis que la décision de l’arbitre comporte des lacunes importantes en matière de justification. En l’espèce, les motifs ne permettent pas de comprendre le raisonnement que l’arbitre a suivi pour conclure à l’absence de harcèlement sexuel ni même de déterminer s’il s’est penché sur les divers éléments qui définissent le harcèlement sexuel en milieu de travail. Ils ne permettent pas de déterminer si la conclusion de l’arbitre est le fruit d’une analyse cohérente et rationnelle eu égard aux contraintes factuelles et juridiques pertinentes applicables. L’obligation de motiver la décision était grande, compte tenu de l’importance de la décision pour les parties en cause, dont notamment l’effet sur les carrières de l’intimé et de la plaignante et les conséquences sur la responsabilité de l’appelante, à qui incombe l’obligation d’assurer à ses employés un environnement de travail exempt d’harcèlement sexuel.

[41] Avant l’arrêt Vavilov, comme l’a mentionné cette Cour dans l’arrêt Alexion Pharmaceuticals Inc. c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 157, « la cour de révision pouvait prendre la plume du décideur administratif et rédiger des motifs supplémentaires à l’appui des résultats que le décideur avait obtenus » (Alexion au para. 8). Depuis Vavilov, elle doit vérifier « l’existence d’une explication motivée et suffisante pour appuyer la décision » du décideur administratif (Alexion aux para. 10, 12).

[42] Comme je l’ai mentionné ci-dessus, il est reconnu que dans l’évaluation du caractère adéquat des motifs, une cour de révision peut interpréter les motifs à la lumière du dossier dont disposait le décideur administratif et de façon globale et contextuelle (Vavilov aux para. 97, 103; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para. 15; Alexion au para 16). Elle peut, comme l’a souligné la Cour fédérale au paragraphe 35 de sa décision, « relier les points sur la page quand les lignes, et la direction qu’elles prennent, peuvent être facilement discernées » (Alexion au para. 17, citant la décision Komolafe c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 431).

[43] Toutefois, cela ne permet pas à la cour de révision d’élaborer ses propres motifs pour appuyer la décision administrative, comme l’a fait la Cour fédérale (Vavilov au para 96).

[44] La Cour fédérale accorde une grande importance au rapport d’enquête de l’appelante, qui a servi de base au congédiement de l’intimé. Elle constate que le rapport d’enquête dont disposait l’appelante au moment de la prise de décision n’arrive pas à la conclusion que l’intimé a commis des actes de harcèlement sexuel ni qu’il a enfreint la Politique sur le harcèlement. Ses recommandations font uniquement référence à la possibilité d’un congédiement en raison d’une relation inappropriée avec une subordonnée ou à la réinsertion dans un poste sans composante de gestion. Dans ce contexte, la Cour fédérale s’explique mal comment l’appelante a pu congédier l’intimé pour cause d’harcèlement sexuel (Décision de la CF, aux para. 36-39).

[45] À mon avis, la Cour fédérale suppose, à tort, que le rapport a joué un rôle significatif dans la décision de l’arbitre, alors que les motifs de ce dernier ne mènent pas à cette conclusion. D’ailleurs, la Cour fédérale reconnait l’absence de référence explicite au rapport dans les motifs de l’arbitre à ce sujet. Toutefois, elle écrit : « je ne puis douter du fait que l’[a]rbitre l’a pris en considération dans le cadre de sa décision, tout comme je peux certainement voir comment ce rapport a pu jouer dans l’esprit de l’[a]rbitre au moment de rendre sa décision » (Décision de la CF, au para. 38).

[46] J’estime également qu’il faut lire les recommandations proposées par l’enquêtrice avec le reste de son rapport. Dans la section de ses constatations, elle note la vulnérabilité de la plaignante et le déséquilibre de force entre l’intimé et la plaignante, un des critères à considérer dans l’évaluation du harcèlement sexuel en milieu de travail. Elle note également que la plaignante n’a pas participé à de la formation en matière de discrimination et de harcèlement, contrairement à l’intimé qui a suivi une formation en ligne. Au chapitre de ses recommandations, elle recommande aussi que les ressources humaines donnent une telle formation à l’équipe dont fait partie l’intimé.

[47] L’allégation à l’origine de la plainte de congédiement injustifié est celle d’avoir eu un comportement de harcèlement sexuel à l’encontre d’une employée subalterne. L’appelante avait le fardeau de démontrer à l’arbitre le bien-fondé de celle-ci. Or, il est clairement établi que l’audience devant un arbitre en matière de droit du travail procède comme s’il s’agissait d’une nouvelle affaire où l’employeur doit établir les faits justifiant le licenciement (Klouvi c. Canada (Procureur général), 2024 CAF 80 au para. 4; Patanguli c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 291 aux para. 38, 40). Dans un tel contexte, le rapport de l’enquêtrice ne constituait donc pas une véritable contrainte liant l’arbitre.

[48] Similairement, la Cour fédérale considère aussi significatif le défaut de l’appelante d’obtenir les messages textes échangés entre l’intimé et la plaignante contenus dans les téléphones de l’appelante, étant donné qu’ils étaient, selon elle, « la seule preuve matérielle permettant de départager le vrai du faux et d’effectuer une analyse objective quant à l’existence de la faute reprochée » à l’intimé (Décision de la CF, aux para. 39, 40, 44, 45). À mon avis, l’absence de preuve matérielle permettant de départager le vrai du faux, comme l’affirme la Cour fédérale, commandait justement une analyse de la crédibilité des témoignages de l’intimé et de la plaignante pour déterminer quelle version retenir.

