Date : 20250327
Dossier : A-362-23
Référence : 2025 CAF 71
CORAM :
|
LE JUGE EN CHEF DE MONTIGNY
LA JUGE GOYETTE
LE JUGE HECKMAN
|
||
|
ENTRE :
|
|
|
|
FLORENCE D’ALLAIRE
|
|
|
|
demanderesse
|
|
|
|
et
|
|
|
|
TEAMSTERS QUÉBEC LOCAL 1999
|
|
|
|
défendeur
|
|
|
Audience tenue à Québec (Québec), le 24 mars 2025.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 mars 2025.
MOTIFS DU JUGEMENT :
|
LA JUGE GOYETTE
|
Y ONT SOUSCRIT :
|
LE JUGE EN CHEF DE MONTIGNY
LE JUGE HECKMAN
|
Date : 20250327
Dossier : A-362-23
Référence : 2025 CAF 71
CORAM :
|
LE JUGE EN CHEF DE MONTIGNY
LA JUGE GOYETTE
LE JUGE HECKMAN
|
||
|
ENTRE :
|
|
|
|
FLORENCE D’ALLAIRE
|
|
|
|
demanderesse
|
|
|
|
et
|
|
|
|
TEAMSTERS QUÉBEC LOCAL 1999
|
|
|
|
défendeur
|
|
|
MOTIFS DU JUGEMENT
LA JUGE GOYETTE
[1] Mme Florence D’Allaire se porte en contrôle judiciaire de la décision du 26 septembre 2023 du Conseil canadien des relations industrielles: 2023 CCRI 5139. Le Conseil a rejeté la plainte de Mme D’Allaire selon laquelle le syndicat représentant l’unité de négociation dont elle faisait auparavant partie—Teamsters Québec Local 1999—a manqué au devoir de représentation juste que lui impose l’article 37 du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2.
[2] Avant d’aborder le bien-fondé de cette demande, il convient de discuter de la demande d’ajournement de l’audience présentée par Mme D’Allaire. La Cour a refusé cette demande lors de l’audience après avoir tenu compte de la correspondance de Mme D’Allaire et entendu les représentations orales des parties sur ce sujet. Toujours lors de l’audience, la Cour a expliqué les raisons principales motivant sa décision. Les paragraphes ci-dessous réitèrent ces raisons avec plus de détails.
I. Demande d’ajournement
[3] Le 21 janvier 2025, la Cour a ordonné que l’audition de cette affaire ait lieu à Québec le lundi 24 mars 2025 à 14h00. Le jour ouvrable précédant le jour de l’audience—le vendredi 21 mars, en fin de journée—la Cour a reçu un courriel de Mme D’Allaire. Celle-ci demandait le report de l’audience au motif qu’elle avait retenu les services d’un avocat en janvier; qu’une tentative de médiation initiée par elle s’était avérée infructueuse; que son avocat voulait modifier son mémoire des faits et du droit; qu’elle avait l’intention de demander une conférence de règlement de litige et qu’elle réfléchissait à la possibilité de présenter d’autres demandes.
[4] Au petit matin le jour de l’audience, la Cour a reçu un courriel d’un avocat indiquant qu’il avait accepté un mandat de Mme D’Allaire le 9 janvier 2025—donc avant que l’audition de l’affaire soit fixée—et que son emploi du temps depuis ne lui avait pas permis d’agir dans le présent dossier.
[5] Mme D’Allaire a dit avoir été mise au courant une semaine avant l’audience du fait que son avocat n’avait pas produit d’avis de nomination et qu’il n’avait pris aucune démarche dans le dossier. Elle n’a pas agi à ce moment. La Cour retient donc que Mme D’Allaire a pris la décision de présenter une demande de remise à ce qu’on qualifie de « dernière minute »
. Une demande aussi tardive, si elle avait été accordée, aurait causé préjudice au syndicat défendeur dont l’avocat s’était préparé et déplacé pour l’audition. Elle aurait aussi causé préjudice à la Cour. Tout d’abord, le temps réservé pour l’audition n’aurait pu être utilisé. Au surplus, et tel qu’expliqué dans une décision antérieure « la Cour est appelée à se déplacer et les ajournements modifient souvent les dispositions prises longtemps d’avance pour le transport, l’hébergement et la tenue de l’audience, les frais étant parfois assumés par le trésor public »
: UHA Research Society c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 134 au para. 14.
