Date : 20241114
Dossier : A-253-23
Référence : 2024 CAF 190
[TRADUCTION FRANÇAISE]
CORAM :
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LE JUGE BOIVIN
LE JUGE LOCKE
LE JUGE LEBLANC
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ENTRE : |
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SHELBURNE ELVER LIMITED
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appelante
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SA MAJESTÉ LE ROI (MINISTÈRE DES PÊCHES, DES OCÉANS ET DE LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE) |
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intimé
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3349659 CANADA INC., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE NEPTUNE CANADA |
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intervenante
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Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 14 novembre 2024.
Jugement rendu à l’audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 14 novembre 2024.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : |
LE JUGE LOCKE |
Date : 20241114
Dossier : A-253-23
Référence : 2024 CAF 190
CORAM :
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LE JUGE BOIVIN
LE JUGE LOCKE
LE JUGE LEBLANC
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ENTRE : |
SHELBURNE ELVER LIMITED
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appelante |
et |
SA MAJESTÉ LE ROI (MINISTRE DES PÊCHES, DES OCÉANS ET DE LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE) |
intimé |
et |
3349659 CANADA INC., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE NEPTUNE CANADA |
intervenante |
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l’audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 14 novembre 2024.)
LE JUGE LOCKE
[1] Shelburne Elver Limited (Shelburne) se pourvoit à l’encontre d’une décision de la juge Elizabeth Walker de la Cour fédérale (maintenant à la Cour d’appel fédérale) (2023 FC 1166) (la Cour fédérale). La Cour fédérale a rejeté une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne (la ministre) réduisant le quota alloué à Shelburne pour la pêche à la civelle en 2022 de 13,70%, par rapport aux années antérieures, et ce, sans compensation financière (la décision).
[2] Un appel au fondement similaire logé par South Shore Trading Co. Ltd., également détenteur d’un permis de pêche à la civelle a récemment été abandonné. Cela étant, un autre détenteur de permis (3349659 Canada Inc., faisant affaire sous le nom de Neptune Canada (Neptune)) a été autorisé par notre Cour à participer à cet appel à titre d’intervenant.
[3] Shelburne soumet que la Cour fédérale a erré en ce qu’elle aurait dû annuler la décision de la ministre car celle-ci est déraisonnable et ne respecte pas les principes d’équité procédurale.
[4] Ayant considéré les représentations écrites et orales de Shelburne et de Neptune, nous sommes tous d’avis que cet appel ne peut réussir, essentiellement pour les mêmes motifs que ceux énoncés par la Cour fédérale.
[5] Les parties sont d’accord relativement à la norme de contrôle qui trouve application en l’espèce. Notre rôle, dans le cadre de cet appel, est de décider si la Cour fédérale a choisi les bonnes normes de contrôle et si elle les a bien appliquées (Agraira c Canada (Sécurité et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559 aux paras 45-47). Shelburne ne remet pas en question les normes de contrôle choisies par la Cour fédérale. La Cour fédérale a bien identifié la norme de la raisonnabilité pour ce qui est de l’aspect substantif de la décision de la ministre et n’a accordé aucune déférence à la ministre en ce qui a trait à l’équité procédurale. Shelburne allègue plutôt que la Cour fédérale a erré dans leur application.
[6] En ce qui concerne la raisonnabilité de la décision, nous sommes tous d’avis que la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en rappelant la grande discrétion conférée par la loi à la ministre et en déterminant que l’exercice de sa discrétion était raisonnable à la lumière des mémoires qui lui ont été acheminés au cours des semaines précédant sa prise de décision.