[49] Comme l’arbitre, la Cour fédérale s’appuie sur l’existence d’une relation personnelle et consensuelle pour conclure à l’absence de harcèlement sexuel. Je conviens que la jurisprudence n’explore pas fréquemment cette dualité. Toutefois, il n’en demeure pas moins que le caractère bienvenu ou toléré de comportements et paroles de nature sexuelle peut varier au fil du temps et selon leur contenu.

[50] La Cour fédérale réfère à l’arrêt de cette Cour dans Payne pour soutenir qu’il est tout à fait légitime pour un arbitre de se questionner sur la nature de la relation entre les parties et d’en tirer les inférences qu’il juge raisonnables quant à la détermination du caractère justifié du congédiement en cause (Décision de la CF, au para. 55). Je suis tout à fait d’accord. Toutefois, l’arbitre doit néanmoins se pencher sur le déséquilibre des forces qui peut vicier le consentement et affecter le caractère non désiré de la conduite reprochée, et examiner les circonstances individuelles des incidents relatés, même s’ils doivent être appréciés dans leur ensemble et de manière objective (Payne au para. 71; Simpson aux para. 61-66). En l’espèce, les motifs de l’arbitre ne témoignent pas d’une telle réflexion.

[51] J’ajouterais également que dans l’affaire Payne, la relation avait été décrite comme « consensuelle » dans l’exposé conjoint des faits et que l’arbitre en a déduit qu’aucune pression indue n’avait été exercée (Payne aux para. 17, 22, 66). Dans le présent dossier, comme je l’ai déjà mentionné, la déclaration sur laquelle s’appuie l’arbitre n’est pas aussi claire. De plus, la plaignante dans le dossier Payne n’avait pas témoigné à l’audience devant l’arbitre, faisant en sorte qu’il aurait été difficile pour l’arbitre de pousser plus loin l’affirmation qu’avait faite la plaignante à l’enquêteur qu’elle s’était sentie obligée de poursuivre la relation (Payne au para. 74). Ce n’est pas le cas en l’espèce. L’arbitre était en mesure de se prononcer sur la question, considérant que la plaignante a témoigné à deux reprises lors de l’audience.

[52] Pour l’ensemble de ces motifs, je suis d’avis que l’intervention de cette Cour est justifiée.

[53] L’appelante demande à la Cour de rendre une ordonnance accueillant l’appel, d’annuler le jugement de la Cour fédérale et de rendre la décision que l’arbitre aurait dû rendre, soit le rejet de la plainte de congédiement.

[54] La jurisprudence de cette Cour est claire. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire de trancher les questions en litige qui relève du décideur administratif (Vavilov aux para. 139-142). Tout en étant consciente que les parties subiront un préjudice en retournant le dossier au décideur administratif, je ne suis pas en mesure de statuer qu’un résultat donné est inévitable et que le renvoi de l’affaire ne servirait à rien. Premièrement, ce n’est pas le rôle de cette Cour de réévaluer la preuve au dossier et d’en tirer des conclusions de crédibilité. Deuxièmement, l’audition devant l’arbitre s’est étendue sur douze jours et les témoignages qui ont eu lieu en 2019, dont ceux de l’intimé et de la plaignante, ne sont pas au dossier de la Cour. Je renverrais donc le dossier au même arbitre par souci d’utilisation efficace des ressources publiques, des délais déjà encourus dans cette affaire, du coût pour les parties et du besoin de régler le différend qui oppose les parties. Je reconnais qu’il est possible que l’arbitre arrive au même résultat lorsqu’il fournira des motifs qui répondent aux exigences de l’arrêt Vavilov. Cependant, le dossier ne me permet pas de déterminer si l’appelante a démontré que le congédiement était justifié pour les raisons invoquées.

[55] L’appelante demande également des dépens majorés, calculés selon la colonne V du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Comme fondement à cette demande, elle allègue particulièrement le comportement du procureur de l’intimé devant l’arbitre, qui aurait tenu des commentaires inappropriés à l’égard de la plaignante et du procureur de l’appelante et dans certains extraits du mémoire de l’intimé devant la Cour fédérale. Le procureur en question n’a pas comparu ni devant cette Cour ni devant la Cour fédérale. Sans commenter le caractère approprié de ces commentaires ou extraits, je ne suis pas convaincue que la conduite du procureur de l’intimé justifie l’imposition à l’intimé de dépens majorés dans ce dossier. Je n’ai aucune raison de croire que ces commentaires étaient cautionnés par l’intimé. Pour cette raison, j’adjugerais des dépens à l’appelante calculés selon la colonne III du tarif B.

[56] Par conséquent, j’accueillerais l’appel avec dépens, j’annulerais la décision de la Cour fédérale et, en rendant le jugement qu’elle aurait dû rendre, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire, et je retournerais le dossier au même arbitre, s’il est disponible pour instruire le réexamen. S’il n’est pas disponible, le dossier peut être envoyé à un autre arbitre.

« Sylvie E. Roussel »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

George R. Locke j.c.a. »

« Je suis d’accord.

René LeBlanc j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-7-23

 

INTITULÉ :

COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE c. DENIS SAUVÉ

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 février 2024

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE ROUSSEL

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 OCTOBRE 2024

 

COMPARUTIONS :

Me Emilie Paquin-Holmested

Me Michael Shortt

 

Pour l'appelante

 

Me Élisabeth Coté

 

Pour l'intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fasken Martineau DuMoulin

Montréal (Québec)

 

Pour l'appelante

 

Pepper, Villeneuve-Gagné

Montréal (Québec)

 

Pour l'intimé

 

 

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