Date : 20250501
Dossier : A-34-24
Référence : 2025 CAF 88
CORAM : |
LA JUGE GLEASON LE JUGE LEBLANC LE JUGE HECKMAN |
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ENTRE : |
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NECULAI OTOMAN |
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appelant |
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et |
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
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intimé |
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Audience tenue par vidéoconférence en ligne organisée par le greffe le 30 avril 2025.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 1er mai 2025.
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE HECKMAN |
Y ONT SOUSCRIT : |
LA JUGE GLEASON LE JUGE LEBLANC |
Date : 20250501
Dossier : A-34-24
Référence : 2025 CAF 88
CORAM : |
LA JUGE GLEASON LE JUGE LEBLANC LE JUGE HECKMAN |
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ENTRE : |
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NECULAI OTOMAN |
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appelant |
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et |
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
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intimé |
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MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE HECKMAN
[1] La Cour est saisie d’un appel d’un jugement de la Cour fédérale (la juge St-Louis) rendu le 29 décembre 2023 (Otoman c. Canada (Procureur général), 2023 CF 1766 (Otoman)). Dans cette décision, la Cour fédérale rejette la demande de contrôle judiciaire logée par l’appelant à l’encontre d’une décision (la Décision) de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (la Division d’appel) (NO c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 64).
[2] Dans la Décision, la Division d’appel a refusé à l’appelant la permission d’en appeler de la décision de la Division générale du Tribunal (la Division générale) (NO c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1589) que l’appelant ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi entre le 20 décembre 2021 et le 24 juin 2022 (la période visée), parce qu’il n’avait pas démontré qu’il était disponible pour travailler pour chaque jour ouvrable de cette période au sens du paragraphe 50(8) et de l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 [la Loi] ainsi qu’en vertu des articles 9.001 et 9.002 du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332 [le Règlement].
[3] La Division d’appel a décidé que la preuve prépondérante soutenait la conclusion de la Division générale. Cette preuve démontrait que l’appelant, qui avait cessé d’occuper son emploi de matelot parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de vaccination de son employeur, ne cherchait pas activement un emploi. Elle révélait aussi qu’il avait indûment restreint sa disponibilité en choisissant d’attendre la levée de l’Arrêté d’urgence no. 7 du ministre des Transports du Canada exigeant la vaccination contre la COVID-19 pour les employés du secteur des transports (l’Arrêté d’urgence) pour ensuite reprendre son emploi de matelot. La Division d’appel a donc décidé qu’un appel de la décision de la Division générale n’avait aucune chance raisonnable de succès au sens du paragraphe 58(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34. Par conséquent, elle a refusé à l’appelant la permission d’en appeler.
[4] La Cour fédérale a appliqué la norme de la décision raisonnable à la décision de la Division d’appel (Otoman, au para. 22). Elle a constaté, d’une part, que la seule preuve au dossier confirmait que l’appelant n’avait pas fait d’efforts pour se chercher du travail pendant la période visée et qu’il attendait que soit levé l’arrêté d’urgence, et d’autre part, que l’appelant avait confirmé devant la Cour que le dossier ne contenait aucune preuve démontrant qu’il avait fait des efforts pour chercher un emploi pendant la période visée. Elle a conclu que la Décision possédait les attributs d’intelligibilité, de transparence et de justification requis en vertu de la norme de la décision raisonnable et que, compte tenu de la preuve devant la Division d’appel, il n’y avait aucune raison qui pourrait justifier l’intervention de la Cour (Otoman, au para. 44).
[5] Dans le cadre de cet appel, la Cour doit déterminer si la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée et si elle l’a appliquée correctement. Elle doit se mettre à la place de la Cour fédérale et se concentrer sur la décision de la Division d’appel: Agraira c. Canada (Sécurité publique et protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559 aux paras. 45-47. Cela dit, lorsque la Cour fédérale a déjà répondu aux arguments avancés par l’appelant, ce dernier doit convaincre cette Cour que le raisonnement de la Cour fédérale est erroné : Banque de Montréal c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 189 au para. 4.
