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Date : 20250127


Dossier : A-22-24

Référence : 2025 CAF 23

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

LA JUGE WALKER

 

ENTRE :

9255-2504 QUÉBEC INC. et 142550 CANADA INC. et

GRAND BOISÉ DE LA PRAIRIE INC.

 

appelantes

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

 

intimés

Audience tenue à Montréal (Québec), le 27 janvier 2025.

Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec), le 27 janvier 2025.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE BOIVIN

 


Date : 20250127


Dossier : A-22-24

Référence : 2025 CAF 23

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

LA JUGE WALKER

 

ENTRE :

9255-2504 QUÉBEC INC. et 142550 CANADA INC. et

GRAND BOISÉ DE LA PRAIRIE INC.

 

appelantes

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

 

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 27 janvier 2025)

LE JUGE BOIVIN

[1] En juin 2020, les appelantes ont soumis conjointement au Ministre de l’Environnement et du Changement climatique une demande d’indemnisation en vertu du paragraphe 64(1) de la Loi sur les espèces en péril L.C. 2002, chap. 19 (la Loi). Les appelantes réclamaient une indemnité pour les pertes subies en lien avec un Décret d’urgence adopté par le gouverneur en conseil visant la rainette faux-grillon de l’Ouest en raison d’une menace imminente relativement à un projet immobilier de ces dernières, empêchant du coup la réalisation de certaines phases dudit projet. Le Ministre a rejeté la demande des appelantes étant d’avis que les pertes subies par ces dernières n’étaient pas survenues en raison de « conséquences extraordinaires », au sens du paragraphe 64(1) de la Loi, liées à l’adoption du Décret d’urgence et donc, aucune indemnité ne pouvait leur être offerte. À la suite de ce refus, les appelantes ont soumis une demande de contrôle judiciaire de la décision du Ministre devant la Cour fédérale.

[2] Dans un jugement étoffé de 252 paragraphes, le juge Régimbald de la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire des appelantes, annulant ainsi la décision du Ministre aux motifs que cette dernière contrevenait au principe de la justification énoncée par la Cour suprême du Canada - notamment dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Vavilov (aux paras. 133-134) - et l’a renvoyée au Ministre pour une nouvelle détermination. Dans sa décision, le juge de la Cour fédérale a toutefois refusé d’exiger comme remède que le Ministre indemnise les appelantes pour une somme avoisinant 23 millions de dollars.

[3] La seule question qui doit être tranchée dans le présent appel est celle de savoir si la Cour fédérale, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, a erré en refusant de se substituer au Ministre en ce qui a trait à la demande d’indemnisation des appelantes.

[4] Nous sommes tous d’avis que cet appel ne peut réussir.

[5] D’une part, le juge a appliqué la règle générale en matière de droit administratif qui consiste à retourner l’affaire au décideur (Vavilov au para. 141-142), en l’espèce le Ministre. En effet, il est sans équivoque, dans la présente affaire, que le large pouvoir discrétionnaire dévolu au Ministre au paragraphe 64(1) de la Loi jumelé aux faits ne convergent pas vers une seule réponse et il ne revenait pas au juge de procéder à l’exercice des pertes pouvant découler de « conséquences extraordinaires ». Dans les circonstances de cette affaire, il n’y avait donc pas lieu pour le juge de la Cour fédérale de s’écarter de la règle générale et de trancher la question à la place du Ministre.

[6] D’autre part, notre Cour a confirmé que le paragraphe 64(1) de la Loi écarte les règles du droit commun en matière d’expropriation, le législateur ayant prévu un système distinct (Groupe Maison Candiac Inc. c Canada (Procureur général), 2020 CAF 88). L’arrêt Annapolis Group Inc. v. Halifax Regional Municipality, 2022 SCC 36, soulevé par les appelantes à l’appui de leurs prétentions, ne leur est d’aucun secours car il a été rendu dans un contexte différent qui n’est pas transposable à la présente affaire. Notre Cour a également tranché que l’absence de règlements ne peut être invoqué pour paralyser le Ministre dans sa prise de décision car en vertu du paragraphe 64(1) de la Loi, il lui revient d’examiner le dossier et de conclure ou non à l’existence de « conséquences extraordinaires » et, le cas échéant, d’octroyer, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, une indemnité « juste et raisonnable » (Groupe Maison Candiac (CAF) aux paras. 70-75). Nous sommes liés par ces conclusions. Plus précisément, nous ne sommes pas convaincus par l’argument des appelantes à l’effet que l’intention du législateur d’écarter les règles de droit commun en matière d’expropriation, ne prend effet qu’au moment de de l’adoption d’un règlement en vertu du paragraphe 64(2) de la Loi. En fait, les appelantes remettent en cause les conclusions auxquelles est arrivée notre Cour dans ses décisions antérieures et nous invite indirectement à les infirmer sans que l’avis d’appel en fasse mention et en l’absence d’arguments impératifs et apparents à cet égard (Miller c Canada (Procureur général), 2002 CAF 370). Aussi, leur argument relativement aux « valeurs de la Charte » ne nous a pas convaincu et nous sommes d’accord avec les intimés que « la prise en considération de ces valeurs ne devrait pas imposer une décision particulière au décideur » (Mémoire des faits et du droit des intimés au para. 62).

[7] Finalement, en concluant comme il l’a fait, le juge de la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur relativement à son analyse portant sur la Politique adoptée par le Ministre (Décision du juge de la Cour fédérale aux para 65-72; Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 RCS 2, p. 5-7).

[8] Malgré les représentations habiles de Me Bélair et de Me Daly, l’appel sera donc rejeté avec dépens.

«Richard Boivin»

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-22-24

 

INTITULÉ :

9255-2504 QUÉBEC INC. ET AL. C. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 janvier 2025

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE Locke

LA JUGE WALKER

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :

LE JUGE BOIVIN

COMPARUTIONS :

Sylvain Bélair

Paul Daly

Pour les appelantes

 

Andréane Joanette-Laflamme

Jean-Marcel Seck

Pour LES intiméS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sylvain Bélair

Dentons Canada S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

 

Paul Daly

Paul Daly Law PC

Ottawa (Ontario)

 

Pour lES appelantES

 

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour lES intiméS

 

 

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