[7] Dans le cadre de son intervention, Neptune plaide que la décision de la ministre est déraisonnable parce qu’elle a omis de prendre en compte les droits des pêcheurs non-autochtones dans le contexte constitutionnel qui prévoit des droits de pêches pour les autochtones. Il importe de souligner que l’ordonnance du 5 janvier 2024 rendue par notre Cour et qui accordait la demande d’autorisation d’intervention à Neptune, précisait que Neptune devait s’en tenir aux questions soulevées dans les avis d’appel sans plaider de nouvelles questions. Or, les avis d’appel ne soulèvent pas la question mise de l’avant par Neptune. De plus, Shelburne n’est pas en désaccord avec l’objectif général consistant à réduire les quotas pour pêcheurs de civelles non-autochtones dans le but d’accroître les quotas destinés aux autochtones, et que cela peut même être fait ultimement sans compensation. Il n’était pas opportun pour Neptune de soulever cet enjeu et il n’y a donc pas lieu d’en traiter.
[8] Pour ce qui est de la question de l’équité procédurale, Shelburne reproche à la ministre d’avoir modifié son approche en février 2022 relativement à la réduction de quotas. Shelburne rappelle que la méthode de l’acheteur et du vendeur consentants était envisagée depuis 2021 et la nouvelle approche ne prévoit pas de compensation financière pour les pêcheurs à la civelle. Shelburne soumet qu’elle avait une attente légitime que la ministre, en prenant sa décision, continuerait à privilégier la méthode de l’acheteur et du vendeur consentants, et tiendrait à cette fin un deuxième appel de propositions.
[9] Nous sommes d’avis, au même titre que la Cour fédérale, qu’à ce chapitre, les déclarations de la ministre n’étaient pas à ce point claires, non-ambigües et sans réserves pour équivaloir à un engagement ferme donnant ouverture à des attentes légitimes (Canada (Procureur général) c. Mavi, 2011 CSC 30, [2011] 2 R.C.S. 504 au para. 68). Nous sommes par ailleurs aussi d’accord avec la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle le comportement de la ministre après la modification de l’approche (incluant la communication des changements, incitant l’envoi de soumissions ainsi que la réception et l’étude de ces soumissions préalables à la prise de la décision) rencontre les exigences de l’équité procédurale. Il est également utile de rappeler, comme l’a fait la Cour fédérale, que la doctrine des attentes légitimes ne fait pas naître des droits substantifs. Nous sommes également d’accord avec la Cour fédérale que le délai survenu au cours de l’automne 2021 relativement à l’étude des propositions soumises lors du premier appel de propositions, n’est pas déterminant pour la question de l’équité procédurale.
[10] Malgré les représentations habiles de l’avocat de l’appelant, l’appel sera rejeté avec dépens.
« George R. Locke »
j.c.a.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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A-253-23 |
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INTITULÉ :
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SHELBURNE ELVER LIMITED c. SA MAJESTÉ LE ROI (MINISTRE DES PÊCHES, DES OCÉANS ET DE LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE) ET 3349659 CANADA INC., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE NEPTUNE CANADA |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Halifax (Nouvelle-Écosse) |
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 14 novembre 2024 |
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MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :
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LE JUGE BOIVIN LE JUGE LOCKE LE JUGE LEBLANC |
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PRONONCÉS À L’AUDIENCE :
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LE JUGE LOCKE |
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COMPARUTIONS :
Roderick (Rory) H. Rogers, K.C.
Manon A.M. Landry |
Pour l'appelante SHELBURNE ELVER LIMITED
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Sarah Drodge
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Pour l'intimé SA MAJESTÉ LE ROI (MINISTRE DES PÊCHES, DES OCÉANS ET DE LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE) |
Guillaume Laberge François Pariseau |
Pour l'intervenante 3349659 CANADA INC., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE NEPTUNE CANADA |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Steward McKelvey
Halifax (Nouvelle-Écosse) |
Pour l'appelante SHELBURNE ELVER LIMITED
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Shalene Curtis-Micallef Sous-procureure générale du Canada |
Pour l'intimé SA MAJESTÉ LE ROI (MINISTRE DES PÊCHES, DES OCÉANS ET DE LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE) |
Lavery, De Billy, S.E.N.C.R.L.
Montréal (Québec) |
Pour l'intervenante 3349659 CANADA INC., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE NEPTUNE CANADA |