[6] La Cour fédérale a, à juste titre, choisi comme norme de contrôle la norme de la décision raisonnable puisque la présomption d’application de cette norme n’est réfutée ni par la primauté du droit ni par des dispositions législatives prévoyant un mécanisme d’appel ou une norme de contrôle différente : Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653 au para. 17. Ayant examiné la Décision à la lumière des prétentions orales et écrites de l’appelant, je suis d’avis qu’elle est raisonnable et fais miens les motifs de la Cour fédérale. Sur la question de sa disponibilité, l’appelant affirme au fond que s’il avait cherché d’autres emplois que celui de matelot, « une éventuelle preuve »
aurait démontré que ces emplois auraient été non convenables. Or, comme l’affirme, avec raison, la Division d’appel, l’opinion de l’appelant selon laquelle il n’arriverait probablement pas à trouver un emploi convenable ne le dispensait pas de son obligation de chercher activement du travail afin d’établir son éligibilité pour l’assurance-emploi.
[7] L’appelant a fait de nombreuses soumissions contestant la légalité et la raisonnabilité de l’Arrêté d’urgence ainsi que de la politique de vaccination qu’a mise en place son employeur lors de la pandémie de la COVID-19. Ces arguments n’ont aucune pertinence dans le cadre de cet appel, qui porte sur le caractère raisonnable de la Décision refusant à l’appelant la permission de faire appel de la décision de la Division générale qu’il n’était pas disponible pour travailler lors de la période visée et donc inéligible à l’assurance-emploi au sens des dispositions pertinentes de la Loi et du Règlement.
[8] L’appelant a aussi remis en question l’indépendance du Tribunal de la sécurité sociale et de la Cour fédérale au motif que leurs membres sont nommés par le pouvoir exécutif dont fait partie l’intimé, le Procureur général du Canada. Cet argument est dénué de mérite. L’indépendance des juges est reconnue et confirmée dans le texte de la Constitution du Canada et par la norme non écrite de l’indépendance de la magistrature : Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard ; Renvoi relatif à l’indépendance et l’impartialité des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard, [1997] 3 R.C.S. 3, 1997 CanLII 317. De plus, sous réserve d’une directive claire du législateur, l’exigence d’un décideur indépendant et impartial, un des principes fondamentaux de la justice naturelle, s’applique aux tribunaux administratifs : Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), 2001 CSC 52, [2001] 2 R.C.S. 781 aux paras. 21-22. La participation du Procureur général du Canada à titre de défendeur par défaut aux demandes de contrôle judiciaire comme celle en l’instance est prévue par le paragraphe 303(2) des Règles sur les Cours fédérales, DORS/98-16. Son rôle est de présenter un point de vue contraire à celui du demandeur et de défendre la décision de l’office fédéral visé par la demande de contrôle judiciaire, en l’espèce, la Division d’appel.
[9] Enfin, l’appelant accuse de partialité la juge de la Cour fédérale et les membres de la Division générale et de la Division d’appel. Une allégation de partialité est une allégation sérieuse qui porte atteinte à l’intégrité de la juge et des décideurs visés ainsi que de l’administration de la justice : Rodney Brass c. Papequash, 2019 CAF 245 au para. 18; Arthur c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 223, 283 N.R. 346 au para. 8. Elle ne peut reposer sur « de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d’un demandeur »
: Arthur, au para. 8. L’appelant n’a fourni aucune preuve à l’appui de ses allégations de partialité. Il n’aurait pas dû les soulever.
[10] Je rejetterais l’appel et comme il les demande et qu’il a gain de cause, je le ferais avec dépens en faveur du Procureur général.
« Gerald Heckman »
j.c.a.
« Je suis d’accord. |
Mary J.L. Gleason j.c.a. » |
« Je suis d’accord. |
René LeBlanc j.c.a. » |
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
A-34-24 |
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INTITULÉ : |
NECULAI OTOMAN c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Audience tenue par vidéoconférence en ligne organisée par le greffe |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 30 avril 2025 |
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MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE HECKMAN |
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Y ONT SOUSCRIT : |
LA JUGE GLEASON LE JUGE LEBLANC |
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DATE DES MOTIFS : |
LE 1er mai 2025 |
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COMPARUTIONS :
Neculai Otoman |
l’appelant (POUR SON PROPRE COMPTE) |
Marcus Dirnberger |
Pour l’intimé |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Shalene Curtis-Micallef Sous-procureure générale du Canada |
POUR L’INTIMÉ |