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Date : 20250528


Dossier : A-271-24

Référence : 2025 CAF 104

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

LE JUGE PAMEL

 

 

ENTRE :

 

 

ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC.

 

 

appelante

 

 

et

 

 

QUÉBECOR MÉDIA INC.

 

 

intimée

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 28 mai 2025.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 28 mai 2025.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE LOCKE

 

 


Date : 20250528


Dossier : A-271-24

Référence : 2025 CAF 104

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

LE JUGE PAMEL

 

 

ENTRE :

 

 

ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC.

 

 

appelante

 

 

et

 

 

QUÉBECOR MÉDIA INC.

 

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 28 mai 2025).

LE JUGE LOCKE

[1] En l’espèce, Rogers Communications Canada Inc. (Rogers) interjette appel d’une décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) concernant l’arbitrage d’une offre finale. Par la décision dont il est fait appel (décision de télécom CRTC 2023‑217; la décision), le CRTC a choisi l’offre de Québecor Media Inc. (Québecor), intimée en l’espèce. L’arbitrage de l’offre finale portait sur l’établissement de tarifs d’accès de gros pour les exploitants de réseaux mobiles virtuels et appelait le CRTC à opter pour l’une ou l’autre des offres des parties.

[2] Aux termes du paragraphe 64(1) de la Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, ch. 38 (la Loi), il ne peut être interjeté appel que de questions de droit ou de compétence. Rogers affirme que le CRTC a erré (i) en privant Rogers de son droit à l’équité procédurale; et (ii) en faisant fi de l’exigence prévue au paragraphe 27(1) de la Loi qui dispose que « [t]ous les tarifs doivent être justes et raisonnables » (non souligné dans l’original).

[3] Rogers affirme que son droit à l’équité procédurale a été enfreint de trois façons.

[4] En premier lieu, Rogers soulève les « ajustements » apportés par le CRTC dans son analyse sans préciser ni donner à Rogers l’occasion de présenter des observations à cet égard. Nous sommes toutefois d’avis qu’il ne s’agit pas d’un manquement à l’équité procédurale. En effet, bien que le CRTC mentionne effectivement des « ajustements » apportés aux intrants de coûts de Rogers, leur mention, étant un facteur parmi d’autres, permet simplement d’expliquer le choix du CRTC en faveur de l’offre présentée par Québecor dans l’arbitrage de l’offre finale. Le CRTC n’a pas adopté de méthodologie inattendue. Rogers n’a pas été privée du droit de connaître la preuve à réfuter et de l’occasion de présenter des observations à cette fin. Elle a présenté des observations, que le CRTC a examinées. Le CRTC n’a tout simplement pas été convaincu. Au surplus, nous ne sommes pas persuadés que les motifs rédigés par le CRTC, qui a préféré l’offre de Québecor à celle de Rogers, étaient lacunaires.

[5] En deuxième lieu, Rogers soulève le fait que le CRTC n’a pas autorisé la communication par Québecor de certains renseignements confidentiels à Rogers pour permettre aux avocats et experts de cette dernière d’en prendre connaissance et de présenter des observations supplémentaires à ce sujet. Le CRTC, dont le législateur a octroyé une large discrétion en la matière, a justifié son refus ainsi : (i) il n’était pas réaliste de la part de Rogers de penser que pareille communication n’allait pas retarder l’instruction de l’instance; (ii) la demande de communication ne respectait pas le régime applicable en matière de confidentialité et de communication; et (iii) Rogers connaissait la preuve à réfuter, même si elle n’avait pas eu la communication de certains documents, et elle n’a pas été empêchée de défendre pleinement sa cause. Il ne s’agit pas d’un manquement à l’équité procédurale. Il était loisible au CRTC de tirer une conclusion factuelle sur le ralentissement éventuel de l’instruction. En outre, les deux parties avaient acquiescé à la procédure relative à l’arbitrage de l’offre finale, et avaient donc accepté le régime applicable en matière de confidentialité et de communication. Suivant ce régime, les parties allaient présenter au CRTC des documents susceptibles d’être caviardés pour que la partie adverse ne puisse voir certains renseignements. En fait, Rogers avance devant notre Cour que le CRTC avait l’obligation de faire une exception à ses règles de confidentialité et de communication. Dans les circonstances de la présente affaire, les arguments de Rogers ne nous ont pas convaincu.

[6] En troisième lieu, selon Rogers, il était injuste pour le CRTC de refuser d’ordonner à Québecor de produire un document censément pertinent qu’elle avait déjà déposé à titre confidentiel auprès du Tribunal de la concurrence. En l’espèce, le CRTC a fait remarquer qu’il n’a pas pour pratique de donner généralement aux parties le droit de solliciter la communication de documents, et Rogers n’a pas plaidé en faveur d’une exception à cette pratique générale. Le CRTC craignait aussi que l’instance soit retardée par la production du document. Il n’y a pas de manquement à l’équité procédurale à cet égard non plus.

[7] Quant à savoir si la décision respecte l’obligation de tarifs justes et raisonnables, signalons tout d’abord qu’en l’espèce, la Cour ne contrôle pas les conclusions factuelles du CRTC : Teksavvy Solutions Inc. c. Bell Canada, 2024 CAF 121, [2024] A.C.F. n1382 au para. 12. Pour avoir gain de cause, Rogers doit démontrer l’existence d’une erreur de droit. Il ressort de son argumentaire qu’elle invoque une erreur de droit commise par le CRTC au paragraphe 15 de la décision :

[…] des tarifs « justes et raisonnables » peuvent i) inclure des tarifs qui peuvent ne pas assurer un rendement sur l’investissement immédiat ou ii) exiger à une entreprise par ailleurs rentable de subir une perte modeste ou temporaire dans un secteur d’activité alors que d’autres secteurs demeurent rentables.

[8] Or, dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada Ontario (Commission de l’énergie) c. Ontario Power Generation Inc., 2015 CSC 44, [2015] 3 R.C.S. 147, que Rogers cite au paragraphe 74 de son mémoire des faits et du droit, il est question d’un juste rendement sur les capitaux investis à long terme (voir le paragraphe 16 de cet arrêt). Les arguments de Rogers sur ce point portent sur la capacité de cette société à recouvrer son investissement à court terme et ne répondent pas à la conclusion du CRTC qui semble être d’avis que sa décision permet à Rogers d’obtenir un juste rendement à long terme. À notre sens, cette conclusion ne constitue pas une erreur de droit.

[9] Au surplus, même si l’analyse du CRTC relativement aux conséquences à court terme était défaillante, l’intervention de cette Cour ne serait pas justifiée. En effet, le CRTC mentionne au paragraphe 49 de sa décision que les éléments de preuve fournis par Rogers ne lui permettent pas de conclure que ces derniers seraient dans l’impossibilité de recouvrer ses coûts.

[10] L’appel sera rejeté avec dépens.

« George R. Locke »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-271-24

 

 

INTITULÉ :

ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC. c. QUÉBECOR MÉDIA INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 mai 2025

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

LE JUGE PAMEL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :

LE JUGE LOCKE

COMPARUTIONS

Crawford G. Smith

John Carlo Mastrangelo

 

Pour l’appelante

 

Cara Cameron

Marie-Pier Cloutier

 

pour l’intimée

 

Joshua Bouzaglou

 

pour l’intimée

par vidéoconférence

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Lax O’Sullivan Lisus Gottlieb LLP

Toronto

 

pour l’appelante

 

Woods S.E.N.C.R.L.

Montréal

 

pour l’intimée

 

 

 

 

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