[6] Enfin, et de manière plus importante, il n’aurait pas été dans l’intérêt de la justice d’ajourner la présente affaire. Mme D’Allaire a soutenu qu’il fallait ajourner afin de permettre à son avocat de modifier le mémoire qu’elle a produit, non pas pour présenter des arguments différents de ceux qu’elle a avancés, mais pour « simplifier »
et « clarifier »
le mémoire. Comme la Cour a bien compris les arguments tels que présentés dans le mémoire produit par Mme D’Allaire, un mémoire simplifié et clarifié n’était pas nécessaire. De même, une autre raison alléguée par Mme D’Allaire—la tenue d’une conférence de règlement—ne justifiait pas une remise. Il est clairement ressorti des représentations orales des parties que celles-ci n’étaient pas disposées à entamer des pourparlers de règlement. Quant à la proposition d’ajourner afin de permettre à Mme D’Allaire de réfléchir à la possibilité de présenter d’autres demandes comme celle de procéder à des interrogatoires sur affidavits, Mme D’Allaire n’a invoqué aucune raison pour appuyer le bien-fondé de ces autres demandes.
[7] La Cour avait avisé Mme D’Allaire le vendredi 21 mars 2025 et en matinée le jour de l’audience qu’en l’absence d’une ordonnance ajournant l’audience, la Cour sera prête à procéder tel que prévu. Ainsi, après avoir statué sur la demande d’ajournement, la Cour a entendu les parties au fond.
II. La demande de contrôle judiciaire
[8] Le contexte de la plainte de Mme D’Allaire pour manquement au devoir de représentation juste de la part du syndicat se résume comme suit.
[9] En 2018, le syndicat a déposé cinq griefs pour et au nom de Mme D’Allaire. Trois griefs contestaient la rémunération que l’employeur versait à Mme D’Allaire avant son congédiement et deux griefs contestaient son congédiement. En décembre 2022, avant l’audition des griefs, les parties ont participé à une séance de médiation-arbitrage et sont arrivées à un règlement mettant fin aux griefs. L’employeur, le syndicat et Mme D’Allaire sont tous trois intervenus à la transaction constatant le règlement. La transaction, dont Mme D’Allaire a paraphé chaque page, spécifie notamment que le règlement représente la volonté et les choix de Mme D’Allaire exprimés sans contrainte ni pression indue, que Mme D’Allaire a pu bénéficier de conseils avant de signer et qu’elle a eu tout le temps nécessaire pour lire et étudier le document de transaction.
[10] En mars 2023, après que la transaction a été mise en œuvre, Mme D’Allaire a déposé une plainte reprochant au syndicat d’avoir manqué à son devoir de représentation juste dans le traitement des griefs et la conclusion de la transaction. Le Conseil a rejeté cette plainte.
[11] Devant la Cour, Mme D’Allaire fait valoir trois raisons au soutien de sa demande de contrôle judiciaire de la décision du Conseil.
[12] Tout d’abord, Mme D’Allaire allègue que le Conseil a manqué à son devoir d’équité procédurale envers elle en se prononçant sur sa plainte sans tenir d’audience. Ce n’est pas le cas. L’article 16.1 du Code prévoit spécifiquement que le Conseil peut trancher une affaire sans tenir d’audience. Ici, le Conseil a considéré qu’une audience n’était pas nécessaire puisqu’après avoir pris connaissance de tous les documents fournis par les parties, il était convaincu qu’il disposait de la documentation nécessaire pour rendre une décision à l’égard de la plainte de Mme D’Allaire. Pour que cette Cour puisse intervenir sur la base d’un manquement à l’équité procédurale, il faudrait que l’absence d’audience ait eu pour conséquence de priver Mme D’Allaire de faire valoir pleinement ses droits ou de connaître la preuve qu’elle devait réfuter : Ducharme c. Air Transat A.T. Inc., 2021 CAF 34 au para. 19; Watson c. Syndicat canadien de la fonction publique, 2023 CAF 48 au para. 17. Or, il n’y a rien dans le dossier devant la Cour qui témoignerait d’une telle conséquence.
[13] Le deuxième argument de Mme D’Allaire porte sur la notion de conflit d’intérêts. Dans sa plainte, Mme D’Allaire a allégué que le syndicat avait l’obligation de dénoncer qu’il était en conflit d’intérêts parce que Mme D’Allaire et le syndicat sont des parties distinctes à la transaction. Le Conseil a examiné la conduite du syndicat et son avocat tant dans le cadre du processus d’arbitrage que dans le cadre de la conclusion de transaction. Au terme de cet examen, le Conseil a conclu que le syndicat et son avocat ont agi d’une telle façon que Mme D’Allaire savait ou aurait dû savoir que les griefs présentés en son nom étaient ceux du syndicat, que l’avocat était celui du syndicat, et que le règlement conclu avec l’employeur à l’égard de ces griefs était entre le syndicat et l’employeur même si l’avocat du syndicat a demandé à Mme D’Allaire d’en accepter les modalités. Au surplus, le Conseil a conclu qu’on ne pouvait raisonnablement conclure que le syndicat et son avocat avaient agi de manière arbitraire ou de mauvaise foi en concluant l’entente avec l’employeur.
[14] Devant cette Cour, Mme D’Allaire reprend essentiellement l’argument qu’elle a présenté au Conseil en ajoutant que l’obligation du syndicat de divulguer un conflit d’intérêts provient du fait que l’avocat du syndicat avait un mandat double de la représenter et de représenter le syndicat. Or, comme le Conseil a conclu que l’avocat ne représentait que le syndicat et que cette conclusion est raisonnable, cette Cour ne peut intervenir : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 aux para. 23, 83 et 86.
[15] Enfin, le troisième argument de Mme D’Allaire à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire est que le Conseil a refusé d’exercer sa compétence tant en ce qui a trait à la question du conflit d’intérêts que de la question de savoir si elle avait véritablement consenti au règlement avec son employeur. La Cour ne peut retenir cet argument puisque le Conseil a exercé sa compétence dans les deux cas. En cherchant à déterminer si le syndicat avait manqué à son devoir de représentation juste, le Conseil a considéré spécifiquement la question de savoir si le syndicat s’était placé dans une situation de conflit d’intérêts. En ce qui a trait au consentement de Mme D’Allaire au règlement, le Conseil a considéré le fait qu’elle avait lu et paraphé la transaction constatant le règlement avec son employeur. Encore une fois, comme la décision du Conseil est raisonnable sur ce point, cette Cour ne peut intervenir.
[16] Dans les circonstances, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire de Mme D’Allaire avec dépens.
« Nathalie Goyette »
j.c.a.
« Je suis d’accord.
|
Yves de Montigny j.c. »
|
« Je suis d’accord.
|
Gerald Heckman j.c.a. »
|
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
A-362-23
|
|
INTITULÉ :
|
FLORENCE D’ALLAIRE c. TEAMSTERS QUÉBEC LOCAL 1999
|
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Québec (Québec)
|
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 24 mars 2025
|
|
MOTIFS DU JUGEMENT :
|
LA JUGE GOYETTE
|
|
Y ONT SOUSCRIT :
|
LE JUGE EN CHEF DE MONTIGNY
LE JUGE HECKMAN
|
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 27 MARS 2025
|
|
COMPARUTIONS :
Florence D’Allaire
|
Pour la demanderesse
POUR SON PROPRE COMPTE
|
Alexis Côté
|
Pour le défendeur
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Teamsters Québec Local 1999
Montréal (Québec)
|
Pour le défendeur
|